LE PROBLÈME RAMOUX

Gilles-Joseph-Evrard Ramoux, né à Liège, est baptisé le 21 janvier 1750.
Il entre à 11 ans au collège des jésuites à Liège et s’y distingue par son intelligence vive et ses capacités. Il remporte les premiers prix. Au terme du collège, se destinant à l’état ecclésiastique, il suit les cours de philosophie et de théologie au séminaire de Liège.
Il manifeste certains talents musicaux et occupe au séminaire un poste de chantre. Il est doué et, en bonnes grâces, il bénéficie d’une bourse et est envoyé à Amsterdam. Le prince-évêque Velbrück le rappelle de là pour le nommer, très jeune encore pourtant, à la tête du grand collège fondé pour remplacer le collège jésuite supprimé par le pape Clément XIV.
Ramoux contribue comme principal et professeur de rhétorique à donner un lustre remarquable à cette institution.
Début 1770, Ramoux s’implique, sous le patronage de Velbrück et l’impulsion de quelques autres esprits ouverts aux idées nouvelles, dans la création d’une société littéraire et scientifique, la « Société d’Émulation », « dans le but de répandre le goût des lettres et des sciences, de populariser les connaissances utiles ; de découvrir et d’encourager les jeunes talents ».

La « Société d’Émulation » fut installée le 2 juin 1779. Ce fut Ramoux qui prononça le 18 juillet de la même année le discours inaugural pour l’installation du buste du prince-évêque.
Ramoux demeura membre actif de l’Émulation au moins jusqu’en 1784, quand il fut nommé à la cure de Glons, l’année même de la mort de son protecteur François-Charles Velbrück.
On continue de s’interroger sur les raisons de cette nomination « à la campagne », alors qu’il excellait au poste de principal et rayonnait dans les milieux cultivés liégeois.
Certains y ont vu, sans doute à raison, une marque de réprobation pour certaines dispositions et ouvertures manifestées du temps de Velbrück. Le successeur de celui-ci, le comte de Hoensbroech, appréciait nettement moins.
Comme son prince protecteur, Ramoux était franc-maçon, comme d’ailleurs d’autres esprits ouverts et novateurs à cette époque. Il serait intéressant d’analyser ce que cela a pu avoir comme incidence sur ses choix de vie et ses options politiques. A ce jour, les sources font défaut et rien ne permet d’éclairer sûrement cet aspect de la vie de Gilles-Evrard Ramoux. Il faut se convaincre cependant que le règne de Velbrück fut exceptionnel par son ouverture au grand mouvement d’émancipation de la fin du 18ème siècle. L’époque est marquée par une émancipation par rapport à la religion dogmatique. Le raisonnement et l’observation scientifique, l’instruction, une morale davantage axée sur le bonheur de l’homme, ici et maintenant, étaient à l’honneur. Liège vivait un moment de renouveau intellectuel à l’écoute des philosophes français. Velbrück protégeait le « Journal encyclopédique » et suivait les idées de progrès social ; il lisait Montesquieu et Mirabeau. Sa bibliothèque recelait des œuvres de Raynal, Diderot et d’Alembert, de Voltaire, Rousseau et Lalande. Il s’intéressait aussi bien à la littérature et aux arts qu’à l’éducation et à l’économie politique ou progrès social. Bref, proche de ce prince-évêque éclairé, Gilles-Evrard Ramoux baigna, à Liège, dans un climat de grande ouverture, de liberté intellectuelle et de tolérance. Il contribua à fonder cette Société d’Émulation dont Velbrück était le promoteur et pour laquelle celui-ci versa les premiers fonds (4.000 florins).

Devenu curé de Glons en 1784, Ramoux le restera jusqu’à sa mort survenue le 8 janvier 1826.
Pour de multiples raisons que nous n’évoquerons pas ici, il est certainement le curé le plus célèbre que la paroisse ait connu, mais aussi de toute la basse vallée du Geer.
Ramoux prit très à cœur son rôle de pasteur et s’intéressa de très près à la situation sociale et économique de ses ouailles. Il manifesta un zèle infatigable pour améliorer le sort de ses paroissiens. Il s’efforça d’extirper la mendicité, plaie endémique en milieu rural, et s’attacha à favoriser l’hygiène, e.a. en propageant la vaccine. Mais il apprit aussi la technique traditionnelle dans la vallée du Geer, de la tresse de paille. Il tenta même de l’améliorer en introduisant quelques techniques nouvelles. On n’a pas de preuve qu’il ait réellement inventé l’ « ustèye », mais il l’a apparemment fait connaître et améliorer, aidé en cela par le menuisier Henrotte et surtout par un ancien grenadier napoléonien, de Marsille, qui était resté au village de Glons après sa démobilisation et y avait trouvé femme « à son goût ».
On attribue aussi au curé une action pacificatrice importante, dans la mesure où il a toujours cherché à apaiser les nombreux conflits et procès qui minaient la vie des campagnards. Le préfet du département de l’Ourthe, le baron Desmousseaux, l’avait en tout cas surnommé le « législateur du Jaer » (Geer).
Dans cette période troublée, Ramoux joua la prudence et prêta le serment républicain, ce qui lui permit d’assurer la garde du troupeau qui lui avait été confié et d’exercer sans restriction aucune le service du culte. On avait vu déjà, son protecteur Velbrück, très ouvert aux idées des philosophes et à l’esprit de renouveau soufflant de la France.
Lorsque le calme revint sur le pays, l’évêque Zaepfell, à l’invite de Desmousseaux, lui proposa une cure « plus intéressante ». Ramoux déclina l’offre et aurait répondu « J’ai épousé la cure de Glons lorsqu’elle était riche, et je la garderai pauvre ».
Il poursuivit son activité de pasteur, avec zèle et grand cœur, tout en cultivant son amour de la musique, de la culture, de la botanique. Il fonda avec l instituteur Delvenne, un autre érudit de sa paroisse, une petite école privée où se retrouvaient quelques jeunes de familles aisées et notables de la région.

Même s’il n’a pas publié beaucoup, Ramoux semble avoir écrit pas mal. La Biogr. Nat. fait état d’un choix de diverses productions littéraires de Ramoux, pièces de poésie latine, française et wallonne « fruits d’une plume facile et élégante » que le neveu du curé, bourgmestre de Jemeppe promettait en ………….. de faire publier bientôt.
(Réf. Biogr. Nat.  RAMOUX, pp. 276-277
Le curé Ramoux meurt inopinément, « sans douleur, sans peine d’esprit ni de corps, âgé de 76 ans ». Il est retrouvé mort dans son lit le matin du 8 janvier 1826.

La tradition, reprise en chœur par tous les biographes et auteurs, rapporte que Ramoux fut enterré « sous la gouttière de la sacristie ».
Cette tradition est rapportée essentiellement par l’hebdomadaire « La Vallée du Geer » édité par François Olyff.

