Cahier didactique

Les années POP ART (1964-1968)

et

Andy Warhol, Images d'une image

 





Les années Pop art

LE FILM

Les années Pop... Jean Antoine les a vécues et filmées avec passion. Dans les ateliers, à New York, de Rauschenberg, Rosenquist, Lichtenstein, Marisol, Kusama - et dans la Factory de Warhol. A Londres, chez Allen Jones, Pauline Boty, Patrick Caulfield, Joe Tilson, Peter Philips. Chez Klapheck en Allemagne, Axell en Belgique, Télémaque et Raysse à Paris.

Pierre Restany l'entraîna dans l'impasse Ronsin où les coups d'essai du fabuleux Tinguely s'assortissaient des coups de fusil de Niki de Saint-Phalle. Les Nouveaux Réalistes Klein, Christo, Scheps, Villeglé, Arman commençaient à nous faire voir ce que nous n'avions jamais regardé jusque-làÉ

 

LE REALISATEUR

Né à Bruxelles en 1930, Jean Antoine est réalisateur à la RTBF depuis 1953, auteur de grands reportages culturels et de la prestigieuse série Styles. Il fut, dans les années 60/70, un véritable mythe pour les réalisateurs-journalistes culturels au sein de la télévision publique belge.

Les films qu'il groupe à la télévision sous la rubrique Styles sont autant de coups de crayon, des introductions à l'étude et à l'approche d'un homme et d'une oeuvre, non pas des essais critiques. Ses sujets de prédilection ? Maeterlinck, Giorgio de Chirico, Kateb Yacine, Tolstoï, Alechinsky, Axell, Paul Delvaux, Pessoa, Dominique Rolin, Alberto Moravia, Panamarenko, Hugo Claus et combien d'autres, défendus au titre d'une phrase de Malraux, « La culture a besoin de grands interprètes ». C'est vrai, mais poursuivait Jean Antoine, même s'il a toujours valorisé un point de vue très classique dans ses films sur l'art, « il ne faut pas que la culture soit ennuyeuse ».

Sans éloquence gratuite, laissant parler les gens et les choses, par une propension naturelle à prendre du recul au nom de l'efficacité, Jean Antoine est à la tête d'une importante filmographie basée sur le témoignage direct.

Dominique Legrand, Dic Doc

QU'EST CE QUE LE POP ART ?

Le terme de Pop Art est aujourd'hui largement diffusé, en revanche le champ artistique qu'il désigne ainsi que la problématique qu'il soulève restent souvent méconnus.

On appelle Pop Art anglais un groupe d'artistes qui se manifeste à partir de la moitié des années cinquante.

Son identité se construit à la suite de réflexions menées sous forme de réunions et de conférences par le cercle intellectuel qu'a été l'Independent Group. Constitué des peintres Eduardo Paolozzi et Richard Hamilton, du couple d'architectes Alison et Peter Smithson, du critique d'art Lawrence Alloway, l'IG a essentiellement centré sa recherche théorique sur la technologie, d'où la référence récurrente du Pop Art anglais à la science-fiction.

Sans communication explicite avec le Pop Art anglais, le Pop Art américain désigne une tendance née d'initiatives individuelles : s'il n'est pas un mouvement structuré au sens d'un groupe qui organise des manifestations collectives, il a néanmoins une cohérence, en ce qu'il est globalement issu du travail de Robert Rauschenberg et surtout de Jasper Johns : les artistes héritent de son intérêt pour les objets ordinaires, de son ironie, ainsi que de sa confiance en la puissance des images.

Le foyer du Pop Art américain est localisé à New York, où exposent tout d'abord des artistes comme Claes Oldenburg et Jim Dine, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, puis James Rosenquist, George Segal, et Tom Wesselman. Au-delà de leur divergence généalogique, Pop Art anglais et Pop Art américain se retrouvent sur le terrain d'un postulat commun exprimé par l'allocution même de Pop Art.

Inventée par Lawrence Alloway à la fin des années cinquante, cette expression indique que l'art prend appui sur la culture populaire de son temps : il lui emprunte sa foi dans le pouvoir des images. Mais, si le Pop Art cite une culture propre à la société de consommation, c'est bien sur le mode de l'ironie, comme l'indique la définition que le peintre anglais Hamilton donne de sa production artistique : « Populaire, éphémère, jetable, bon marché, produit en masse, spirituel, sexy, plein d'astuces, fascinant et qui rapporte gros ».

