La première église
cistercienne (XIIe siècle)
de l'abbaye de Vauclair
(Aisne) (suite)
V. -
INTERPRÉTATION
1. Le plan général.
Il ne fait pas de
doute que les fondations découvertes sous les ruines de l'église du XIIIe siècle, et que nous venons de décrire, sont bien celles de la
première église cistercienne construite à Vauclair, après 1134. Voilà donc, enfin retrouvé, ce plan que
Fleury chercha durant trente années (9)[i],
et auquel Marcel Aubert attachait beaucoup d'importance. La planche en montre clairement le tracé
précis. La plupart des murs et des
angles importants ont été retrouvés en fondations, dans un
excellent état du conservation (n.d.r. la brochure reprend une photo d'ensemble
sous la fig.12).
Cette construction menée d'un seul jet, sans nulle césure
ni remaniement, nous révèle un plan bernardin très pur.
Pour
ses dimensions principales, nous pouvons relever les données suivantes
:
Longueur totale, hors oeuvre : 53 mètres (sans le porche).
Largeur de la
nef, hors oeuvre : 17 m 25
environ
; dans oeuvre : 14 mètres.
Largeur
du transept, hors oeuvre : 25 m 05.
Largeur
du
presbyterium hors oeuvre : 8 m 75 ; dans
oeuvre 5
mètres.
Il
s'agit d'un plan
claravallien de grande rigueur, avec
le chevet plat si caractéristique, et un chœur très
petit parfaitement
adapté à la première liturgie cistercienne (fig. 17). La
réaction contre les fastes liturgiques clunisiens y avait écarté la messe à
plusieurs officiants. Au XIIe siècle,
aux jours de fêtes, la messe conventuelle cistercienne était célébrée avec un diacre et un
sous-diacre. Mais, tous les autres jours,
le célébrant
n'était assisté que d'un diacre. Les
dimensions étroites du chœur de Vauclair I
s'expliquent fort bien, à la lumière de des
prescriptions de cette liturgie de
Cîteaux
(10)[ii]. Sur le transept s'ouvraient deux
chapelles latérales, de chaque côté du chœur. Elles n'ont que 2 mètres de large
environ, c'est-à-dire qu'elles répondent exactement à leur
destination précise : loger un petit autel roman destiné aux messes privées des
moines-prêtres. Aussi le chœur et le
transept de Vauclair sont-ils une excellente illustration
du
caractère essentiellement fonctionnel de l'architecture cistercienne du XIIe
siècle.
2. Le
chevet.
Si l'on
compare les plans connus (avec certitude) des
premières églises
issues directement
de Clairvaux, du vivant même de saint Bernard, le plan de Vauclair I apparaît comme l'un de ceux où l'esprit
bernardien s'est
exprimé
de la manière la plus radicale. Jamais peut-être cette architecture sévère, née « de la
règle et de l'équerre » ne s'est réalisée avec une rigueur aussi
totale. Ainsi, par exemple, de tous les
chevets cisterciens connus, celui de Vauclair I est-il
sans doute l'un des plus effacés.
Sur l'alignement rectiligne du transept, il accuse à peine une saillie
de 3 mètres. En quelle église
cistercienne la réaction anti-clunisienne s'est-elle exprimée aussi
radicalement ?
S'il
fallait se borner à des comparaisons locales, rien n'est plus révélateur que
d'aligner côte à côte les chevets de deux églises construites à la même
époque : celui de Bruyères-et-Montbérault, à quelques kilomètres de Vauclair,
et celui que nos fouilles ont mis au jour à Vauclair. D'un côté éclate la luxuriance d'un art roman riche et complexe, de
l'autre la nudité angulaire d'une pierre fruste (fig. 19 et 20).
La
découverte de Vauclair I rappelle, une fois de plus, combien le sévère art
cistercien, ce travail de maçon plus que d'architecte et d'artiste,
dans sa beauté froide née de la nécessité sonne le glas de tout un univers
mental et culturel (11)[iii]. La comparaison entre Bruyères et Vauclair I
montre combien il serait important d'étudier de manière rigoureuse l'influence
du premier art cistercien dans les régions où il s'implanta. Pareille entreprise se heurte évidemment à
des problèmes de datation, souvent très malaisés sinon impossibles à résoudre,
au moins dans l'état actuel de notre connaissance des sources écrites.