Comment expliquer cet apparent manque de respect, si réellement les choses se sont passées comme les a décrites Olyff ? Pourquoi, même si cela avait été le cas, n’y a-t-il aucune trace de sa sépulture ? On rapporte cependant qu’une paroissienne s’est donné pendant des années la peine de fleurir la tombe du « bon curé » qu’apparemment, elle vénérait. Ses descendants auraient continué de lui rendre cet hommage, jusqu’au jour d’aujourd’hui (jusque fin mars 2010, en tout cas).

Pourquoi, en 1836, ce silence autour des obsèques du curé Ramoux. Pourquoi aucune mention dans les archives communales hormis l’annotation obligatoire au registre d’état civil ; pourquoi aucun signal donné par les autorités communales ou même par les ecclésiastiques en fonction dans la région. Quelle était la relation des Glontois, avec leur chef spirituel ?  Quelle était, surtout, le type de relation qu’il entretenait avec les autorités communales ? Le curé, à ce qui est rapporté à l’époque, avait pourtant toujours bataillé pour améliorer la situation sociale et économique de ses paroissiens en prônant le développement de l’industrie locale de la paille et en faisant jouer en faveur de la population, ses nombreuses relations dans les milieux liégeois. C’est du moins, encore une fois, ce que choisit de rapporter le chroniqueur du journal « La Vallée du Geer ».
Il faudrait analyser plus en détails les divers éléments de la vie villageoise et les incidences des aléas politiques locaux.

La politique de l’époque, qui opposa parfois durement les catholiques et les libéraux ? La  réunion de la Belgique avec le royaume des Pays-Bas entraîna-t-il quelque divergence insurmontable ? Rappelons que sous les Français, Ramoux avait prêté le serment de fidélité à la République et de haine à la royauté. Rappelons que l’instituteur et secrétaire communal à l’époque, Delvenne et grand ami de Ramoux entretenait de bons rapports avec la Hollande. Il était d’ailleurs demeuré à son poste à l’arrivée des Hollandais, assurant la continuité de l’administration communale, alors que tous les élus locaux s’étaient esquivés à l’approche des Bataves cantonnés au fort de Maastricht. Ramoux lui-même, avait avant sa nomination à Glons, fait un séjour à Amsterdam, où il avait exercé la fonction honorifique et lucrative de chantre, désigné par le prince-évêque liégeois. Lui en aurait-on gardé rigueur ? Sans doute pas les gens simples, ses paroissiens. Mais pour ceux qui exerçaient le pouvoir au niveau local, il n’est pas impossible que cela ait pu provoquer des tensions. Tensions qui expliqueraient le « silence » après son décès, et l’indépendance de la Belgique au départ définitif des Hollandais de nos régions.
Quoi qu’il en soit, pas de traces d’une sépulture Ramoux dans le cimetière de Glons, alors que les curés, en particulier, mais aussi les bourgmestres et notables locaux tiennent en général à ce qu’après leur disparition, il reste quelque chose de leur aura et de leur passage dans la paroisse ou la commune. Certains, bien sûr, choisissaient un autre lieu de sépulture que celui de leur dernière paroisse, surtout lorsque leur famille était connue et originaire d’un lieu plus renommé et qu’ils désiraient se rapprocher du berceau de leurs ascendants.
Le curé Ramoux était issu d’une famille très en vue dans la cité de Liège. Elle aurait pu réclamer sa dépouille. Mais il n’y a pas de mention d’un fait semblable dans la presse de l’époque ou dans les archives locales.

Des auteurs exprimèrent l’idée que l’on aurait, par la suite, exhumé sa dépouille pour la transférer dans un endroit plus « convenable » du cimetière. Cette hypothèse paraît de prime abord quelque peu osée car aucune trace d’un « transfert » n’a pu être découverte dans les archives ni dans le cimetière lui-même. Deux sites internet consacrent une brève mention au pastorat du curé Ramoux à Glons et indiquent erronément qu’il aurait été inhumé « au coin de son jardin » d’où on l’aurait exhumé plus tard pour lui rendre honneur. Pas d’indication pourtant, de l’endroit où il aurait trouvé le repos définitif, ni des sources sur lesquelles on s’est basé pour affirmer la chose.

Toujours est-il qu’au début du 20ème siècle, la rumeur publique s’indigna du sort misérable qui avait été réservé à ce curé remarquable. Cette indignation vint cependant bien tard : il y avait déjà 84 ans que Gilles-Joseph Ramoux était mort et enterré…

Un comité de notables fut mis en place, animé surtout par un politicien local, directeur d’un journal(1), Frans Olyff, secondé d’ailleurs très rapidement par des personnalités liégeoises connues.
Ont-ils tenté quelque recherche afin d’éclairer le mystère Ramoux ? Nul ne le sait. Olyff, de son côté, avait cependant les moyens de le faire. Son hebdomadaire montre à suffisance qu’il est très bien informé de la réalité locale. Il dispose à coup sûr de relais politiques, puisqu’il est lui-même député provincial. Olyff réussit à mettre en branle un mouvement qui aboutira, après moult souscriptions et démarches, à une démonstration importante pour honorer la mémoire bafouée du curé Ramoux. Curieusement les paroisses flamandes de la région voisine participent allègrement, parfois davantage que les wallonnes. Il est vrai que c’est de Hasselt, siège du journal d’Olyff, que part le mouvement.

Le dimanche 28 août 1910, toute la région glontoise est envahie de monde. C’est la liesse, pour fêter la mémoire du « Bon Curé Ramoux ». Une plaque commémorative est scellée dans le mur nord de la tour de la vieille église.

En souvenir, Liège a donné le nom de Ramoux à l’une de ses rues. Bassenge et Glons avaient fait de même. A la fusion des communes, la rue Ramoux, à Bassenge, devient la rue de la Paille. Il semblerait que le Droit Thier à Roclenge avait aussi reçu la dénomination de « rue Ramoux ». Après la fusion des communes et la création du « grand Bassenge », Glons garde l’appellation. A Emael, on crée la société des « Chapeliers de la Vallée du Geer ».


 

A LA RECHERCHE DE LA SÉPULTURE DU CURÉ RAMOUX.

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Localisation.
Selon Olyff : « sous la gouttière de la sacristie ».
L’occasion fournie par la création de nouvelles cellules d’inhumation, après la restauration par la commune de l’ancienne sacristie, permettait d’explorer l’endroit visé, pendant le creusement même des nouveaux caveaux projetés.

