La loco à vapeur de Vresse-sur-semoisRetour

 

Quelle ne fut pas ma surprise de voir cette locomotive à vapeur au coeur des Ardennes lors d'une promenade en ce mois d'octobre (2002). Cette locomotive à vapeur reconstituée en bois représente bien la Belgique; elle est magnifique et elle est conservée où elle a été construite à Vresse-sur-Semois .

 

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Reproduction entièrement en bois de la locomotive "Le Belge" par les artisans de Membre
 et Vresse-sur-Semois, dans les ateliers de la Boissellerie Cognaut,
 pour les fêtes du 150ème anniversaire de la Belgique. 

 

L'Histoire: Références : C.S.  POURQUOI PAS 11/09/1980 n°3224.

 

Pourquoi diable les habitants de Vresse–sur-Semois, petit village ardennais de 180 âmes  qui n'a pourtant jamais vécu, ni de près, ni de loin, l'épopée ferroviaire  se sont-ils brusquement mis dans la tête de reconstruire, à l'échelle et dans ses moindres détails, la première locomotive belge sortie des ateliers Cockerill à Liège, en 1835 ?

 communes.gif (15203 octets) La carte de province de Namur !

INCOMPREHENSIBLES méandres de l’esprit humain... On pourrait, sans crainte de se tromper outre mesure, affirmer que ce fut par le plus grand des hasards. Il y avait ce cortège organisé à l'occasion du 150e anniversaire de l'indépendance du pays. et la nécessité d'y faire figurer un char. tout comme le faisaient les villages voisins...

Pourquoi ne pas reproduire la première locomotive du pays ? proposa un Vressois.

L’idée fit rapidement son chemin dans les esprits. Aiguillonnée peut-être par le fait que la localité  mis à part un poussif vicinal à vapeur  n'avait jamais eu de contact avec le rail.

 A l'origine, explique Maurice Mergny qui, avec Georges Cognaut, fut la cheville ouvrière du « grand œuvre » de Vresse, il s'agissait de construire un char reproduisant grossièrement l'ancêtre de nos locomotives. Très vite cependant, nous avons changé notre fusil d'épaule...

Un beau jour d'avril dernier, quatre Ardennais débarquent dans la capitale : Maurice Mergny, Florimont Louvet, François Colas et Georges Bertholet. Destination : le musée des chemins de fer, où est exposée la maquette de la locomotive en question, appelée ‑ comment pourrait-il en être autrement ?  « Le Belge ». D'emblée, pour eux, c'est le coup de foudre dans toute sa splendeur. ce qu'elle pouvait être belle, cette  loco racée aux cuivres rutilants, avec ses grandes roues noires et rouges et sa longue cheminée fusiforme sur­montée d'une sorte de panier à oeufs renversé !

 

Photographiée, dessinée et copiée sur place !

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Pendant le trajet de retour vers Vresse, chacun, de son côté, sentit que cette locomotive allait entrer dans leur existence autrement que comme un char de cortège. Et ils ne se trompaient pas...

 Très vite, explique Maurice Mergny, nous avons réalisé qu'il nous fallait être exigeants avec nous-mêmes. Et notre décision fut prise à l'unanimité : ce serait une copie conforme, exacte à un boulon près, que nous allions construire, et rien d'autre...

Une telle oeuvre est avant tout un problème de participation : Il fallait plus que quelques bonnes volontés éparses pour mener à bien un travail d'une telle envergure. Inexplicablement, sans que l'on ait à les pressentir, les volontaires affluèrent, venus de tous les milieux : artisans, ouvriers, intellectuels, pensionnés, se prirent de passion pour l'audacieux projet de Maurice Mergny et de son équipe. En trois coups de cuiller à pot, construire « Le Belge » devint l'affaire de Vresse, c'est-à-dire du village tout entier.

Un second déplacement à Bruxelles devait, cette fois-ci, réunir dix participants, vers le Palais des Beaux Arts où, dans le cadre de l'exposition « Le temps des gares », se trouvait une copie grandeur nature de l'ancêtre du rail belge.

 Par groupes de deux, raconte Maurice Mergny, nous avons travaillé d'après nature. Chaque équipe s'occupait d'une « tranche » de la loco, chacun dessinait les pièces, les mesurait, les photographiait détail après détail, de manière à ce que nous puissions, par après, cerner la réalité au plus près.

Importante journée que celle-là, puisque le groupe des Vressois entêtés rentra au pays avec une invraisemblable moisson: plus de 150 photographies, et des centaines de dessins qui, mis bout à bout, reproduisaient quasiment le plan détaillé de la loco.

 

Un village tout entier au travail

 

A partir de ce moment, Vresse tout entière se mit à la tâche. Chaque groupe fut chargé de la réalisation d'une section de la machine, laquelle grâce à la participation active de Georges Cognaut, qui mettait sa boissellerie et surtout tout son outillage à la disposition de l'équipe  serait réalisée complètement en bois du pays. Sauf les cuivres, bien entendu, qu'il fallait faire marteler à Dinant, seul endroit où existe encore la main-d'oeuvre spécialisée pour ce genre de travail.

