L'abbaye de Vauclair fut fondée au diocèse de Laon (aujourd'hui Soissons), au Xlle siècle, à la demande de l'évêque Barthélémy de Jur, noble figure et remarquable fondateur d'abbayes - cisterciennes autant que prémontrées dans tout son diocèse.
Le lieu choisi, d'après la Charte de Fondation, portait le nom de Curtmenblein. Une église se trouvait déjà en ce lieu et elle était desservie par un prêtre du nom de Robert. Ce sanctuaire, avec tous ses droits et dépendances, l'évêque le céda à saint Bernard, auquel il était apparenté.
Le 23 mai 1134, saint Bernard envoya un groupe de moines de sa communauté de Clairvaux vers la nouvelle fondation de la vallée de l'Ailette. C'est l'âge d'or de Clairvaux.
A sa nouvelle fondation - 15e fille de Clairvaux - saint Bernard donna le nom de Vauclair (Vallis clara) qui est celui même de l'abbaye-mère (Clara vallis). La nouvelle maison était, comme l'abbaye mère, située dans une vallée orientée d'Est en Ouest, si bien que le soleil y brille depuis son lever jusqu'à son coucher.
A la tête de la nouvelle communauté, l'abbé de Clairvaux plaça un ancien écolâtre anglais, Henri Murdac, qu'il avait arraché à ses études par une lettre célèbre,
Ce premier groupe de moines commença de bâtir ses constructions monastiques au lieu-dit "Pratum molendini" (Pré du moulin). Il y eut donc à Vauclair un premier monastère cistercien bâti au Xlle siècle. De cet établissement on ignorait tout avant les fouilles. Et le plan, et même l'emplacement exact.
L'abbaye de Vauclair prospéra rapidement. Plusieurs seigneurs de la région, en particulier Gérard Enfant et Gautier, comte de Roucy, ainsi que sa femme Ermengarde, comptèrent parmi les bienfaiteurs de l'abbaye naissante, dont Barthélémy de Jur, l'évêque de Laon confirma la fondation en 1141. En 1142, les recrues étaient déjà si nombreuses que l'abbé Richard, un Anglais lui aussi, fonda l'abbaye du Reclus, non loin d'Epernay, sur les bords du Petit-Morin. Son nom lui vient d'un reclus qui vivait à cet endroit.
En 1143, le même abbé Richard signa un accord avec Lambert, abbé de l'antique et célèbre abbaye de Lobbes en Hainaut, au sujet de terres que les deux abbayes possédaient au territoire de Saint-Erme, où l'abbaye de Lobbes avait depuis longtemps fondé un prieuré.
En 1147, l'abbé Pierre ler (1145-1147) obtint du pape Eugène III une bulle de confirmation de tous les biens de l'abbaye ; bulle qui fut confirmée quelques années plus tard, en 1178, par le pape Alexandre III, dont le texte était connu, mais dont l'original sur parchemin a été retrouvé en 1960 par le secrétaire de mairie de Monceau-le-Neuf-et-Faucouzy, utilisé comme couverture d'un vieux registre des délibérations de la commune.
En 1159, l'abbé Francon de Lobbes donna à l'abbaye de Vauclair tout ce que possédait son abbaye à Oulche et dans les environs, moyennant un cens annuel de quatre muids de vins, à livrer aux moines du prieuré de Saint-Erme.
Plus tard, en 1167, l'abbaye de Vauclair essaima encore en Champagne, non loin d'Epernay, près des sources du Surmelin, au milieu d'un bois de charmes, d'où le nom de la Charmoye donné à cette fondation, qui avait été demandée par Henri, comte palatin de Champagne. Avec le Reclus, ce furent les deux seules abbayes-filles de Vauclair.
En 1176, l'abbé Rodolphe (1156-1178) fit un échange de terres avec l'abbé Jean de Lobbes. Il s'agissait d'abord de Saint-Erme, où les deux abbayes avaient des possessions. La dîme que l'église de Saint-Erme percevait sur ces terres fut cédée à l'abbaye de Vauclair, moyennant un cens annuel d'un muid et demi de froment.
Par ailleurs l'abbaye de Lobbes céda à Vauclair des terres situées au territoire de Sainte-Geneviève, près de Rozoy-sur-Serre, moyennant un cens annuel de trois setiers de froment, mesure de Saint-Erme.
Henri Murdac, le plus célèbre des abbés de Vauclair, était un maître réputé pour sa science. Deux de ses disciples. étant entrés à Clairvaux, saint Bernard lui écrivit pour l'exhorter à quitter le monde et sa vaine science, pour se retirer dans la solitude de Clairvaux. Cette lettre est restée célébre, car le saint va jusqu'à lui dire : "Croyez-en mon expérience : vous trouverez quelque chose de plus au milieu des bois que dans les livres. Les arbres et les rochers vous enseigneront ce que vous ne pourrez apprendre d'aucun maître". Ce mot, détaché de son contexte et mal interprété, a maintes fois été apporté en preuve que saint Bernard n'avait que du mépris pour les livres et pour la science. En réalité, il veut tout simplement dire ici que dans la solitude des bois, Dieu parle à l'âme mieux que partout ailleurs.
Sous l'abbatial d'Henri Murdac, des contestations s’élevèrent entre les moines de Vauclair et les prémontrés de l'abbaye de Cuissy, située de l'autre côté des crêtes, à quelque six kilomètres de là, au sujet d'une forêt que les uns et les autres prétendaient avoir reçue en don.
Après plusieurs interventions de Samson, archevêque de Reims, de Joscelin, évêque de Soissons, et de Barthélemy, évêque de Laon, les deux parties n'arrivaient toujours pas à s'entendre. Ce que voyant, l'évêque de Laon acheta de ses deniers une autre forêt dont il fit don aux chanoines de Cuissy. Et c'est ainsi qu'il mit fin à cette discorde qui durait depuis longtemps. Dans la suite, pour éviter de semblables contestations, les cisterciens et les prémontrés décidèrent d'un commun accord, en 1142, qu'aucune maison de chacun des deux ordres ne pourrait s'établir à moins de quatre lieues d'une autre abbaye. Pacte qui fut renouvelé en 1153.
Plus tard Henri Murdac devint abbé de l'abbaye de Fountains, fondée en Angleterre par saint Bernard, au diocèse d'York, puis archevêque de cette ville en 1147. Il mourut le 14 octobre 1153, peu de temps après le saint abbé de Clairvaux.