L’excavation prit deux bons mois. Elle se situe le long du mur nord de la sacristie, en ce compris le coin nord-est de celle-ci. Elle couvre une surface de 15m2 et atteint le sol vierge vers les 3,20m de profondeur par rapport au niveau du sol actuel.
Dans cet espace relativement restreint, on a découvert pas moins de 47 squelettes complets et « agencés », et au moins autant de corps complètement perturbés, dont les ossements ont été déplacés complètement ou en partie par les inhumations successives au fil du temps. Un véritable travail archéologique a été réalisé sur ces dépouilles, soigneusement recueillies et annotées avant leur « ré-inhumation » dans un ossuaire établi pour la circonstance.

D’une manière assez générale, les inhumations les plus récentes, 19ème et 20ème s., étaient disposées soit parallèlement au mur nord de la morgue, soit perpendiculairement à celui-ci. Les tombes les plus anciennes, creusées avant l’érection de la morgue, étaient orientées ouest-est selon les vieilles traditions mérovingienne et carolingienne.
Nous n’entrerons pas ici dans le détail du travail archéologique. Un rapport de fouille détaillé a été publié, qui sera présenté au printemps prochain dans le cadre plus général d’une ouverture à l’histoire locale de Glons. Le site en vaut en effet la peine. Les éléments y découverts attestent d’une présence romaine à proximité immédiate, et –on le savait déjà- de restes de l’époque mérovingienne et carolingienne

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La coupe montre la structure des fondations du mur nord de la sacristie (18ème siècle), composé principalement de gros blocs de tuffeau de bonne qualité. On y voit aussi des inclusions de briques de campagne et une marque  Ψ   de carrière. Enfin, nous constatons l’emploi de quelques moellons de grès et de calcaire d’origine romaine ainsi que des inclusions de quelques fragments de briques de campagne. Ce cordon a été établi afin de reprendre un manque d’horizontalité des lits de tuffeau. L’ensemble est lié au mortier de chaux de bonne qualité.

Un rapide coup d’œil sur le plan nous montre 2 grands types d’orientation :

  • Les squelettes sont soit inhumés en parallèle ou à la perpendiculaire des murs de la sacristie.  Ce sont en principe les plus récents (18ème au 20ème s.). Les ossements son bien conservés, des traces de cercueils sont encore parfois visibles, des poignées en fonte sont présentes ainsi que des garnitures de couvercle. On trouve parfois quelques boutons en verre, des perles de chapelets, des médailles.
    Les cercueils un peu plus anciens donnent des clous et des poignées en fer forgé.
  • D’autres corps sont plus orientés ouest-est. C’est une pratique traditionnelle en usage après la chute de l’empire romain, jusqu’au Moyen Âge. D’une manière générale, on peut dire que ces squelettes seraient les plus anciens.
    L’usage des poignées de cercueils disparaît. La longueur des clous forgés a tendance à augmenter et tout mobilier est absent. L’état de conservation des squelettes se dégrade. Proche du sol vierge, les squelettes sont devenus irrécupérables. On ne devine plus que des silhouettes de corps. Les clous forgés ont presque disparu. Les défunts étaient-ils ensevelis dans un linceul ?
  •  Mais pas d’indice sérieux quant à la présence de la sépulture du curé Ramoux en ce lieu. Se trouverait-elle ailleurs ? Dans la crypte des curés, par exemple ?

 

 

LA CRYPTE DES CURÉS

Le curé Jean Peters, né à Glons, à la ferme de Brus le 5 août 1657, devint curé de son village en 1686 et le resta jusqu’à sa mort survenue en 1733. Il fit réaliser divers agrandissements dans son église, notamment la construction d’une sacristie derrière le chœur réaménagé. Il fit construire pour lui et ses successeurs un caveau situé dans l’avant-chœur. Aujourd’hui, un monument quadrangulaire en forme e stèle se trouve à 5 mètres de la façade ouest de la sacristie (devenue morgue après la démolition de l’église et jusqu’à l’abandon du cimetière). Cette stèle a été érigée après la destruction de la vieille église, donc après 1902. La dernière inhumation qui eut lieu dans ce caveau est celle de J.J. Honhon, en avril 1916 (Ici Repose Monsieur l’abbe JJ Honhon decede à Gand le 27 avril 1916 a l’âge de 79 ans).
S’y trouvent encore inscrits les noms des curés Froidthier et des abbés Jean Peters et Lambert Jamblin, mais cela ne veut pas dire que ces curés s’y trouvent ensevelis. La stèle veut simplement mettre à l’honneur les curés dont les noms s’y trouvent inscrits. Il ne s’agit pas d’une pierre tombale nominative, même si elle surmonte le caveau des curés. Les inscriptions semblent de la même graphie. Elles pourraient donc dater de 1916 ou plus tard, en tout cas après le décès de J.J. Honhon.

Le mémorial ne fait pas allusion au constructeur de la crypte qui est Jean Peters, mort en 1733 mais mentionne un autre Jean Peters, de la même famille. Ce dernier fut professeur au petit séminaire de Saint-Roch à Ferrières.
Quel rapport y a-t-il entre les noms gravés sur le monument et les dépouilles se trouvant dans le caveau ?

Nous savons qu’en 1972, à la suite d’un affaissement de terrain lié à la dégradation d’une partie de la voûte de la crypte, le bourgmestre de l’époque, Jean Cloes, fit procéder à la réparation de celle-ci. La crypte ouverte, monsieur Cloes tint à contrôler personnellement l’existence d’un indice qui aurait permis de localiser la bière du curé Ramoux.
La crypte contenait, à première vue et selon le témoignage de Jean Cloes, 4 corps. L’indice recherché ne fut pas découvert. La voûte réparée, on referma le caveau. Les travaux furent réalisés par Joseph. D. (décédé entretemps) et son fils Fernand, dont les souvenirs sont trop vagues aujourd’hui.
En 2010, nous ne sommes guère plus avancés. Nous n’avons pas de plan, pas de description de la crypte ni des cercueils.
En accord avec Josly Piette, bourgmestre de Bassenge, nous décidons de l’ouvrir, d’en faire plans et photos et d’examiner une fois pour toutes son contenu.

 

 

Ouverture de la crypte.

Le 3 mai 2010, dans la matinée, la dalle de couverture en béton, posée horizontalement sur l’escalier d’accès, recouverte seulement de 10cm de gravier, est rapidement enlevée.
L’escalier se compose de marches étroites, irrégulières, de 15 à 20cm de large et de hauteur variant entre 30 et 40cm. Il est construit en tuffeau, un léger enduit d’argile et chaux est appliqué sur les contremarches. La cage d’escalier mesure 73cm de large. La crypte forme un espace de 2,75m sur 2,38m. Le sol est composé de briques posées à plat, liées au mortier de chaux. La cellule présente une voûte en berceau légèrement surbaissée de 1,80m de hauteur maximum. L’épaisseur de la voûte construite en briques de qualité médiocre, peu ou mal cuites, est estimée à 20cm. Les murs intérieurs et la cage d’escalier sont couverts de 4 à 5mm de plafonnage fort peu dégradé, composé d’argile et de chaux.

