Photo Cercle Heraldus de Mons (2013)
|
L'Abbaye cistercienne de
Soleilmont
|
Bref historique de l'ordre cistercien
Ordre de Cîteaux
|
L'Ordre
de Citeaux a été fondé en 1098 par Saint Robert,
abbé de Molesmes. Lecture : "« D'azur semé de fleurs de lis d'or à un écusson bandé d’or et d’azur, à la bordure de gueules » (Bourgogne ancien)
|
Histoire de l'abbaye de Soleilmont
D'où vient le nom de Soleilmont ? Le premier acte officiel connu date de 1185 et il écrit Solrelmont. Une abbesse, Aléide, en 1251 se désigne comme de Sorelmont, d'où les variantes Soreaumont, Soriamont, Sorriaulmont ... La bulle de Grégoire IX, en 1239, parle de Soleilmont en toutes lettres.
A l'extrémité de la commune de Gilly, sur le Gominroux (petit affluent de la Sambre), dans un vallon éloigné à l'origine de toute habitation, entouré de bois et de champs, sur les bords d'un étang aujourd'hui desséché, l'abbaye fut bâtie en partie sur Gilly, Châtelineau et Fleurus. Néanmoins, par requête des Dames de Soleilmont adressée le 5 décembre 1767 aux Etats de Namur, concernant l'exemption des droits de la barrière sur la nouvelle chaussée, elles affirment être situées sous la juridiction de Gilly. Une attestation de la Haute Cour de Gilly confirme leur déclaration.
L'origine de l'abbaye est fort obscure. Elle
remonterait aux libéralités d'un comte de Namur, Albert III dit
le Pacifique, qui aurait présidé à la naissance de Soleilmont
en 1088.
Il y aurait placé des religieuses bénédictines. La plus
ancienne mention rencontrée se trouve dans la donation qu'Enguerrant
d'Orbais fit, en 1185, de son alleu* de Solremont à l'abbaye de Floreffe.
Faute de documents, on ne peut se prononcer de manière certaine sur la
fondation de l'abbaye au XIe siècle. Ce n'est qu'en mai 1237 que l'on
trouve une mention expresse du monastère : son incorporation à
l'ordre de Citeaux, à la demande de Jeanne, comtesse de Flandre et de
Hainaut, et de l'évêque de Liège. Il existait un acte authentique
par lequel le Chapitre Général de Citeaux délègua
à Soleilmont les abbés des abbayes de Villers-en Brabant
(Villers-la-Ville), de Val-Saint-Lambert (Seraing), de Notre-Dame de
Grandpré (Faulx-les-Tombes) et d'Aulne (Gozée),
afin d'accorder à ce monastère son union à l'ordre de Citeaux
sous la paternité de l'abbé d'Aulne. Une bulle de confirmation
du pape Grégoire IX *
datée du 23 mars 1239, accorde à l'abbaye tous les privilèges
de l'Ordre de Citeaux "...qu’en ce lieu, la Règle de Benoît
et les observances de Citeaux seraient gardées inviolablement et à
perpétuité ".
Par acte officiel daté du 11 juillet 1237, Baudoin de Courtenay, comte
de Namur et empereur de Constantinople (°1217 † 1273), résolut
de repeupler les murs déserts de l'abbaye en substituant les filles de
Saint Bernard aux bénédictines qui l'occupaient jadis. Les premiers
bienfaiteurs de l'abbaye furent, en 1237, Jeanne, comtesse de Flandre et de
Hainaut qui fit donation d'un étang, d'un bonnier* de pré et d'un
moulin (donation ratifiée le 11 juillet 1237 par Baudoin de Courtenay)
ainsi qu'en 1238, Gautier, seigneur d'Heppignies (40 bonniers
près de la grange de la Bénite- Fontaine).
Abbaye de Soleilmont Lecture : "D'azur à un soleil flamboyant chargé d'une vierge couronnée à l'enfant, auréolés, et accompagné en chef de deux croisettes, le tout d'or"
|
Lecture : "D'azur au faucon d'argent encapuchonné tenant un rameau d'olivier de même" Devise : Post Tenebras Spero Lucem.
|
Abbaye du Val-Saint-Lambert
Lecture : "D'azur au chevron d'or accompagné de deux étoiles du même"
|
Abbaye d'Aulne Blason emprunté à la famille de Marbais dont Alard devint abbé d'Aulne en 1338 Lecture : "D'azur à la fasce
d'argent accompagnée en chef de trois merlettes du même,
rangées en fasce"
|
Si nous savons
peu de choses des origines de l'abbaye, sur l'histoire des deux siècles
suivants nous en sommes réduits à des conjectures. Cinq noms d'abbesses
ont néanmoins été retrouvés durant la période
précédant le 15ème siècle :
- Aléide
qui signe, en 1251, un acte de redevance à l'abbaye de Floreffe.
