CHAPITRE V
LE FOUR-TUILIER DE VAUCLAIR
A.
DESCRIPTION (PLAN F et PLAN G)
Le four-tuilier découvert à Vauclair est situé dans l'ancienne enceinte
monastique, à l'Est des lieux réguliers (CARTE D : plan cadastral). Il se trouve -non loin du
grand bassin en pierre taillée qui, en amont de l'abbaye, recueillait l'eau
provenant des sources du versant nord du Chemin des Dames.
Le four mesure 6 m de long et 2,20 m de large. Il a été mis au jour
dans un état de conservation assez remarquable et possède toujours ses éléments
essentiels : l'entrée, le foyer et la chambre de cuisson (Pl. CCII).
L'axe longitudinal est orienté NO-SE. Au moment de la découverte, l'ensemble du
four était encombré par un remblai compact de terres cuites : déchets de
production et parties éboulées du four (Pl. CCIII : a).
1. L'entrée du four (PLAN
F, 4)
L'entrée se présente sous la formue d'une
paroi semi-circulaire construite en moellons grossièrement taillés (Pl. CCIII : b). Vue de face, la partie
gauche de cette entrée (côté nord-ouest) force un demi-arc de cercle; la partie
droite présente un parement plus rectiligne. Les deux parois subsistent sur une
hauteur de 92 cm. Leur épaisseur mesure environ 30 cm. Il s'agit de deux murets
accolés à la paroi d'argile - terre glaise gris-jaune - qui forme le sol en
place à cet endroit. A leur extrémité intérieure, les deux parois sont reliées
aux parois du foyer proprement dit par un raccord en briques.
2. Le
foyer
Le foyer commence à l'endroit où se terminent les parements en pierre
de l'entrée. A partir de là, le sol en terre cuite rouge, fortement noircie,
révèle l'emplacement du feu.
Le foyer se compose de deux parties : une entrée, contenue entre les
deux parois obliques qui succèdent aux murets de pierre, et le foyer proprement
dit qui est situé dans toute la partie rectangulaire du four, sous la chambre de cuisson.
a) L'entrée du foyer
(PLAN F, 5)
L'entrée du foyer (Pl. CCIII : b et CCIV : a) est bordée par deux parois
obliques qui vont en s'élargissant jusqu'à l'entrée de la chambre rectangulaire
située sous la chambre de cuisson. Ces parois mesurent 1,64 m de longueur. A
l'endroit où elles commencent (jonction avec les murets de l'entrée du four),
l'espace qui les sépare mesure environ 40 cm de large. Cet espace va en
s'élargissant pour atteindre 1,52 m à l'entrée du,, foyer proprement dit.
Les parois obliques possèdent un parement de petites tuiles plates disposées horizontalement. Pour chacune de ces tuiles,
l'extrémité fichée dans la paroi a été préalablement brisée de manière à lui
donner une forme presque carrée. Originellement,, ces tuiles mesurent 28 x 15 x
1,5 cm. Utilisées après le bris de l'extrémité, elles mesurent généralement 16
x 15 x 1,5 cm environ. Derrière le parement en tuiles, on trouve un blocage de
petits moellons liés à l'argile jaune et adossés à la paroi de terre glaise
dans laquelle le four a été excavé. L'épaisseur complète de ces parois d'entrée
du foyer (tuiles et moellons) est de 40 cm environ.
Relevons qu'au moment de la mise au jour du four-tuilier, le sommet de
la paroi sud-est semblait légèrement incurvé vers l'intérieur, alors que le sommet de la paroi
opposée demeurait parfaitement vertical. Cette légère courbure doit être
attribuée, a notre sens, à une cause accidentelle telle que la poussée des
racines et non à une disposition intentionnelle.
b) Le
foyer proprement dit (PLAN F, 6)
Le foyer proprement dit occupe tout 1'espace rectangulaire situé sous
la chambre de cuisson (Pl. CCII).
Il se présente comme une cavité qui mesure 2,60 m de long et 2,20 m de
large. Ici aussi, l'alignement rectiligne primitif a été quelque peu déformé
par la poussée des racines.
Sur les trois côtés où il est fermé, le foyer possède un revêtement de
tuiles semblable à celui des parois de l'entrée du foyer. Mais, contrairement
aux parois de l'entrée, celles du foyer proprement dit ne possèdent pas de
blocage en moellons, derrière le parement de tuiles. L'extrémité -
préalablement brisée - des tuiles s'enfonce directement dans la paroi d'argile
du sol en place.
L'espace intérieur du foyer proprement dit est occupé par une
succession de six arcades doubles (Pl. CCIV : b) s'appuyant d'une part, sur les
parois longitudinales du foyer et d'autre part, sur un muret en tuiles empilées
qui traverse longitudinalement tout le foyer, en son milieu. Entre chacune de
ces arcades transversales, subsiste un espace libre de 8 à 16 cm (Pl. CCV : a).
Trois arcades sont parfaitement conservées, les autres sont en partie
effondrées (Pl.
CCV : b). Chacune de ces arcades doubles supporte une plate-forme
horizontale, de même largeur que l'arcade, faite de tuiles entières posées
horizontalement (Pl. CCVI). Ces plates-formes constituent la
base de la chambre de cuisson vers laquelle la chaleur montait à travers les
espaces libres entre les arcades.
On notera
aussi que les arcatures du côté nord-ouest sont un peu plus larges que celles du côté opposé (PLAN G, coupe
1-1').
Sur toute la surface inférieure du foyer, sous les arcades le sol est
fait d'une couche d'argile cuite, fortement noircie, sur laquelle on retrouve
des cendres et du charbon de bois. Par ailleurs, l'angle de jonction entre cette
couche d'argile cuite formant le sol du foyer, et les parois verticales est
renforcé de manière à former une courbure en argile cuite.
