Cahier Didactique
Calatrava
Dieu ne joue pas aux dés
"Je crois que l'architecture et le "engineering design" sont organiques et apparentés à la forme du corps humain".
Santiago Calatrava
LA FICHE TECHNIQUE
CALATRAVA
Dieu ne joue pas aux dés - 50' - 2000
Réalisation : Catherine Adda
Image : Ned Burgess
Son et musique : Eric Thomas
Mixage : Stéphane Larrat
Montage : Catherine Adda, Claudio Martinez
Graphisme : Loïc Adam
Banc-titre : Virginie Tasse
Production : R. Calatrava. R. Coppans
Les films d'Ici/ Arte
Pays : France
Produit par Les Films d'Ici, le film a été récompensé dans de nombreux festivals. Il a reçu notamment le prix du jury au Festival du film d'art de Montréal, le prix de la meilleure réalisation au MIPA (Muestra Internacional de patrimonio arquitectonico) de Madrid en 2001 et le prix Jean Lods - Jeune Talent 2002.
Architecte espagnol, Santiago Calatrava, occupe une place singulière dans le paysage de l'architecture contemporaine. Son travail renoue avec une tradition qui remonte à l'art gothique et qui s'est incarnée plus tard chez les grands architectes modernes comme Gaudi ou Wright. C'est une architecture qui part de la nature mais aussi de l'homme, non seulement de sa forme mais également de sa capacité de mobilité. A travers un jeu sur les formes et les figures de l'équilibre, Santiago Calatrava définit une poétique du mouvement, renouant ainsi avec les pratiques artistiques de la Renaissance où l'architecte était à la fois ingénieur et artiste.
Calatrava, Dieu ne joue pas aux dés interroge et suit l'architecte. Il explique son travail et ce que signifie pour lui une "architecture organique". Le film effectue un aller-retour entre les édifices construits et les entretiens avec l'artiste. Ainsi voit-on Calatrava dessiner un œil, un taureau, une main qui l'inspireront dans les formes recherchées. Comme un enfant, il tente de donner un équilibre à de petites formes en bois sculptées et sourit devant l'équilibre enfin trouvé.
L'originalité de Calatrava réside dans sa capacité à dessiner librement des sculptures inspirées par la nature (œil, arbre, corps humain...), associée à une extraordinaire virtuosité technologique. Cette maîtrise s'accomplit en une architecture expressive. Ainsi les édifices construits, ponts, gares ou autres bâtiments publics semblent être en perpétuel mouvement quand ils ne le sont pas réellement. L'hémisphère de Valence est une paupière gigantesque qui s'ouvre et se ferme, nous emmenant ainsi dans un monde fascinant. La gare TGV de Lyon, une immense raie manta qui flâne nonchalamment dans le ciel comme dans un songe surréaliste ou encore un oiseau, posé là comme pour couver et protéger, de ses immenses ailes, des millions de voyageurs.
Un film éclairant et profond qui laisse place à une personnalité singulière.
Analyse critique par Jacqueline Aubenas : Les ponts de Séville ou Bilbao, les gares de Lisbonne et de Zurich ou celle du TGV de l'aéroport de Lyon, le métro et le cinéma sphérique de Valence, la tour Montjuic de Barcelone, le centre de secours de Saint Gall sont des œuvres de l'Espagnol Santiago Calatrava, un des grands noms de l'architecture contemporaine.
C'est justement à une leçon d'architecture que nous convie le film de Catherine Adda. Une leçon lumineuse devant laquelle la cinéaste s'efface, laissant la place au déroulement limpide et rigoureux d'une pensée et d'une réflexion sur les espaces publics, lieux où l'on peut rendre aux sites leur "dignité". Quelques plans montrent l'édifice achevé et son intégration dans le tissu urbain. La main de l'architecte trace les croquis, les dessins qui ont servi de point de départ à l'ouvrage. Tous sont liés à l'observation du corps humain ou à celle de la nature, arbres ou feuilles : halls comme des forêts, ponts comme des bras tendus, arches comme des corps en extension, toits qui s'ouvrent et se ferment tels des fleurs. Et Calatrava explique sa conception des bâtiments, discours qui n'a rien de technique ou d'aride, mais qui fait appel à une réflexion humaniste et organique puisqu'il se réfère au vivant pour imaginer des structures spatiales et abstraites. Une musique analogique ponctue certaines séquences. Un bon document respectueux d'une création exceptionnellement riche et d'un créateur excellent pédagogue.
in Catalogue du Centre du Film sur l'Art
Quelques mots du film :
"Il s'agit d'utiliser la figure humaine pour aborder un point de vue constructiviste, ou constructif, le problème des piles d'un pont, ou d'un autre élément structurel."
"L'œil humain est sans doute le véritable outil de travail de l'architecte."
"Mon architecture tend vers l'organique au sens d'une logique interne qui fait que chaque partie d'un édifice sert l'idée globale de l'édifice."
"Il faut des années d'études de la mécanique, de la physique ou des mathématiques pour comprendre que ce sont de pures créations de l'esprit humain, des interprétations de la nature selon des modèles empiriques ou des notions abstraites de fonctionnement des choses que l'on ne peut ni voir, ni toucher."
"Nous vivons dans un monde ou tout est cristal, ou tout est ordonné, organisé, ou rien n'est dû au hasard. Einstein disait : "Dieu ne joue pas aux dés"."
