Histoire et armoiries populaires de Sainte-Waudru
Waudru : épouse, mère, fondatrice de communauté
religieuse, de ville et sainte
Nous reproduisons littéralement le texte écrit avec ferveur par un anonyme.
"Sainte Waudru appartenait à une de ces familles seigneuriales, nombreuses au Moyen-âge, dont la plupart des membres ont été inscrits au catalogue des Saints.
Elle eut pour parents Saint Walbert et Sainte
Bertille. Leur culte est encore en honneur à Coursolre (près de
Hautmont), où leurs corps reposent dans l’église paroissiale.
C’est vers 610 que naquit la patronne de Mons. Sa belle âme se forma
rapidement à la vertu en ce château de Coursolre, dont tous les
habitants devaient devenir des Saints : à Saint Walbert, à Sainte
Bertille et à notre Sainte, il faut ajouter, pour connaître la
famille entière, la sœur cadette de Sainte Waudru, Sainte Aldegonde.
Vers l’âge de 25 ans, Waudru épousa
un noble Seigneur du pays, Madelgaire, plus connu dans l’histoire sous
le nom de Saint Vincent.
La famille de Saint Vincent et de Sainte Waudru ne se montra pas inférieure,
dans la pratique des vertus chrétiennes, à celle des seigneurs
de Coursolre. Quatre enfants naquirent de leur union, dont trois se consacrèrent
au Seigneur : Saint Landry, Sainte Aldetrude et Sainte Madelberte. Le quatrième,
Dentelin, mourut en bas âge et fut toujours associé par la dévotion
populaire au culte de ses trois aînés. C’est ainsi qu’il
porte dans toutes les biographies le nom de Saint Dentelin.
Les fonctions de Madelgaire à la cour de Dagobert 1er le mirent en contact avec les moines irlandais qui évangélisaient certaines régions de la Gaule française. Edifié de leur zèle et de leurs succès, il résolut de procurer les bienfaits de leur ministère aux habitants de ses vastes domaines. Saint Feuillen, fondateur de l’abbaye de Fosse, est de ceux que Vincent manda dans le Hainaut pour en continuer l’évangélisation.
C’est probablement l’appui que Saint Vincent et Sainte Waudru prêtèrent à la propagation du Christianisme, avec les sacrifices nombreux qu’ils s’imposèrent dans ce but, qui leur valut d’être appelés par Dieu à une vocation plus élevée.
Environ dix ans après leur mariage, ils avaient édifié et largement doté l’abbaye bénédictine de Hautmont. Les nombreuses visites qu’ils firent aux moines de cette abbaye, proche de leurs domaines, les exemples de vertus qui s’y étalaient sous leurs yeux, firent pénétrer peu à peu dans leurs cœurs le désir d’embrasser la vie religieuse.
Saint Vincent fut le premier à renoncer au monde. Après avoir mûri son projet avec les lumières de Saint Aubert, évêque de Cambrai, il alla demander aux chers religieux de Hautmont la faveur d’être admis à partager leur vie de prière et de pénitence. Il retrouva dans cet asile béni son fils Landry qui y recevait la brillante éducation donnée par les moines aux enfants des familles seigneuriales.
Sainte Waudru, soit que sa vocation ne fût pas encore affermie, soit qu’elle ait hésité à charger sa sœur Aldegonde du soin de ses deux filles, n’imita son époux que trois ou quatre ans plus tard. Elle mena dans son château la vie des veuves jusqu’au jour où Saint Ghislain, le directeur de son âme, la décida à fonder le monastère de Mons. Ce dernier emplacement, situé à deux lieues seulement du monastère de Saint Ghislain, fut choisi de commun accord pour ne pas priver Waudru et ses filles spirituelles de la direction si ferme et si sûre du saint Abbé.
Autour du nouveau monastère ne tardèrent pas à s’établir tous ceux que leur travail y appelait et le groupement de leurs demeures fut le berceau de la ville de Mons.
Sainte Waudru vécut trente ans dans son nouveau séjour. Elle vit se placer sous sa direction des veuves et des jeunes filles issues des plus nobles familles et, en particulier, Sainte Aye, sa cousine, qui lui succéda plus tard dans les fonctions de Supérieure.
Dans l’entre-temps, elle avait vu son époux Saint Vincent abandonner le monastère de Hautmont où ses vertus attiraient trop d’étrangers et jeter les fondements de l’abbaye autour de laquelle devait se former la ville de Soignies. Elle avait vu aussi son fils Landry embrasser la vie de cloître et la quitter investi du caractère épiscopal. Sa sœur Aldegonde avait fondé à Maubeuge un monastère pour femmes et les deux filles de Sainte Waudru étaient aller s’y sanctifier sous la direction de leur tante.
Couronnée de mérites, vénérée de ses filles spirituelles, tendrement aimée par les populations voisines de son monastère, pour lesquelles elle s’était montrée une vraie mère, Sainte Waudru mourut le 9 avril 686. Les miracles qu’elle avait opérés en son vivant et ceux qui s’opérèrent autour de son tombeau montrèrent combien toute sa vie avait plu au Seigneur et lui valurent l’honneur d’être mise sur les autels. On célèbre sa fête le 9 avril."
Tiré de l’opuscule "Histoire
populaire de Sainte-Waudru, patronne et fondatrice de Mons. Sa vie et son Culte".
Mons 1913 – Imprimerie H. Desguin, Journal « Le Hainaut ».