Signalons aussi que sur les parois de certaines arcades, le long des espaces
libres formant les conduits de chaleur, on relève de fortes traces de
vitrification verdâtre.
Un dernier détail caractéristique : la base du foyer offre une légère
déclivité à partir de l'entrée jusqu'à la paroi qui la borde au nord-est.
3. La chambre de cuisson
De la chambre de cuisson, il ne reste, que la partie inférieure située au-dessus des plates-formes supportées par les arcades du foyer (Pl. CCII).
Que pouvons-nous tirer comme certitude descriptive à partir de ces
éléments en place?
Tout d'abord, la chambre de cuisson occupe exactement le même
emplacement rectangulaire que le foyer, nais au-dessus de ce dernier. En effet,
les parois verticales du foyer se poursuivent parfaitement au-delà des
plates-formes horizontales supportées par les arcades et subsistent sur 40 cm en tant que parois de la partie inférieure de la chambre de cuisson.
Il semble
manifeste que les objets à cuire étaient rangés sur les plates-formes horizontales
supportées par les arcades. Du foyer, sous les arcades, la chaleur montait à
travers les espaces libres entre les six arcades. Les fortes traces d'émail
relevées le long de ces espaces semblent indiquer que les glaçures étaient
appliquées sur place, avant cuisson, pour les objets - certaines tuiles,
briques et pavements - destinés à être émaillés.
Quelle était la couverture de la chambre de cuisson? Il est impossible de tirer des certitudes à partir des éléments en place. Cette couverture était-elle une construction stable ou une structure temporaire que l'on renouvelait à chaque cuisson? Une chose est certaine : les 40 cm de hauteur qui subsistent pour les parois de la chambre de cuisson ne permettent pas de relever la moindre trace d'une inflexion courbe.
Il ne fait aucun doute que les vestiges qui ont été mis à jour, sont ceux d'un four-tuilier du type "four-tunnel", à double arcature, excavé en partie dans le sol en place.
4 Production du four
Dans les remblais qui encombraient le four-tuilier, au moment de sa mise au jour, on a découvert, outre les matériaux éboulés, un certain nombre de déchets de fabrication. C'est la. description de ces éléments découverts à l'intérieur même du four-tuilier que nous présentons ci-après.
a) carreaux émaillés
- carrés émail vert : 11,5, x 11, 5 x 2,5 à 2,7 cm
- carrés émail jaune : 11 ,5 x 11 5 x 2,5 cm
- triangle émail vert . côté conservé : 11,3 cm, épaisseur : 2,5 cm
- triangles émail jaune pâle : 11,5 x 11,5 x 2,5 cm
La glaçure de ces carreaux est fort différente de celle des carreaux monochromes du XIIIe siècle. Elle présente des traînées plus épaisses et beaucoup de taches blanches.
b) carreaux non émaillés :
- carré : face supérieure : 11,5 x 11,5 cm, face inférieure : 10,5 x
10,3 cm, épaisseur : 2,5 cm
- carré : face supérieure : 12 x 12,5 cm, face
inférieure : 10,5 x 10,5 cm, épaisseur : 2,8 cm
- carré : face supérieure : 12 x 12,5 cm, face
Inférieure : 10 x 10, 5 cm, épaisseur : 3,3 cm
Ces carreaux sont façonnés dans argile claire et ont les bords en
talus.
c) tuiles émaillées :
- émail vert pâle, lisse et uni : argile claire; forme bombée avec
ergot
- débris de tuiles émail vert foncé (traces), épaisseur : 2 cm; argile
rouge
d) tuiles non émaillées
- fragment de tuile de forme bombée, épaisseur : environ 2 cm; argile
claire
- fragment de tuile plate avec ergot, épaisseur : environ 2 cm; argile
rouge
e) briques émaillées (fragments) :
émail gris cendré
argile rouge
traces d'émail sur les côtés
épaisseur : 4 à 4,3 cm.
La présence de ces briques émaillées parmi les déchets de production
pourrait fournir un élément de datation concernant le four découvert. En effet,
ces briques sont utilisées pour décorer les façades des églises fortifiées et
des châteaux de Thiérache (Aisne), au début du XVIe siècle. Il ne semble pas
qu'on les utilise avant le XVe siècle [i].
5. Datation
L'examen du matériel fabriqué dans ce four, et notamment la présence de briques émaillées nous incline à le situer vers la fin du XVe siècle ou le début du XVIe siècle, sans vouloir formuler un jugement définitif.
Les analyses archéomagnétiques de ce four seront confiées au Professeur
E.Thellier, de Paris, et les conclusions de cet éminent spécialiste donneront
sans doute, une réponse plus assurée.
De toute manière, le four découvert à Vauclair n'est pas celui qui
produisait les carreaux décorés du XIIIe siècle. Du moins, cette découverte
apporte-t-elle la certitude de la fabrication à Vauclair de certains carreaux
émaillés.
La documentation que nous avons pu rassembler dans la domaine des
fours-tuiliers médiévaux, est limitée : moins d'une dizaine de véritables
publications et pas une seule relative à la France. Souvent, les recherches
sont trop restreintes et le vocabulaire technique utilisé est vague et flou. C'est dire assez combien les nécessaires comparaisons, inhérentes
à toute recherche scientifique, évoluent encore sur un terrain assez
problématique.
Pour chacun des fours étudiés, nous présenterons un résumé succinct des
données essentielles et nous chercherons ensuite à les comparer avec celles du
four-tuilier de Vauclair. Dans la mesure du possible, nous essayerons de tirer
conclusions générales de cet examen.
1. Les
fours de Renaix
A. Il s'agit des
restes de trois fours découverts au cours des fouilles de l'église
Saint-Hermès, à Renaix, en 1948.
B. Une description
assez sommaire se trouve dans la publication générale de ces fours.
