Les Croix dans le Panneau
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Au cours de
lannée 1986, on a
découvert à Bruxelles dans des
panneaux de signalisation
routière A31 : Travaux
(figure 1), six petits traits
tracés en forme de trois croix
(figure 2). Il sagit du
tracé dun feutre à
lencre noire indélébile,
ces traits ont une épaisseur de
5 ou 6 mm à peu près constante
et la plus grande longueur a un
maximum de 50 à 60 mm.
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Figure 1
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On ne
dispose encore daucune
donnée concernant leur nombre et
leur répartition dans
lagglomération, mais on
peut déjà remarquer que cette
répartition nest pas
uniforme. Elle semble assez
dispersée et située plutôt au
nord-est de la capitale. On
notera cependant que lon a
relevé de ces mêmes tracés
dans des signalisations
identiques dautres villes
dEurope et quun
recensement est en cours.
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Figure 2
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Par le fait
que cette encre subît une
altération dintensité
décroissante telle que |
e-tk |
où e est le nombre
de Neper, base du logarithme naturel
t
est le temps
dexposition à une moyenne de lumière
k
est un coefficient de
proportionnalité dépendant de
sa résistance au vieillissement,
il est possible détablir
lâge de chaque spécimen.
Les observations et mesures
effectuées sur les échantillons
permettent de dater le plus
ancien du début de lannée
1986, tandis que des spécimens
plus tardifs ne sont âgés que
de quelques jours seulement. On
en conclut que cette pratique est
strictement contemporaine.
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Figure 3
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La figure 3
montre les croix dans le panneau
de signalisation. Elles
surmontent le monticule devant
louvrier, et sont comme un
signe additionnel dans le signal.
Toutefois la dimension de ce
signe supplémentaire le
maintient au second plan du
signal routier, et celui-ci garde
toute sa fonction
davertissement dun
danger (triangle). Une lecture
rapide du monticule sur lequel
ces croix semblent plantées
nen est presque pas
troublée et le code nen
est pas modifié. Comme
lenquête la établi,
une telle lecture au premier
degré ne serait pas plus gênée
par des variantes dans la
casquette (casque), les sabots
(bottines) ou dans les autres
détails de la silhouette du
travailleur.
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On ne reviendra pas sur le décodage du
signal routier original qui semble évident sinon
habituellement déchiffré comme indiquant des travaux en cours sur la chaussée.
Pour rappel, il savère que linscription ne modifie pas le sens premier
et, quau contraire, elle le soulignerait en le généralisant.
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Le sens de
linscription doit être
recherché dans la symbolique
chrétienne : en effet, la
croix centrale dépasse les deux
croix latérales comme pour les
transcender. On peut donc les
rattacher à la crucifixion de
Jésus-Christ et se référer à la peinture traitant
le thème pour comprendre ce
signe comme un
symbole minimum du calvaire.
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Le
traitement abstrait veut sans
doute atteindre au concept et
supprimer toute espèce
délément anecdotique. Il
sintègre donc parfaitement
au pictogramme qui est lui-même
traité en ombre chinoise.
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Néanmoins
cette inscription ne laisse pas
le panneau original intact, ni le
sens général totalement
inchangé. On sinterroge
sur la légalité de cette
pratique à la lisière du droit,
mais cest laffaire de
la Justice détablir sa
légitimé ou non. Quoiquil
en soit, lintroduction de
ce signe change principalement
les proportions. Car si ces croix
sont celles du calvaire, alors le
monticule est le mont Golgotha et
le travailleur est une sorte de
géant comme le colosse de Goya (Madrid - Prado). Au second
degré, on peut lire la
combinaison de ces symboles comme
si un titan déplaçait la colline sacrée
Et pourquoi pas ? Le travail
humain de notre époque
nest-il pas loeuvre
titanesque capable de déplacer
les montagnes ? Mais si ce
monticule prend figure de
calvaire, cest peut-être
pour indiquer que jusquici
cette puissance de travail est,
de son propre point de vue, une
longue suite de souffrances
physiques ou mentales.
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Souffrances
physiques parce que les
conditions de travail des
prolétaires sont très rarement
aussi confortables que les cas
despèce où les gens
sen contentent; et
parce que, dans ce monde,
lemploi des forces humaines
est largement abusif et odieux.
Souffrances mentales parce que la
dépossession du travailleur, qui
résulte de la forme marchande
des rapports sociaux, entraîne
une scission dans la conscience
et la mentalité de lhomme
tout comme dans sa culture
générale.
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Mais le
calvaire contient lidée du
sacrifice comme un des
caractères dominants de la
civilisation judéo-chrétienne.
Cest le revers de la
situation indépendante de
lindividu dans la
communauté.
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Sur le modèle du
Fils de Dieu,
« et incarnatus est
De Spiritu Sancto
Ex Maria virgine
Et Homo factus est
Crucifixus etiam pro nobis,
Agnus Dei
Qui tollis peccata mundi
»
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lhomme
démiurge de son monde doit payer
de son labeur toute sa vie la
faute originelle par laquelle il
a commencé à connaître la
nature et la vie dénaturée par
laquelle il a commencé à vivre
plus humainement.
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Il est
dabord sacrifice du pouvoir
sur sa production comme il est
sacrifice de tous les résultats
du travail ; il est ensuite
sacrifice de la part vivante du
travail social car elle est une
variable compressible du
capital ; il est enfin
sacrifice qui sauve de la baisse
tendancielle du taux de profit.
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Voilà donc
à quoi est confronté la
silhouette de lhomme qui
travaille : une montagne de
sacrifices, dont la taille est
laissée à lappréciation
du public. Comme Alice dans le
terrier du lapin, il doit choisir
le sens des proportions et la
signification de limage.
« Mais il est inutile, à
présent, de faire semblant
dêtre deux ! Alors
quil reste à peine assez
de soi-même pour faire une seule
personne digne de ce nom ! »
Vois-moi ! semble dire
limage en filigrane.
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