3. La nef.
Comme le montre bien le plan découvert, la nef de Vauclair I s'allonge sur neuf travées. Des piles rectangulaires, assez massives, la séparent des collatéraux. Sur le plan, l'étroitesse de ses dimensions accentue une impression d'allongement qu'on retrouve également dans l'église cistercienne de Fountains, en Grande-Bretagne. Est-ce une coïncidence fortuite ? Fountains accueillit le même abbé Henri Murdac qui présida aux débuts de Vauclair. Ne vaut-il pas mieux chercher dans des raisons pratiques l'explication de cette disposition allongée de la nef ? Fermées au public, les églises cisterciennes sont uniquement réservées en leur intégralité à la communauté monastique. N'est-ce pas, dès lors, le nombre élevé de moines et surtout de frères convers, ces derniers occupant toute la partie ouest de la nef, qui explique cet allongement particulier ?
Entrée et porche.
Comme
nous l'avons souligné dans la partie descriptive, le mur de façade de l'église
de Vauclair I est nettement plus large que les autres murs de
l'édifice. Alors que les murs de la nef
mesurent environ 1 m 50 de large, en fondations, le mur d'entrée accuse une
largeur de plus de 2 m 50. Cette
épaisse façade devait posséder une sobre décoration. En effet, les fouilles ont mis au jour un sommet de gable
utilisé en réemploi dans les fondations de l'église du XIIIe siècle. Il
est plus que probable qu'il
provient de l'église de Vauclair I. Par
ailleurs, cette façade était certainement précédée d'un petit porche, comme
beaucoup d'églises cisterciennes du XIIIe siècle. En effet, les fouilles ont révélé un mur
parallèle à la façade, et des sépultures situées dans l'espace compris entre ce
mur et la façade proprement dite (12)[iv]. Ajoutons que ce porche devait se réduire
probablement à une toiture oblique accrochée à la façade. De fait, les faibles fondations du mur
découvert ne pouvaient supporter une charge considérable. A cause de la grande rigueur qui présida aux
sépultures à l'intérieur même des églises cisterciennes (au moins durant le XIIIe siècle), on réserva l'emplacement du porche pour les
inhumations de notables bienfaiteurs.
Ainsi, à Cîteaux, les dues de Bourgogne sont inhumés à cet endroit (13)[v].
4. L'appareil des murs.
Soulignons que l'angle nord de la façade de l'église, de même que toutes les fondations du mur de façade, ont été découverts dans un état de conservation remarquable. Les fouilles ont mis au jour également les fondations des contreforts qui épaulaient les cotés ouest et nord de cet angle.
Mais il y a plus dans ce secteur : sur une partie des fondations du mur nord de la nef, à partir de l'angle de la façade, les recherches ont abouti à la découverte d'une ou deux assises de gros moellons allongés, taillés d'une manière sommaire, et liés au mortier. Ce sont les seuils vestiges de l'église où nous ayons découvert l'usage du mortier. Il s'agit certainement des premières assises visibles en élévation, au-dessus des fondations caractérisées par leur appareil si particulier, que nous avons longuement décrit plus haut. Si limitée soit-elle, cette découverte est importante. Elle suffit à nous donner une idée de l'appareil extérieur des murs de Vauclair I. A la rigueur des tracés rectilignes, ce calcaire grossier et ridé, aux aspérités saillantes, ajoutait certainement un climat de robuste austérité. Nos goûts actuels eussent incontestablement aimé cette église et son appareil.
Mais la
découverte de cette première assise en élévation nous fournit une autre
indication : le peu d'importance accordée aux ressauts de fondations. Ils ne semblent guère mesurer plus de 15 à
20 cm de largeur de chaque côté des murs.
Ces premières églises cisterciennes semblent surgir du sol même à partir
de fondations qui sont, en réalité, des murs commencés tels quels dans le sol,
et à partir de profondeurs bien impressionnantes. Décidément, cette architecture répugne aux facilités et aux
astuces du faux-semblant.
5. Sacristie et Armarium.
Le plan général
des fondations découvertes nous révèle aussi l'existence d'une sacristie, sur
le côté sud du transept. L'emplacement
est traditionnel dans le plan cistercien du XIIe siècle. Il n'est pas sans intérêt de remarquer
l'exiguïté de cette annexe de l'église.