Référence : H. ROOSENS
et J. MERTENS, De oudheidkundige opgravingen bij Sint-Hermès te Ronse,
dans Cultureel Jaarboek van de Provincie Oost-Vlaanderen, Gent, 1950, p.
353-357.
C. Description
Four I (Pl. CCVII)
C'est le plus grand des fours et le mieux conservé des trois. Il
subsiste sur une hauteur de 60 cm. Il est rectangulaire et mesure 4,5 x 3,5 m.
Les parois sont façonnées en tuiles minces liées à l'argile. La base du four
est en argile cuite, très dure. Cette base descend en pente douce vers
l'intérieur du four.
Dans sa longueur, le foyer se compose de deux tunnels de chauffe
séparés par un muret de tuiles. Ces deux tunnels sont couverts chacun de neuf petites voûtes qui se succèdent, avec un intervalle libre entre elles. Une
voûte, qui reposait sur les murs extérieurs, couvrait les deux foyers et
formait une seule chambre de cuisson. Le départ de la voûte est encore visible
sur les murs extérieurs.
L'entrée du foyer était peut-être aussi voûtée. Elle s'ouvre vers
l'Est.
Une reconstruction hypothétique de ce four a été réalisée par M. P. Schittekat (Pl. CCVIII).
Four II
Ce four, presque complètement détruit, semble avoir eu une disposition
semblable au four I. Il mesure 3,5
x 1,5 m.
Four III
Seules deux petites voûtes subsistent. Il a la disposition que les
fours I et II. Il mesure 4 x 2,5 m.
D. Production et
datation
La modicité des vestiges découverts ne permet pas de conclusions
certaines quant à la production de ces fours. Les auteurs inclinent à penser
que ces fours étaient destinés à la fabrication de matériaux de construction de
l'église.
Si la production de ces fours est incertaine, leur datation semble, au
contraire, assez précise. Un mur du XVIe siècle les enjambait. Aussi, les
auteurs de cette fouille placent-ils les trois fours à la fin du XVe siècle ou
au début du XVIe siècle.
E. Comparaisons avec
Vauclair
La publication où il est fait mention des fours de Renaix, ne livre que
des données assez fragmentaires. Aussi-, la comparaison est-elle limitée. Elle
est cependant fort intéressante du fait que la datation proposée pour les fours
de Renaix nous semble approximativement celle que nous donnons au four de
Vauclair.
Il s'agit du même type de four : four excavé avec double tunnel de
chauffe et arcatures transversales reposant sur un muret de tuiles et les bords
du foyer. L'entrée du foyer est simple. Les parois sont façonnées en petites
tuiles. Dans les deux cas également, la base de la chambre de cuisson est
formée par les plates-formes horizontales des arcatures doubles qui surmontent
les tunnels de chauffe et les espaces restés libres entre les arcatures servent
de conduits de chaleur.
2. Le
four de Chertsey (Surrey)
A. Four découvert en
1922 par le Dr. Eric Gardner, dans les ruines de l'abbaye bénédictine de
Chertsey. Les fouilles furent reprises et le four étudié à nouveau à partir de
1951.
B. La publication de
ce four date de 1954.
Référence : J.S.GARDNER et E.EAMES, A Tîle Kiln at
Chertsey Abbey, dans Journal of the British Archaeological Association, XVII,
1954, p. 30-32.
C. Description (Pl. CCIX
et CCX)
Le four a été découvert en mauvais état. Les vestiges en place n'ont
que 50 cm de hauteur. Une sépulture postérieure en avait détruit une partie.
L'espace total du four mesure 2.,60 x 1,70 m. Le four est excavé et est
orienté Nord-Sud, l'entrée étant du côté nord. Les parois sont construites en
tuiles brisées dont les dimensions originelles sont : 26 x 19 x 1,75 cm.
Le foyer proprement dit est constitué de deux tunnels de chauffe.
L'entrée du foyer, située dans le prolongement du foyer, est également double.
Dans la partie ouest du four, le foyer est conservé sur une hauteur de 40 cm. Le foyer proprement dit mesure 1,20 m de long et 70 cm de large. Il était recouvert de trois arcs en tuiles qui s'appuyaient d'un côté, sur le mur extérieur et de l'autre, retombaient sur le muret central divisant les deux foyers. Le muret a une hauteur de 30 cm. Entre chaque arc, il y avait un intervalle de 12,5 cm. Tous les arcs sont brisés et ont été retrouvés sur le sol du foyer. L'entrée du foyer mesure 1,30 m de long et 50 cm de large. Sur les premiers 80 cm, dans sa longueur, elle est construite en argile mélangée avec des tuiles sur lesquelles d'autres tuiles sont posées à plat de manière à former une sorte de table de travail. Cet élément est inhabituel. Les 50 cm suivants de l'entrée du foyer, étaient recouverts de trois solides voûtes en tuiles, placées côte à côte, qui servaient probablement de support pour la de la couverture du four.
La partie est du four a été déplacée et détruite lors de l'enterrement
d'un moine. A l'origine, elle devait être semblable à la partie ouest.
Une particularité : entre les parois du foyer et les parois creusées dans
le sol en place, les constructeurs ont placé des morceaux de craie. De même,
une couche de craie avait été répandue sous l'argile cuite formant le sol du
foyer.
Une reconstruction hypothétique de ce four a été proposée par le Dr. H.Thompson, qui n'était pas un archéologue, mais un constructeur de fours (Pl.. CCIX : b). Il. assurait que les carreaux étaient placés sur les arcatures. L'air chaud traversait les arcatures et sortait à travers quatre fentes pratiquées dans une voûte supérieure qui aurait recouvert toute la chambre de cuisson. Cette voûte, construite en tuiles, retombait sur une triple arcature.
D. Production et
datation
Il semble que ce four produisait des carreaux. Leur étude incline les auteurs à le placer à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle.