Catherine Adda
Après des études de Lettres et de Cinéma à la Sorbonne, elle se consacre au montage de films documentaires et travaille, entre autres, avec Chris Marker, Stan Neumann et Henri Colomer. A partir de 96, elle travaille pour la série Architectures.
Filmographie
Le familistère : une cité radieuse au 19ème siècle
Satolas-TGV : un monument à la campagne
L'école des Beaux-Arts de Paris
Santiago Calatrava
Cet espagnol d'une cinquantaine d'années occupe une place singulière dans l'architecture car son travail est partagé entre une veine baroque et une inspiration néo-gothique. Il a mis en place l'idée "d'organicité", qui ne se définit pas comme une simple imitation de la nature, mais comme une structure globale aux parties étroitement liées entre elles. Ses ambitions principales ont été de donner à la structure d'un pont, d'une passerelle, une force d'expression sans précédent, et d'oublier l'univers du rigide pour piocher dans l'univers du sensuel et de l'organique. Il allie deux mondes distincts - celui de la technique et de l'industrie avec celui de l'esthétique et du sensuel. C'est une révolution que de donner vie à un ensemble de câbles statiques, de poutres et autres pylônes bétonnés et habituellement laids.
La renommée internationale de Santiago Calatrava l'amène à travailler en Espagne, en France, en Suisse, en Allemagne, où il a en charge des commandes publiques très importantes.
Réalisations étrangères
FRANCE
Passerelle Oudry-Mesly - 1988 - Créteil
Gare de Lyon St Exupéry (ex-Satolas) - 1994 - Lyon
Pont de l'Europe - 2000 - Orléans
SUISSE
Entrepôt "Jakem"- 1985 - Industrie Breitenloo - Münchwilen
Arrêt de bus St. Fiden - 1985 - St. Gall
Centre postal - 1985 - Lucerne
Théâtre "Fauteuil neues Tabourettli" - 1987 - Bâle
Lycée de Wolhen - 1988 - Aargau-Wolhen
Extension de la gare - 1989 - Lucerne
Gare Stadelhofen - 1992 - Zurich
Logements "domaine de Buchen" - 1996 - Würenlingen
Aire d'autoroute "Porte de la Suisse" - 1997 - Bardonnex (Genève)
Service des urgences - 1998 - St. Gall
ALLEMAGNE
Entrepôt "Ernstings" - 1985 - Industriestr. 1- Coesfeld-Lette
Pont Oberbaum - 1995 - Berlin
Pont Kronprinzen - 1996 - Berlin
BELGIQUE
Gare de Liège Guillemins - 2002 - Liège
ANGLETERRE
Passerelle Trinity - 1995 - Salford/Manchester
CANADA
BCE Place - 1992 - Toronto
USA
Milwaukee Art Museum 2000 - Wisconsin
PORTUGAL
Gare d'Orient -1998 - Lisbonne
Cette gare construite pour l'Expo 98 deviendra la première gare de Lisbonne, formant un pôle multimodal qui accueillera les trains, les bus, le métro. Le vocabulaire employé ici par Calatrava a déjà été éprouvé notamment à la gare de Lyon Satolas : les structures métalliques blanches, le travail sur le béton... mais cette fois-ci poussés à un lyrisme extrême et une finesse inégalée.
Réalisations en Espagne
Pont Bach de Roda - 1987 - Barcelone
Pont du 9 octobre - 1989 - Valence
Opéra de Tenerife - 1991 - Santa Cruz de Tenerife - Iles Canaries
Pont Lusitania - 1991 - Merida
Passerelle - 1991 - Ripoll
Tour de télécommunication - 1992 - Anneau Olympique, Montjuic - Barcelone
Portiques de signalisation - 1992 - Barcelone
Pont Alamillo - 1992 - Séville
Pont Alameda - 1995 - Valence
Pont Puerto 1995 - Ondarroa
Cité des sciences - 1996 - Valence
Pont Campo Volentin - 1996 - Bilbao
Centre municipal - 1996 - Alcoy
Parc des expositions de Tenerife - 1996 - Santa Cruz de Tenerife - Iles Canaries
Station de métro "Alameda" - 1996 - Valence
Aéroport de Sondika - 1999 - Bilbao
A lire :
Santiago Calatrava de Philip Jodidio, Taschen, 2002.
A voir aussi :
Les voyages de Santiago Calatrava de Christoph Schaub - 1999 - 77'
Le portrait que Christoph Schaub a consacré à l'architecte Santiago Calatrava permet de retracer sa pensée et sa démarche.
Le film l'accompagne non seulement lors de ses visites sur les chantiers ou lors de ses voyages, mais capte aussi les moments où il croque des esquisses sur la table à dessin. L'agitation qui anime les différentes phases de construction contraste d'ailleurs avec le calme qui enveloppe le travail solitaire de Calatrava au studio. Cette dualité, le film se l'approprie dans une perspective visuelle : la beauté formelle des scènes documentant les résultats du travail de Calatrava contraste en effet avec les images vidéo granuleuses des séquences, qui, mesurant l'écart qui se dessine entre l'esquisse et les bâtiments terminés, dévoilent un authentique work in progress.
Avant son exploitation en salle, Les voyages de Santiago Calatrava a été présenté à Soleure, à Nyon, ainsi qu'au Festival du film d'architecture de Graz.
Cahier didactique réalisé par Sarah Pialeprat