- Catherine d'Avesnes invitée à rentrer en son
monastère de Montreuil-sur-Laon (acte des statuts du Chapitre Général
de Citeaux en 1412).
Entre ces deux dates, on cite sans aucune précision :
- Oda
de Virsel (ou Viset) (réf. Obituaire de Notre-Dame du
Capitole à Cologne).
Lecture : "D'argent à deux chevrons de sable" |
Abbaye de l'Olive |
- Hedwige de Louverval (citée par Dom Bruno Maréchal).
En 1366, l'abbaye est citée dans le testament de Marie d'Artois, comtesse de Namur (°1291- †1365), qui y fonda une pitance* (réf. Ch. Piot, Inventaire des chartes des comtes de Namur).
Blason de la famille de
Louverval |
Blason des comtes d'Artois Lecture : "D'azur semé de fleurs de lis d'or au lambel de gueules, chaque pendant chargé de trois châteaux d'or ouvert et ajouré d'azur" |
Les guerres, calamités et les accidents funestes nous privent de la connaissance des abbesses qui ont vécu depuis 1237 jusqu'en 1414. En 1482, la peste ayant sévi à l'abbaye, toutes les religieuses en moururent en peu de temps. L'abbaye resta déserte après ce fléau pendant une vingtaine d'années. On imagine aisément que bien des archives furent perdues pendant ce temps.
L'influence de l'abbaye de Soleilmont rayonna au-delà des murs de son monastère. Ainsi, plusieurs religieuses ont été choisies à Soleilmont pour devenir abbesses dans d'autres monastères du même Ordre. Citons :
- Avant le réforme, Dame Béatrix de Ligni (Ligny), en 1246, est abbesse de l'abbaye de Moulins à Anhée. Le relâchement et le libertinage intervenus un siècle plus tard ont finalement déterminé les supérieurs de l'Ordre de changer, en 1413, cette abbaye de femmes en abbaye d'hommes du même Ordre.
- Dame Jeanne de Warluseille fut 18ème abbesse de l'abbaye de Notre-Dame de l'Olive en Hainaut (Morlanwelz) en 1381, deuxième après la réforme. Elle gouverna pendant 28 ans. Agée, elle résigna sa dignité 10 ans avant sa mort.
- Marie de Gentinnes (†1430) qui inaugure la réforme de l'abbaye d'Argenton (Lonzée). Elle s'était donnée pour coadjutrice Nicaise de Harby.
- Dame Nicaise de Harby (†1452), abbesse d'Argenton (Lonzée).
- Dame Marie de Potte, abbesse de Boneffe (Eghezée) avant 1461, car c'est à cette date que l'abbaye fut reprise par des moines.
- Dame Jeanne de Senzeilles (†1462), nièce de Dame Marie de Senzeilles, fut nommée 23ème abbesse de Salzinnes en 1450 afin d'y introduire la réforme qui s'était répandue dans le comté de Namur à partir de l'abbaye de Marche-les-Dames. Elle gouverna pendant 12 ans (1450-1462).
- Dame Anne de Biève de Rubemprez, née à Liège, 12ème abbesse d'Argenton, gouverna l'abbaye durant 19 ans (1539-1558).
- Dame Marguerite d'Autriche (†29/7/1604), de sang royal d'Espagne, religieuse professe de Soleilmont, fut 15ème abbesse de l'abbaye d'Oriente(n) à Rummen.
On peut dire que Soleilmont fut une véritable pépinière d'abbesses.
Au 13ème
et 14ème siècles, les monastères subirent une crise générale.
Après une prospérité qui avait couvert l'Europe de maisons
ferventes, l'ordre de Citeaux connut une déchéance rapide avec
impossibilité d'y apporter remède. Le prestige de Saint Bernard
ayant disparu, les âmes avaient désappris le chemin de Dieu. Le
monde s'était insinué dans les cloîtres.
En 1412, le comte de Namur exédé des plaintes qu'il reçoit
intervient auprès du Chapitre Général de l'Ordre afin d'obtenir
une mesure rigoureuse qui frappât les abbayes situées sur son territoire;
elle visait la suppression pure et simple de plusieurs abbayes dont Soleilmont.
Les abbés de Clairvaux, de Chalis, de Villers et d'Aulne, furent chargés
de régler cette épineuse affaire. Ils maintinrent les abbayes
à la condition qu'elles s'imposent une réforme sérieuse.
Voilà comment Soleilmont fut sauvée.