Un lecteur non prévenu peut en être surpris. Aussi faut-il rappeler qu'au XIIe siècle, la liturgie n'utilisait qu'une couleur unique pour les
vêtements liturgiques et qu'au surplus ils étaient disposés sur l'autel, avant
la célébration. Rappelons aussi que la
messe cistercienne était habituellement célébrée par un seul officiant (14)[vi].
Dans le
prolongement de la sacristie, en direction du cloître, devait se trouver la
bibliothèque, originellement appelée armarium. En réalité au XIIe siècle,
elle se réduisait souvent à une niche faisant office d'armoire et qui était
creusée dans le mur.
6. Élévation et couverture.
D'un sanctuaire entièrement
disparu, et dont nos recherches ont restitué le plan précis, nous serait-il
possible de chercher le maximum de certitudes quant à l'élévation et au système
de couverture ? Entreprise aussi délicate que nécessaire, et qui nous fait
atteindre les limites de la recherche archéologique proprement dite. Une élémentaire probité oblige toujours à
bien délimiter le moment où l'on abandonne le sol ferme des preuves assurées
pour s'avancer sur le terrain mouvant des nécessaires interrogations et des
hypothèses plausibles. Avec quelle
pertinence, H. Focillon a-t-il pu écrire : « On affaiblit les études
historiques, et particulièrement les nôtres, en les parant d'un faux air de
facilité » (15)[vii]. Remarque qui vaut singulièrement pour la
recherche archéologique médiévale ! Apparemment, quoi de plus simple à lire
qu'un plan ? Et pourtant que de méprises possibles ! Sans doute, certains
édifices possèdent, plus que d'autres, une élévation et une couverture qu'un
plan « par terre » (16)[viii] révèle plus
aisément. Ainsi le plan basilical. L'archéologue, Pourtant, devrait toujours
s'inspirer des sages mises en garde d'un maître éminent : « Certes le plan au
sol contribue à définir le visage d'une église ; mais il n'y suffit pas ; les
archéologues parfois s'y laissent prendre ; des parentés arbitraires sont
proposées entre des constructions fort distantes les unes des autres sous
prétexte quelles répondent au même plan... Le tracé au sol ne préjuge ni du mode
de couverture, charpente apparente ou voûtes, ni de l'élévation relative de la
nef et des collatéraux, ni de la distribution de l'éclairage » (17)[ix].
Si rigide qu'elle paraisse, et découlant si fortement d'un même esprit, l'architecture cistercienne, même à ses origines, s'est exprimée toutefois avec une liberté plus incontestable et des formulations plus variées qu'on ne l'avait communément imaginé. Fille de Clairvaux comme Fontenay et Vauclair, et construite à la même époque, l'église de Fountains, en Grande-Bretagne, n'en posséda pas moins un plafond en bois au lieu d'une voûte. Celle d'Eberbach, autre fille de Clairvaux, au plan allongé très proche de celui de Vauclair, adopta un système de couverture avec voûtes d'arêtes très différent de celui de Fontenay. Et les voûtes en berceau des collatéraux de Fontenay ne sont pas celles en quart de cercle du Thoronet ou de Léoncel. On n'en finirait pas de multiplier les exemples qui nous mettent en garde contre les généralisations abusives. Aussi, en l'absence de sources historiques sûres et critiquées, faut-il savoir renoncer aux certitudes abusives. Mais ce refus même n'est qu'une volonté têtue de pousser le plus loin possible l'utilisation honnête des données découvertes. Ainsi, toutes précautions prises, et en réaffirmant le caractère interrogatif de nos réflexions, nous croyons utile d'inviter le lecteur compétent à étudier avec nous le plan de Vauclair pour en tirer le plus de données possibles quant à l'élévation de cet édifice disparu.
Sans doute, nous
tenons à le redire, un plan au sol ne préjugera-t-il pas absolument du système
de couverture. Il n'en reste pas moins
vrai, comme Viollet-Le-Duc l'a fort opportunément rappelé, qu'une loi fondamentale
commande les tracés de toute l'architecture médiévale : c'est la chose portée
qui commande la forme de la chose qui porte (18)[x]. Aussi l'analyse des supports est-elle
capitale et, comme leurs fondations ont été découvertes, à Vauclair, en parfait
état de conservation, il nous sera possible de les interroger sans trop de
difficultés.