Un examen rapide de l’espace montre la présence de 2 cercueils en zinc, mais aussi d’un grand désordre. Des ossements jonchent le sol, en mélange avec des lambeaux de soutanes, de « briquaillons », de terre. L’ensemble est complètement bouleversé.

En 1972, lors de la réfection de la voûte (une surface de 1,40m x 0,60m), les maçons ont dû faire peu de cas de ce lieu de repos car des détritus résultant de la reconstruction de la voûte ou peut-être de l’effondrement antérieur, n’ont pas été enlevés.
Nous avons nettoyé la crypte, éliminé tous les gravats, rassemblé les ossements épars, réalisé plans et photos.

Coup d’œil général sur l’inventaire de ce caveau :

  1.  L’espace entre le cercueil central et le mur sud est occupé par un squelette complètement bouleversé, empêtré dans des lambeaux de soutane. Le squelette est incomplet.
  2. L’espace centre-sud présente un autre crâne et des fragments de squelette épars, parmi des « briquaillons » et morceaux de bois pourris.
  3. Nous avons récolté une croix en métal (10 x 5cm), une boucle ou fermoir en cuivre partiellement argenté, qui pourrait provenir d’une reliure de missel car quelques lambeaux de cuir tiennent au fermoir, et du textile.
  4. Nous avons conservé 1 des 6 poignées de cercueil identiques en métal coulé, et un cabochon conique (diamètre 35mm et hauteur 35mm) qui garnissaient le couvercle d’un cercueil en bois, aujourd’hui disparu.
  5. Deux autres poignées en fer forgé, de facture plus ancienne, ont été recueillies au même endroit. Nous en avons conservé une.

Les cercueils

1. Un premier cercueil en zinc occupe l’espace central. Il est posé sur 2 murets en briques de 70cm x 36cm et 50cm de hauteur.  
Son profil est pentagonal. Ses dimensions maximales, prises au niveau des membres inférieurs sont de 30cm x 30cm ; sa longueur est de 1,85m.
Il était introduit dans un cercueil en bois dont il reste quelques planches pourries, tombées sur le sol. Le fond du cercueil en zinc est complètement décomposé et laisse choir la dépouille partiellement entravée dans les restes d’une soutane. Nous avons recueilli quelques fragments d’étoffe, un bas en laine et un soulier, à des fins d’analyse éventuelle.
Le crâne, bien conservé, a gardé une belle denture. Les deux poignées en fer forgé pourraient appartenir à ce cercueil.

2. Un second cercueil en zinc, à l’origine, également glisse dans un autre en bois dont il reste quelques traces, reposait sur 2 supports en bois, contre le mur nord de la crypte.
Le profil est de forme octogonale. Il mesure 51cm de large sur 39cm de haut. Sa longueur est de 2,06m. Une croix est posée sur le couvercle.
L’examen du coffre permet de penser qu’il est plus récent que le premier.

Nous avons constaté que nous étions en présence de quatre corps et de quelques os longs supplémentaires. Chose étonnante et qui ne simplifie pas notre étude. Un appel auprès de la cellule archéologique liégeoise pour obtenir l’avis et l’analyse d’un anthropologue n’aboutit malheureusement pas. Mais une démarche a été faite pour obtenir l’une ou l’autre datation au Carbone 14, démarche aboutie, dont on attend les résultats.
A l’issue de ces recherches et travaux, nous avons replacé tous les ossements dans la crypte.

Dernier détail intéressant : dans l’escalier qui mène à la crypte, dans la paroi sud proche du sommet, Freddy Close a découvert une inscription, un texte gravé à la pointe sèche dans le mortier de couverture encore frais. Malgré une graphie qui ne manque pas de qualité, le texte demeure difficile à déchiffrer. Dommage ! Elle aurait peut-être pu donner une indication utile.
Il est question de « Gille Gony ». La dernière ligne se termine par « le … »  comme si on avait voulu annoncer une date. Est-ce l’artisan maçon ou plutôt le plafonneur qui a voulu signer et dater son ouvrage ?

Qui est enterré dans la crypte des curés ?
Le curé Ramoux s’y trouverait-il ?

Le cercueil le plus récent.

Le cercueil en zinc, en très bon état, placé contre la paroi nord, est certainement le plus récent. Il doit appartenir à coup sûr à J. J. Honhon, ramené de Gand où il est décédé le 27 avril 1916.
De toute manière, la face sud de la stèle plantée au-dessus de la crypte indique bien : « Ici repose l’abbé J.J. Honhon »
Si J.J. Honhon est inhumé contre la paroi nord du caveau, c’est que les autres places, y compris la place centrale, étaient occupées en 1916.
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Interprétation concernant les curés ensevelis dans la crypte.

1/ Jean Peters, curé de 1686 à 1733.
Décédé le 20.10.1733 à l’âge de 76 ans.
Est enterré dans la crypte.
La logique voudrait que la place d’honneur soit attribuée à celui qui a fait construire « pour lui et ses successeurs » ce caveau : le curé Peters. Selon J. Lesire, qui cite ici le registre de Leblanc, le curé Jean Peters « fut inhumé dans l’avant-choeur de l’église, dans le caveau qu’il avait fait construire pour lui et ses successeurs » (2).

2/ Guillaume Vivario, curé de 1734 à 1746.
Décédé le 17.11.1746 à l’âge de 49 ans.
Est enterré dans la crypte.
Le curé Leblanc affirme à propos du curé Vivario :  Les excès de la guerre le mirent au tombeau le 17 novembre, l’an 1746, n’étant âgé que de 49 ans et n’ayant été curé ici que 13 ans. Son corps a été enterré dans le caveau que son prédécesseur avait fait faire dans l’avant-chœur »(3).

3/ Beaudouin Leblanc, curé de 1747 à 1769.
Décédé le 16.07.1769 à l’âge de 56 ans.
Est enterré dans la crypte.
Joseph Lesire affirme : « Mort à Glons le 16 juillet 1769, à l’âge de 56 ans […] il fut inhumé dans le caveau de l’avant-chœur de l’église. »(4).
Il n’y a plus d’espace disponible dans la crypte.

4/ Antoine Thomas Lebrun, curé de 1770 à 1784.
Décédé le 16.03.1784 à Liège.
N’est pas enterré dans la crypte.
De son successeur, le curé Antoine Thomas Lebrun, on sait avec certitude qu’il fut inhumé à Liège, où il mourut le 16 mars 1784, à 54 ans. Celui-ci n’avait d’ailleurs guère résidé dans sa paroisse, même s’il y avait officiellement sa demeure, établie dans la maison bâtie par le curé Jean Peters.