Lors de la réforme en 1414, c'est grâce à l'intervention
de Dom Godefroid d'Orchies, abbé d'Aulne (1408-1415) que l'abbaye se
remit à flot. Soleilmont doit son relèvement à Marie de
Senzeilles venue de Marche-les-Dames qui fut, en 1414, la première abbesse
après la réforme. Elle rétablit la régularité
primaire et la discipline monastique dans sa ferveur. Depuis cette réforme,
l'abbaye a été célèbre et renommée pour sa
régularité particulière, par la grande humilité
des religieuses, par une vie exemplaire.
La Règle, à part certains moments de la prière, était
la même pour toutes. Lever à 3 ou 4 heures, selon les saisons.
L'oraison et l'office de nuit, où toutes assistaient, prenaient plusieurs
heures. Jeûne et abstinences qui, certains jours, étaient de rigueur
et le silence habituel sauf aux récréations rares et brèves.
Enfin, le cloître qui les tenaient emmuraillées et ne permettait
pas de rapport avec le dehors. Les visites familiales étaient comptées.
L'abbaye dévastée par les guerres fut réédifiée petit à petit au 15ème siècle. Les bâtiments, jusqu'à leur destruction par l'incendie de 1963, dataient toujours de cette époque même si des embellissements y furent apportés. L'église datait de la fin du 15ème, elle était dédiée à Sainte Anne. Du côté sud, la chapelle de Notre-Dame de Rome terminait la nef unique. Les orgues furent placées au 17ème siècle suite à un don de Monsieur Pierre de Traux, maire de Châtelet et bailli de Lobbes, en reconnaissance du miracle obtenu lorsqu'en 1625 on processionna l'image de la vierge dans les rues de la localité et que le fléau de la peste s'arrêta.
Pierre de Traux |
Anobli par lettre patente du
28 décembre 1675. |
Liste des abbesses jusqu'à la Révolution française
|
Dame
Marie de Senzeilles établie en 1414 première abbesse
de Soleilmont après la réforme, gouverna durant 24 ans (1414-1438)
et vécut dans une grande pauvreté après avoir rétabli
la régularité et fait vivre le premier esprit de l'Ordre
de Cîteaux avec un courage hors du commun. |
Nous n'avons pas
|
Dame Catherine de Visé (ou de Vire) (†1439), élue deuxième abbesse après la réforme, en 1438. Elle meurt un an seulement après son élection.
|
Dame Antoinette de
Harby (soeur de Dame Nicaise de Harby) décédée
en 1461 après avoir gouverné louablement pendant 22 ans. |
Dame Catherine de Raesfeldt.
Pendant son règne elle meurt de la peste, ainsi que ses religieuses,
en l'an 1482. |
L'abbaye resta déserte environ vingt ans après quoi, Guillaume, comte de Namur, fit venir de l'abbaye du Mans à Malinnes, Dame Marie de Alëts et quelques religieuses pour rétablir Soleilmont dont les bâtiments étaient fort délabrés pour ne pas dire ruinés. Parmi ces religieuses se trouvait :
Dame Elisabeth de Lannoy
de Molembais, fille de Baudouin de Lannoy, seigneur de Molembais
(†
1501), et de Michelle d'Esne, dame de Corroy |
Jeanne de Trazegnies
( (†
après 1549), fille illégitime de Jean
III de Trazegnies (°1470-†1550).
Abbesse durant 20 ans pendant lesquels elle a achevé les cloîtres
et les dortoirs et fait constuire la nouvelle l'église, bijou de
l'architecture gothique.
|
Lecture : "D'argent à trois flanchis de sable" |
|
Dame Elisabeth de Hemricourt
a gouverné de 1543 à 1555. Ses parents
sont Henri de Hemricourt, seigneur de Willerzie, maître d’hôtel
de la reine de Hongrie, prévôt et bailli de Binche, époux
d'Elisabeth de Spangen, chanoinesse de Ste Waudru. Lecture : "De gueules à la bande
d'hermine" |
Nous n'avons pas trouvé de blason
|
Dame Anne Robert. Son règne a duré 23 ans (de 1555 au 7 décembre 1578) pendant lequel elle fit bâtir le quartier des malades. Elle a été obligée de se réfugier à Mons-en-Hainaut lors des guerres. Elle est morte dans cette ville et fut enterrée dans l'église des Cordeliers.