a) Analyse des
supports
L'église de Vauclair 1 compte 9 travées, délimitées par 9 piles, dont nous avons découvert les fondations. Remarquons d'emblée que, pour chaque rangée, la première pile, à l'angle du transept et de la nef, est plus importante que les suivantes. Ses fondations forment un massif en blocage de 2 m 70 de long sur 2 m de large, alors que toutes les piles suivantes ont des fondations qui mesurent environ 2 m 20 de long sur 1 m 70 de large. Nous reviendrons tout à l'heure sur la signification de cette différence. Mais, pour toutes les piles, la partie descriptive de notre étude a souligné l'impressionnante profondeur des fondations et l'importance du système de chaînage qui les relient, dans le sens longitudinal de la nef. Il semble peu probable qu'un simple plafond de bois ait nécessité des soutiens dont les fondations sont aussi imposantes. Ne s'agit-il pas dans le cas de Vauclair I du type de support décrit par Marcel Aubert : « Dans les églises cisterciennes les plus simples, les piles qui portent les grandes arcades entre la nef et les collatéraux ne sont que des sections de murs, de plan rectangulaire, munies d'une imposte sur laquelle retombent les grandes arcades » (19)[xi].
b) Les supports
du transept.
Mais il y a plus.
Un autre élément qui peut nous offrir une meilleure perspective de solution, c'est
l'étude attentive des supports du transept.
1) Tout observateur un peu compétent ne peut
manquer d'être frappé, à la lecture du plan, par l'importance des murs de
refend qui séparent les deux chapelles adjacentes au chœur. L'épaisseur de leurs fondations et leur
profondeur sont identiques aux murs mêmes de l'église. Comment expliquer l'importance de ces
fondations, sinon par un rôle de support que ces murs exerçaient en accueillant
à leur extrémité ouest la poussée d'une voûte surplombant le transept ? On
remarquera, dans cette perspective, comment ces murs de refend sont alignés
exactement en face des murs de la nef.
2) Plus significative encore apparaît
l'observation attentive de l'extrémité ouest des murs parallèles aux murs de refend,
dont nous venons de parler, c'est-à-dire des murs qui délimitent le sanctuaire
proprement dit (presbyterium) et le
séparent des chapelles adjacentes (murs 325 et 422 sur le plan général, fig. 14).
Deux singularités
frappent d'emblée dans le tracé des fondations : a) un élargissement manifeste
et régulier de l'extrémité de chacun de ces murs, en direction de la chapelle
adjacente ; b) le rétrécissement à angle
droit que l'on retrouve d'une manière parallèle à l'extrémité ouest de chacun
de ces murs, en direction du transept.
De quoi peut-il s'agir ?
a) Il nous semble évident que l'élargissement de l'extrémité ouest de ces murs leur confère un caractère de support renforcé qui, une fois de plus, serait parfaitement inutile dans une église couverte d'une simple charpente de bois. Et ce rôle de support accru apparaît d'autant plus significatif que la première pile de la nef, à l'angle du transept (C'est-à-dire la pile qui se trouve vis-à-vis de ce renforcement dont nous venons de parler), présente elle aussi, nous l'avons vu, des fondations renforcées et différentes des autres piles. On se trouve manifestement déjà en présence du principe des quatre piles majeures, à la croisée du transept, qui vont devenir un élément important-de l'art gothique. Dans l'édifice qui nous concerne, comment expliquer ce renforcement intentionnel des quatre éléments d'angle de la croisée du transept, sinon comme support de la poussée accrue d'une voûte en pierre ?
b) D'ailleurs, la
seconde singularité que nous avions relevée vient nous offrir un argument
supplémentaire. Nous voulons parler du
rétrécissement caractéristique de chacune des extrémités ouest de ce mur
renforcé. Comment l'interpréter sinon
comme fondations d'un pilastre ou d'une colonne engagée ? Non seulement cette
disposition architecturale n'aurait aucune signification dans un transept à
couverture en bois, mais elle se révèle manifestement comme le support d'un arc
formeret dont l'autre extrémité prendrait appui sur un élément parallèle adossé
à chacune des deux piles renforcées de la nef.
c) Une découverte
fort intéressante, pour le problème qui nous occupe de Vauclair II (XIIIe siècle). Nous en donnons la photo et le profil (fig. 13). Il s'agit
incontestablement d'une colonne engagée assez importante et taillée avec
soin. Son profil est plus évolué que
ceux de Fontenay et ressemble à un autre profil découvert à Morimond, qui
date lui aussi du XIIe siècle.