En résumé, tablant sur les recherches et archives actuellement disponibles, on peut établir que le caveau des curés a servi de sépulture, successivement à :

  • Jean Peters, décédé le 20.10.1733.
  • Guillaume Vivario, décédé le 17.11.1746.
  • Beaudouin Leblanc, décédé le 16.7.1769.
  • Jean-Jacques Froidthier, décédé le 16 décembre 1855. C’est en tout cas ce qu’affirme Joseph Lesire(5), sans malheureusement citer ses sources. Nous n’avons donc pas ici de certitude absolue. On sait que le nom de Froidthier figure sur la stèle érigée en l’honneur de « tous les curés » de Glons.

    La logique voudrait que le curé, Gilles-Joseph-Evrard Ramoux, décédé le 8 janvier 1826, presque 20 ans avant Froidthier, y fût inhumé également, puisque le dit caveau était prévu pour les successeurs de Jean Peters. À l’époque du décès de Ramoux, il n’en fut rien cependant, en tout cas dans un premier temps.
  • Un autre ecclésiastique, Glontois d’origine, y trouvera sa sépulture, J. J. Honhon, mort à Gand, le 27 avril 1916 et transféré à Glons, dans son cercueil de zinc. Voilà déjà cinq « locataires » confirmés, du caveau des curés.(6)
  • Il reste encore l’hypothèse, qu’avant 1916, plus précisément vers 1910, on ait « transféré », comme certains aimeraient à le croire, les restes de la dépouille de Ramoux dans cette même crypte. Nous n’avons cependant aucune indication concrète à ce propos, pour l’instant.

 

Pour vider le problème, procédons par élimination, pour ce qui est des curés suivants, dont les sépultures sont connues :

    • Gérard Maloir (curé à Glons de 1826 à 1828) meurt à Emael. Il n’eut pas le temps de s’installer à Glons.
    • Hubert-Joseph Jacquemotte (curé de 1828 à 1835), décédé à Liège, fut inhumé à Crisnée (7)
    • Eustache Onclin (curé de 1856 à 1868) est inhumé au pied de la tour, face ouest. Sa tombe s’y trouve toujours.

Les noms indiqués sur la stèle ont pu induire en erreur. Ils ne renvoient pas à une inhumation dans la crypte ! La stèle, postérieure à 1902, se veut un hommage aux curés de Glons, présents ou non dans la crypte. Pourquoi seulement à certains et non à d’autres ? Nous l’ignorons. Le nom du constructeur même de la crypte ne figure d’ailleurs pas sur la stèle(8). On sait aussi que J. J. Honhon, le dernier à y être inhumé en 1916, ne fut même pas curé à Glons.

Des témoignages oraux apportent par ailleurs quelques éléments qui à défaut d’être complémentaires pourraient cependant relancer les interrogations. Ceux-ci ne sont pas toujours vérifiables, même s’ils semblent tout à fait vraisemblables. Un de ces témoignages, malheureusement indirect, relance l’interrogation à propos de la sépulture de Ramoux. Ici s’arrête cependant l’observation méthodique et pragmatique de l’archéologue qui ne veut et ne peut avancer dans ses investigations en se basant sur des témoignages de bonne foi.

J. J. Honhon, le dernier inhumé de la crypte, avait été le parrain de la grand-mère de Jeanne Lavet-Barbe. Celle-ci rapporte le témoignage de son aïeule, qui avait toujours affirmé avec une fierté manifeste que son parrain reposait tout à côté du « bon curé » Ramoux. Jeanne affirme spontanément que le cercueil de J. J. Honhon avait été placé à gauche de celui de Ramoux qui se trouvait « sur un muret » au centre de la crypte.
Jeanne n’a jamais vu le caveau, même à l’heure qu’il est. Sans se poser d’autres questions, elle rapporte simplement ce que sa grand-mère lui a dit. Celle-ci a peut-être assisté à l’enterrement de son parrain fin avril 1916 et a pu observer ce qu’elle a décrit dans la suite et qui l’a marquée.
Cela ne veut pas dire pour autant que le cercueil du centre était bien celui du curé Ramoux, mais ce témoignage nous rapprocherait beaucoup de l’époque où pourrait avoir eu lieu le « transfert » tellement mystérieux de la dépouille de Ramoux vers « un endroit plus convenable ». On sait que c’est en août 1910 qu’aboutissent les efforts d’Olyff et qu’il parvient à organiser les festivités déjà évoquées autour du personnage de Gilles-Joseph-Evrard Ramoux.
J.J. Honhon est inhumé dans le dit caveau en 1916, soit 6 ans après l’hypothétique transfert et les festivités autour de Ramoux. Il n’est pas impossible que la vieille dame ait assisté, et au transfert de la dépouille du curé Ramoux (ou de ce qui en restait), et à l’inhumation dans le même caveau, tout a fait confirmée, celle-là, de J. J. Honhon, son parrain de baptême.

J. Peters, arrière-neveu de Jean Peters, mort en 1918, n’est pas inhumé dans le caveau, pas plus que Lambert Jamblin mort en 1919. Il n’y aurait d’ailleurs plus eu de place pour un cinquième et un sixième cercueil, en tout cas, si les 4 premiers étaient encore entiers. Rien n’était prévu pour un empilement des cercueils. Celui de J. J. Honhon reposait sur un simple « brancard » de bois, comme sans doute aussi ceux de droite ; celui du centre, sur deux petits murets de briques enduits de plâtrage.

La présence du second cercueil en zinc pose aussi question. Celui-ci a mis à la place d’honneur, au centre de la crypte, à la place « réservée » à celui qui fit construire l’édifice.
Or on sait que l’application industrielle du zinc ne débuta qu’au milieu du 18ème siècle dans les grands centres et encore bien plus tard, ailleurs.

Il est donc impossible que ce cercueil en zinc actuellement placé au centre de la crypte soit celui du curé Jean Peters, mort en 1733 et nécessairement inhumé dans un cercueil en bois. Celui-ci devait être déjà totalement décomposé, lorsqu’on a rouvert le caveau, vers 1910 ou 1916.
Logiquement, la « place d’honneur » libérée, les ossements restants de Jean Peters ont pu être rangés contre la paroi sud de la crypte, et la place utilisée pour un autre cercueil.