|
En pleine guerre de religion, sous Philippe II d'Espagne :
Blason
de Philippe II,
|
Blason de Philippe II, roi des Espagnes de 1558 à 1580. Lecture : "Coupé. En chef, parti. En I, écartelé, en 1 et 4, de gueules au château d'or ouvert et ajouré d'azur (Castille), en 2 et 3, d'argent au lion de gueules armé, lampassé et couronné d'or (Léon) ; en II, parti, en 1, d'or à quatre pals de gueules (Aragon) et en 2, écartelé en sautoir d'or aux quatre pals de gueules et d'argent à l'aigle de sable,becquée et membrée de gueules (Sicile),enté d'argent à une pomme grenade de gueules, tigée et feuilleté de sinople (Grenade). En pointe, écartelé, en 1, de gueules à la face d'argent (Autriche), en 2, d'azur semé de fleurs de lys d'or à la bande componée d'argent et de gueules (Touraine-Bourgogne moderne), en 3, bandé d'or et d'azur de six pièces, à la bordure de gueules (Bourgogne ancien), en 4, de sable au lion d'or, armé et lampassé de gueules (Flandre). Sur le tout, parti d'or au lion de sable armé, couronné et lampassé de gueules(Brabant), et d'argent à l'aigle éployée de gueules, armée,membré,becqué d'or (Tyrol)"
En 1580, il devient également roi du Portugal sous le nom de Philippe 1er du Portugal. Il ajoute un écu de ce royaume au point d'honneur de ses armes. Cet écu se lit : "D'argent à cinq écussons d'azur posés en croix, chaque écusson chargé de cinq besants d'argent posés en sautoir (appelé quinois) ; à la bordure de gueules chargée de sept châteaux d'or ouverts et ajourés d'azur"
|
les religieuses quittent Soleilmont en février 1578 pour n'y revenir qu'en 1583. Entre-temps, elles s'étaient dispersées, certaines rentrées dans leurs familles, d'autres erraient dans des monastères étrangers. Le noyau de la communauté avait trouvé refuge à Thuin. C'est là qu'eut lieu, le 19 mars 1579, le choix de la nouvelle abbesse qui se porta sur :
Nous n'avons pas trouvé de blason
|
|
Une nouvelle élection était donc nécessaire. Les religieuses n'avaient pas encore réintégré leur monastère, la situation étant aussi troublée qu'en 1579. Le prélat de Cambron et le conseiller Franchois, désignés en qualité de commissaires, décident de faire venir les religieuses à Mons, à l'abbaye d'Epinlieu, le 22 mars 1583.
Blason de l'abbaye d'Epinlieu
|
|
Seules dix religieuses prirent part au vote et désignèrent unanimement :
Nous n'avons pas trouvé de blason
|
Elle a gouverné de 1583 au 2 avril 1603 ayant dû résigner ses fonctions, entre les mains de l'archiduc Albert, atteinte de cécité. Elle décède en 1624, âgée de 93 ans.
|
| Dame
Jacqueline de Colnet (°1551) fille de Jean et de
Marguerite Ferri, après avoir servi fidèlement
pendant 16 ans en qualité de dispensière*, fut nommée
abbesse de Soleimont le 16 avril 1603. Elle appartenait à la grande
famille des Colnet, originaire de Venise, qui vinrent s'établir
aux Pays-Bas dès le 15ème siècle. Ils étaient
maîtres verriers et leurs privilèges reconnus par Charles
le Téméraire, Charles-Quint et Philippe II. Lecture : "D'argent à un senestrochère de gueules paré d'argent mouv du flanc vers la pointe la main gantelée d'or portant sur le poing un faucon au naturel chaperonné de gueules et accosté de deux branches de fougère de sinople" (Rietstap) Famille Ferri : Lecture : "De gueules à la bande d'or accompagnée de trois fleurs de lis, une en chef, une au flan dextre et une en pointe"
|
Famille
Colnet
| Famille Ferri
|
En 1622, les religieuses durent à nouveau quitter en hâte leur monastère suite aux exactions et à la bataille dans la plaine de Fleurus entre l'armée espagnole sous les ordres de Gonzalo Fernández de Córdoba, général de la Ligue catholique, et l'Union protestante commandée par Ernst von Mansfeld, venu d'Allemagne avec ses reîtres et une bande d'aventuriers courant au secours des huguenots français et ravageant tout sur leur passage.
Comte
Ernst von Mansfeld (°1580-†1626) |
|
| Lecture : "Taillé d'azur et d'or. Au I, un demi-soleil d'or posé dans le sens de la partition; en II, une brodequin de gueules lacé du même"
|
Selon Rietstap les comtes et princes de Mansfeld portent :
|
|
En 1636, à la demande de Philippe IV d'Espagne, Jan de Weerdt traverse la contrée avec son armée de pillards pour envahir la Picardie. A sa suite, le fameux général autrichien Ottavio Piccolomini, duc d'Amalfi, avec ses croates, qui mit tout à feu et à sang.
