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IV. CONCLUSIONS GÉNÉRALES.

 

L'étude de la céramique de nos fours nous fournit une indication presque certaine concernant le genre d'établissement que desservait cet atelier. Sans doute, le matériel recueilli consiste, en majeure partie, en ratés ou déchets de cuisson, mais il nous renseigne suffisamment sur la production de ces fours.

Les « formes à fromage », par exemple, pourraient nous indiquer qu'un établissement agricole s'était installé à Vauclair. Les autres types de vases complètent cette impression, car nous avons essentiellement des vases à usage domestique. Nos marmites, écuelles, assiettes devaient être d'une utilisation courante et servir aux besoins journaliers des occupants de Vauclair. Même les bouteilles, de facture plus soignée et en pâte moins grossière, devaient être d'un usage courant, peut-être faisaient-elles office de cruches.

L'absence presque totale de décoration et de détails particuliers indique bien que cette céramique tout à fait commune est de fabrication locale et destinée aussi à un usage strictement local. Comme partout ailleurs, sans doute, là où des hommes s'établissaient, un artisan parmi eux fabriquait sur place les ustensiles nécessaires à leur vie et les occupants de l'endroit avaient leur propre atelier de fabrication. L'importance de la découverte réside donc surtout dans le fait que ces fours existent sur le site de Vauclair, sous les ruines monastiques, révélant de façon inattendue un habitat peut-être continu trouvant ses origines à une époque fort lointaine.

 

Datation.

 

Il est difficile, de prime abord, de dater avec certitude nos fours et leur production. En effet, l'examen des formes des vases retrouvés nous amène à constater que cette céramique commune ne subit pas de grandes modifications et que certaines formes se retrouvent, quasi identiques, pendant plusieurs siècles.

Pourtant deux éléments importants nous empêchent de les placer à une date trop récente : d'une part, les formes de nos vases, dérivées directement de formes gauloises, indice d'une tradition tenace et certainement pas encore très ancienne ; d'autre part, la relative médiocrité de cuisson de nos poteries montrant une technique de fabrication encore très imparfaite.

Ensuite, la comparaison et l'identification de certains de nos fragments avec des types retrouvés ailleurs, nous ont permis de dire que nos poteries ne peuvent pas être plus récentes que la seconde moitié du Ier siècle p. C.

Cependant, alors donc qu'il nous apparaissait presque évident que nous étions en possession d'une production vieille d'un peu plus d'un siècle seulement après l'arrivée des Romains en Gaule, une visite au Musée de Préhistoire d'Epernay [i] nous fit percevoir qu'il nous faudrait peut-être réviser notre premier jugement.

En effet, notre céramique, bien qu'elle soit déjà de bien meilleure qualité que celle antérieure à la romanisation, est, cependant, de consistance et de facture moins bonne que ce que nous avons pu voir et avoir entre les mains, datant de l'époque des Flaviens. Il semblerait alors qu'elle doive se situer un siècle plus tôt, c'est-à-dire à la fin du Ier siècle a. C.

La question est délicate à trancher, tout d'abord parce que le matériel de comparaison pour le Ier siècle avant notre ère est très rare, ensuite parce qu'il faut nous attacher maintenant à discerner ressemblances et différences dans le façonnage, le tournage et la cuisson de ces céramiques et de celles d'époques voisines.

Il ne nous a pas été possible, avant la mise au point définitive de cette étude, d'examiner plus à fond cet aspect du problème.

C'est pourquoi, le présent travail ne prétend pas avoir résolu définitivement la question de l'occupation gallo-romaine de Vauclair. Sans vouloir nous borner à ne présenter qu'un rapport descriptif au sujet de la découverte de nos fours, nous savons cependant bien que notre étude, pour être complète, devrait encore envisager plusieurs problèmes. Il serait très intéressant,, par exemple, de soumettre nos fours à une analyse magnétique afin d'apporter une réponse plus catégorique à la question de leur datation. Le temps nous a malheureusement manqué pour pouvoir la faire avant la parution de ce rapport.

Nous pourrions aussi, étudiant les tessons de poteries récoltés un peu partout sur le site de Vauclair, établir des rapports entre ceux-ci et la céramique étudiée plus haut.

La fouille de Vauclair est loin d'être terminée et la suite des travaux nous apportera certainement des renseignements complémentaires [ii]

 

Marie-Elisabeth LITT.

 

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[i] Nous voulons ici exprimer tous nos remerciements à MM.  BRISSON, Conservateur et ROUALET pour 1'excellent accueil qu'ils nous ont réservé lors de cette visite et pour l'intérêt qu'ils ont porté à notre étude.

[ii] Rappelons que les fouilles de Vauclair, qui se poursuivent régulièrement, sont effectuées par le groupe universitaire . "Sources", entièrement composés de jeunes bénévoles, travaillant dans l'esprit d'une archéologie neuve, soucieuse de . comprendre plus que de chasser l'objet rare, et désireuse de travailler en collaboration étroite avec les autorités archéologiques.

Au nom du groupe . Sources, il nous est très agréable de remercier, une fois de plus, tous ceux qui nous ont aidé pour les fouilles de Vauclair. Il nous est impossible de les énumérer tous, mais nous serions impardonnables de ne pas redire notre gratitude à l'Office Départemental du Tourisme de l'Aisne, en la personne de son aimable directeur, M. Maurice Bruaux. Ce n'est pas l'un des aspects les moins intéressants des fouilles de Vauclair que la parfaite coordination entre les responsables du tourisme et les chercheurs scientifiques. Sans l'initiative et le soutien quotidien de l'Office Départemental du Tourisme, les fouilles de Vauclair seraient impensables.

A cette expression de notre reconnaissance, nous associons M. Ernest Will, notre premier directeur de circonscription archéologique, qui fit confiance au groupe "Sources" et ne cessa de l'encourager de la manière la plus amicale. Nous sommes d'autant plus sensibles à la visite que son successeur, M. Charles Pietri, nous fit dès le début de nos fouilles de Pâques 1969 et à la manière dont il nous renouvela la même confiance et le même intérêt.

Faut-il enfin - last but not least - redire, une fois de plus, notre gratitude au cher Père Anselme Dimier, le spécialiste de l'histoire cistercienne, qui nous orienta vers le site de Vauclair qui lui est bien cher, aux responsables de l'Office National des Forêts à qui le site appartient, à M. Bernard Ancien dont l'aimable disponibilité et l'érudition rigoureuse nous sont extrêmement précieuses ?