Extrait
de la revue du CORN de mai-juin 1997- N°233.
Raid
sur l'Histoire: "Le Chemin des Dames"" 17 mai 1997
Un point de vue parmi
d'autres...
Le Cdt (R) Christian JAMIN, S5 du Cercle Royal des Officiers de Réserve
de Namur a, une fois de plus, organisé parfaitement un raid sur l'Histoire où
nous nous trouvions en compagnie de Maxime-Hubert, notre fiston de sept ans et
demi. Il s'agissait d'une journée
consacrée à se souvenir, en étudiant les événements sur place, de l'héroïsme
humain au service d'une cause, Il ne s'agissait pas du tout de se rengorger, le
ventre en avant, et de se faire gloire des exploits ... des autres !
Le Chemin des Dames a été le témoin d'une boucherie effroyable aux résultats nuls. Les
Français y ont utilisé pour la première fois des chars en masse, de manière
désolante et révoltante : ils
transportaient chacun sur leur superstructure un réservoir d'essence d'une
centaine de litres et ont été des cibles magnifiques en tir direct pour les 77
allemands. Le bon sens le plus élémentaire semble avoir été complètement oublié
au sommet de la hiérarchie. C'est le 16 avril 1917 que le général NIVELLES a
lancé l'attaque : qu'elle ait échoué était dans la nature des choses, les
allemands étaient prévenus de longue date.
Que ce général vaniteux ait exigé qu'elle se prolonge lui a fait porter
à raison une responsabilité écrasante dont sa carrière ne se relèvera
heureusement jamais. Qu'il n'ait pas
subi d'autre sanction qu'une mise à l'écart (1) est
déjà suffisamment choquant : le contrat de confiance passé entre la Nation et
les officiers, les honneurs et les énormes avantages qui sont accordés à
ceux-ci se justifient pleinement mais dans la seule mesure où ils montrent
l'exemple, ce qui, en temps de guerre, peut être très dur voire ingrat.
Rappelons-nous le passage devant des commissions d'enquête, après chaque
conflit, des commandants des forts et de milliers d'autres officiers, appelés à
justifier leur comportement au feu. Les mutineries de l'armée française ont
éclaté au Chemin des Dames tant la lassitude des troupes était grande et en
fonction directe de l'incompétence prétentieuse de certains chefs.
Du 16 au 25 avril, on estime les pertes, une fois les exagérations
corrigées et les légitimes indignations calmées, à 30,000 tués, 100.000
blessés, 4.000 prisonniers,
Cette guerre ne peut, ne disparaîtra pas de nos mémoires. Non pas qu'il
s'agisse seulement de garder le souvenir de nos anciens, mais aussi parce
qu'elle a été le terrain d'essai d'un armement qui demeure d'actualité,
(songeons aux chars) et de méthodes dont nous nous inspirons toujours.... même
par l'absurde en démontrant ce qu'il ne faut pas faire.
Il pleuvait, il neigeait, il régnait un temps épouvantable au Chemin
des Dames en avril 1917: même de brefs séjours sur le terrain de nos
exercices de réservistes démontrent à chacun d'entre nous combien la vie la
plus simple peut être pénible, à quel point elle bouleverse nos habitudes, nos
usages. Un voyage au Chemin des Dames, la vue de ce qui a été le lot
quotidien de centaines de milliers d'Européens pendant des années entraîne un
choc et pas mal de réflexions.
Ce qui apparaît très vite, c'est la qualité du moral de nos
arrière-grands-pères: en dehors d'une saine et brève forme de révolte devant
des sacrifice inutiles, ils ont tenu, ils ont attaqué. Ils souffraient de la
guerre de manière difficilement imaginable : marches de 30 à 40 kilomètres par
jour, un poids de 25 à 30 kilos sur le dos, puis la vie dans la boue, une
absence d'hygiène insupportable (à la surface de l'eau de l'unique baignoire,
creusée dans le roc de la caverne du Dragon, jusqu'à 2 à 3 centimètres de poux
... : il est vrai que cette caverne abritait jusqu'à 6.000 combattants
allemands).
Ces hommes, ne présentaient rien de bien différent de nous : l'erreur
la plus courante est d'en faire des demeurés, des illettrés, des
"simples" si frustes qu'ils n'imaginaient même pas le confort
existant pourtant déjà à leur époque. C'est, je crois, leur faire la pire
injure possible en ce qu'elle dévalorise leur attitude, amenuise leurs
sacrifices, ravale leur courage à l'agressivité de l'animal apeuré.
