Août 2011

Création de l’ordre de la Toison d’or au XVème siècle

Liste des chevaliers reçus lors des chapitres

L’ordre de la Toison d’or est un ordre de chevalerie séculier fondé, à Bruges, en janvier 1430 par Philippe le Bon lors des festivités données à l’occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal (3e épouse), fille de Jean 1er de Portugal dit le Grand ou le Père de la Patrie et de Philippine de Lancastre. L'ordre est placé sous la protection de la Vierge, et spécialement de saint André, patrons de la Bourgogne. C’est le duc de Bourgogne qui en possédait la maîtrise « Pour maintenir l’église qui est de Dieu maison, j’ai mis sus le noble ordre qu’on nomme la Toison ».

La souveraineté de l’ordre, propriété héréditaire de cette maison, était, à défaut d’héritier mâle, destinée à l’époux de l’héritière jusqu’à la majorité du fils de celle-ci.
En 1477, le mariage de Marie de Bourgogne, unique héritière de Charles le Téméraire, avec l’archiduc Maximilien d’Autriche (ultérieurement empereur) fit passer l’ordre dans la Maison des Habsbourg.

Ainsi la suzeraineté de l’ordre revint aux Habsbourg, auxquels échut le titre de duc de Bourgogne. Après Charles Quint, c’est son fils Philippe II de la lignée espagnole de la maison de Habsbourg qui assumera la suzeraineté de l’ordre.

En 1700, la dynastie des Habsbourg d’Espagne s’éteint à la mort du roi Charles II. Le trône est disputé entre le frère cadet de Léopold Ier d’Autriche, Charles, et le Bourbon Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV et petit neveu de Charles II, qui l’avait désigné comme son successeur par testament.

La guerre de succession d’Espagne aboutit en 1713 à la Paix d’Utrecht : l’Espagne revint aux Bourbons ; les Pays-Bas et les possessions espagnoles en Italie, à l’empereur Charles VI. Philippe V et Charles VI continuèrent tous deux à porter les titres et parmi ceux-ci, celui de duc de Bourgogne permettant à chacun de prétendre à la suzeraineté de l’ordre de la Toison d’or.

Le conflit durera des décennies, et ne sera jamais résolu. C’est ainsi que depuis lors, il existe deux Ordres de la Toison d’or, l’un espagnol, l’autre autrichien. Toutefois, si l’ordre autrichien s’en tient encore aujourd’hui aux statuts anciens, l’ordre espagnol a été converti au XIXe siècle en une simple décoration d’Etat qui, pour son attribution, nécessite l’accord du Conseil des ministres. Contrairement à l’ordre autrichien, qui est lié à la foi catholique, l’ordre espagnol peut être décerné à n’importe quelle personnalité, quelle que soit son appartenance religieuse.

L’ordre autrichien a l’avantage sur l’ordre espagnol qu’il possède les archives de l’ordre, ainsi que ses anciens insignes parmi lesquels la Croix du Serment qui remonte à Philippe le Bon. En 1794, lorsque les troupes françaises pénétrèrent aux Pays-Bas autrichiens, archives et insignes ont été transportés à Vienne où ils sont conservés depuis lors. La France ne reconnaît que l’ordre de la branche espagnole. 618 chevaliers furent reçus entre 1430 et 1700.

Les membres de la noblesse et les dignitaires de l’Eglise ont rapidement compris qu’être appelés à faire partie de l’ordre était une insigne reconnaissance de valeur. Cette appartenance resserrait les liens de vassalité envers le grand maître et souverain, en l’occurrence Philippe le Bon, mais en compensation apporterait rente, titre, charge importante et position de premier plan dans les Pays-Bas à ses membres. C’est dire que chaque chapitre éveillait de nombreuses espérances.