Ottavio Piccolomini,
duc d'Amalfi (°1599-†1656) |
|
| Lecture : "Ecartelé. Aux I et IV, d'argent, à la croix d'azur chargée de cinq croissants d'or; aux II et III, palé de quatre : en 1, d'or à quatre pals de gueules (Aragon),en 2, fascé de gueules et d'argent (Hongrie ancien); en 3, d'azur semé de fleurs de lis d'or au lambel de gueules (Anjou ancien) ; en 4, d'argent à la croix de Jérusalem" |
La politique jouait aussi parfois son rôle d'intrigues et de coulisses dans les élections des abbesses. Ce n'est qu'à partir du 17ème siècle, que le pouvoir séculier se mêle de dire son mot et s'ingère dans les affaires spirituelles des monastères. A la vacance d'un siège abbatial, le prince gouvernant les Pays-Bas donne ce qu'il appelle le "committimus" et désigne par là les commissaires qui auront à présider, le jour venu, à l'élection. C'était d'ordinaire un abbé, celui d'Aulne, de Villers ou de Moulins, qui les assistait. Parmi les candidates sur qui s'étaient portés les nombreux suffrages, le prince (ou son faisant fonction), avait le droit de dégager son choix. Il en usait largement. Il ne donnait pas toujours la préférence à celle que la communauté s'était élue, écartant systématiquement et de parti pris celles qui n'étaient pas nées dans les Etats de Sa Majesté et que, pour ce motif, on appelait les étrangères. Leurs qualités et leurs vertus, les capacités qui les faisaient émerger au-dessus des autres, l'illustration du nom, même à particule, ne parvenait pas à faire fléchir la balance de leur côté.
|
|
Cette abbesse a été préférée à Adrienne Henry née à Châtelet qui était au Pays de Liège, bien que Châtelet soit tout proche de Soleilmont, et cela suffit pour qu'en haut-lieu on n'en tienne aucun compte.
Le traité de Munster (1648) qui met fin aux guerres de religion, ne fut qu'une courte embellie. L'année 1651 ramène les armées de Condé
Louis II de
Bourbon-Condé dit Le Grand Condé (°8/9/1621-†
11/12/1686) |
|
|
Lecture : "D'azur à trois fleurs de lis d'or au bâton péri en bande de gueules" |
qui ravagent à nouveau le pays et l'abbaye à ce moment sous la direction de :
|
Marie
de Burlen, fille de Gilles de Burlen et de Marguerite de Tamison,
élue le 26 août 1649. Ce fut une merveilleuse artiste notamment
dentelière. Elle s'occupait de travaux d'art destinés à
orner les autels de l'église. L'abbaye conserva les dentelles brodées
qui portent son nom et notamment le dessin de l'annonciation de la Sainte
Vierge d'après Raphaël (disparues dans l'incendie de 1963).
En 1652, elle obtint de l'Official de l'évêché de
Namur l'institution d'une confrérie ou association en l'honneur
du Saint Clou. Par une sage et prudente administration, Dame de Burlen
sut, sans compromettre les finances de sa maison, réparer les ruines
accumulées par une guerre longue et cruelle. Elle fit rebâtir
les écuries, les étables et la grange, acquit les deux maisons
refuge : l'une à Namur et l'autre à Châtelet; obtint
l'affranchissement de la cense de la Bénite-Fontaine en 1657. Elle
meurt le 12 décembre 1661. Devise : Lente sed apte.
|
Ici aussi la candidature d'Adrienne Henry, bien que préférée de la communauté, fut écartée malgré l'insistance de l'abbé de Villers. C'est peine perdue. Celui qui gouverne en ce moment les Pays-Bas n'est autre que le cardinal Infant Ferdinand d'Espagne. Politique avisé bien plus qu'homme d'église, ce n'est pas lui que l'on réussira à fléchir. Il le donne à entendre dans la communication qu'il en fait à son frère le Roi d'Espagne "Et comme la moitié des religieuses y estant, sont du pays de Liège, nous ne pouvons laisser de présenter à Votre altesse que pour y remédier à l'advenir et exclura les dittes liégeoises. Votre altesse pourra ordonner à la future abbesse de n'en recevoir aucune". Le Roi d'Espagne, dans les lettres patentes qu'il délivra en cette circonstance, eut le bon sens de faire semblant de rien.
La reprise de la prélature est chargée de lourds soucis et des inexorables misères causés par les guerres de succession d'Espagne, avec l'envahissement du pays et la prise de Charleroi par Turenne le 2 juin 1667. La Paix d'Aix-la-Chapelle signée en 1671, les hostilités reprennent avec la Hollande.