Tous les livres d'histoire militaire exposent largement les détails de
cette bataille dans la guerre. Bornons-nous à suggérer un excellent ouvrage,
récent, rédigé par un prêtre belge vivant sur place, le Père René COURTOIS. Il
s'agit de : "Le Chemin des Dames" dans la collection des Guides
HISTORIA, éditée par TALLANDIER, en vente en librairie. Le Père COURTOIS a été notre guide tout au
long de ce périple à LAON dont je dois souligner la beauté de la vieille ville
et la qualité de la réception au Mess Mixte de garnison qui accueille officiers
et sous-officiers.
Il se trouve que j'étais le seul
SOR du voyage sur 52 participants. J'encourage vivement nos amis SOR à
participer à ces "Raids sur l'histoire" qui rafraîchissent nos
connaissances ou nous font découvrir des pans entiers de l'histoire militaire
récente…
Chaque participant a reçu, comme de coutume, un dossier très élaboré
ayant trait au sujet du voyage. Le prochain "Raid" sera probablement
consacré à une étude tout à fait originale du site de la bataille de VERDUN. Faut-il préciser que j'en serai, et vous ?
l Sgt (R) Jacques SCHREURS
RAID
SUR L'HISTOIRE - LE CHEMIN DES DAMES - 17-05-97
Compte rendu
Samedi 17 mai 1997 - 0715H, de nombreux "raiders" sont déjà
présents place Saint-Nicolas, point de rendez-vous initial traditionnel
de ce 10ème "Raid sur l'Histoire", étudié, mijoté, reconnu, organisé
par notre S5, le Cdt (R) Christian JAMIN. Le ciel, partenaire incontournable de
nos randonnées, sans être uniformément bleu - quelques nuages courent ça et là
- nous promet cependant une journée agréable et sans pluie.
073OH, les derniers
retardataires sont arrivés et ont pris place dans le car. On démarre, direction
la frontière française et LAON, chef-lieu du département de l'AISNE.
Durant le trajet, Christian
JAMIN, intarissable, nous détaille en long et en large les tenants et les
aboutissants de la Grande Guerre. Je ne peux détailler ici ces trois heures
d'explications (vous n'aviez qu'à être là). Toujours est-il que le trajet nous
a semblé très court, preuve que le sujet était captivant et, pour les épouses peut-être un
tantinet moins intéressées, les paysages traversés ne l'étaient pas moins.
Christian a distribué à chacun une importante documentation sur le sujet et fait
circuler des documents personnels qui permettent aux raiders de se pénétrer des
stratégies, tactiques, techniques et matériels utilisés par les belligérants.
Vers 10 heures, nous
apercevons dans le lointain le but du voyage, LAON, perchée sur sa butte
allongée et sa cathédrale gothique dont les tours se découpent fièrement dans
le ciel. Le car gravit à faible vitesse les multiples méandres de la route qui
nous amène au sommet de la butte, dans la ville de LAON. Un petit contretemps (le chauffeur du car
qui refuse de prendre la direction indiquée par Christian) qui n'a contrarié
que notre GO, nous permet de parcourir les jolies rues de la vieille cité et
d'admirer sa majestueuse cathédrale, chef d'oeuvre de l'art gothique des
années 1160-1230.
Le Col (FR) MARCHAND, membre du CORN, originaire
de LAON, me montre l'endroit où se dressait la maison qui l'a vu naître.
Nous arrivons au Cercle Mixte de l'Armée où un
"petit noir bien tassé" nous est servi vite fait bien fait. Cette
escale est aussi mise à profit pour les "vidanges" de bon aloi (la
nature a ses droits ...). Le car nous ayant rejoint, nous mettons le cap sur la
"Caverne du Dragon". Cette caverne est en fait un gigantesque
complexe souterrain creusé dans le calcaire, 35.00O m2 de couloirs et de chambres qui, aménagé par
les Allemands leur a servi à la
fois de lieu de repos, de dépôts de munitions, de chapelle, etc, etc. Plus de 6.000 Allemands trouvaient place
dans ces cavemes creusées à 15 mètres sous terre.
L'appellation "Dragon" vient du
fait que ce complexe disposait de 7 entrées, analogie aux 7 têtes du dragon.
Nous y visitons le musée souterrain et avons ensuite l'occasion de parcourir,
sous la conduite d'un guide, quelques endroits caractéristiques du site. Une
séance cinématographique clôture cette fructueuse expédition.
