Cahier Didactique

Pierre-Paul Rubens - Synthèse du classique, prophète de la modernité

"Je suis un être humain et un peintre, et rien de ce qui appartient à l'humain et à la peinture ne m'est étranger."

FICHE TECHNIQUE
Pierre-Paul Rubens - Synthèse du Classique-Prophète de la modernité
BELGIQUE - 50' - 1991
Réalisation : Harold van de Perre et Anton Stevens
Scénario : Harold van de Perre
Image : Wim Michiels et Jef Van den Langenbergh
Commentaire : Marcel Dessogne et Claude Koener
Son : Koen De Leeuw et Geert Engels
Direction musicale : Herman Baeten
Coproduction : Vision-on-Art, BRTN
Production : Paradigma

LE FILM

Un regard personnel sur trois génies universels de l'art flamand : Jan van Eyck, Brueghel et Rubens, qui met l'accent sur le langage plastique et le message poétique des trois maîtres. Plus que le simple récit d'un historien de l'art, les films proposent un regard neuf et inattendu... Un Rubens, comme vous ne l'avez jamais vu !

En commençant avec des oeuvres diverses et variées de Pierre-Paul Rubens, le film nous donne une vue d'ensemble de certaines des plus importantes périodes et influences de l'histoire de la peinture occidentale.

En Italie, où pendant huit ans il fut étudiant, Rubens adopta la culture antique et celle de la Renaissance. Stimulé par le nouveau style baroque, il le rapporta en Flandre et lui donna un caractère typiquement flamand.

Rubens est célèbre pour ses nus exubérants. Personne n'a mieux rendu les différentes formes de nus aussi bien que lui : ils sont extatiques, esthétiques et même éthérés. Mais le grand enjeu du film est de montrer les similitudes et les inspirations du grand maître sur des peintres tels que Watteau, Fragonard ou encore Delacroix. En analysant comment Rubens travaillait le paysage, il devient simple de jeter des ponts entre son oeuvre et les paysages post-impressionnistes comme ceux de Constable.

A la fin de l'histoire, qui introduit également le cubisme, le futurisme et même les débuts du cinéma, nous reconnaissons en Rubens un peintre qui insuffla à ses toiles toutes les formes d'expression de la vie.

A la découverte d'un Rubens classique, Rubens prophète et moderne.

D'après the Rolland Collection

 

Quelques mots du film :

 

" Dans toutes les civilisations, la femme est source d'inspiration pour l'artiste. (...) Dans la peinture baroque, c'est la luxuriance de ses formes qui passent au premier plan, une luxuriance qu'aucun peintre n'a évoqué avec autant de prodigalité que Rubens. "

 

" Rubens nous apparaît à la fois comme la synthèse de la culture classique et un prophète de l'art moderne."

 

"C'est de la vision de la déesse et de la paysanne que surgissent ses femmes mythiques."

 

" Rubens émerge comme un peintre complet qui met l'homme en image dans sa totalité."

L'ARTISTE

RUBENS (Pierre-Paul), peintre flamand, né à Siegen, près de Cologne, le 28 juin 1577 mort à Anvers le 30 mai 1640.

Pierre-Paul Rubens naquit et fut élevé en terre germaine. Ramené à Anvers après la mort de son père, en juin 1587, il apprit le flamand, le français et le latin. Il devait, plus tard, se servir couramment de l'italien dans sa correspondance.

Enfant, il copia les figures de la Bible de Stimmer. Le pompeux décor du culte catholique lui fit une impression ineffaçable, dont la trace devait se retrouver plus tard dans sa prédilection pour les scènes où l'on pouvait introduire des chapes d'évêque et des vêtements de brocart. Entré comme page à treize ans chez une princesse, il fut bientôt placé, en 1590, chez le paysagiste Tobie Verhaecht; peu après, il entra pour trois ou quatre ans chez Adam van Noort, excellent professeur, maître aussi de Jordaens et de van Balen. En 1594, il devint l'élève d'Otto Venius qui lui inculqua, avec le goût des compositions décoratives, l'amour de l'antiquité et de l'Italie. Maître de la gilde en 1598, il s'établit à Anvers. Le portrait de Vieille femme de Munich est sans doute celui de sa mère. À Venise, il se passionna pour les grands Vénitiens et rencontra Vincent de Gonzague, duc de Mantoue, chez qui il devait rester huit ans pour faire des portraits et des copies de maîtres. Il copia aussi, pour son plaisir, des oeuvres de Raphaël, Michel-Ange, Léonard de Vinci, Tintoret, Titien, Baroccio, Corrège et surtout Caravage (Mise au tombeau). Mais ses dix années d'éducation flamande percent dans la plupart de ces copies.

Le 5 mars 1603, il partit en mission semi-diplomatique, chargé de cadeaux pour le roi d'Espagne Philippe III et le duc de Lerma. Il fit à Madrid de bons portraits. De retour en 1604, il fit, pour l'église des Jésuites de Mantoue, trois grands tableaux, dont l'un, la Transfiguration (musée de Nancy), avec des réminiscences de Raphaël et du Caravage. Envoyé à Gênes, il y fit, en deux mois, divers portraits et les dessins et plans de palais. À Rome, il termina plusieurs compositions et des copies de maîtres. Il partit en 1608 pour retrouver sa mère malade et arriva trop tard.

