Cahier Didactique

Le Corbusier

et

Le Musée juif



Le musée juif de Berlin

"Je suis convaincu que ce projet architectural pose des questions qui intéressent aujourd'hui toute l'humanité. J'ai donc essayé de créer une nouvelle architecture pour une époque où la perception de l'histoire a changé, où le musée est repensé et où les rapports entre contenu et espace architectural sont redéfinis. Ce musée n'est donc pas seulement une réponse à un projet architectural, mais aussi un symbole d'espoir."



FICHE TECHNIQUE
Le musée juif de Berlin
FRANCE - 27' - 2002
Réalisation : Richard Copans et Stan Neumann
Son : Susy Wehrli
Montage : Stan Neumann et Juliette Garcias
Image : Richard Copans
Commentaires : François Marthouret et Bruno Abraham Kremer
Production : Les Films d'Ici, ARTE France
Coproduction : La Direction de l'Architecture et du Patrimoine, Le Centre Pompidou

Le musée juif de Berlin (Jüdisches Museum) retrace 2000 ans d'histoire juive en Allemagne. Réalisé par l'architecte américain d'origine polonaise, Daniel Libeskind, il a été construit entre 1993 et 1998.

LE FILM

Daniel Libeskind - Berlin, Novembre 1998

Le bâtiment construit à Berlin pose d'emblée une question que l'architecture n'a pas l'habitude d'aborder : celle de ses propres limites. Comment l'architecture peut-elle construire là où tout a été détruit, comment peut-elle se confronter à l'histoire et surtout à cette histoire-là ?

La réponse de Daniel Libeskind (dont ce fut le premier bâtiment construit), est à la fois littérale et secrète. Elle est littérale dans la forme extérieure du bâtiment, un "geste" expressionniste, un zigzag, une extraordinaire ligne brisée, qui plie tout son volume d'un bout à l'autre de la parcelle et qui incarne pour l'architecte toute la violence, toutes les cassures de l'histoire des Juifs en Allemagne.

Elle est secrète car derrière ce geste expressionniste plastique se cache un autre bâtiment, un bâtiment fantôme sur lequel le visiteur ne cesse de buter sans jamais pouvoir le comprendre tout à fait, tout au long d'un parcours qui joue sur le déséquilibre et une perte physique des repères, déstabilisante jusqu'au malaise.

Ce n'est pas une aimable promenade muséale mais un trajet aux allures d'épreuve, dont les jalons s'appellent La Tour de l'Holocauste, Les Jardin de l'Exil, Les Vides. Ces Vides sont des tours de béton, totalement invisibles de l'extérieur, qui traversent le bâtiment sur toute sa hauteur. Il y en a six de formes différentes, elles ne contiennent rien, on n'y entre pas. Au sein du musée, envahi par une collection pléthorique qui évoque la longue histoire de la présence juive en Allemagne, elles incarnent la dernière figure du judaïsme allemand, celle de l'absence.

Et le refus de toute nostalgie, de tout commentaire. Jamais aucun bâtiment n'a réussi a incarner à ce point la contradiction entre ce qui doit absolument être dit et ce qui ne peut jamais l'être.

Surnommé le Blitz, l'éclair, par les Berlinois, le musée juif qui a connu une histoire institutionnelle particulièrement tourmentée, est aujourd'hui l'un des bâtiments les plus visités de Berlin.

Arte magazine

LE MUSÉE

Des architectures hétérogènes

Daniel Libeskind, qui habite Berlin a gagné le concours lancé pour la construction du musée. Ce bâtiment de 4 500 m2 fut inauguré en 1999. Il a créé un bâtiment vide, considérant que la traversée de ses volumes permettait au visiteur de ressentir physiquement : la continuité, l'exil, l'Holocauste. En prenant en compte les réactions des Berlinois, des solutions récentes ont été trouvées par des décorateurs pour aménager ces espaces atypiques afin de respecter l'ambition de l'architecte - rendre l'absence présente - mais aussi d'y exposer des objets.

La juxtaposition des deux musées

Le bâtiment n'est pas inséré dans un tissu urbain homogène. Jouxtant un bâtiment du XVIIIe siècle, il est lui-même en rupture avec son environnement hétérogène de friches, d'arbres, de HLM des années 1960... Vus d'avion, ses volumes s'opposent à l'orthogonalité constructive traditionnelle, ils dessinent une étoile de David déconstruite.

Libeskind ne fut pas autorisé à construire ses façades légèrement obliques par rapport aux plans verticaux. Il les a imposées en oblique par rapport aux alignements des bâtiments berlinois. Il les a recouvertes de zinc monoxydé dont la couleur est particulièrement vulnérable et altérable par le temps. Elles se poursuivent en toits et sont entaillées de baies étonnamment peu habituelles.

