Cahier Didactique

L'Opéra Garnier

et

Kandinsky


Kandinsky – Figures de l'invisible



"Kandinsky est un des tout premiers à avoir produit, de façon continue, des œuvres non figuratives. Il est aussi un des premiers peintres à avoir fait la théorie de cette nouvelle forme d'art."


FICHE TECHNIQUE


Kandinsky - Figures de l'invisible

FRANCE - 31' -1994


Réalisation : Alain Jaubert

Image : Joseph Ort-Snep et Olivier Petitjean

Photographie : Claude Gaspari

Commentaire : Alain Jaubert

Voix : Marcel Cuvelier et Paul Bargo

Montage : Sylvie Barillaud

Production : La Sept/Arte et le Centre Georges Pompidou


LE FILM


C'est au travers de la composition Jaune, rouge bleu (1925) donnée par sa femme Nadia, après la mort de l'artiste, au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris, puis au Centre Pompidou, qu'Alain Jaubert a choisi de faire découvrir l'oeuvre de Vassily Kandinsky. Ce travail important de la maturité résume bien tout l'enseignement qu'il a donné au Bauhaus de Weimar, où il avait une chaire de dessin analytique et de maîtrise des formes, jusqu'à la dissolution de cette Ecole par les nazis, qui a eu une importance capitale dans l'évolution des arts contemporains. Mais l'analyse qu'en fait Jaubert, reprenant là les thèses de plusieurs historiens, montre toute l'ambivalence du travail de Kandinsky qui n'était pas prisonnier des théories très intransigeantes qu'il développait, par ailleurs, dans des essais comme Points, lignes, plans. Il se rapproche dans cette toile. des symbolistes en mettant en avant la nécessité d'un contenu, d'une résonance intérieure basée sur "l'extase, l'illumination, l'apparition". Le film ne se résume pas à la présentation de ce tableau. Ce dernier sert d'ouverture à un propos plus large sur l'oeuvre de Kandinsky, ses positions théoriques sur la lumière et les couleurs, son rêve d'une synthèse de tous les arts. Il aborde aussi les positions de peintres contemporains de Kandinsky qui, comme lui, exploraient l'abstraction, Mondrian et Malevitch.

D'après Jacqueline Aubenas in Catalogue du Centre du Film sur l'Art


KANDINSKY : JAUNE – ROUGE – BLEU


Kandinsky est universellement reconnu comme l’inventeur de l’abstraction lyrique. En 1895, la révélation des Meules de Monet le pousse à quitter ses études de droit et à se consacrer à la peinture qui, avec la musique, l’intéresse depuis toujours. Dès ses premiers paysages, datant de 1901, les impressions naturalistes sont réduites à l’essentiel. La tendance à se libérer de la référence au réel va s’accentuer avec des œuvres de 1908 et 1909, à la composition libre et aux couleurs intenses caractérisées par une touche oblique. Mais c’est avec ses premières œuvres abstraites de 1910 et 1911 que  Kandinsky marque l’abandon de toute relation à l’objet ou à la figure. La toile devient alors le lieu d’oppositions multiples de forces et de couleurs qui bouleversent l’espace.


Du spirituel dans l’art


Dans son ouvrage, Du Spirituel dans l’art, écrit en 1910, l’artiste médite sur les rapports entre la forme et la couleur, la peinture et la musique, tentant de définir la valeur expressive des formes et des couleurs et de leurs combinaisons. L'ouvrage fera date.

Couleurs et formes, déterminent des impressions particulières, véhiculent des sensations et des sentiments différents. Au bleu mystique et froid, s’opposent le jaune chaud et agressif, le vert paisible, les différents silences des blancs et des noirs, la passion du rouge, couleurs qu’il met en relation avec ronds, triangles et carrés, lignes ouvertes ou fermées. Le spirituel est du ressort de la peinture qui agit directement sur les sens et sur l’émotion. 