E. Comparaison avec
Vauclair
En ce qui concerne le plan général de ce four, il est du même type que
celui de Vauclair : four excavé à double tunnel de chauffe, parois et arcades
en tuiles brisées, sol en pente douce vers l'intérieur, arcades séparées par un
espace laissant monter la chaleur dans la chambre de cuisson, plates-formes
horizontales sur les arcades.
Une divergence apparaît au niveau de l'entrée du foyer. En effet, l'espace qui sert d'entrée au foyer à Chertsley, est divisé en deux parties égales qui prolongent le foyer proprement dit. Comme on l'a vu, l'entrée du foyer à Vauclair est formée de deux parois obliques délimitant un espace unique.
3. Le
four de Stoke (Warwickshire)
A. Four découvert à Stoke, près de Coventry en
1911.
B. Signalé par une autre publication.
Référence : A Tile
Kiln at Chertsey Abbey, dans Journal of the British Archaeological
Association, XVII, 1954, p. 3l-32.
C. Description
D'excellentes photographies prises en 1911 (Pl. CCXI), montrent un four
remarquablement conservé avec une paroi de fond qui subsiste plus ou moins sur 2
m, de hauteur, et une partie des parois de la chambre de chauffe qui s'élèvent
encore à 80 cm au-dessus des plates-formes de base.
Le four est en partie excavé. Il comporte un double tunnel de chauffe
avec muret central. Les parois sont liées à l'argile. Les photographies
montrent neuf ou dix arcades doubles transversales avec plates-formes servant
de base à la chambre de cuisson. Il semble que le foyer seul a été dégagé et
non son entrée, ni l'entrée du four.
D. Production et
datation
Des carreaux incrustés du XIVe siècle ont été retrouvés sur le site, en
1911. Mais ils n'ont pas été publiés au montent de la fouille et très peu
d'exemples en sont conservés (cfr supra p.74).
E. Comparaison avec
Vauclair
Four de type semblable à celui de Vauclair, avec des dimensions un peu
plus grandes.
4. Les fours de North Grange, Meaux (Yorkshire)
A. Trois fours
superposés découvert dans une motte en argile, près d'une grange de l'abbaye
cistercienne de Meaux dans le Yorkshire, en Grande-Bretagne. Le premier four
fut découvert par G.K.Beaulah et W.Foot Walker. Le site fut, réouvert et deux
autres fours découverts en 1957-1958.
B. La publication
date de 1962.
Référence
: E.EAMES, A Thirteenth-Century Tile Kiln Site at North Grange, Meaux,
Beverley, Yorkshire, dans Medieval Archaeology, V, 1962, p. 143-157.
C. Description
Un four-tuilier (I) a ét6 reconstruit sur un autre four-tuilier (II)
qui lui-même semble avoir pris place sur un four fabriquant des carreaux-mosaïques
(III). Nous résumerons successivement les données de ces fours.
Four-tuilier supérieur I (Pl. CCXII)
Il s'agit d'un four à double tunnel de chauffe avec muret central (Pl. CCXIII : a et b). Le four n'est pas excavé car le sol. Est trop humide. Il s'appuie à l'Est contre un remblai d'argile cuite et est flanqué au Nord et au Sud de maçonneries et de revêtements d'argile, retenus à l'Ouest par des murs de soutènement incurvés construits en petites tuiles. (Pl. CCXIV : c et CCXV)
Le foyer proprement dit est conservé sur une hauteur de 45 cm. Il mesure 2,60 m, de longueur. Le tunnel sud est un peu plus large que le tunnel nord (85 cm contre 80 cm). Les parois du foyer sont construites en tuiles et ont l'épaisseur d'une tuile. Le muret central. séparant les deux tunnels du foyer est aussi construit en petites tuiles (Pl. CCXIII : c). Il mesure 16 cm de large. En deux points du muret, on remarque le point de départ des arcs couvrant le foyer (Pl. CCXIII : c) et dans les débris du tunnel nord, on a retrouvé un fragment d'arc constitué de quatre tuiles. Les parois du foyer et le muret central. sont en mauvais état de conservation. Le mur sud est incurvé en deux endroits et le mur central. est cassé verticalement à une distance de 1,10 m de la paroi arrière. Des traces de reconstruction sont visibles dans le mur sud et le mur arrière; elles sont réalisées avec des tuiles plus épaisses. Le sol du foyer est en argile cuite fortement noircie et durcie. Il est recouvert d'une couche de cendres d'une épaisseur de 13 cm environ.
L'accès au foyer se fait par deux tunnels qui mesurent 80 cm de long.
Le tunnel nord a une largeur de 64 cm et le tunnel sud, 73 cm. Les deux tunnels
sont séparés par un pilier central, construit en tuiles, qui prolonge le muret
central du foyer. Les tunnels étaient probablement voûtés d'arcs reposant sur
le pilier central et sur deux piliers extérieurs situés dans le prolongement
des murs extérieurs du foyer.
L'entrée du four, à l'ouest, consiste en une ouverture semi-sphérique
d'environ 3 m de large et 3,5 m de long. Elle est pavée en partie de grands
carreaux (Pl.
CCXIV : a). Les murs., construits en tuiles subsistent sur une hauteur de
45 cm.
Ce four est en grande partie détruit, mais certaines bases subsistent. Il semble avoir été du même type que le four I, avec un foyer plus allongé. Il a également la même orientation que le four I (Ouest-Est). Il lui servait de fondations. La ligne de démarcation entre les murs du four I et ceux du four II se marque assez clairement dans le mur est du tunnel sud du foyer. La différence apparaît surtout au niveau du muret central dont la partie supérieure ne coïncidait pas avec la partie inférieure. L'ancien foyer semble avoir été plus long que celui du four I et le muret central passait en-dessous du pilier de l'entrée du foyer (Pl. CCXIV : b). La base du foyer II est située 20 à 25 cm plus bas que celle du four I. Elle est aussi constituée d'une couche d'argile noircie et durcie, recouverte d'une couche de cendres.