Premier problème : les finances... Une collecte réalisée au village avait rapporté la somme déjà coquette de 16.000 F ( 397 Eur). Mais ce n'était pas suffisant, surtout pour payer les dinandiers... Qu'à cela ne tienne ! Chacun, dans l'équipe, retroussa ses manches et, à l'occasion de la kermesse locale, on ouvrit une baraque spéciale où l'on débita frites, saucisses et autres merguez au profit de l'action « locomotive ». Résultat : 23.700 francs (588 Eur) dans la caisse !

  C’était formidable, confie l'un de ces volontaires-cuisiniers d'occasion : je ne me suis mais tant amusé !

 

Retour inattendu à la camaraderie de clocher.

 

Mais. au fond, l'aventure allait beaucoup plus loin qu'on aurait pu l'imaginer à ses débuts. Ce « hobby en groupe » devait réaliser parallèlement une sorte de mini-miracle à Vresse-sur-Semois.

 Au fur et à mesure de la construction de la loco, souligne Maurice Mergny, l'on assista à un phénomène étrange, une sorte de changement subtil clans l'atmosphère du village. Chaque jour, leur travail terminé, jeunes et moins jeunes se retrouvaient sur « notre » chantier dès qu'ils le pouvaient. Ce contact journalier, sans que nous l'ayons voulu ou même soupçonné, fit tout à coup revivre cette vieille camaraderie de clocher du temps jadis que l'on ne connaissait plus depuis longtemps. Des personnes qui, en temps normal, ne se seraient jamais adressé la parole, devinrent d'inséparables amis. Les bricoleurs aidaient avec patience chose rare !  ceux qui ne savaient rien faire de leurs dix doigts. Bref, le village avait 150 ans de moins, et on se serait cru à nouveau aux premiers jours de notre indépendance nationale !

Autre miracle. d'envergure celui-là : chaque soirée et tous les week-ends, les hommes abandonnaient leur foyer pour se consacrer totalement à leur hobby d'équipe. Jamais, au grand jamais, on n'entendait une épouse vressoise se plaindre de cette situation. Alors qu'en temps normal...

 L'ambiance devait être un peu la même du temps où l'on bâtissait les cathédrales, fait remarquer un Vressois facétieux.

 

Du pain sur la planche pour 1981.

 

Le BELGE: en 1835, John Cockerill construisait sa première locomotive.

Entre-temps, «  Le Belge » prenait tout doucement forme. Chaque jour apportait des améliorations, la finition d'un détail, la solution d'un problème technique. Un garagiste offrit un châssis et un moteur de camionnette qui servit de base à la locomotive. Une équipe s'affairait au travail de bénédictin de tourner les rivets en bois de la vieille loco. Il y en avait, paraît-il, plus de 2.500 ! Eugène Nicaise, chargé de la réalisation de la grande cheminée  c'est du moins ce que raconte la chronique !  ne dormit plus tant que son oeuvre ne fut pas terminée. Et l'on chuchota même que l'adjudant de gendarmerie pensionné, qui n'était pas doué pour les travaux manuels, devint vite un expert en bricolage au sein de son équipe... Bref, aujourd'hui, « Le Belge » de Vresse est terminé. C'est une splendide loco, absolument conforme à l’original: il n'y manque pas un rivet, pas un boulon, pas un détail de peinture ni d'ornementation. Elle roule, siffle, fait de la vapeur et crache de la fumée comme son ancêtre le faisait, en 1835, dans les champs et les prés entre Bruxelles et Malines.

 

Membre, le village voisin de Vresse, conquis par l'enthousiasme, a accepté de «jouer » aussi . ses habitants, sous la direction d'un vieux menuisier de 75 ans, Florimont Louvet ont construit le wagon voyageurs qui est le complément indispensable de la loco vressoise. Aujourd'hui que le cortège du 150e anniversaire est terminé et que les lampions de la fête se sont éteints, Vresse entend continuer à vivre son « hobby en commun »: une équipe, cela ne se dessoude pas comme cela, du jour au lendemain ! Déjà, on tire des projets d'avenir :

 Notre locomotive, on ne peut pas la laisser dehors, affirment les compères.

Aussi ont-ils pris la décision de la mettre sur rails (en bois), de lui construire un quai à sa mesure... et d'édifier autour d'elle un hangar fermé digne d'elle.

  De quoi nous occuper pendant l'année à venir, conclut Maurice Mergny en souriant.

 

Références : C.S.  POURQUOI PAS 11/09/1980 n°3224.

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Cette photo d'époque montre la véritable locomotive « Le Belge ». Ce fut la première machine construite en Belgique par John Cockerill à Seraing. Elle fut mise en service le 30 décembre 1835 sur la ligne Bruxelles-Malines. Poids en ordre de marche : 11,750 tonnes. Vitesse maxi : 60 km à l'heure. La SNCB possède (aussi) une réplique en bois de ce modèle historique.

 

Sites à visiter :

(On n'y parle pas de la "loco"!)

http://www.lerelais.be/curiositesf.htm

http://www.vresse-sur-semois.be/francais/accueil.html

http://www.namur.be/communes/vressesur/infos.html

 

 

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