Les armoiries de Sainte-Waudru : mythe ou réalité – première approche
La tradition rapporte que les armoiries de la sainte
et, par extension, de la communauté qui se forma autour d’elle
étaient les suivantes :
Un chevronné d’or et de sable de six pièces
Une autre représentation généralement
admise, très proche en graphisme courant, bien que différente
en héraldique, est :
D’or à trois chevrons de sable
Remarquons que l’écu lui-même est ici représenté sous sa forme moderne. Plus large dans sa partie inférieure, il offre plus d’espace au dessinateur et évite de déformer certaines figures.
A ce propos, la forme héraldiquement correcte de l’écu pour une dame non mariée (et donc pour notre sainte en faisant volontairement abstraction de son parcours avant son passage à la vie religieuse en communauté) est la représentation en losange, ce qui donne, pour la version aux trois chevrons :
Dans les différentes représentations qui nous sont parvenues, ces écus sont parfois surmontés (« timbrés » est le terme héraldique) tantôt d’une crosse (abbatiale), tantôt d’une couronne (comtale).
Bien que Sainte-Waudru ait vécu au VIIe siècle, notre approche critique ne commence que vers 1150 date probable de la naissance des armoiries dans nos contrées.
Il est admis qu’à partir de 1191, Baudouin V de Hainaut (dit Baudouin le Courageux) devenu à la fois comte de Hainaut et de Flandre prendra comme armoiries un lion (le lion de la Flandre) sous la pression (financière) des gantois…
D ’or au lion de sable armé et lampassé de gueules
Son père soit Baudouin IV (1108-1171) et
lui même mais alors seulement de 1171 à 1191 ont dû porter
le blason qui nous intéresse, à savoir « d’or à
trois chevrons de sable » ou encore « chevronné d’or
et de sable de six pièces », blason généralement
nommé « Hainaut ancien » (1) .
Nous savons, par ailleurs, que les comtes de Hainaut sont devenus assez rapidement
« abbés laïcs du chapitre de Sainte-Waudru ».
D’où la tentation de conclure rapidement qu’à une
époque située entre 1150 et 1191, les chanoinesses ont adopté
pour leur chapitre le blason du comte de Hainaut en le personnifiant pour leur
fondatrice Waudru : d’or à trois chevrons de sable (ou le chevronné)
placé dans un écu en losange (écu propre à une dame
non mariée) et surmonté d’une crosse abbatiale (symbole
de l’autorité de la supérieure et fondatrice). La couronne
comtale n’a, a priori, pas de raison d’être dans les armoiries
d’une « religieuse ».
Il s’agit d’un blason très proche (forme de l’écu
excepté) de celui retenu de nos jours par le village de Maisières
(possession du chapitre de Ste-Waudru). R
La confusion voire l’assimilation des blasons et des symboles les surmontant est peut-être également due au fait qu’au cours des siècles le processionnement des reliques de Sainte-Waudru s’est constamment fait sous la garde rapprochée des soldats du comte de Hainaut, abbé laïc du chapitre.
L’éminent héraldiste Michel
Pastoureau relève dans son Traité d’Héraldique (
Grands manuels Picard, 1979, page 55) un autre élément intéressant
à savoir que « les communautés religieuses n’ont
que très exceptionnellement fait usage d’armoiries avant le début
du XIVème siècle ; ce sont les chapitres qui semblent en adopter
les premiers (le plus ancien cas français date de 1303), abbayes et prieurés
se contentant, jusqu’à une date relativement avancée, de
scènes ou de symboles religieux directement représentés
dans le champ du sceau […] ». Pastoureau attire, par ailleurs,
l’attention sur ce qu’il appelle « l’héraldique
imaginaire » apparue dès le milieu du XIIe siècle, à
savoir « des armoiries attribuées à des personnages
de légende ou vivant aux époques préhéraldiques
qui constituent un fidèle miroir de l’imagination médiévale
» (op. cit. page 258).
Il ne paraît donc pas raisonnable de soutenir que le chapitre de Ste-Waudru
ait pu adopter, dans le courant de la seconde partie du XIIème siècle,
les armes « Hainaut ancien » des comtes de Hainaut. Et après
1191, nous avons vu que ces armes ont changé…
A la lumière de l’enseignement de Michel Pastoureau, osons dire
que nous nageons en plein anachronisme…
Il est enfin intéressant de revenir sur le sceau du chapitre de Ste-Waudru.
Voici ce que nous écrivons à ce propos dans notre travail sur
les chanoinesses du 17ème siècle :
« Quant au sceau du chapitre, celui qui date d'environ 1187 représente
sainte Waudru debout en costume d'abbesse, nimbée, tenant à la
main droite un sceptre qui se termine par une fleur trilobée et à
gauche un livre fermé. Sur les bords on peut lire la légende :
"Sigillum sce Waldetrudis in Muntibus". Ce sceau a été
refait plusieurs fois avec des variantes en 1393, au XVe siècle et en
1548. »
Si blason il y avait à ces époques pour le chapitre, pourquoi
ne pas l’avoir incorporé au sceau ?
Que conclure avec certitude sinon que le blason
portant les chevrons, plus connu sous le nom « Hainaut ancien »,
a été a posteriori attribué au chapitre de Sainte-Waudru.
A quelle époque ? En tout cas bien après la fin du XIIème
siècle et, sans doute, après le milieu du XVIème.
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(1)Il n’est toutefois pas interdit de penser
que les comtes de Hainaut aient pu garder « confidentiellement»
ou du moins « localement », c’est-à-dire dans leur
fief de Hainaut et particulièrement dans leur ville de Mons, la représentation
de l’écu au trois chevrons pendant un certain temps après
1191.
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