Four à carreaux-mosaïques III
Le four II reposait sur une couche d'argile pure de 20 à 25 cm d'épaisseur. En-dessous de celle-ci, une couche de 5 à17 cm d'épaisseur marquerait le niveau du four à carreaux-mosaïques. Cette dernière couche contient de la cendre, du charbon de bois, du matériel de construction pour le four-tuilier, des débris de carreaux et quelques débris de poteries industrielles. Elle s'étend sur toute la structure du four-tuilier. Aucun vestige en place ne subsiste, mais on a découvert une quantité de matériel de construction sous le four-tuilier et au Nord de celui-ci (Pl. CCXVI et CCXVII). A partir de ce matériel, une reconstruction hypothétique d'un four à carreaux-mosaïques a été réalisée. Au-dessus de la structure permanente de la chambre de cuisson, une série d'arcs temporaires sont construits. Entre ces arcs, est placée une sorte de corniche incurvée sur laquelle on met les carreaux de forme non rectiligne. La partie supérieure du four peut ainsi être constituée de plusieurs corniches superposées (Pl. CCXVIII). (renvoi de la page 153)
D. Production et datation
Ces fours
produisaient des carreaux et des tuiles. Ils étaient en usage aux XIIIe et XIVe
siècles.
E. Comparaison avec Vauclair
Seul le four supérieur I permet des comparaisons
valables à partir des vestiges en place. Il est du même type général que celui de Vauclair : four à deux tunnels de chauffe.
Un des tunnels est légèrement -plus large que l'autre. La longueur et la
largeur du foyer sont presque identiques à celles de Vauclair.
Par contre, comme à Chertsey, l'entrée du foyer se présente différemment. Elle est également constituée de deux tunnels. Autre différence : le four de North Grange n'est pas excavé.
5 Le four du palais de
Clarendon à Salisbury (Wiltshire)
A. Site fouillé en 1937
B. Les fouilles n'ont pas été publiées, mais le four est mentionné dans deux autres publications.
Référence : E.EAMES, A Thirteenth-Contury
Tile Kiln Site at North Grange, Meaux, Beverley, Yorkshire, dans Medieval
Archaelogy, V, 1962, p. 139
- E.EAMES, Medieval tiles. A Handbook, Londres, 1968, p. 7.
C. Description (Pl. CCXIX)
Le foyer du four mesure 1,40 m de long. Il est divisé en deux tunnels de chauffe qui mesurent chacun 65 cm de large. Le foyer était couvert de quatre arcades façonnées en petites tuiles (12,5 x 12,5 cm). La photographie indique que la base d-u foyer est pavée.
D. Production et datation
On a retrouvé dans les fouilles, une partie du pavement de la chapelle royale du palais de Clarendon. Ce fragment de pavement, actuellement reconstitué et conservé au British Museum, était formé de carreaux incrustés datant d'environ 1244. Ces carreaux provenaient du four de Clarendon dont la datation proposée est de 1237 à 1244.
E. Comparaison avec Vauclair
Le foyer conservé est du même type qu'à Vauclair.
6. Le four de North Berwick (East Lothian)
A. Four découvert en
1928, dans les ruines de l'abbaye cistercienne de North Berwick en Ecosse.
B. La publication
date de 1929.
Référence
: J.S.RICHARDSON, Thirteenth-Century Tile Kiln at North Berwick dans Proceedings
of the Society of Antiquaries of Scotland, LXIII, Edimbourg, 1928-1929, p.
281-284.
C. Description (Pl. CCXX)
Des constructions postérieures ont fortement
endommagé les vestiges de ce four. Le foyer mesure 3 m de large et à l'origine,
il devait être de forme carrée. Il possède deux tunnels de chauffe aux parois
en tuiles brisées. Une couche de moellons les sépare du sol en place. Le foyer
est recouvert d'arcades en briques. Du côté est, deux arcs entiers et les
débris d'un troisième, sont conservés. Au-dessus des arcs, des tuiles sont
placées de manière à former des plates-formes horizontales. Le sommet du mur
sud est légèrement en saillie, indiquant par là qu'il supportait peut-être la
retombée d'une voûte.
D. Production et
datation
On a retrouvé de nombreux carreaux employés uniquement à l'abbaye.
La datation proposée pour le four est le XIIIe siècle.
7. Les fours de Rye (Sussex)
A. Il s'agit de
quatre fours découverts dans le site de l'hôpital Sint-Bartholomew, à Rye, dans
le Sussex. Trois fours furent découverts en 1931 et un quatrième, en 1932.
B.Les fouilles
oiit" été publiées en 1932 et 1933.
Référence : -
L.A.VIDLER, Floor-Tiles and Kilns near the Site of St. Bartolomew's
Hospital, Rye, dans Sussex Archaeological Collections, LXXIII, 1932,
p.88-92.
- L.A.VIDLER, Medieval
Pottery and Kilns found at Rye, dans Sussex Archaeological Collections,
LXXIV, 1933, p. 45-46.
C. Description (Pl. CCXXI)
Les photographies de ces fours révèlent des vestiges bien conservés,
mais les descriptions sont très incomplètes.
Four I (Pl. CCXXII : a)
Il mesure 4,60 x. 1,80 m et est orienté Ouest-Est, l'entrée se trouvant
à l'Ouest. Au Nord, il est construit contre un remblai d'argile et ce côté est
intact jusqu'à hauteur du départ de la couverture de la chambre de cuisson. Du
côté sud, les vestiges de la chambre de cuisson se sont effondrés durant les
fouilles.
Le foyer comporte deux tunnels divisés par un muret central qui mesure
1,90 m de long et 17,5 cm de large. Sa hauteur, depuis la base, varie de 50 à
68 cm. Le foyer est recouvert de doubles arcatures sur lesquelles repose la
base de la chambre de cuisson. Les parois sont construites en tuiles brisées,
en pierre et en poteries dont certaines sont entières, le tout lié par de
l'argile.