La dissociation de la peinture et du sujet


En décembre 1911, il organise la première exposition de la rédaction de l’Almanach du Blaue Reiter où il affirme, par des toiles de plus en plus grandes, la dissociation de la peinture et du sujet. Le mot Composition se substitue alors aux titres habituels des tableaux.

« Créer une œuvre, c’est créer un monde. » Ce monde n’est pas à l’image du réel mais est une création pure, ne répondant qu’à « la nécessité interne au tableau », écrit Kandinsky. Au sujet de la nature, l’artiste souligne qu’il ne faut pas se borner à la voir, mais qu’il faut la vivre. C’est cette vie saisie dans un élan cosmique, dans une effusion spirituelle, que le peintre rendra dans sa période la plus intense de l’abstraction lyrique.


Le retour à la ligne courbe et aux dégradés de couleurs


Etabli à Weimar de 1922 à 1925, Kandinsky, sous l’invitation de l’architecte Walter Gropius, s’associe à l’équipe des professeurs du Bauhaus. Sa peinture devient rigoureusement géométrique. En 1925, le Bauhaus quitte Weimar pour Dessau. La peinture de Kandinsky renoue alors avec la ligne courbe, les dégradés de couleur nuancent à nouveau ses compositions. Jaune-rouge-bleu, est l’œuvre la plus importante de cette période.

Cette grande toile est un rectangle aux dimensions parfaites évoquant la « divine proportion », elle tranche avec les formats plus exigus de la période du Bauhaus. Le tableau pourrait apparaître comme une transposition des théories que l’artiste vient de fixer dans son ouvrage, Point, ligne, plan, mais sa complexité l’éloigne d’une simple œuvre manifeste. Kandinsky veut à ce moment ouvrir la peinture non figurative aux possibilités d’un système formel qui dépasse celui du cercle et du carré, où les constructivistes russes, issus du Bauhaus, voulaient faire sombrer l’abstraction. Les couleurs primaires mélangées au noir et au blanc s’opposent au couple exclusif noir et blanc de Malévitch ou de Mondrian.


Deux parties qui s’opposent


L’œuvre est composée de deux parties qui s’opposent : lignes géométriques à gauche, formes libres à droite.  L’accent principal est mis sur les trois couleurs primaires qui, de gauche à droite et dans l’ordre : jaune, rouge, bleu, articulent la composition. L’opposition du jaune chaud, lié au mouvement, et du bleu froid, stable, lié à la forme du cercle y est mise en jeu. La partie jaune est lumineuse, légère, des fines lignes droites et noires l’accompagnent. Elle s’inscrit sur un fond pâle aux bords bleu-violet où la peinture est appliquée de manière à produire la sensation d’un ciel avec ses nuages évanescents qui semblent se prolonger au-delà du tableau. À l’opposé, la partie droite est sombre, le cercle bleu se détache sur un fond jaune clair, rythmé par la ligne serpentine noire  d’épaisseur variée. Entre les deux polarités du jaune et du bleu, se déploie une multiplicité de formes : rectangles rouges, se lisant derrière les transparences des formes biomorphiques, damiers en couleurs et noirs et blancs.


L’équilibre des éléments


L’essentiel de ce tableau est dans l’équilibre des éléments qui se répondent dans un jeu d’oppositions et de complémentarités. Au géométrisme solaire de la partie gauche, évoquant l’astre diurne par la couleur et par les obliques qui, tels des rayons, sortent à deux reprises des demi-courbes, répond à droite l’obscure rotondité lunaire d’où s’échappe une myriade de formes : surfaces qui se chevauchent et se lisent en transparence, sans parler des deux formes biomorphiques aux multiples nuances grises qui, comme deux plumes, coiffent le cercle bleu.


Soleil et lune se donnent rendez-vous


Mais ce tableau suggère aussi une autre lecture. Dans ce rectangle aux dimensions parfaites, « Soleil » et « Lune » se donnent rendez-vous. Soleil sous la forme d’un visage vu de face et de profil, lune qui se diffracte dans l’échantillonnage des bleus, violets, roses, en un bouillonnement de courbes et contrecourbes, de lignes obliques et ondulées, d’opacités des damiers en perspective et de transparences des surfaces biomorphiques, auxquelles s’ajoutent rectangles et carrés en suspension comme un jeu de cartes flottant dans la vacuité des airs.


