La science limite-t-elle notre conception de l'autorité de Dieu ?
(deuxième partie)
Nous pouvons résumer comme ceci ce que
nous avons vu précédemment. Pour le Chrétien,
Dieu est tout-puissant et rien n'échappe à Son contrôle; il n'est pas
seulement le Créateur des origines mais celui qui à chaque instant et
aujourd'hui encore garde la création entre ses mains; le Dieu qui dans
sa bienveillance nous donne les saisons, la pluie et le soleil
(Ac 14 :17, Mt 5 :45). Selon la vision héritée de la science par
contre, une intervention constante de Dieu parait peu raisonnable; elle
semble être une conception primitive héritée de temps anciens, d'une
époque où les mécanismes de l'univers n'avaient pas été mis à
jour, une tentative magique d'explication du monde. Tout au plus la
vision scientifique permettrait-elle alors d'accommoder la vision déiste
d'un Dieu des origines, ayant édicté les lois du monde mais s'en étant
depuis longtemps désintéressé. Constatons que si nous avons dénoncé précédemment les procès d'intention formulés par certains à l'égard de théories scientifiques, cette motivation pour rejeter la vision Chrétienne du monde s'apparente à son tour à un procès d'intention, puisqu'elle ne vise pas à juger objectivement du contenu du message Chrétien, mais plutôt à le juger par rapport aux formes culturelles ou historiques ayant participé à son développement. Or il nous est aujourd'hui possible de comprendre le message Biblique dans un contexte tout autre que celui de la vision dite primitive - la relation de Dieu avec les phénomènes " naturels " se situant bien plus dans le cadre de l'action de grâces que nous devons à Dieu pour toutes choses - ce qui est d'ordre strictement spirituel et non physique - que de l'intervention d'un dieu capricieux voulant à chaque instant interférer dans l'ordre de la nature. Il y a ensuite à l'œuvre ici une composante de la démarche scientifique, qui consiste à ne pas formuler d'hypothèses invérifiables expérimentalement et à toujours appliquer dans la formulation des hypothèses le principe de simplicité, en n'y introduisant aucun élément qui ne soit strictement essentiel à la prédiction d'événements vérifiables. Or des questions comme l'existence de Dieu ou l'intervention de Dieu dans la cohérence du monde tombent sans doutes dans cette catégorie des principes non vérifiables, et superflus dans le contexte d'une explication scientifique. Mais il y a une erreur de logique à conclure que la science, parce qu'elle n'admet pas ces éléments dans le cadre de la logique interne de son système et de sa méthode, c'est-à-dire d'un point de vue purement fonctionnel, ne puisse admettre ces éléments comme faisant partie de la vérité du monde. Il faut noter ici que peu de scientifiques et de physiciens en particulier pensent réellement que la science nous donne directement accès à la pure vérité, à l'essence ultime de la réalité du monde. La science ne fournit qu'une approximation ou une représentation mentale de la réalité, mais n'est pas la réalité elle-même. C'est cette perspective particulière de la science, à savoir une représentation intellectuelle idéalisée et simplifiée des phénomènes, permettant à l'intelligence limitée de l'homme d'en comprendre la cohérence et d'en prédire les effets, qui justifie le principe de simplicité. En aucun cas on ne peut donc affirmer, objectivement et honnêtement, que la science exclue Dieu ou le monde spirituel comme partie de la réalité. Tout au plus peut-on affirmer que la science exclut ces éléments comme faisant partie de son propre domaine de connaissance, les laissant à d'autres disciplines, comme la théologie ou, plus simplement, au domaine de la Foi. Notons que la même logique s'applique à la question des miracles. La science, en effet, nous instruit-elle sur cette question? Le miracle est, par définition, une intervention de Dieu dans le monde ; c'est un signe mais aussi un prodige, un événement exceptionnel. Est-ce néanmoins un événement d'ordre naturel, que la science puisse investiguer ; ou est-ce au contraire un événement d'ordre surnaturel, un événement qui viole les lois scientifiques - et si oui, comment la science peut-elle admettre le miracle ? Sans prendre position sur la question de la nature du miracle, contentons-nous de remarquer que dans un cas comme dans l'autre, la position de la science par rapport au miracle resterait la même. Ainsi si nous supposions