Four II
Un très petit four de 2,50 x 1 m est accolé au Sud du four I. Il
débouche à l'intérieur de celui-ci et utilisait probablement, la même cheminée
(Pl. CCXXI)
Four III
Ce four a le même plan que le four I. Il mesure 4 x 1 m. Sa partie
supérieure est détruite.
Four IV (Pl. CCXXII : b)
Ce four est beaucoup plus soigné que les précédents. Il est construit
en briques et en tuiles liées avec de l'argile. Il s'agit d'un four à double
tunnel de chauffe. Une partie du foyer et la base de la chambre de cuisson sont
conservées.
D. Production et
datation
Les fours produisaient des poteries et des carreaux. La datation a été
établie entre 1250 et 1350.
E. Comparaison avec
Vauclair
La modicité des descriptions limite les comparaisons. Toutefois, nous pouvons
considérer comme certitude le type des fours de Rye : fours à double tunnel de
chauffe, avec arcades et muret central..
8. Le
four de Norton (Cheshire)
A. Four découvert
lors des fouilles du prieuré de Norton, Runcorn, Choshire, en 1972.
B. Découverte
signalée en 1973.
La description du four se limite à quelques lignes et est illustrée par
un plan et une photographie.
Référence : L.E.WEBSTER et J.CHERRY, Cheshire
: Runcorn. Medieval Britain in 1972, dans MedievalArchaeology,
XVII, 1973, p. 153.
C.
Description (Pl. CCXXIII et CCXXIV : a)
Le four est situé à 50 m au Nord du prieuré. Il comprend deux tunnels
de chauffe excavés, dont les murs sont fabriqués en déchets de tuiles et en
petits blocs d'argile. Ils étaient couverts de voûtes en argile. L'orientation
est NO-SE.
D. Production et datation
De nombreux déchets de carreaux confirment que le four était utilisé
pour cuire des carreaux-mosaïques pour l'église, et quelques carreaux
incrustés. L'église date du XIIe siècle et fut agrandie au début du XIIIe
siècle et durant le XIIIe ou le XIVe siècle. La datation du four
est incertaine (du XIIIe au XIVe siècle?).
E. Comparaison avec
Vauclair
Une fois de plus, les comparaisons sont difficiles vu le manque de
détails fournis par la publication.
D'après les illustrations, on constate que le plan général de ce four
est du type à double tunnel de chauffe, avec muret central, couvert de voûtes.
L'orientation est identique à celle de Vauclair.
9.Le four de Lyveden (Northamptonshire)
A. Four découvert en
1972, au cours des fouilles d'un site comprenant deux parties : une tuilerie (à
l'Ouest) et une ferme (à l'Est).
Fouilles effectuées par G.F. Bryant et J.M. Steane.
B. La publication
date de 1973.
Référence : L.E. WEBSTER et J.CHERRY, Northamptonshire : Lyveden.
Medieval Britain in 1972, dans Medieval Archaeology, XVII, 1973, p.
183.
C. Description (Pl. CCXXIV :
b)
Ce four est remarquablement bien conservé. Il comporte :
- l'entrée du four creusée dans l'argile en profondeur de 1 m environ.
- le foyer composé d'une
entrée de foyer et du foyer proprement dit. Celui-ci est divisé
longitudinalement par un muret central. en tuiles. Il est couvert de six
doubles arcatures également construites en tuiles. Les arcatures supportent des
plates-formes faites de tuiles entiè,res posées à plat.
Les murs du four sont constitués de gros moellons calcaires à
l'extérieur, et d'un parement interne en tuiles. Une partie du mur s'est
effondrée dans l'entrée du foyer.
Les seules dimensions précisées par la publication, sont celles du
foyer (environ 1 m de long) et des arcatures (47 cm de large et 50 cm de haut).
D. Production et
datation
La publication signale une série de déchets de fabrication, retrouvés à
l'Est du four, mais n'en donne aucune description.
Une datation provisoire est établie entre, 1450 et 1475.
E. Comparaison avec
Vauclair
Pour autant que l'on puisse s'appuyer sur la documentation limitée, ce
four est probablement Le plus proche de celui de Vauclair, tant du
point de vue structurel que de la datation. Tous deux sont composés des mêmes
éléments : entrée du four, entrée de foyer unique, foyer proprement dit à six
doubles arcatures. Les matériaux de construction sont également semblables
(moellons et tuiles).
10.
Le four de Binsted (Sussex)
A. Découverte d'un
four de potier et d'un four-tuilier.
B. La publication
date de 1967.
Référence : D.M.WILSON et D.G-.HURST, Sussex, Binsted. Medieval
Britain in 1966,dans Medieval Archaeology, XI, 1967, p. 316-318.
C. Description
Les deux fours sont construits dos à dos et
sont orientés Nord-Sud. La four-tuilier a une structure rectangulaire. La base de la chambre de cuisson repose sur des arcatures. Une partie du
four a été trouvée intacte.
La publication ne donne ni le plan, ni des photographies du
four-tuilier.
D. Datation : XIIIe
-XIVe siècle.
F. Comparaison avec
Vauclair
Le seul élément que l'on peut retenir, est une confirmation du plan
type d'un four-tuilier médiéval.
C. ESSAI DE SYNTHESE
A la suite de ces diverses descriptions et de, leur comparaison avec le four de Vauclair, nous nous efforçons de tenter une synthèse et d'esquisser les caractéristiques d'un four-tuilier type, en insistant vivement sur les singularités inhérentes à toute forme d'artisanat et aux diversités qui découlent de données locales ou régionales.