La naissance des couleurs


Loin de n’être qu’un simple manifeste-synthèse des différentes périodes de l’art de Kandinsky, ce tableau miroitant et mystérieux ne cesse d'intriguer. En effet, dans des notes de cours, Kandinsky s’exprime à propos des couleurs et de leur « naissance » : « Jaune et bleu par rapport au rouge… Phébus et la Lune s’évitent et se retrouvent quand même entre jour et nuit comme l’aurore et le couchant. Naissance mystérieuse du rouge par la tendance simultanée à l’éloignement et à l’ascension du jaune et du bleu. »

Au centre de la composition, entre les extrêmes du jaune et du bleu qui montent, il s’agirait ici d’une naissance du rouge et de la couleur à laquelle Kandinsky redonne toute sa force expressive.


D'après le dossier du Centre Georges Pompidou


CITATIONS


« Est beau ce qui procède d'une nécessité intérieure de l'âme. Est beau ce qui est beau intérieurement. »

« L'art moderne ne peut naître que lorsque les signes deviennent des symboles. »

« Aujourd'hui un point dans un tableau dit beaucoup plus qu'un visage humain. »

« L'âme de l'artiste, si elle vit vraiment, n'a pas besoin d'être soutenue par des pensées rationnelles et des théories. Elle trouve par elle-même quelque chose à dire. »


« La couleur provoque une vibration psychique. Et son effet psychique superficiel n'est, en somme, que la voie qui lui sert à atteindre l'âme. »


« Je crois justement qu'on ne peut trouver notre harmonie aujourd'hui par des voies géométriques, mais au contraire par l'anti-géométrique, l'anti-logique le plus absolu. »


POUR EN SAVOIR PLUS


Vassily Kandinsky, Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier, éd. Denoël, collection "Folio Essais", 1989.


Philippe Sers, Kandinsky. Philosophie de l'art abstrait: peinture, poésie, scénographie., éd. Skira, 2003.



L'Opéra Garnier



«Tout n’est qu’impression. Il faut que l’abondance d’impressions qui jaillit du drame lyrique soit encore complétée par l’impression d’abondance qui jaillit de l’architecture.»

Charles Garnier

FICHE TECHNIQUE


L'opéra Garnier

France – 26' – 2001


Réalisation : Stan Neumann

Images : Richard Copans, Ned Burgess

Laurent Didier

Son : André Rigaut, Olivier Le Vacon

Montage : Stan Neumann, Claire le Villain

Producteurs : Les Films d'Ici

Partenaires : La Sept Arte, Musée d'Orsay, CNC


LE FILM


« Architectures » est une collection de films de 26 minutes, consacrée aux réalisations les plus marquantes de l’architecture moderne, du XIXème siècle jusqu’aux dernières créations des grands architectes d’aujourd’hui.

Le film se présente comme une enquête sur un monument considéré comme l’un des joyaux de l’architecture du XIXème siècle, le symbole du style Second Empire, le Palais Garnier.

Stan Neumann explore le bâtiment, le décortique depuis les fondations jusqu’au toit. Comme toujours, le travail documentaire du réalisateur est précis et minutieux et nous entraîne à la découverte des étapes de la conception du bâtiment et dans l’agencement des espaces.

Charles Garnier révèle un tempérament de tendance baroque. Il use d'une décoration éclectique, surchargée et fastueuse, qui masque la structure interne en fer. S'y mêlent les arts décoratifs et les disciplines qui constituent les beaux-arts : peinture, sculpture, gravure, toutes au service de l'architecture. En effet, l'architecte rêvait d'un palais-spectacle capable de rivaliser avec les œuvres qui allaient y prendre place.

Ce palais, qui étonne déjà au premier regard, revêt plus encore de grâce et de mystère en révélant ses secrets.