Henri de
la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, duc de Bouillon |
|
|
|
1668 rend un peu d'espoir mais, le prince d'Orange investit Charleroi en 1672.
Guillaume III, Prince d'Orange-Nassau |
Guillaume
III de Nassau, Prince d'Orange, seigneur de Bréda, puis Stathouder
de Hollande et de Zélande, Stathouder d'Utrecht, Stathouder de
Gueldre et d'Overijssel, puis roi consort d'Angleterre et d'Irlande, roi
consort d'Écosse, puis roi d'Angleterre et d'Irlande, roi d'Écosse,
Prince d'Orange. |
|
Lecture : "Écartelé. Au I, d'azur billetté d'or au lion du même armé et lampassé de gueules brochant sur le tout (Nassau) ; au II, d'or au léopard lionné de gueules armé, lampassé et couronné d'azur (Katzenelenbogen) ; au III, de gueules à la fasce d'argent (Vianden) ; au IV, de gueules à deux lions léopardés d'or armés et lampassés d'azur, l'un sur l'autre (Dietz). Sur le tout, écartelé. Aux 1 et 4, de gueules à la bande d'or (Châlon) ; aux 2 et 3, d'or à un cor de chasse d'azur virolé et enguiché de gueules (Orange). Sur le tout du tout,équipollés d'or et d'azur (Genève). Au point d'honneur du grand écu, un écusson de sable chargé d'une fasce d'argent (Veere) ; en pointe, un écusson de gueules chargé d'une fasce bretessée et contre-bretessée d'argent (Buren)"
|
L'année suivante,
c'est l'Espagne qui déclare la guerre à la France. En 1673, l'armée
de Condé bat les alliés dans la plaine de Seneffe.
En 1677, nouveau siège de Charleroi.
Enfin, la Paix de Nimègue en 1678 suspend, pour quelques temps l'interminable
guerre qui recommencera en 1684. C'est cette année que Gilly fut livrée
aux flammes. Tous les alentours de Charleroi souffrirent horriblement du pillage
et de l'incendie.
En 1690, François-Henri de Montmorency-Bouteville, duc de Piney-Luxembourg
(°Paris 8/1/1628-† Versailles 4/1/1695), plus connu sous le nom de
Maréchal de Luxembourg, livra bataille à l'armée
allemande commandée par le prince de Waldeck, dans la
plaine de Fleurus.
François-Henri
de Montmorency-Bouteville, dit le Maréchal
de Luxembourg |
|
|
Lecture : "D'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azurordonnés 2, 2; sur le tout, d'argent au lion de gueules armé, lampassé et couronné d'or" |
Prince
Georges-Frédéric de Waldeck-Wildungen
(°1620-†1692) |
|
Lecture : "Parti de 2, coupé de 2. Aux 1 et 9, d’argent à la croix ancrée de gueules (comté de Pyrmont qui passa en 1631 des comtes de Gleichen à ceux de Waldeck) ; aux 2 et 8, d’argent à trois écussons de gueules (comté de Rappolstein auquel il prétend car le comte Chrétien Louis de Waldeck épousa en 1658 une fille du dernier comte de Rappolstein) ; aux 3 et 7, d’argent à trois têtes d’aigle de sable (seigneurie de Hoheneck) ; aux 4 et 6, d’argent semé de billettes d’azur au lion de gueules couronné d’or (seigneurie de Géroldseck près de Savern) ; au 5, d’or à l’étoile à huit rais de sable (armes de la Maison de Waldeck)" |
Pendant ces temps troublés, l'abbaye est sous la direction de :
|
Eugénie de la Halle qui décède en 1694 après avoir gouverné l'abbaye l'espace de 32 ans. On rapporte que Dame Eugénie fit face à ces malheurs avec vaillance et énergie, vertus qu'elle puisait dans sa foi. Elle parvint encore à poursuivre l'oeuvre de restauration du monastère en faisant bâtir de vastes écuries ainsi qu'un magnifique colombier démoli en 1878.
Lecture : "De... à un dromadaire de ... bridé de ... la tête surmontée d'une couronne ducale de ... accompagnée en chef de deux étriers de ...; à dextre et à senestre, deux éperons complets de ..."