D'une manière générale, un four-tuilier se compose de trois parties
essentielles : une entrée du four, un foyer, une chambre de cuisson. L'ensemble
se présente avec un plan rectangulaire dont l'axe longitudinal est généralement
orienté NO-SE. La plupart du temps, ces fours ont en été en partie excavés dans
le sol en place. D'un livre de comptes qui date de 1440, on peut relever le montant du prix demandé par un ouvrier "pour
faire la fosse pour faire le four à tieulle" [ii].
Les mêmes archives révèlent que l'ensemble du four était recouvert d'une
charpente et toiture : "Item copper bois ront gros et menu pour faire une
habitacion dessus le four à tieullle cour réserver la pluie -pour l'achat de
troi et demi de gluiz pour couvrir icelui four..."[iii].
L'entrée du four
La plupart des publications auxquelles nous nous sommes référée se bornent souvent à l'étude ou à la fouille du seul foyer en négligeant la partie d'entrée du four. Comme le four, cette partie est presque toujours excavée et bordée, en direction du foyer, par des murets semi-circulaires de part et d'autre de l'entrée. C'est l'endroit où se tenaient les chauffeurs pour alimenter le feu du foyer.
Le foyer
Nous croyons qu'ici, il faut distinguer entre le foyer proprement dit
(espace rectangulaire sous la chambre de cuisson) et l'entrée du foyer.
Celle-ci se présente de deux manières. A Vauclair, elle est constituée de deux
parois obliques faisant la jonction entre les murets de l'entrée et l'ouverture
des deux tunnels de chauffe. Par contre, dans certains fours anglais, comme a
Chertsey ou à North Grange, l'entrée du foyer est divisée en deux tunnels
situés dans le prolongement du foyer. l'Encyclopédie de Diderot, une
distinction est établie entre les grands fours qui ont une double, entrée, et
des fours plus petits à entrée unique. Les fours suisses y sont décrits comme
ayant toujours une double entrée [iv].
En ce qui concerne les fours-tuiliers médiévaux, les dimensions du four de
North Grange et celles du four de Vauclair étant à peu près identiques, les
divergences de plan s'expliquent plutôt par des particularités régionales.
Le foyer proprement dit semble se présenter partout de manière
identique, mais avec des dimensions qui varient. il comprend deux tunnels de
chauffe dont les voûtes sont composées d'une série d'arcades s'appuyant d'une
part, sur les parois extérieures du foyer et de l'autre, sur le muret qui
traverse longitudinalement le foyer et qu'on nommait jadis le
"poulain"
Les arcades doubles sont régulièrement interrompues entre elles par un espace laissé libre qui sert de conduit de chaleur. La surface supérieure des arcades se présente comme une plate-forme horizontale. Elle constitue la base de la chambre de cuisson. On y dépose les matériaux à cuire. Il semble que souvent, l'un des tunnels de chauffe est légèrement plus large que l'autre (cfr fours de North Grange et de Vauclair).
Tous les éléments du foyer - parois, arcades, muret central - sont
généralement façonnés avec des tuiles brisées en deux pour en faire un double
usage. C'est le cas pour les parois du foyer. Parfois, les tuiles formant les
parois du foyer, sont directement contre la paroi de la fosse excavée. Dans
certains cas, on place un blocage de petits moellons entre les tuiles et la
paroi du sol en place (cfr. entrée du foyer de Vauclair) ou des Morceaux de
craie comme à Chertsey.
La base du foyer est une couche d'argile rouge très cuite, fortement
noircie. On y entretient le feu pour la cuisson. Pour le matériel de
combustion, les livres de comptes déjà cités, mentionnent des
"bûches", du"bois lont" et des "bourrées"
(fagots) [v].
La chambre de cuisson
Cette dernière est toujours située exactement au-dessus du foyer et
possède les mêmes dimensions en plan. La base en est constituée par les
plates-formes posées sur les arcs des tunnels de chauffe.
Il. est
difficile d'établir avec certitude la hauteur habituelle de la chambre de
cuisson et son mode de couverture. La plupart des fours découverts ne
subsistent que sur une hauteur assez faible, et certains n'atteignent même pas
au sommet des arcs des tunnels de chauffe. Celui de Vauclair possède encore la
base de la chambre de cuisson, sur une. hauteur de 40 cm. Ces parois sont très
verticales et n'accusent aucune inflexion courbe. Le four anglais de Stoke, un
des mieux conservés, offre une paroi verticale pour la chambre de cuisson, sur
une hauteur de plus de 1 m. Il. est donc impossible, dans l'état actuel de la
recherche de certifier le genre de couverture de ces chambres de cuisson, et
certaines reconstitutions proposées relèvent de la pure hypothèse. Les grands
fours ont eu probablement des couvertures permanentes. Il est possible que
fours de plus petites dimensions aient été recouverts plutôt par des couches
superposées de tuiles cuites, placées au-dessus de la chambre de cuisson après
le chargement du four. Certains ont pu être simplement couverts d'une couche
d'argile en. forme de dôme [vi]
. De toute manière, ils devaient être couverts car ils n'auraient pu autrement
atteindre, pendant une durée assez longue,
l'élévation de température
nécessaire pour cuire des objets émaillés. Un extrait du manuscrit du moine
Théophile, que nous avons cité pour la préparation de la glaçure, vient à l'appui
de cette théorie :
"Un four
se fait de la manière suivante. Faites un four carré à trois ouvertures, l'une
au Nord, l'autre au Sud et la troisième au milieu. En longueur et en largeur,
il doit avoir trois pieds et doit comporter une partie inférieure où l'on
placera le feu. Au-dessus de celle-ci, une travée d'une -paume forme une plate-forme
et au-dessus de la plate-forme, faites une couverture de forme rectangulaire en
argile mélangée à du crottin de cheval, d'un pied et trois pouces de haut, et
de deux pieds et deux pouces de long et de large. L'épaisseur de la couverture
sera de deux pouces et il devra y avoir une ouverture à l'Est, une autre à
l'Ouest et une troisième au sommet. La longueur et la largeur du four sera de
trois pieds et la hauteur depuis
le sol jusqu'au sommet, de deux pieds." [vii]
Le niveau inférieur du four, qui est divisé en deux parties à peu près
égales, sert de foyer. Comme le foyer est double, cela permet de garder une
température constante pendant une durée assez prolongée. Le matériel à cuire
est placé, comme on l'a dit, directement sur les plates-formes supportées par
les arcs, ou sur une structure temporaire placée sur celles-ci. Il est introduit
par une ouverture pratiquée le
long d'une paroi de la chambre de cuisson. Cette ouverture est refermée pendant la cuisson.