que les miracles puissent s'expliquer naturellement - tout en restant des actes de Dieu vu que de toute façon, pour le Chrétien, Dieu contrôle toute chose - il n'y aurait pas, quant aux faits objectifs de contradiction avec la science. La science toutefois n'y verrait nullement un miracle tandis que le Chrétien, qui juge de toutes choses spirituellement, y reconnaîtrait le signe de Dieu, qui est l'élément spirituel du miracle, ne se saisissant que par la foi et échappant, de par sa nature même, au domaine d'investigation de la science. Qu'en est-il à présent si le miracle est d'origine " surnaturelle " ? Tout d'abord qu'entendons-nous par là si, de toute manière toutes choses procèdent de Dieu - tout n'est-il pas dès lors surnaturel ? La notion de surnaturel appartiendrait donc, non au langage Chrétien, mais au langage profane ou scientifique. L'événement surnaturel serait alors celui qui, par une action de Dieu, " briserait " les lois scientifiques. Est-ce possible ? Il y a ici un malentendu fréquent sur le sens du vocable " briser les lois ". En effet, les lois scientifiques ne sont pas des lois au sens légal, au sens d'une législation que Dieu ou la nature seraient obligés de suivre. Elles sont bien plutôt, comme nous l'avons vu, des schémas intellectuels que l'homme développe pour structurer sa compréhension du monde et formaliser l'ordre et la régularité qu'il découvre dans la nature. On peut donc dire, non seulement que Dieu n'est en aucune mesure tenu par ces lois, mais encore que ces lois n'étant que des approximations de la réalité, leur portée ne peut qu'être limitée au champ actuel des connaissances. Tel élément que la science du 19e siècle ne pouvait expliquer peut être expliqué aujourd'hui; tel élément inexpliqué aujourd'hui le sera peut-être demain; ou telle loi scientifique considérée autrefois comme absolue, n'est plus reconnue comme telle aujourd'hui. La frontière entre le naturel - qui serait le respect des lois - et le surnaturel, qui serait les exceptions à ces lois - devient alors bien difficile à établir. En outre le miracle, au sens spirituel, ne prend sens que dans le contexte particulier dans lequel il s'opère, contexte de notre situation personnelle d'enfant de Dieu, de peuple de Dieu. Mais dans tous les cas Dieu s'adresse aux hommes, dans des situations particulières, donc non reproductibles. Or la science, par son statut même, ne se permet d'examiner que des situations expérimentalement reproductibles. Une fois encore, le miracle lui échappe donc. Nous voyons donc que si la science " exclut " à la fois la notion de Dieu, l'autorité de Dieu et les miracles c'est que ceux-si sont, par nature, étrangers à son domaine d'investigation, non qu'elle ait atteint une conclusion à leur propos. Dieu, comme ses interventions ou les miracles sont un objet de foi, non un objet d'expérimentation systématique. L'Écriture nous enseigne, en Hébreux 11 :3, que " c'est par la foi que nous reconnaissons que le monde a été fait par la parole de Dieu, de sorte que les choses visibles procèdent de celles qu'on ne voit pas ". Or si nous pouvions accéder à cette connaissance par la science, et non par la foi, la Parole de Dieu ne serait-elle pas contredite ? Nous pouvons donc conclure que la parole de Dieu et la pensée scientifique sont toutes deux dans le vrai sur ce point. La science moderne ne nous conduit donc pas à remettre en cause l'autorité absolue de Dieu dans le monde. Cette autorité, c'est par la foi que nous la reconnaissons - cette foi que la science ne peut appréhender car elle appartient à une dimension qui lui échappe. Les visions Chrétienne et scientifique du monde peuvent ainsi être vues comme irréductibles, mais non contradictoires. Irréductibles dans le sens que l'une ne peut en aucune manière se réduire à l'autre. La science nous présente un modèle de l'ordre du monde, permettant des prédictions vérifiables; mais elle ne peut se permettre d'inclure dans ses théories des éléments religieux ou spirituels. Et la Foi ne peut ni se mesurer ni se définir scientifiquement ; elle n'a pas à se fonder sur la science, ni à la guider ou à s'en inspirer ; elle est le fruit d'une relation de l'homme à Dieu, non seulement intellectuelle mais aussi et surtout spirituelle, qui transcende les catégories de la science. Ces deux visions peuvent donc être vues comme des éclairages complémentaires portés sur la réalité. (à suivre) |