Trois raisons ont été données pour justifier la création de l’ordre de la Toison d’or : « la première pour faire honneur aux anchiens chevaliers, qui par leurs nobles et haults faicts sont dignes d’estre recommandés ; la seconde , adfin que ceulx qui de présent son puissants et de force de corps, et exercent tous les jours les faicts appartenans à chevalerie, aient cause de les continuer de bien en mieux ; et la tierce, adfin que les chevaliers et qui verront porter l’ordre dont cy-après sera toutte honneur à ceulx qui la porteront, soient meus de eulx employer en nobles faicts, et eulx nourrir en telles mœurs que par leurs vaillances ils puissent acquérir bonne renommée et desservie en leur temps d’estre esleus à porter ladicte ordre »

Politiquement parlant, la création de l’ordre de la Toison d’or visait à faire appel à la noblesse pour créer un état monarchique et former un bloc politique fondé sur la puissance du duc, exercer une politique centrale plus cohérente et stimuler la loyauté au-delà des frontières provinciales. En outre l’ordre lui conférait le statut d’un grand prince traitant d’égal à égal avec rois et empereur. Une dernière raison, encore qu’elle fut évoquée de prime abord, « l’ordre était fondé pour le respect dû à Dieu et pour la défense de la sainte foi chrétienne » :

- faire honneur aux anciens chevaliers qui par leurs nobles faits sont « dignes » d’être recommandés ;
- à ceux qui exercent tous les jours des faits de chevalerie ;
- à ceux qui par leur vaillance et de nobles faits exerceront « bonne renommée
- le premier groupe sont d’anciens chevaliers ; ils seront élus chevaliers de la Toison d’or en raison de leurs états de service ;
- le deuxième groupe appartient aux membres de la noblesse dans la pleine force de l’âge ;
- le troisième groupe concerne les chevaliers qui attirés par l’exemple de ceux qui sont honorés se comporteront de manière à être eux-mêmes élus dans l’ordre.

La noblesse ne fut pas seule à être attirée par le nouvel ordre de chevalerie ; le clergé et l’église catholique furent en grande partie candidats.

Les vrais buts de la création de l’ordre de la Toison d’or :

- assigner à l’ordre un rôle déterminant dans le maintien de la foi et du respect pour l’église des Pays-Bas ;
- assurer une grande unité dans le domaine spirituel comme chef et protecteur ;
- créer un groupe de chevaliers fidèles auxquels Philippe le Bon pourrait faire appel en toute circonstance.

Grâce à la Toison d’or, Philippe le Bon et ses successeurs purent renforcer leur pouvoir dans le monde occidental de l’époque.

Philippe le Bon ne désigna que 24 membres de la haute noblesse.

La promulgation des statuts en français eut lieu le 27 octobre 1431 à Lille (première réunion capitulaire).
L’organisation prévoyait quatre officiers qui devaient s’occuper de l’administration et de la bonne gestion de l’ordre.
- 1. Chancelier (uniquement accessible à d’importants détenteurs de l’autorité ecclésiastique soit évêque ou abbé) ;
- 2. Trésorier
- 3. Greffier
- 4. Roi d’armes dit Toison d’or (il devait avoir des connaissances en matière héraldique).

En 1432, Philippe le Bon fixe le siège de l'ordre dans la Sainte-Chapelle de Dijon.

De 1431 à 1473 : les réunions capitulaires ou chapitres (réunion annuelle) eurent lieu dans les différentes villes des Pays-Bas. En 1431 à Lille, 1451 à Mons (le 8ème) et le 12ème à Valenciennes en 1473. Il faut noter que durant les réunions capitulaires, certains nouveaux chevaliers furent élus, d’autres furent exclus.

Le premier chevalier fut Guillaume de Vienne, conseiller et chambellan du roi de France et du duc de Bourgogne.

Blasons

A l'occasion de chaque chapitre de la Toison d'Or, un peintre exécutait une série de tableaux rectangulaires sur fond noir sur lesquels il inscrivait le nom et les titres du chevalier auquel le tableau était attribué. Le peintre représentait aussi l'écu de ses armes entouré du collier de l'Ordre. Le blason était surmonté d'un heaume coiffé d'un cimier. Ces blasons étaient placés au dessus des stalles dans le choeur de l'église où avait lieu le chapitre, suivant l'ordre protocolaire. Ainsi, en arrivant dans l'église, chacun voyait la place qui lui était réservée. Après le chapitre, les tableaux étaient offerts à l'église qui l'avait accueilli. Une série complète de blasons des chevaliers vivants se trouvait en permanence dans le choeur de la Sainte-Chapelle de Dijon, siège de l'Ordre. Ceux des chevaliers décédés étaient disposés dans la nef.

Insigne (commun aux deux branches)

Collier composé d’une succession de briquets - 2 B enlacés (rappelant la souveraineté sur les deux Bourgognes) alternant avec des pierres environnées de flammes auquel est appendue une dépouille de bélier d’or (cf. Jason et les Argonautes). L’insigne est porté attaché (sauf dans les cérémonies d’apparat) à un ruban de moire rouge en sautoir au col.