Cependant, cette double caractéristique suscite quelques questions. Jusqu'à quel point le Pop Art peut-il citer la culture populaire de son temps sans se confondre avec elle ? Peut-on parler d'une « culture » de masse ou faut-il considérer celle-ci comme un trait de civilisation ?

Si chaque artiste apporte singulièrement sa réponse, il apparaît que Pop Art et « Culture Pop » ne se confondent pas, qu'ils entretiennent un rapport dialectique dans la mesure où le Pop Art emprunte ses matériaux à la culture de masse, qui en retour profite de ses innovations stylistiques. La tendance Pop prend ainsi dès le début des années 60 jusqu'en 1970 une dimension pluridisciplinaire et internationale qui se manifeste principalement à travers le design italien (par exemple le célèbre fauteuil Sacco,1968 de Piero Gatti rappelle les objets mous de Oldenburg) et les architectures utopiques du groupe Archigram (comme Walking City, 1964 imaginée par Ron Herron) issues de l'univers futuriste de la bande dessinée.

A partir des années 70, les artistes se tourneront vers des préoccupations beaucoup plus contestataires.

  Dossiers pédagogiques sur les collections du Musée national d'art moderne (Centre Pompidou) :

Un mouvement, une période : le Pop Art



QUELQUES ARTISTES DU POP ART

Jasper Johns (Augusta, Géorgie 1930)

Jasper Johns étudie à l'Université de Caroline du Sud jusqu'en 1948. Puis, il s'installe à New York où il apprend le dessin publicitaire, avant d'être enrôlé dans l'armée américaine. De retour en 1952, ilréalise des vitrines et travaille dans une librairie. Il se lie d'amitié avec Robert Rauschenberg à partir de 1954.

Ses premières peintures exécutées à la cire, matière épaisse et translucide, présentant des drapeaux, des cibles et des nombres, sont dévoilées au public à l'occasion de sa première exposition personnelle à la Galerie Leo Castelli de New York en 1958. Le choix de ces objets bidimensionnels familiers, ainsi que la dissociation qu'il opère entre la peinture et l'expression personnelle, annoncent l'avènement du Pop Art en même temps que l'éclipse progressive de l'Expressionnisme abstrait. Cependant, il s'efforce de se tenir à distance du mouvement, afin de préserver la singularité de son oeuvre : en utilisant une imagerie issue de lieux communs, « des choses que l'esprit connaît déjà », il s'interroge sur la fonction propre à la peinture : la représentation d'un même motif lui permet de pratiquer différentes techniques de mise en relief de l'objet.

Après sa rencontre avec Marcel Duchamp par le biais du compositeur John Cage et du chorégraphe Merce Cunningham avec lesquels il collabore, il commence, vers 1960, une série de sculptures représentant des objets ordinaires, comme des ampoules électriques ou boîtes de bière en bronze peint, afin de mettre en relief leur toute nouvelle banalité dans le monde humain. Simultanément, il réalise des dessins et des lithographies qui font de lui un des maîtres contemporains dans le domaine des arts graphiques.

 

Roy Lichtenstein (New York, 1923-1997)

Roy Lichtenstein est une des figures majeures du Pop Art américain. En 1961, au moment de l'éclosion du mouvement, il a l'idée de peindre l'agrandissement d'une image de bande dessinée choisie dans un magazine. C'est le point de départ de toute une série réalisée à partir de bandes dessinées et d'images publicitaires qu'il poursuit jusqu'en 1964.

Lichtenstein est fasciné par l'efficacité de ces représentations populaires où les objets et les passions sont réduits à un essentiel accessible et anonyme qui lui paraît d'une vitalité bien supérieure à l'Expressionnisme abstrait, lequel sombrait alors dans l'académisme. A la recherche de la plus grande neutralité, il en vient à peindre les effets produits par les techniques de l'imprimerie et les contraintes publicitaires : ses hachures, les aplats de quelques couleurs standard et la trame de points pour l'ombre et le relief. Il conserve ce vocabulaire technique lorsqu'il commence en 1964 une autre série de motifs : des paysages touristiques, des tableaux issus des icônes de l'histoire de l'art moderne, des miroirs hyperréalistes et des toiles qui sont autant de citations de ses oeuvres anciennes.

Le style qui homogénéise spectaculairement son oeuvre depuis le premier Look Mickey de 1961, met une distance sensible entre le modèle et son spectateur. Cette manière de traiter les images peut en constituer la critique ironique, acerbe, ou spéculative comme dans les Modular paintings de 1969-1970.

