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ART PUBLIC
Ci-Gît
Prélude aux gisants... 1975


En 1987 à Bruxelles, Michel Wauthoz avait tracé quelques
silhouettes de personnages désespérés sur des cabines de téléphone public. Ces dessins constituaient la partie verticale d'une oeuvre dont la partie horizontale devait être constituée par des fragments d'anatomie peints jonchant le sol, tels des membres arrachés et sanglants. Peu content du résultat, l'étude en resta là.

En 1988, deux silhouettes de personnages avaient été découpées dans du vinyle et les contours avaient été carbonisés au chalumeau. Lors du premier Salon des Refusés (Bruxelles mai 1988), ces personnages étaient installés, gisants dans une flaque d'eau sale au sol du hangar de l'Arsenal du Charroi qui abritait l'exposition. Par leur faible visibilité, ces oeuvres ont été peu remarquées.

Au cours des années ' 90, des morceaux de tapis trouvés avaient été transformés en personnages gisants. Couchés çà et là sur le trottoir ou la chaussée, ils étaient du plus bel effet vis-à-vis des passants en position verticale. Le gisant (l'homme rouge au tapis) avait une présence toute spéciale en fonction du rapport établi soit avec un passant isolé, soit avec un groupe, soit avec le flot des gens, chacun observant soit un regard, soit un écart, soit une déviation ou une trouée comme un îlot dans un cours d'eau.

Longtemps ces expériences sont restées en suspens dans l'esprit du dialecticien qui n'avait pas encore trouvé leur point d'articulation critique, ni leur vis-à-vis. En effet, les gisants et les désespérés n'étaient pas en contradiction, mais en compassion. Il leur manquait la cause de ce qui gît. Comme dans la vie, l'essentiel restait absent et laissait un vide. Comme dans l'art, ce vide devenait l'essentiel et indiquait l'absence de vie.

De son côté, Michel Wauthoz oeuvre en contradiction envers la publicité commerciale qui s'expose dans l'espace et dans la conscience publique comme une néo-culture dont elle possède toutes les caractéristiques. Il travaille avec et sur des affiches publicitaires récupérées à l'issue des campagnes d'affichages pour les transformer en oeuvres d'art. En 1995, une oeuvre d' impression publiciste sur papier publicitaire mettait en scène des personnages issus de l'imagerie publicitaire et montrait leur présence immatérielle de population fictive.

La confrontation de l'art avec les artifices de la réclame, finit par trouver un champ de bataille  propice à un affrontement.  À partir du face à face entre les annonces et le public,  tous les deux debout dans un duel mental, il est possible de venir contrecarrer, contourner, détourner le pouvoir des images. Celui-ci prend possession des préoccupations du public livré à son omniprésence et à son positivisme, très loin des préoccupations de l'art contemporain. L'imagerie commerciale prend possession de toute la place pour affirmer la seule chose qui doit intéresser les gens :
voici tout ce que vous pouvez payer du peu qu'on vous paye ! (l'argent étant une abstraction qui médiatise un rapport social concret). Si on place une effigie de victime au pied des protagonistes de ce rapport médiatisé par des images, le pouvoir de ces images s'en trouve contrarié, sinon contredit, par le fait qu'il n'intègre aucune négativité relative à ce rapport, tandis que le public, concerné par la victime, est rappelé à l'idée du pouvoir occulté, comme il est rappellé au souvenir du négatif dont il est partie prenante dans ce rapport. La vérité, dont la publicité est absente, est que le pouvoir est à qui détient le capital.

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À la charnière du millénaire, Michel Wauthoz a donc conçu une oeuvre d'art publique qui prendra la forme d'une suite d'épisodes : Gisants & Population Pub,  prévue pour mille ans.
Le
premier épisode s'est manifesté en marge de l'exposition  Voici, 100 ans d'art contemporain;
le
second épisode s'est trouvé placé à l'entrée de la Foire Internationale d'Art  LINEART 2000;
le
troisième épisode a passé le week-end près de l'Atelier 340.
Ensuite un
intermède dans la station ARTS-LOI a précédé
le
quatrième épisode  où quatre gisants sont morts de froid dans le porche du Botanique ...


Jusqu'ici, la Population Pub est restée hors champ, seule l'image surnaturelle d'un top modèle en assure l'introduction. Les épisodes suivants devraient voir entrer en scène les figures de l'aliénation culturelle : la fiction du bonheur dans une société de classes.


ci-gît population pub

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