L’ordre de la branche autrichienne a conservé les statuts de création : rituel d’admission avec adoubement par l’épée et serment solennel ; la langue officielle est le français.
Depuis la fin de la monarchie (1918), l’empereur Charles 1er (1887-1922), puis son fils Otto d’Autriche, chefs souverains, ont continué à le conférer.

L’ordre de la branche espagnole est devenu un ordre royal à caractère civil. Le roi Alphonse XIII (1886-1941) ne fit aucune nomination. Il abdique en 1941 en faveur de Juan de Bourbon, Comte de Barcelone ; il est son 6ème enfant et 3ème fils.
Il faut savoir que le fils aîné d’Alphonse XIII, Alfonso, Comte de Covadonga, était mort en 1938 d’un accident de voiture ; son frère Jacques (Jaime), duc de Ségovie, devient alors chef de la maison de Bourbon. En 1963, il se proclame chef de l’ordre de la Toison d’or, nomme des chevaliers et réclame la succession carliste en 1964 avec le titre de duc de Madrid; il a notamment conféré l’ordre aux ducs de Polignac et de Bauffremont.
Juan Carlos 1er de Bourbon, fils du Comte de Barcelone, petit-fils d’Alphonse XIII, est né en 1938. Il a épousé en 1962 Sophie de Grèce, fille du roi Paul 1er de Grèce. Désigné en 1969 par Franco pour lui succéder, il prête serment en 1975. (Trois enfants : Hélèna, Christina et Felipe, Prince des Asturies et héritier). Juan Carlos a conféré la Toison d’or aux souverains Charles XVI de Suède, Jean de Luxembourg, Olav V de Norvège, Akihito du Japon, Hussein de Jordanie, Béatrix des Pays-Bas, Marguerite du Danemark, Elisabeth II de Grande Bretagne, Harald V de Norvège et, last but not least, Albert II de Belgique. Juan Carlos a abdiqué le 18 juin 2014 en faveur de son fils Felipe.

Ordre impérial des trois toisons d’or

Créé par Napoléon le 15 août 1809 après la conquête de Vienne (siège de la Toison d’or autrichienne) qui survenait cinq mois après la conquête de Madrid (siège de la Toison d’or espagnole) ; cet ordre était réservé aux héros de son armée. Craignant que la légion d’honneur, récemment créée, ne fut dévalorisée par le nouvel ordre, il prononça sa dissolution en 1813 sans jamais avoir été distribué.

Ordre de Saint-Michel

Crée par Louis XI, au château d’Amboise, le 1er mai 1469, pour répliquer à la fondation de l’ordre bourguignon de la Toison d’or. Les statuts furent complétés le 22 décembre 1476 au Plessis-lès-Tours près de Tours, résidence de prédilection de Louis XI. Le nombre de membres était limité à 36 « gentilshommes de nom et d’armes » élus par les membres de l’Ordre, sous la présidence du roi lors du « chapitre » annuel au fur et à mesure des extinctions. Le nombre fut porté à 50 par Charles IX le 3 avril 1565. L’Ordre étant conféré à de nombreux courtisans, parfois non combattants, il se dévalorisa. En 1661, Louis XIV décide de limiter à 100 les chevaliers de Saint-Michel non décorés du Saint-Esprit et destine l’Ordre peu à peu (non officiellement) à honorer également artistes et savants qui peuvent porter provisoirement la croix, mais ne seront reçus dans l’Ordre qu’après avoir été anoblis.
Le siège (théorique) situé à l’abbaye du Mont-Saint-Michel, fut transféré par Henri II à la Sainte-Chapelle de Vincennes puis, par Louis XIV, aux Cordeliers de Paris.
Tenues rituelles jusqu’à la fin du XVIe siècle : manteau blanc, chaperon cramoisi sur la tête et le cou. L’insigne primitif était un collier composé de coquilles relevées par des « lacs d’amour » auquel était suspendu un médaillon représentant Saint-Michel terrassant un dragon ; remplacé sous Louis XIV par un grand cordon noir auquel était suspendu une croix de Malte avec l’image de l’archange au centre.
Les chevaliers prêtaient un serment de fidélité irrévocable les liant au grand maître et à la couronne de France. L’Ordre fut aboli par la Révolution en 1791. Continué en émigration, il fut rétabli sous la Restauration mais supprimé en 1830.

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