 

Claes Oldenburg (Stockholm, 1929)

Claes Oldenburg après avoir étudié l'art et la littérature dans la prestigieuse université de Yale, suit des cours du soir à l'Art Institute de Chicago, de 1950 à 1952. Il s'installe à New York en 1956 où il rencontre Allan Kaprow, l'inventeur du happening, qui l'invite à participer à ses spectacles et l'initie dans ce domaine. C'est ainsi qu'Oldenburg commence à organiser lui-même ses propres happenings.

Tandis que ses premières oeuvres plastiques assemblent des matériaux de rebut en s'inspirant de l'Art brut, il crée ses premiers objets colorés en plâtre pour les mettre en vente dans son atelier The Store, en 1961. Comme son nom l'indique, ce lieu revêt les apparences d'une boutique munie d'une vitrine : la démarche de l'artiste consiste à brouiller les codes qui distinguent le marché de l'art du commerce courant. Ses sculptures molles sont présentées pour la première fois au public à la Green Gallery de New York en 1962. Il s'agit d'oeuvres qui bouleversent l'échelle et la matière d'objets quotidiens comme, par exemple, ceux issus de l'industrie agroalimentaire (glaces, frites ou hamburgers) ou comme ces accessoires qui meublent imperceptiblement la maison moderne (prises, téléphone ou lavabos).

Par la suite, il étend sa recherche en présentant ses objets selon trois versions, une version dure en bois peint, une version molle en tissu ou vinyle, et une version fantôme qui est une reproduction sans couleur de l'objet, chacun de ces états correspondant à l'évolution de la matière vers l'entropie finale. En complément de ce travail sur la transformation de l'objet, Oldenburg se consacre à des projets de monuments publics, qu'il conçoit à partir des années septante en collaboration avec sa compagne, l'historienne de l'art hollandaise Coosje van Bruggen.

Par le biais d'esquisses graphiques qui peuvent en elles-mêmes être considérées comme des oeuvres, il propose de peupler le paysage urbain d'objets ordinaires tellement agrandis qu'ils provoquent un effet visuel grotesque, comme le tube de rouge à lèvres installé à l'Université de Yale en 1969 ou la bicyclette à demi enterrée, récemment réalisée dans le parc de La Villette à Paris.

Dossiers pédagogiques sur les collections du Musée national d'art moderne (Centre Pompidou).

Andy Warhol : image d'une image

« Si je peins de cette façon, c'est parce que je veux être une machine, et je pense que tout ce que je fais comme une machine correspond à ce que je veux faire. »


FICHE TECHNIQUE
ANDY WARHOL : « IMAGES D'UNE IMAGE » TEN LIZES (1963)
FRANCE - 32' - 1999
Scénario, commentaire & réalisation : Alain JAUBERT
Montage : Jacqueline BROSSARD
Voix : Marcel CUVELIER et Chrisitan RIST
Musique : Frédéric FLEISCHER
Production : LA SEPT ARTE Unité de programme : Thierry CARREL - Centre Georges Pompidou Direction des Editions : Martine DEBARD - Palette Production Producteur

LE FILM

Pourquoi les images de Warhol fascinent-elles autant ? Ce numéro inédit de la série Palettes analyse un tableau géant dont l'histoire secrète et les implications sont plutôt étonnantes. Dix visages semblables sont imprimés en noir, en deux rangées, sur une grande toile de 5,65 m de long sur 2 m de haut. Semblables, ces visages ?

Pas tout à fait : le spectateur peut y distinguer de multiples petites différences, comme les variations dues au hasard d'un même moule. Il peut y reconnaître aussi le visage d'une actrice célèbre, Elizabeth Taylor , c'est à dire « Liz ».

Andy Warhol a composé cette image en 1963 en partant d'une photo de la star et en la répétant dix fois grâce à un écran de sérigraphie.

Pourquoi ce visage ? Pourquoi cette répétition ? Warhol livre difficilement ses clés. « Je n'ai jamais voulu être peintre », dit-il. « Je voulais être danseur de claquettes ». Devenu peintre par hasard, il semble choisir arbitrairement ses motifs. Travaillant à New York, dans les années soixante, au coeur du mouvement Pop Art, serait-il une sorte de reflet négatif de la société de consommation ? Une telle image, qui semble rompre avec l'art traditionnel du portrait, peut cependant se déchiffrer aussi bien qu'un tableau plus ancien...

Source : Palettes

L'ARTISTE

En 1963, lorsque Warhol réalise cette toile, Elizabeth Taylor est au centre de l'actualité médiatique : sa prestation dans le Cléopâtre de Joseph Mankiewicz est vivement contestée, elle est « trop grasse » et « trop bien payée », dit un critique à la sortie du film le plus cher de l'histoire du cinéma.