|
Dame
Isabelle (Jeanne-Françoise) de Wolff, née à
Thuin en 1647, était la fille de Antoine de Wolff, bourgmestre
de la ville et bailli de Lobbes, et de Marie-Jacqueline, fille de Sébastien
Mengald, receveur du quartier d'Entre-Sambre-et-Meuse pour Maximilien
de Bavière, prince-évêque de Liège. Lecture : "Ecartelé. Aux 1 et 2, de …. à trois loups ravissant de ... ; aux 2 et 3, de … à trois étrilles de ..." Famille de Wolff : Lecture : "D'or à trois loups ravissant de sable lampassé de gueules" |
Famille de Wolff |
|
Josèphe Stainier gouverna l'abbaye de novembre 1712 à 1730. Elle naquit à Bouvignes en 1661, d'une famille très honorable. Son père, Pierre-Ignace Stainier, né à Pont-de-Loup, était liencié ès lois de l'université de Douai et avocat au Conseil souverain du Brabant, époux de Marie-Hubertine Stainier, sa parente. Elle a travaillé assidûment à embellir les autels de l'église de plusieurs beaux ornements et à faire aussi de ses mains des habits sacerdotaux. Elle a fait rétablir la brasserie et réparer plusieurs bâtiments ainsi qu'embellir plusieurs quartiers. Elle meurt en 1730 après avoir gouverné ses filles avec beaucoup d'humilité, de douceur et de prudence. Lecture : "Mi-parti coupé. Au 1, de … à trois étoiles à six rais de …. ; au 2, palé de huit pièces de ...; au 3, un chevron accompagné de trois quartefeuilles de …"
|
|
Humbeline
de Bavay, née à Châtelet en 1692 de François
et de Françoise Bastin, est issue d'une grande famille originaire
de Mons et dont les branches se fixèrent à Châtelet
et à Bruxelles. Parmi ses descendants, l'histoire garde les noms
de Robert de Bavay, qui fut abbé de Villers et celui de François
de Bavay, abbé de Beaupré-sur-Meurthe en Lorraine. Elle
a gouverné de 1730-1739, année de son décès
inopiné à 48 ans. Les débuts de son administration
furent attristés par une épreuve désastreuse pour
son abbaye. Un ouragan terrible éclata sur la région et
ruina les récoltes de l'abbaye mais également les fermes
de Fontenelle et La Bénite-Fontaine. Tout fut perdu. A peine remis
de cette catastrophe, en 1731, la foudre réduisait en cendres la
ferme de Fontenelle. Ce furent de lourdes dépenses. La jeune abbesse
sut déployer en ces circonstances de belles ressources d'un courage
qui ne devait pas se démentir. Elle a fait réparer la ferme,
couvrir l'église, plafonner le cloitre, le chapitre et le réfectoire.
Elle a fait bâtir le quartier de l'abbé ainsi que le fournil.
Elle mena une vie de charité et d'humilité profondes.
|
|
Josèphe Berger, fille de Lambert Berger et de Jeanne Rochet, est née à Châtelineau en 1698. Elle administra l'abbaye de 1739 au 3 décembre 1765. L'esprit de mansuétude qui avait marqué l'âge précédent se maintint sous son règne. Quand elle mourut âgée de 69 ans, elle avait payé toutes les dettes du monastère, fait recouvrir d'ardoises l'immensité des toitures, les cloîtres étaient pavés, les étangs avaient été nettoyés et la grande porte d'entrée installée.
Lecture : "D'azur à la fasce d'or accompagnée en chef d'une étoile à six rais et en pointe de trois brebis regardant du même"
|
|
Bernarde L'Evêque, née à Mons en 1706, gouverna de 1766 au 20 juillet 1775. Dans le procès-verbal de l'élection adressé le 30 décembre 1765 on ajoute que "la régularité est bien observée dans le monastère, l'office divin s'y fait avec exactitude, les bâtiments se trouvent en bon état, et dans l'intérieur de la maison, règne un air de propreté et les meubles y sont décents". Les lettres patentes en sa faveur furent expédiées au nom de Marie-Thérèse, impératrice et reine, le 20 janvier 1766. Ce fut un règne heureux. Nos provinces des Pays-Bas jouissaient enfin, sous Marie-Thérèse, d'un moment de paix et de prospérité.
Lecture : "Mi-parti coupé. Au 1, d'azur au soleil non figuré d'or; au 2, de sable à trois étoiles d'argent posées 1, 2; au 3, d'azur à l'agneau pascal d'argent"
|
C'est Dame Marie Piette de Landrecies que les suffrages de la communauté portèrent en première place pour la succession de la défunte abbesse. Le rapport des commissaires mentionne son nom et ses mérites, mais en même temps fait l'aveu qu'on l'a écartée séance tenante "... elle aurait remporté la pluralité des suffrages ... si nous n'avions fait connaître aux votantes... que régulièrement on considère comme infructueuse les voix données à celles qui ne sont pas nées sujettes de Sa Majesté." On ne pouvait être plus courtois, ni plus clair.
|
Scholastique Daivier, fille de Jean Daivier et d'Antoinette Ducarme, naquit à Anderlues en 1730. L'élection eut lieu le 23 octobre 1775. Les lettres patentes furent expédiées de Bruxelles le 15 mai 1776 au nom de l'impératrice douairière et reine, Marie-Thérèse. Elle a gouverné durant 29 ans avec prudence et sagesse et décède le 15 août 1805. Elle fut la dernière abbesse de Soleimont, la Révolution allait passer par là !