Les entailles-fenêtres

Ces fentes longues et étroites sont des obliques aléatoires qui créent des lignes de lumière à l'intérieur du bâtiment et accompagnent les parcours prédéterminés des visiteurs. Elles sont plus incisions graphiques que fenêtres. Des lignes de rivets les soulignent en pointillé.

Ce qui est le plus remarquable, le plus inattendu, également le plus repérable et le plus signifiant, de l'extérieur, c'est l'absence d'entrée visible pour cette nouvelle construction. Cette architecture contemporaine n'est qu'une extension du bâtiment baroque à l'enduit jaune : le musée de l'Histoire de Berlin. Il faut entrer dans le passé pour accéder au nouveau bâtiment.

Les trois axes

L'accès par le Museum n'offre qu'une longue descente dans un puits jusqu'au niveau du sous-sol où se trouvent l'entrée et un espace au fond duquel le visiteur a 27 mètres au-dessus de la tête.

Trois parcours s'offrent à lui.

- Le principal, l'axe de la Continuité [de la présence juive en Allemagne], conduit à un escalier nommé l'Échelle de Jacob, par où l'on accède aux trois niveaux d'exposition.

- Le deuxième parcours, l'axe de l'Émigration, mène à l'extérieur, au jardin de l'Exil, dont le plan incliné porte 49 piliers remplis de terre (dans l'un d'eux, la terre vient de Jérusalem, dans les autres, de Berlin) d'où émergent 49 arbres. L'inclinaison du jardin rend sa traversée malaisée, le visiteur circule dans une forêt de béton, les arbres ne sont visibles que du ciel.

- Le troisième parcours est l'axe de l'Holocauste qui conduit à la tour du même nom. Il faut passer une porte noire pour se trouver enfermé dans le vide de la tour dont la hauteur ne laisse aucun espoir face au tumulte des émotions.

Une fente de lumière...

L'impossibilité qu'a le visiteur de se situer par rapport à un cadre extérieur, le caractère aléatoire des éclairages imprévisibles laissés au hasard de l'imposition des entailles-fenêtres, l'absence d'horizontalité des sols ou leur recouvrement de débris incertains rendent la traversée particulièrement déstabilisante. Le visiteur, physiquement éprouvé, prend conscience du vide qui l'entoure, de sa réalité humaine. Toutes les décisions architecturales sont là des inventions perceptibles et saisissantes. Personne ne peut rester indifférent dans un lieu rare, dans lequel l'architecte a été capable d'induire la conscience du vide : la présence d'une absence.

POUR EN SAVOIR PLUS

Construire le futur de Daniel Libeskind, Albin Michel, 2005

 

La cité Radieuse

« Un événement révolutionnaire : soleil, espace, verdure. Si vous voulez élever votre famille dans l'intimité, le silence, dans les conditions de nature, mettez-vous à deux mille personnes, prenez-vous par la main (...). Vos maisons auront cinquante mètres de haut (...). Les parcs seront autour de la maison pour les jeux des enfants, des adolescents et des adultes. La ville sera verte. Et sur le toit, vous aurez des maternelles étonnantes. »

 

Le Corbusier

FICHE TECHNIQUE
La cité radieuse
France - 26' - 2004
Réalisation : Benoît Van Wambeke
Scénario : Marc-Henri Wajnberg et Rogier van Eck
Image : Michel Baudour
Son : Paul Heymans
Production : Wajnbrosse Productions, Panic Production et Arte

LE FILM

La maison des "fadas"

Avec ses dimensions impressionnantes, 137 mètres de long sur 18 niveaux, avec ses airs de paquebot voulant rejoindre le ciel, avec son atmosphère bien particulière, la cité radieuse, construite par Le Corbusier entre 1947 et 1951, est plus qu'un bâtiment, une façon de vivre.

Le documentaire nous invite à comprendre la démarche de l'architecte qui voulait créer un lieu de vie avec des espaces de convivialité. Pari tenu : une école maternelle sur le toit, une salle de cinéma, des commerces de proximité, un hôtel pour accueillir les visiteurs curieux créent le lien social. Les grands couloirs intérieurs, appelés des "rues", permettent aux enfants de faire du vélo et de jouer seuls, en toute sécurité. Ce qui importe pour Le Corbusier, c'est bien le bonheur des habitants. Son architecture veut procurer à chacun la beauté et l'émotion poétique.

Nous entrons dans les appartements, visite guidée privilégiée par les habitants qui ne cessent de témoigner leur attachement pour ce village dans la ville. Gisèle, Katia, Suzanne et les autres nous racontent leurs expériences de "fadas", ces fous, ces simples d'esprits, mais surtout ces bienheureux ! Grâce à eux, la structure géante devient presque intime... Bref, nous sortons radieux de cette ballade au cœur de la cité radieuse.