Vous me croirez ou non, le peuple a l'estomac dans les talons et c'est
avec une satisfaction non dissimulée que nous gagnons une fois de plus le
Cercle des Officiers de LAON.
L'hospitalité française n'est pas une légende ! Nous en avons eu une
nouvelle fois la preuve lors du succulent repas qui nous fut servi, largement
arrosé, le tout dans une ambiance très conviviale , chère à Christian.
Félicitations à l'adjudant-chef, maître du lieu, à ses cuistots et à
ses serveurs, c'était parfait !!!
Les accus amplement rechargés, nous reprenons le périple du Chemin des
Dames sous la conduite du Révérend Père René COURTOIS, historien belge et
spécialiste de cette phase de la guerre 14-18.
Intarissable lui aussi, il nous rend compte, avec force détails, des
combats atroces et vains qui se sont déroulés en ces lieux. Il nous fit
remarquer que, jusqu'à présent et contrairement à d'autres sites comme VERDUN,
aucun monument ne rend hommages aux milliers de victimes du Chemin des Dames.
Dame, ce carnage ne fut pas une victoire mais une défaite cinglante et à
part Waterloo, on ne commémore pas une défaite, et, de plus, l'échec de l'offensive
de 1917 annonça le début des mutineries dans l'armée française, ça non plus ne
se commémore pas. D'après le Père, cette grave lacune va bientôt être réparée.
De tout ce qui nous a été conté, je retiens une chose : les
"grands" chefs de l'époque, JOFFRE, FOCH, NIVELLES ont été aveuglés
jusqu'à l'absurde par les théories fumeuses du colonel de GRANDMAISON qui,
négligeant les progrès des armements modernes (la mitrailleuse) prônait
l'offensive à outrance.. Dans le souci unique d'effectuer une percée qu'ils
espéraient décisive, du front stationnaire depuis octobre 1914, ils ont envoyé
à la mort des centaines de milliers de jeunes gens.
Le général
NIVELLES, par exemple, généralissime en 1917, malgré l'échec cuisant de sa
première offensive générale, poursuivit l'hécatombe sans gain de terrain
appréciable.
Cassé de
son commandement, il fut quand même nommé par la suite commandant en chef des
troupes en Algérie et en Tunisie. Ces généraux uniquement préoccupés de leur
gloire personnelle, n'avaient pas encore compris que, comme le dirait PETAIN :
"le feu tue !!!" (fermons la parenthèse).
Nous
poursuivons notre randonnée, oh combien instructive, par la visite des ruines
de l'abbaye cistercienne de VAUCLAIR, détruite par les combats qui s'y
déroulèrent pendant la grande Guerre. Le Père COURTOIS, par ailleurs
conservateur de ces ruines, nous fit visiter un magnifique jardin où sont
cultivées une multitude de plantes médicinales. La visite s'acheva par la
découverte du musée de VAUCLAIR.
Le temps qui jusque là avait été des plus
cléments, commençait à prendre une teinte plombée de mauvais augure. Sans être Monsieur
Météo, on pouvait subodorer une sérieuse détérioration des conditions
climatiques à brève échéance. A peine le car avait-il repris la route du retour
que les éléments se déchaînèrent : pluie diluvienne (on n'y voyait plus à 5
mètres), éclairs, coups de tonnerre qui faisaient vibrer les vitres du car et
dont le fracas Me rappelait le temps béni du service militaire à l'artillerie
... éclair...1,2,3...FIRE ! Craaac.. Le coup de tonnerre fracassant... en
résumé ... le pied !!!
Durant le trajet, Christian poursuivit son exposé et nous fît visionner
des films d'époque. Au fur et à mesure que nous approchions de la frontière
belge, le temps, sans se mettre au beau, s'améliorait significativement.
En remerciement des 10 années que notre camarade Christian a
consacrées aux "Raids sur l'Histoire", le LtCol (R) Willy FAES,
président de l'ANOSR lui remit le fanion de l'Association, sous les
applaudissements des raiders et promit d'être des nôtres pour le raid 1998. Ce
raid, que Christian mijote déjà depuis un certain temps aura pour cadre un nom
resté célèbre dans l'horreur : "VERDUN". 2100H, nous sommes de retour
à NAMUR. Les 52 raiders sont satisfaits de leur raid et promettent de se revoir
l'an prochain. Comme à l'habitude, les absents...
R.J. PINSMAILLE
(1) Mise à l'écart tout à fait provisoire.
N.d.l.r.