Le curé Vivario, inhumé dans le caveau des curés en 1746 n’a probablement pas bénéficié déjà d’un cercueil en zinc, même si on ne peut l’exclure tout à fait.
Alors qui était l’occupant de ce cercueil en zinc placé en lieu et place de celui, désintégré, de Peters ?
Il reste trois possibilités, du moins si on tient pour acquis que la dépouille de Froidthier se trouve également dans le caveau : Froidthier, Vivario ou Ramoux…
Cependant un problème se pose. Si Ramoux a réellement été inhumé en pleine terre « sous la gouttière de la sacristie » et s’il y est resté dans un simple cercueil de bois, pendant 84 années (de 1826 à 1910), il ne devait pas demeurer grand-chose de sa dépouille.
Par contre s’il a pu bénéficier d’un cercueil en zinc dès sa mise en bière, le problème de la conservation se pose différemment. Certains diront peut-être que la dépouille de Ramoux a pu être placée dans un cercueil de zinc seulement lors de son transfert de la sacristie vers le caveau. Dans ce cas on s’expliquerait mal son état de conservation vu le séjour antérieur en pleine terre. Ce corps, actuellement au centre de la crypte, est en effet relativement bien conservé, malgré l’éventration, sans doute assez récente, du cercueil et la chute d’une partie des ossements à travers le fond. Ce corps possède une dentition assez remarquable, très bien conservée. Vivario n’avait que 49 ans à son décès ! Ramoux était nettement plus âgé !

Signalons encore, pour être complet, que nous n’avons trouvé aucune trace de cercueil en zinc dans le locus1. Par ailleurs, nous n’avons pas trouvé de référence sûre quant à l’utilisation du zinc dans notre région avant la seconde moitié du 19ème siècle. Au 20ème siècle, c’était le menuisier du village qui réalisait, par soudure, le cercueil en zinc.

Il resterait théoriquement, pour faire la lumière sur la sépulture de Ramoux, la possibilité d’une datation au carbone14. La marge d’imprécision serait dans le cas présent d’environ 40 années. En fait, dans l’hypothèse où la question se limitait à savoir s’il s’agit, dans le cercueil central, du corps de Ramoux ou de celui de Vivario, la datation au carbone14 pourrait éclairer notre lanterne. Vivario est mort en 1746 ; Ramoux en 1826. Ceci annihilerait la fameuse marge d’erreur. Mais il y a encore la possibilité « Froidthier », mort en 1855. La marge d’erreur de 40 ans remettrait à nouveau tout en question.

De prime abord, il est étonnant que, dans les archives, il ne soit fait nulle part mention, ni du transfert de la dépouille dans le caveau, ni des circonstances qui l’ont entouré.
Mais ce transfert de sépulture a pu paraître normal, voire évident, en 1910, après le vibrant hommage « à retardement », rendu au bon curé Ramoux devant quelque 4000 participants. Pourquoi en faire mention dans les archives ?
Après coup, on n’a plus accordé tant d’importance au fait, dont le souvenir s’est progressivement estompé.

Peut-être est-il encore d’autres sources à explorer pour tenter de mieux cerner notre personnage Ramoux et l’époque de son pastorat à Glons entre 1784 et son décès en 1826.
Si les archives communales de Glons ne fournissent rien d’intéressant, celles de la paroisse de Glons ne sont malheureusement pas plus prolixes. Il serait utile –on se propose de le faire- d’éplucher certains éléments d’archives qui se trouveraient à Liège. Des lettres personnelles de Ramoux se trouvent aux Chiroux. D’autres éléments de correspondance, à la bibliothèque de l’université de Liège. Le curé Ramoux, homme de grande culture s’était intéressé aussi à la botanique, à la littérature wallonne, française et latine ; il était musicien et compositeur. Mais ce qui éclairerait davantage notre lanterne, c’est de remettre la main sur tout ou partie de sa bibliothèque personnelle qui a quitté Glons, après son décès.
Un neveu du curé Ramoux s’était proposé de publier certaines de ses œuvres, quelques années après sa disparition. Il n’en est malheureusement rien advenu. Qui plus est, cette bibliothèque s’est elle-même égarée au fil des successions, sans laisser de traces, ce qui restreint singulièrement le champ d’investigation.

Quelquefois le hasard réserve des surprises. On pourrait tenter une recherche par le Web. Peut-être dans quelque grenier dorment de vieilles paperasses qui semblent n’intéresser que les souris. Si le coup de pouce du découvreur pouvait les ramener à la surface, pour le plus grand bonheur de ceux qui désirent en savoir davantage sur l’homme Gilles-Joseph Evrard Ramoux et ce qui a motivé et orienté son existence et son action, pendant son long pastorat de 42 ans à Glons.

Cet homme était prêtre et franc-maçon. C’était un intellectuel, littérateur, poète et musicien, mais préoccupé par l’économie locale et le bien-être de la population rurale. Il avait été directeur d’une école supérieure à Liège, « exilé » à la campagne parce qu’il s’était montré trop ouvert aux idées nouvelles. Esprit éclairé, il partageait certains idéaux de la Révolution. mais il animait une petite école privée et un internat pour des enfants de « bonne famille » de la région, avec son ami Delvenne (instituteur, secrétaire, organiste  et auteur d’une « Biographie des Pays-Bas ».
On l’a dit « pacificateur des bords du Geer » parce que faisant fis des manies processionnaires de l’époque, il avait cherché à réduire disputes et conflits entre ses paroissiens. Il avait semble-t-il investi beaucoup d’énergie pour relancer l’industrie du tressage de la paille en vallée du Geer, tout en veillant, dans sa paroisse à remplir avec assiduité tous les devoirs de son état.
Personnage étonnant, curieux, contradictoire peut-être, à la croisée de deux régimes, à la croisée de deux nations, ancré dans sa religion mais esprit ouvert en attente de nouvelles aires de pensée et d’action.  Mardi 11 janvier   A SUIVRE


Documents à intégrer.
(Viennent d’Internet !  A vérifier !!!)
Le professeur Chênedollé prononça son éloge funèbre. Il est surprenant de constater que la commune de Glons, dont il avait fait la prospérité par son invention, l'enterra au coin de son presbytère, sous la gouttière de la sacristie. On l'exhuma plus tard pour lui donner une sépulture plus décente, mais on ignore aujourd'hui où se trouve sa tombe.
Glons s'efforça de réparer son ingratitude et fit poser le 18 Août 1910 une plaque commémorative, qui subsiste toujours sur la tour de l'ancienne église de Glons indique :
A LA MEMOIRE DE GILLES EVRARD JOSEPH RAMOUX, LITTERATEUR, BOTANISTE ET MUSICIEN. FONDATEUR, DE LA SOCIETE LIBRE D'EMULATION, PRINCIPAL AU GRAND COLLEGE DE LIEGE. BON CURE DE GLONS DE 1783 à 1826.