Devenu peintre de l'archiduc Albert, il s'établit pourtant à Anvers, où il épousa la bonne et charmante Isabelle Brandt en octobre 1609. En pleine joie, il laissa libre essor à son génie dans le triptyque de l'Érection de la croix (1610, cathédrale d'Anvers), où, malgré l'allure un peu théâtrale qui sera souvent sa marque, il traduit dans une riche harmonie, une scène tumultueuse et même émouvante. Il exposa dans la même église, la Descente de croix, un de ses plus parfaits chefs-d'oeuvre. Ses contemporains ne s'y trompèrent pas : de ce jour, Rubens ne fut pas pour eux le plus grand peintre du pays, il fut le seul. Les artistes qui auraient pu essayer de rivaliser avec lui préférèrent travailler sous ses ordres et ne crurent pas déroger.

Rubens, resté profondément Flamand par le choix de ses modèles, a mis dans sa Descente de croix certains mérites propres aux grand Italiens, le parfait équilibre dans la combinaison des lignes et des masses, parfois la vraie noblesse. Un peu plus tard, il obtiendra plus d'aisance dans l'exécution, plus de richesse dans les reflets, mais ce sera un peu aux dépens de la solidité.

Tous les genres intéressaient Rubens : aux tableaux religieux et aux portraits qu'il avait fait alterner avec les compositions historiques, mythologiques et allégoriques, il allait ajouter les natures mortes et les scènes de chasse.

Il n'aurait pu faire face aux commandes sans l'aide d'élèves et de collaborateurs qui exécutaient en grand, sous ses yeux, ses incomparables esquisses : Van Dyck et Jordaens peignaient les figures ; Snyders, Paul de Vos, les animaux ; Breughel de Velours, Jean Wildens, Martin Ryckaert, le paysage. Nous citons les meilleurs. Quand chaque élève avait rempli sa tâche dans la grande composition destinée à devenir définitive, mais tenue encore dans les tons clairs, le maître tantôt revenait sur la couleur fraîche, tantôt - le plus souvent-reprenait le tableau déjà sec et le faisait sien en y ajoutant des accents de dessin ou d'effet, des touches plus hardies et plus transparentes, des ombres plus intenses et plus profondes. Très honnête d'ailleurs, il variait ses exigences vis-à-vis des acheteurs selon sa part de travail personnel.

Naturellement, la postérité a porté ses préférences sur les petites esquisses originales qui sont la pure expression de son génie, et sur les grandes compositions sorties entièrement de sa main.

La période de 1615 à 1621 est très féconde. Citons entre autres, la Communion de saint Ignace de Loyola (musée de Vienne); le Coup de lance (musée d'Anvers) ; Saint Ambroise et Théodose (musée de Vienne) ; le Combat des amazones (Munich), enfin et surtout l'Enlèvement des filles de Leucippe (Munich) où les corps féminins sont des merveilles de puissante souplesse.

La maison qu'il avait achetée en 1611 et embellie, renfermait des oeuvres de Titien, Tintoret, Véronèse, Léonard, Raphaël, Ribéra, Holbein, Antonio Moro, Van Eyck, Breughel le Vieux, Brouwer, etc. Il y recevait les visiteurs dans son atelier et causait parfois avec eux en même temps qu'il peignait, dictait une lettre et se faisait lire Tacite. Il s'intéressait d'ailleurs à tout : voyages, histoire naturelle, art antique, archéologie.

Vers la fin de 1621, il reçut la commande des grandes compositions de la galerie du Luxembourg (aujourd'hui au Louvre) destinées à raconter la Vie de Marie de Médicis. Chargé de faire le portrait de Marie de Médicis - aujourd'hui au musée du Prado - oeuvre exquise en un genre où il est rarement supérieur, il profita de ses longues séances avec la reine pour essayer de rapprocher habilement la France de l'Espagne. Il reprit ses tentatives très discrètes lorsqu'il revient, en mars 1625, apporter toutes les autres compositions, sauf deux qu'il fit sur place. Ces vingt et un tableaux, d'inégale valeur, constituent l'ensemble le plus important qu'il ait exécuté.

Devenu veuf, en juin 1626, d'Isabelle Brandt, qui lui laissait deux fils, il accepta, pour distraire son chagrin, une mission politique secrète, vint à Paris pour cela en 1626, y retrouva le duc de Buckingham qui lui acheta 100.000 florins sa collection d'oeuvres d'art ; passa en Hollande, sous prétexte de voir les peintres, pour y rencontrer un envoyé anglais ; en Espagne (1629), enfin en France et en Angleterre (1629-30). Il avait emporté en Espagne des tableaux de lui et quatorze très belles esquisses sur l'Eucharistie. Il conquit dans ses voyages la faveur de Philippe IV et de Charles Ier.