L'OPERA GARNIER


L’édifice conçu par Garnier étonne par la variété et la richesse des matériaux utilisés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et par la profusion de ses ornements. Dès son inauguration, l’Opéra a connu un engouement sans précédent. Plus que la fonction, c’est le monument, le Palais au nom de son architecte, qui jouit d’une énorme popularité. L’opéra Garnier fait des émules dans toute l’Europe, où de nombreux architectes vont s’inspirer de son style et des principes qu’il met en œuvre.

Charles Garnier remporte le concours de l’opéra, le 29 décembre 1860, parmi les quelque 171 projets présentés dans l’anonymat. Les travaux, soumis aux vicissitudes de la vie politique française vont durer trente ans. L’opéra de Garnier est l’œuvre de toute une vie. Il est l’occasion, pour l’architecte, d’affirmer que l’édifice doit être une œuvre commune qui associe tous les arts. Pour édifier le temple de l’Art lyrique, Garnier veut y conjuguer les disciplines qui entrent dans la désignation générique de « Beaux Arts » (l’architecture, la peinture et la sculpture) auxquelles il adjoint les arts décoratifs. À la condition cependant que tous ces arts plastiques, frères de l’architecture, acceptent d’être entièrement subordonnés à cette dernière. Ainsi, Garnier dessine tout, esquisse les moindres détails, supervise le travail des artistes, peintres et sculpteurs, qui œuvrent au décor.

Le Palais Garnier est conçu comme une bulle qui isole les spectateurs du monde extérieur pour les préparer à rentrer dans l’univers rêvé du spectacle d’opéra. À cette fin, l’architecte met en scène une liturgie préalable et parallèle. Tout est conçu pour un confort qui doit couper du monde réel.

La volonté de préparation, de conditionnement du spectateur, explique aussi sans doute le développement du parcours prévu depuis son arrivée jusqu’à la salle. On peut y voir l’analogue architectural de l’ouverture musicale : servir de passage d’un monde à l’autre. Au contraire, la salle de spectacle elle-même est relativement peu décorée pour ne pas interférer avec ce qui se passe sur la scène. Mais c’est le seul moment où le bâtiment cède au profit du théâtre.

Les spectateurs deviennent eux-mêmes les acteurs de la pièce préparée par l’architecte. C’est d’ailleurs avec le Palais Garnier que se produit une petite révolution des mœurs. Au lieu de rester dans leurs loges, pour y recevoir des visites, pendant l’entracte, les spectateurs arpentent les couloirs et les foyers sous le prétexte d’admirer les peintures.

Un solide fond classique, travaillé par un bouillonnement décoratif et une intervention de la couleur, pourrait définir le style du Palais Garnier et de Charles Garnier lui-même. Classicisme et rationalisme se conjuguent dans un même bâtiment. Le classicisme placé sous le signe de la raison et de l’ordre pouvait assez facilement admettre une architecture régie par la fonction. Même si l’on oublie souvent de créditer Garnier de cette proclamation, en accordant beaucoup plus d’importance à l’aspect décoratif du bâtiment, il n’en demeure pas moins que l’Opéra juxtapose des volumes hétérogènes, chacun reflétant exactement l’intérieur, c’est-à-dire la fonction. Cette rencontre entre tradition et modernité s’illustre également dans le choix des matériaux que fait Garnier pour construire le nouvel opéra. La salle du Palais Garnier est une immense construction de fer déguisé, habillé, mais c’est bel et bien le premier opéra reposant sur une structure métallique. Garnier reste fidèle aux principes qu’il tire de sa formation, mais sans pour autant délaisser les matériaux mis à sa disposition.

Garnier voulait un palais-spectacle, un rival de l’opéra lui même. Et pour l’édifier, il a mobilisé à peu près tous les moyens, jusqu’à rêver d’être le directeur de l’opéra et non pas seulement l’architecte du lieu.


POUR EN SAVOIR PLUS


Rien de mieux qu'une visite !

Cahier didactique réalisé par Sarah Pialeprat

Accueil |