A consulter :

Biographie du royaume des Pays-Bas: ancienne et moderne, ou ..., Vol. 2

 Par Mathieu Guillaume Delvenne

Georges de Froidcourt
Biographie nationale T. XXVI, pp. 523 et suiv.
publiée par l'Académie royale des sciences, des lettres et des
Beaux-arts de Belgique, Bruxelles, 1897.*
*Georges de Froidcourt.*

*Jos. Daris, * */Histoire du diocèse et de la principauté de Liège
/(Liège, 1868), t. I/ : François-Charles de Velbruck, /p. 261 et suiv. -
Reynier, /Éloge de feu Son Altesse Céléissime Monseigneur
François-Charles des comtes de Velbruck/ (1785)/. - /J. de Theux, /Le
chapitre de Saint-Lambert /(Bruxelles, 1872), vol. IV, p. 49. -/ /Paul
Harsin, /Velbruck, sa carrière politique et son élection à l'épiscopat
liégeois /(La Vie wallonne, déc. 1924 et janvier 1925). -/ /Paul Harsin,
/Velbruck, le prince, l'évêque /(La Terre wallonne, mai, 1929, p. 70). -
Ophoven, /Continuation du Recueil héraldique des Seigneurs bourgmestres
de Liége /(1783), p.207 et suiv./ -/ Th. Gobert, /Liège à tra/vers /les
âges/, vol. V, p. 499 et s. - J. Kuntziger, /Essai historique sur la
propagande des Encyclopédistes Français en Belgique au XVIII^e siècle
/(Bruxelles, Hayez, 1879)./ - /Henri F'rancotte, /La propagande des
Encyclopédistes français au Pays de Liège / (Bruxelles, Hayez, 1880). -/
/Nic. Jos. Devaux, /Histoire civile et ecclésiastique du Pays de Liège
/(manuscr. à l'Université de Liège). - Jules Helbig, /Éloge académique
du Prince Velbruck /(1881). -/ /Georges de Froidcourt, /
François-Charles, comte de Velbruck, prince-évêque de Liège, Franc-maçon
/(Liège, * *1936).*


Qui était vraiment G.E. Ramoux ?

Du point de vue de la critique historique qui devrait, seule, nous guider dans notre interrogation à propos du curé Ramoux, diverses remarques et questionnements s’imposent.

1 -        Pourquoi s’interroge-t-on quant à sa sépulture ? Pourquoi n’aurait-il pas été enseveli tout simplement comme ses prédécesseurs, soit dans le cimetière de Glons, soit comme d’autres, dans leur lieu d’origine ?  En fait on n’a aucune certitude, à l’heure présente, quant à sa sépulture.
            A-t- il été enseveli dans une discrétion voulue ? On n’en sait rien. Les gens, à l’époque de son décès attendaient-ils autre chose ? A-t-il finalement bénéficié à son décès de moins d’attention que ses prédécesseurs ? Il n’a pas eu, semble-t-il, de belle pierre tombale ou de mausolée… N’avait-il pas décidé lui-même qu’il en serait ainsi ?
2 -        Pourquoi cette interrogation si longtemps après son décès quant à sa sépulture ? Mort en 1826, c’est seulement 84 années après qu’on cherche à lui rendre des honneurs…
Mais, qui veut ces « honneurs » et pourquoi ?
3 -        Quelle était « l’image de marque » du curé Ramoux auprès de ses paroissiens ?
Quels témoignages objectifs en a-ton gardés ?
Quelles sont les sources objectives où ont puisé ceux qui ont voulu « réhabiliter » sa mémoire ?
Tout d’abord, était-ce nécessaire de « réhabiliter » sa mémoire ? Avait-il « démérité » de quelque façon ?
4 – Qui était finalement ce personnage, dans ses fonctions diverses, comme pasteur de Glons, comme littérateur, comme ancien directeur d’une école réputée, comme compositeur, comme botaniste ?

Il faut reprendre systématiquement ces divers aspects et méthodiquement analyser les origines et le milieu de vie de Ramoux, son environnement intellectuel, politique, religieux.

Fils de bonne famille, aisance matérielle, éducation soignée, relations dans le « beau monde ». Il a, en début de « carrière », le soutien absolu du prince-évêque Velbruck : nomination à un poste « intéressant » et convoité à l’étranger (Rotterdam). Devient très jeune directeur d’une école qui doit, dans l’esprit du prince-évêque, remplacer la célèbre école des Jésuites fermée par décret. Il est franc-maçon, esprit ouvert, de grande culture, intéressé par le social, novateur et curieux, artiste. Il est cofondateur de la renommée société « d’Émulation ». Intérêts éclectiques qui vont du social, à la botanique, de la composition littéraire à la musique et à la chanson.
Il est intéressant de relever qu’on sait beaucoup moins de choses sur son pastorat, du moins dans l’état actuellement accessible de la documentation disponible, que de ses intérêts et passions pour la composition, pour la musique et la botanique. S’il a peu laissé d’écrits, ses compositions musicales, son apport à la recherche en botanique ont fait l’objet d’échanges épistolaires et de contacts multiples. Malheureusement, sa famille qui a rassemblé après son décès notes, correspondance et compositions, n’a jamais mis en œuvre le projet qu’elle s’était fixé d’une publication exhaustive…

Reprenons donc l’un après l’autre les diverses facettes de Gilles Evrard Ramoux et épinglons le plus objectivement possible ce qui est matériellement certain, après critique des sources.

  • Ramoux comme curé
  • Ramoux dans son rôle « social »
  • Ramoux comme compositeur et artiste
  • Ramoux comme botaniste et scientifique
  • Enfin, last but not least, quelle est l’incidence du « Ramoux-franc-maçon » sur toutes les autres facettes du personnage ?

Ramoux comme curé.
Que sait-on ?
Pas grand-chose à vrai dire.
Il n’est resté aucun de ses sermons. Il aurait cependant laissé pas mal de notes concernant Glons et les environs. Notes qui n’ont pas été publiées et qui sont retournée à sa famille, avec toute sa bibliothèque, après son décès. Un de ses neveux s’était plus ou moins engagé, semble-t-il à faire paraitre tout ou partie des « œuvres » de Gilles Ramoux. Il n’en advint rien cependant, et on ne sait pas aujourd’hui ce qu’est devenue la riche bibliothèque du curé.
Il n’est pas resté (pour autant que l’on sache) de mémoire, de chronique de son pastorat. On ne connait pas de commentaires contemporains qui le concernent, en tout cas dans sa fonction de curé de paroisse. Il est de notoriété publique que les autorités civiles, en accord avec l’autorité religieuse, pendant la période française, cherchent à le « promouvoir », à lui rendre certains honneurs pour récompenser ses mérites (promotions proposées à des cures plus « riches » plus honorifiques, comme les paroisses de

Mais est-il jugé là dans sa fonction de pasteur, de « gérant » de la paroisse ou de son rôle au niveau social et « politique » au sens noble du terme.