Son mariage avec Hélène Fourment, fut, malgré la différence d'âge, le début d'une nouvelle ère de bonheur. Les nombreux portraits de sa jeune femme (musées de Munich, Ermitage, etc.) et, plus encore, les innombrables compositions où il l'a reproduite sans voiles, prouvent combien il était épris d'elle. Hélène a probablement posé aussi pour les jeunes femmes élégamment vêtues à la mode du temps, qu'il introduisit dans une de ses oeuvres les plus lumineuses, le triptyque de Saint Hildefonse (musée de Vienne).

La peinture religieuse ne perd pas ses droits : en 1636 et 1637, il peint le Martyre de saint Liévin et la Montée au calvaire (Bruxelles), d'une liberté de facture étonnante, et dont la couleur fraîche contraste avec l'horreur des sujets. Mais le maître, goutteux, se réfugiant au château de Steen évite les trop grands tableaux. Ses beaux paysages, parfois trop détaillés (National Gallery, Munich, Louvre) ont inspiré les Constable et les Turner. Il se délasse en peignant de souvenir cette étonnante Kermesse (Louvre, 1638-39) où les crudités du sujet sont sauvées par le "lyrisme" de l'exécution. Son dernier ouvrage, la Vierge entourée de saints, fut mis, selon sa volonté, devant son tombeau, dans l'église Saint-Jacques d'Anvers. Jamais, depuis la Descente de croix, il n'avait traité aussi magistralement un sujet religieux. Le tableau de 1612 montrait, plus visible, l'influence des vieux maîtres ; mais, trente-six ans après, l'oeuvre qui fut son testament artistique et où la couleur est plus vierge, l'exécution plus prestigieuse, nous laisse voir, comme une leçon suprême, le profond respect de la nature, le culte de la forme que ces vieux maîtres lui avaient enseigné et qu'il n'avait jamais oublié complètement, même dans ses oeuvres les plus hâtives.

Le déclin de la vieillesse lui fut épargné; il mourut en pleine gloire, à peine âgé de soixante-trois ans.

D'après L. DURAND-GRÉVILLE, article "Rubens" de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de "La grande encyclopédie". Tome vingt-huitième, p.1108-1111.

ILS ONT ÉCRIT

" Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,

Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,

Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,

Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer ."

Charles Baudelaire, Les Phares

"Rien ne lui manque, a-t-on dit, excepté les très purs instincts et les très nobles. On trouverait, en effet, deux ou trois esprits dans le monde du beau qui sont allés plus loin, qui ont volé plus haut, qui par conséquent, ont aperçu de plus près les divines lumières et les éternelles vérités. Il y a de même dans le monde moral, dans celui des sentiments, des visions, des rêves, des profondeurs où Rembrandt seul est descendu, où Rubens n'a pas pénétré et qu'il n'a même pas aperçues. En revanche, il s'est emparé de la terre, comme pas un autre."

Eugène Fromentin, Les maîtres d'autrefois : Belgique, Hollande

"Quel enchanteur! Je le boude quelquefois: je le querelle sur ses grosses formes, sur son défaut de recherches et d'élégance. Qu'il est supérieur à toutes ces petites qualités qui sont tout le bagage des autres.! En se permettant tout, il vous porte au-delà de la limite qu'atteignent à peine les plus grands esprits; il vous domine, il vous écrase sous tant de liberté et de hardiesse."

Delacroix, Journal

POUR EN SAVOIR PLUS

L'exposition

Les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique conservent un ensemble unique d'une cinquantaine d'oeuvres autographes et issues de l'atelier de Rubens, en plus de tableaux que le grand maître anversois réalisa avec des collaborateurs célèbres, comme Jan Brueghel l'Ancien, Antoon van Dyck et Cornelis de Vos. Cet ensemble, constitué d'esquisses à l'huile, de peintures de cabinet et de tableaux d'autel, revêt un caractère exceptionnel car il reflète la période la plus féconde de Rubens, celle au cours de laquelle le génie créateur et l'esprit d'entreprise de celui-ci se déployèrent pleinement (1614-1640). Au sommet de sa gloire, Rubens installe alors un atelier important au Wapper à Anvers et exerce autant le métier de créateur que celui d'entrepreneur pour plusieurs grandes commandes. C'est pourquoi les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique ont entamé, il y a quatre ans, un ambitieux projet de recherches, qui comprend l'étude historique et matérielle des tableaux ainsi qu'une analyse des théories artistiques qui guidèrent Rubens dans l'élaboration de ses oeuvres. Ce sont les résultats de ce programme de recherches, pour la plupart inédits, qui sont à la base de l'exposition. Celle-ci a pour objectif d'offrir au public une meilleure compréhension de la manière dont Rubens et son équipe élaboraient les chefs-d'oeuvre que nous leur connaissons aujourd'hui. Elle entend aussi situer les tableaux du musée dans leur "contexte de création".

Une soixantaine de peintures et de dessins seront prêtés par le Louvre, le Prado et le Metropolitan Museum de New York.

A lire

Philippe Muray, La Gloire de Rubens, Grasset, 1991

Rubens, Correspondance, Paris, 2006

Jean Diwo, La Chevauchée du Flamand, J'ai Lu, 2006

Cahier didactique réalisé par Sarah Pialeprat

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