Devant les foyers, se trouve la surface de travail des artisans par où
ils entretiennent le feu. La chaleur passe à travers les arcs et se répand de manière égale dans l'espace supérieur. Pendant
la première partie de la cuisson, qui dure environ quarante-huit heures, on
maintient un feu lent pour assécher les carreaux, puis la température est élevée
avec constance jusqu'à ce que
les objets soient cuits à point. Après
quoi, on laisse le feu s'éteindre et le four refroidir progressivement.
Le four est chargé avec du bois dont on consomme une très grande
quantité à chaque cuisson.
Le mode de placement des carreaux dans le four est différent selon
qu'ils ont une forme régulière ou non. Les pièces rectangulaires sont placées
sur la tranche et sont empilées, chaque couche étant mise en biais en travers
de la couche inférieure. Les carreaux sont cuits séparément ou en grandes plaques
entaillées jusqu'à mi-hauteur, suivant la forme des carreaux, et ceux-ci ne
sont séparés qu'après la cuisson. Les grandes plaques sont également placées
sur la tranche. D'autres formes régulières comme des triangles ou des
losanges, peuvent .aussi être cuites en blocs entaillés. Les entailles sont tracées
avec une corde ou du fil de fer tordu. Lorsqu'il s'agit de formes irrégulières comme
les carreaux mosaïques, on employe un autre procédé. Une théorie a été établie
a ce sujet, d'après le matériel retrouvé dans le four à carreaux-mosaïques de North
Grange (cfr. supra p. 138). Comme on
l'a dit, les carreaux sont placés sur une corniche incurvée, placée sur des
arcs temporaires.
Il se peut que les carreaux et les tuiles soient cuits dans des fours à
briques [viii]
. Dans ce cas, on utilise des fours importants, maçonnés et couverts. Dans ces
fours les carreaux et les tuiles sont rangés entre les briques pour être
exposés a la bonne température. Le montage est fait de façon à ce que les
briques soutiennent les carreaux et les tuiles lors de la descente du chargement
due au rétrécissement. Cette dernière solution était la plus courante en Hollande.
On a d'ailleurs retrouvé en 1952, près de Groningen, les restes d'un tel four
encore rempli de tuiles [ix]
.
Ce type de four-tuilier à double tunnel de chauffe que nous connaissons
au Moyen Age, semble en réalité, une technique artisanale qui existait déjà à l'époque
gallo-romaine [x]
. Un type semblable de four gallo-romain est celui de Speicher-sur-Moselle. Il
date du IIe ou du IIIe siècle [xi]
. (Pl. CCXXV)
Comme l'atteste la description du four à briques et à tuiles dans
l'Encyclopédie de Diderot, on utilisait encore au XVIIe siècle, des fours dont
les dispositions générales et le fonctionnement étaient très proches des fours-tuiliers
médiévaux. [xii]
[i] J.P.MEURET et H.NOAILLES, Signes en briques vitrifiées sur les constructions de la Thiérache. Contribution à l'histoire de l'architecture en brique de la Thiérache , dans La Thiérache 1873-1973, Vervins, s. d., p. 123-159.
[ii] Archives départementales de l'Aube, Comptes du receveur d'Aix-en-Othe pour l'évèque de Troyes, Troyes, 1440-1443, G 376, f°16, v°
[iii]
Idem, f°39, v°
[iv] DIDEROT et DIALEMBERT, op. cit., p. 60-61.
[v]
Archives départementales de l'Aube, Comptes du receveur
d'Aix-en-Othe pour l'évèque de Troyes, Troyes, 1440-1443, G 376, f°30, v°
[vi]
E.EAMES, A Thirteenth-Century Tile Kiln at North
Grange, Meaux, Beverley, Yorkshire, dans Medieval Archaeology, V,
1962, p. 139.
[vii] "Furnus autem sic facies. Furnus in quadrum cum
tribus foraminibus facies, unum ab aquilone, aliud a meridie, tercium in medio.
In longitudine et latitudine trium pedum subturior habitudo ubi ignis imponitur.
Sit unius palmi desuper tabulatum facias et super tabulatum de limo pilleum
admixto stercore equarum et composite facias altitudine unius pedis et trium
digitorum longitudine et latitudine duorum pedum et duorum digitorum. Pillei spissitudo duorum digitorurn. fiat, habens unum foramen ab oriente, aliud ab occidente, tercium in summitate. Longitudo furni et latitudo trium pedum, altitudo a terra usque ad summitatem
duorum pedum fiat." (British Museum. Harley MS. 3915. fol.146v-147r.)
Extrait cité par J.S.GARDNER et E.EAMES, op. cit.,
p.29 et 42.
La traduction française est de l'auteur.
[viii]
J.A.VAN DER KLOES, Onze Bouwmaterialen. Kunst-steen,
t.II, Amsterdam, 1923, p. 91.
[ix]
J.HOLESTELLE, op. cit., p. 35.
[x] R.J.FORBES, Studies in Ancient Technology, t.VI, Leyden, 1946.
[xi] F.KRETZSCHMER, La technique romaine, trad. de l'allemand par J.BREUER et F.ULRIX, Bruxelles, 1966, p.28.
[xii] DIDEROT et D'ALEMBERT, op-cit., p. 60-67.