Ramoux dans son « action sociale » [ses contacts locaux, ses relations à Liège…]
Il est apprécié par les autorités civiles pour le rôle assumé en matière d’hygiène publique, ses préoccupations pour la vaccine, pour les soins obstétriques, son souci très concret (apparemment) de promouvoir l’industrie locale de la paille. Quoique là, il faille déjà émettre des réserves critiques, dans la mesure où les sources sont peut-être «très « favorables » (on y reviendra). Son désir de « pacifier » le territoire de sa paroisse en aplanissant la voie dans les nombreux procès en cours entre les agriculteurs locaux, entre anciens percepteurs de la dîme supprimée à la révolution, mais ramenée sous d’autres formes dans les préoccupations des exploitants agricoles, est manifeste pour le préfet qui l’en complimente ostensiblement.

Ramoux comme promoteur de l’industrie de la paille qui stagne et menace ruine.
On l’a déclaré inventeur de l’ « ustèye » et du moulin à stous ».
Il n’en est rien. L’ustèye existait avant lui et depuis longtemps en Angleterre. C’est un ancien soldat français, Demarsille, resté à Glons parce qu’il y avait trouvé femme, qui a « importé » l’instrument, en le transformant peut-être et en l’améliorant. On n’a pas de précision en ce qui concerne le moulin destiné à assouplir la paille. Il n’est pas impossible que le menuisier-charpentier Henrotte, contemporain et collaborateur occasionnel de Ramoux ait mis la main à l’ouvrage… selon certains témoignages.
A nouveau, d’où nous viennent ces informations ? D’un seul et même personnage, Olyff, un Roclengeois d’origine, politicien local apprécié et précieux pour son érudition et son action novatrice, mais qui fournit son témoignage vers 1910, près de 85 années après la mort de Ramoux.
Olyff, propriétaire et fondateur du journal « La Vallée du Geer », est amoureux de la vallée, même s’il l’a quittée pour Hasselt, où siège l’assemblée pour laquelle il a été élu. [CONSEILLER PROVINCIAL…)
Olyff est franc-maçon, lui aussi… Esprit ouvert et « éclairé », autant que Ramoux. Qu’est-ce qui le pousse à revenir sur un passé déjà lointain et à mobiliser le monde libéral franc-maçon liégeois pour faire rendre à un confrère en loge des honneurs qu’il estime lui être dus ?
La seule explication apparente ne peut être que le désir de situer à sa juste place un personnage dont il estime –peut-être tout à fait justement – qu’il a eu une place de premier ordre dans l’histoire locale de la vallée du Geer. Il est à remarquer que le directeur du journal insiste bien davantage sur le rôle social et culturel de Ramoux que sur sa fonction de pasteur…

Ramoux comme compositeur, musicien, littérateur.
Les deux strophes du « Valeureux liégeois » qui sont bien de sa composition, ne sont pas ce qu’il a composé de mieux, mais c’est l’héritage que la mémoire populaire a retenu d’abord.
Pour le reste, chantre dès l’adolescence et au cours de ses études d’ailleurs brillantes, Ramoux est aussi musicien. Il joue du violon. Il compose « pasquèyes » et autres « hiltèyes », écrit en wallon et en latin. Avec les villageois, il cause leur langue, le wallon plutôt que le français. Il lui arrive de faire son prône en wallon liégeois. En cela il est sans doute proche de ses paroissiens, même si, on l’imagine, cela ne doit pas plaire aux « bien-pensants ». Il est à coup sûr présent dans les péripéties de la vie du village. Il a manifestement, comme curé, un certain « rôle social ». Mais, joue-t-il un rôle quelconque au niveau de la politique locale ?
A l’époque, la pratique du confessionnal lui ouvre le secret des alcôves et il est au courant, par ce biais, des intrigues et des dessous de la vie politique du village. On ne cite pourtant pas d’interventions de sa part par rapport aux décideurs politiques communaux. Il accomplit certes les tâches administratives qui lui sont confiées par le pouvoir de tutelle, comme les communications officielles lues et affichées après la grand’messe du dimanche.
Mais il n’y a pas de mention du curé Ramoux dans les archives communales…

Olyff n’a pourtant rien inventé… Pourquoi ce silence, s’il est voulu, dans les archives de Glons, du vivant du curé ? Qui d’ailleurs serait en mesure d’encore contredire l’interprétation et la présentation des faits d’Olyff, trois générations après les événements ?
Olyff avec l’aide des milieux francs-maçons libéraux liégeois orchestre bien sa « réhabilitation » du curé Ramoux. Il réussit son coup et amène à Glons plusieurs milliers de gens parmi lesquelles des personnalités de premier plan venues de Liège et de plus loin, pour une fête grandiose et une remémoration d’envergure.
Pourquoi cependant parler de « réhabilitation » ?
En fait, les sources disponibles n’indiquent d’aucune façon qu’il y ait eu à quelque moment que ce soit, une « dévaluation » des mérites et de l’action du personnage Ramoux… sinon dans l’esprit de notre directeur de journal qui table sur le fait qu’il n’a pas été –pour une raison qu’on ignore- établi de mausolée pour G.E. Ramoux après son décès le 8 janvier 1826.
Est-ce donc son amour de la région, son attachement au passé de nos villages, son souci de fixer à jamais pour la postérité les mérites des uns et des autres, qui ont poussé Olyff à mettre en branle ce gigantesque remue-ménage ? Ou poursuit-il un but plus précis, « politique » ou « philosophique » ?
Pour être fixé il faudrait mieux connaître Olyff lui-même et ses motivations profondes, comme celles de ses compatriotes et confrères de l’époque.   A SUIVRE…  E.D.


(1) « La Vallée du Geer ». Il s’agit, à l’époque, d’un hebdomadaire, publié à Hasselt où réside François Olyff qui est député provincial.

(2) LESIRE, Joseph,  Monographie de Glons,  non publiée, p. 63.

(3) Archives de l’État Liège, Registre du curé Leblanc, 1754. 11 octobre 1746 : bataille de Rocourt 2 juillet 1747 : bataille de Lafelt. 1748 : siège de Maastricht.

(4) LESIRE, J. Monographie non publiée sur Glons, p. 65.

(5) Idem, ibid., p. 94.

(6) Cela expliquerait la présence d’ « os surnuméraires ». Les os longs seraient peut-être les restes d’une des dépouilles les plus anciennes présentes dans le caveau.

(7) LESIRE, J., ibid., pp. 93-94.

(8) Est-il insensé de penser que si on n’a pas jugé bon de reproduire sur la stèle le nom du constructeur du caveau, Jean Peters, c’est peut-être que lors du « réaménagement du caveau » on n’a plus retrouvé suffisamment de restes du plus ancien occupant pour juger bon de rappeler sur la stèle qu’il y fut inhumé 175 ans plus tôt ?