Toutefois, Warhol n'utilise pas dans cette oeuvre une photographie contemporaine, mais un cliché probablement commandé par les studios de la Columbia Pictures, pour la promotion d'un autre film, Soudain, l'été dernier, tourné par le même Joseph Mankiewicz en 1959. Cette photographie appartenait à Warhol, parmi une cinquantaine d'autres portraits de Liz Taylor. L'artiste, en donnant à voir cette image, invite à comparer les traits de l'actrice, avant et après la pneumonie virale qui avait menacé de l'emporter en 1961. Le portrait glamour de 1959 prouve que l'enregistrement photographique a d'ores et déjà immortalisé celle-ci au moment de l'apogée de sa beauté, ce que Warhol, avec cette toile, rappelle à la mémoire du public.

Il utilise pour cela le procédé sérigraphique qui consiste à reporter mécaniquement une image sur une toile en la réduisant à ses traits essentiels : dépouillée de ses détails, la forme acquiert une plus grande efficacité visuelle. Outre ce pouvoir, cette technique issue de l'industrie publicitaire pour laquelle Warhol a travaillé, lui permet d'approcher son idéal d'objectivité, selon lequel la perfection serait la reproduction à l'identique. Cette opération aurait pour effet de séparer l'image des significations qu'on lui attribue pour n'en conserver que l'apparence, l'image pure.

Pourtant, la multiplication des portraits de « Liz » ne satisfait pas à l'exactitude de la reproduction : aucune image n'est identique à l'autre. Avec cette oeuvre, Warhol s'achemine vers le cinéma qu'il pratique dès la fin de l'année 1963 : d'une peinture composée sur le modèle d'un photogramme et représentant l'actrice la plus emblématique d'Hollywood, il passe à la réalisation de films expérimentaux qui sont comme la dilatation dans le temps d'un arrêt sur image.

Issu d'une modeste famille d'origine tchèque, Andrew Warhola (Forrest City, Pennsylvanie, 1928 - New York, 1987) entreprend à partir de 1945 des études de graphisme à Pittsburgh, puis, après l'obtention de son diplôme en 1949, s'installe à New York comme illustrateur pour des revues telles que Vogue ou The New Yorker. Il réalise aussi des décors pour les vitrines de grands magasins : à cette occasion, il peint en 1960 ses premières toiles représentant Popeye ou Dick Tracy. Mais il constate l'année suivante qu'un peintre exposé à la célèbre galerie Leo Castelli, Roy Lichtenstein, s'est déjà approprié ces personnages pour les introduire dans l'art. Il leur préfère alors, à partir de 1962, d'autres poncifs de la société de consommation, tels que les boîtes de soupe Campbell ou les bouteilles de Coca-Cola , qu'il met en image grâce au procédé sérigraphique.

A la mort énigmatique de Marilyn Monroe en août 1962, il travaille à partir de clichés, largement diffusés par la presse mondiale, du visage désormais mythique de la star. C'est à ce moment qu'il devient l'un des artistes majeurs du Pop Art. Cette fascination pour l'image de la mort, qu'il exprime de nouveau dans les séries des accidents ou des chaises électriques, n'est pas sans lien avec son intérêt pour la reproduction mécanique où finalement il est toujours question de réduire l'être à sa simple enveloppe.

A partir de 1963, Warhol s'entoure d'assistants dans son atelier, la Factory, poussant ainsi à son paroxysme le caractère industriel de son travail. Il se consacre alors au cinéma ainsi qu'à l'organisation, vers la fin des années 60, de performances multimédias avec le groupe de rock le Velvet Underground.

En 1968, après avoir été grièvement blessé par balle dans son atelier, il met fin à l'aventure collective et commence la série des portraits de célébrités, comme Mick Jagger, Calvin Klein, MaoÉ Au début des années 80, il encourage la jeune génération d'artistes new-yorkais, en collaborant par exemple avec Jean Michel Basquiat.

« Je ne crois pas que ce soit bientôt la fin du Pop Art. Les gens s'y intéressent et l'achètent encore, mais je ne saurais pas vous dire ce que c'est que le Pop Art, c'est trop compliqué. Ça consiste à prendre ce qui est dehors et à le mettre dedans, ou à prendre le dedans et à le mettre dehors, à introduire les objets ordinaires chez les gens. »

Andy Warhol

Cahier didactique réalisé par Jean-François Questiaux

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