En 1986, l'immeuble a été classé monument historique. Les destinataires de ses habitations, qui devaient être des gens modestes, ont bien changé... Aujourd'hui habiter dans cet immeuble est, plutôt, du dernier chic.

Quelques mots des habitants :

" Ma mère a visité l'immeuble et a dit à mon père, "D'accord Marseille mais c'est ça, ou rien". Elle a eu ce qu'on peut appeler un coup de foudre !"

" Personnellement, j'aimais bien ce corps de béton, ce grand bateau fou qui partait dans le ciel. Ça me correspondait."

" C'est un HLM au départ... donc pour les gens du peuple, les gens qu'on dit, aujourd'hui, d'en bas."

" C'est devenu très vite l'immeuble des fadas, et dans le fond, nous en étions assez fiers ! "

" Un jour quelqu'un, je ne sais même pas qui, a mis dans le hall "réunion ce soir sur le toit" alors on a décidé de faire une association."

"J'habite et je travaille dans l'immeuble, je fais même ma gym au 9ème également ! Mais j'en sors, je vous rassure !"

LE BATIMENT

D'après J.Sbriglio, Architecte , membre de la fondation

Le projet de construction de La Cité Radieuse est l'aboutissement d'un programme de recherche sur le logement, et la question urbaine, mené par Le Corbusier durant près d'un quart de siècle. Le but était d'apporter une réponse nouvelle au problème de logement collectif, dans sa double dimension urbaine et architecturale en un moment où la France est en train d'accumuler un déficit considérable dans ce domaine.

Pour répondre à la commande de la construction d'une Unité d'Habitation, passée en 1945 par le ministre de la reconstruction Raoul Dautry, Le Corbusier va développer l'idée d'un modèle innovant et avant-gardiste qui résultera "du don des techniques modernes". Selon le Corbusier, l'Unité d'Habitation crée un phénomène social productif dans lequel l'individuel et le collectif s'équilibrent dans une juste répartition des fonctions de la vie quotidienne. L'idée de base de ce nouveau modèle est simple. Il s'agit, sur des terrains artificiels supportés par des pilotis, de construire des ensembles de logements individuels insérés dans la logique d'une structure collective, destinée à apporter par ses équipements, l'organisation nécessaire à l'épanouissement de la vie sociale. Ce faisant, Le Corbusier invente ainsi un objet urbain, "intrinsèque comme un gratte-ciel", un unicum qui, placé en représentation dans l'espace de la ville, transcende sur le plan symbolique la fonction ordinaire du logement.

Entre grandeur démonstrative théorique et design expérimental, Le Corbusier applique les méthodes du management industriel, découvert entre les deux guerres pour conduire son projet.

Son objectif est de faire porter l'innovation sur quatre points précis :

- d'abord la dimension urbaine, dans la mesure où ce projet représente une tentative radicale de renouvellement de la structure traditionnelle de l'îlot, aux niveaux spatial et fonctionnel.

- ensuite les techniques de construction, qu'il envisage d'orienter vers des procédés d'industrialisation, contrôlés par l'utilisation d'un nouveau dimensionnement donné par le Modulor*.

- également l'emploi de nouveaux matériaux, dont la mise en œuvre devrait favoriser les techniques d'assemblage et de montage selon sa métaphore de la bouteille dans le bouteiller. Le Corbusier définit le logis comme le contenant "d'une famille". Ce contenant peut être comparé à une bouteille parfaite que l'on peut insérer, non pas dans un immeuble traditionnel, mais dans une "ossature portante", véritable "bouteiller" conçu comme une structure d'accueil à l'intérieur de laquelle le logement peut, en fonction des besoins, devenir interchangeable.

- enfin sur la conception du logement, d'un point de vue technique par le contrôle du son, de la lumière, de la ventilation et d'un point de vue spatial par la mise en place de dispositifs susceptibles de produire de nouveaux usages dans l'espace de l'habitat.

Quatre autres cités radieuses seront construites sur ce modèle : Rezé-Nantes, Briey, Firminy et Berlin.

La Cité Radieuse est encore aujourd'hui un modèle de référence en architecture de béton brut.

 

POUR EN SAVOIR PLUS

Ouvert 365 jours par an, l'immeuble est accessible gratuitement au public.

A lire

Une cité en chantier, Fondation Biermans-Lapôtre - Paris - 2004

*Le Modulor, imaginé par Le Corbusier vers 1945, est un ensemble de mesures en rapport d'or, censé répondre harmonieusement à toutes les questions architecturales et mécaniques...

Cahier didactique réalisé par Sarah Pialeprat

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