Elle provient certainement de l'église de Vauclair I et il nous paraît devoir
la situer comme un élément des colonnes engagées qui se trouvaient à la croisée
du transept, au-dessus des rétrécissements observés en fondations et dont nous
venons de parler. L'élégance du profil nous laisse deviner quel chef-d'œuvre
les moines de Vauclair ont résolument démonté pour y substituer l'église
gothique de Vauclair II.
d) Les
collatéraux.
De nombreux débris
de colonnettes engagées, trouvés en réemploi dans les fondations de l'église de
Vauclair II, nous laissent penser qu'ils provenaient des collatéraux et que, là
aussi, nous pouvons supposer un voûtement en pierre. Mais le procédé utilisé
était-il fidèle à une tradition carolingienne fortement ancrée dans le Laonnais
(20)[xii],
celle des arcs diaphragmes si caractéristiques des églises du XIIe siècle dans cette région ?
Il est impossible de se faire une certitude, dans ce domaine.
Conclusion
Au terme de cette
étude attentive des supports, il nous paraît raisonnable de penser que la
première église cistercienne de Vauclair était couverte d'une voûte de
pierre. On retrouverait de la sorte le
procédé de couverture de Fontenay, c'est-à-dire une voûte en berceau de la nef
épaulée par un berceau transversal à la croisée du transept.
Ajoutons encore,
pour compléter notre investigation, que les fouilles ont mis au jour, dans les
fondations de Vauclair II, de nombreux réemplois de pierres taillées avec soin
et recouvertes d'enduit clair. Elles
proviennent certainement de Vauclair I. Certaines présentent des exemples
suggestifs et bien conservés d'un procédé caractéristique des premières églises
cisterciennes du XIIe siècle : les pierres à parement sont
couvertes d'un enduit blanc ou gris sur lequel on trouve les faux joints peints
en couleur jaune ou ocre. D'autres
offrent des motifs en losange.
[i] (9) « Quelque longues et attentives qu'aient été
mes recherches de trente années, je n'ai pu me procurer un plan de l'abbaye de
Vauclair ou de son église, ni renseignements suffisants pour constituer ce plan
». (Edouard FLEURY, Antiquités et
monuments du département de l'Aisne, Paris
et Laon, 1877-1882, 4 vol. gr. in-4°, t. IV, p. 39).
[ii] (10) Afin de rendre cette étude accessible à un public cultivé qui ne constitue pas nécessairement une chapelle d'initiés, nous avons cherché, quand il se peut, à éliminer les termes techniques incompréhensibles pour le grand public. Mais un effort de clarté ne doit pas conduire à l'imprécision. Aussi, pour prévenir toute équivoque, voulons-nous préciser ici que nous emploierons le terme « chœur » pour la partie de l'église que les érudits nommant au sens strict : « le sanctuaire », ou encore « le presbyterium ». « Au sens strict, on appelle « sanctuaire » la partie de l'église où se trouve le maître-autel et où évoluent les ministres de la messe, tandis que le chœur situé en avant ou en arrière, et meublé de stalles de chaque côté, est le lieu où se chante I'office des différentes heures » (DE' VOGÜE et NEUFVILLE, Glossaire de termes techniques, Zodiaque, 1965, p. 124).
[iii] (11) Rien n'est plus relatif que les modes et
les
engouements pour les styles. A
notre époque, où la sobre nudité de l'art cistercien
suscite une vive admiration, il
n'est pas sans
intérêt de rappeler que l'art cistercien coïncide avec la disparition de l'iconographie romane
et qu'il
n'est pas impossible d'y voir une relation de cause à
effet. D'aucuns, aujourd'hui, semblent
le regretter : « Il ne sied pas de se leurrer dans la distorsion nouvelle qui
écartèle à partir de 1135-1140 la création plastique,
c'est bien l'éclatante cohérence du milieu roman qui s'effondre, avec sa
combinaison instinctivement ajustée des masses et des épaulements, de l'élément
sculpté qui s'y
vient accrocher comme un fruit sauvage, de la fresque dont la mandorle semble emprunter
sa courbure au cul-de-four absidal pour enclore avec lui, dans un tourbillon de
gloire, le Dieu des firmaments ». (R. OURSEL, Évocation de 1a chrétienté romane, Zodiaque, 1968, p. 374) .
Faut-il attribuer cette rigueur à un événement de l'histoire cistercienne auquel Raymond Oursel semble attacher une particulière importance : « En l'état actuel de la connaissance, l'adoption de ce plan (à chevet plat) se prévaut d'un terme a quo déjà évoqué à propos des miniatures de l'Ordre, et qui ne laisse pas d'entre troublant : celui du chapitre général de 1134, qui, tenu au lendemain même de la mort d'Étienne Harding, eut à débattre des institutions cisterciennes et à en spécifier l'esprit ... Fruit du consentement indiscutable de l'unanimité des abbés, l'architecture cistercienne postérieure à 1134 codifie en quelque sorte l'ascétisme monumental, le dote en quelque sorte de la doctrine plastique qu'il se cherchait et lui imprime une vigueur et un élan tels que les destins de la civilisation romane de la pierre en sont bouleversée ». (R. OURSEL, Évocation de 1a chrétienté romane, Zodiaque, 1968, p. 370). Il semble, en réalité, que les choses évoluèrent progressivement et que les décisions du chapitre général, que le Père J. Canivez a groupées en 1134, soient à reporter vers 1152 ; en particulier le fameux statut litterae unius coloris fiant, et non depictae. Mais l'orientation précise, imprimée à partir de saint Bernard, n'en demeure pas moins indiscutable.
[iv] (12) Une étude particulière sera
consacrée uniquement aux sépultures découvertes dans les monastères de
Vauclair. il s'agit d'un domaine auquel l'archéologie médiévale a jusqu'à
présent, attaché fort peu d'importance.
On peut s'étonner de cet oubli quand on sait l'importance d'une
sépulture dans la mentalité médiévale.
Comme les rites funéraires du moyen âge seraient mieux connus si les
tombes recelaient des boucles mérovingiennes ou des poteries romaines !
[v] (13) « Dans les églises ne devaient être enterrés que les rois et les reines, les archevêques et les évêques ; telle était la règle formelle qu'édicta le Chapitre général de 1152 et rappela celui de 1180, règle si stricte, dans les premiers temps du moins, que les ducs de Bourgogne, fondateurs de Cîteaux, n'étaient pas enterrés dans l'église qu'ils avaient élevée, mais dans une chapelle fermée, sous le porche occidental, et que les Solly, fondateurs de Loroy (Cher), ne reçurent de sépulture que sous le porche de l'église... » (Marcel AUBERT, L'Architecture Cistercienne en France, seconde éd., Paris, 1947, t. 1, p. 330).
[vi] (14) L'Exordium Cistercii cum summa Cartae
Caritatis dit : « Altarium linteamenta, ministrorum indumenta, sine serico sint
preter stolam et manipulum. Casulae vero non nisi unicolor habeatur » (n°
XXV). A dater de 1123-1124. L'Exordium
Cistercii disait déjà : « Confirmaverunt etiam ne retinent cruces aurcas seu
argenteas, ... neque casulas nisi de fustaneo vel lino sine pallio auroque »
(chap. XVII). il est probable qu'on
laissait de la sorte aux vêtements liturgiques leur couleur naturelle. Faut-il rappeler, par ailleurs, que les
différentes couleurs liturgiques n'ont été instituées que par Innocent III
(entre 1198 et 1216) ?
[vii] (15) Art d'Occident, t. 1, P. 8 (Livre de Poche).
[viii]
(16) L. LEFRANçOIS-PILLION,
Abbayes et cathédrales. Paris, 1956, p. 15
[ix]
(17) R.
CROZET, L'Art Roman., Paris, 1962,
p.59.
[x]
(18)
VIOLLET-LE-Duc, Dictionnaire raisonné
d'architecture Française, t. 9, p. 214.
[xi] (19) M. AUBERT, op. cit., t. 1, p. 269.
[xii]
(20) A Cerny-en-Laonnois, non loin de Vauclair, se trouvait, avant sa
destruction durant la guerre de 1914-18, une église du XIIe siècle
d'un grand !intérêt architectural. Outre certains chapiteaux, avec têtes humaines
inscrites dans un décor de feuillage fort stylisé, l'une des caractéristiques
de ce remarquable sanctuaire était l'utilisation des arcs-diaphragmes comme
soutien du plafond de la nef et des collatéraux.