Lecture : "Coupé. Au 1, d'azur à la croix latine soutenue d'un perron (ou croix de calvaire) d'argent accompagnée de trois brins d'herbe (?) du même; au 2, d'azur chapé d'argent au chevron d'or brochant sur la ligne du chapé accompagné en chef de deux étoiles et en pointe d'une croisette du même"
|
L'abbaye et la tourmente révolutionnaire
Les plus graves évènements se passèrent pendant le gouvernement de la dernière abbesse : la mort de l'impératrice Marie-Thérèse survenue le 29 novembre 1780, l'insurrection de 1789 causée par les mesures de son successeur Joseph II; puis la Révolution française qui provoque en Europe une commotion sans exemple dans l'histoire. Le 26 juin 1794, à la suite de leur victoire de Fleurus, les français conquirent la Belgique qui, durant une vingtaine d'années, resta sous leur domination.
Joseph
II de Habsbourg-Lorraine |
Lecture : «Ecartelé. En I, parti. En 1, fascé de gueules et d'argent de huit pièces (Hongrie ancien); en 2, de gueules à la croix patriarcale pattée issante d'une couronne d'or sommant un mont de trois coupeaux de sinople (Hongrie moderne); en II, de gueules au lion d'argent à la queue fourchée passée en sautoir, couronné, armé et lampassé d'or (Bohême); en III, bandé d'or et d'azur à la bordure de gueules (Bourgogne ancien); en IV, d'or à six tourteaux mis en orle, cinq de gueules celui en chef d'azur chargé de trois fleurs de lis d'or (Medicis). Sur le tout, parti de gueules à la fasce d'argent (Autriche) et d'or à la bande de gueules chargé de trois alérions d'argent (Lorraine)» L'Empereur Joseph II : Lecture : "D'or à l'aigle bicéphale de sable membrée, onglée, becquée et languée de gueules au kleestengel du même, chargée de l'écusson des Habsbourg-Lorraine"
| Empereur Joseph II
|
Ces évènements jetèrent une grande perturbation parmi les habitantes de Soleilmont, habituées à vivre tranquillement sous le regard de leur abbesse. Elles protestèrenet qu'elles ne la quitteraient jamais ! Dame Scholastique Daivier, voulant mettre ses soeurs à l'abri des révolutionnaires, prit le parti de quitter sa maison pour quelque temps espérant trouver refuge en Allemagne. Ne sachant combien de temps durerait leur exil, elles emportèrent l'image de Notre-Dame de Rome, la relique du Saint Clou et le coffret offert par les archiducs Albert et Isabelle.
Les
Archiducs Albert d'Autriche et Isabelle d'Espagne |
|
|
Elles s'arrêtèrent à l'abbaye de la Ramée près de Jodoigne et y séjournèrent quelque temps. Elles résidèrent également au presbytère et chez l'habitant dans un petit village près de Liège. Elle continuèrent leur voyage vers Cologne mais arrivées près du Rhin, elle apprirent qu'elle ne pouvaient continuer plus loin tant les pays environnants étaient remplis d'émigrés, de religieux et religieuses expulsés de leurs couvents. Plusieurs personnes leur conseillèrent de rentrer dans leur maison puisque la suppression n'en était pas encore prononcée. Le directeur, Gabriel Romedenne, religieux de Boneffe, qui les accompagnait, fut également d'avis de retourner au monastère. Elles revinrent sur leurs pas et se trouvèrent réunies à l'abbaye de Boneffe où elles résidèrent cinq semaines avant de regagner Soleilmont. A leur retour, la maison avait été respectée; On n'avait rien fait pour les inquiéter et on ne parlait même plus de les supprimer. En attendant que le gouvernement prenne une décision à leur sujet, elles vaquèrent à leurs occupations habituelles.
Elles continuaient à vivre dans le calme
lorsque, vers la fin 1796, les bruits de suppression commencèrent à
se répandre. Elles avaient espéré que leur maison serait
oubliée, car toutes les maisons de Belgique étaient supprimées
depuis longtemps. La République française leur imposa une contribution
de 18 000 livres : les biens de l'abbaye furent mis sous séquestre.
Des commissaires du gouvernement républicain se présentèrent
au monastère, porteurs de propositions d'indemnité ainsi rédigées
: "Nous, soussignées, ex-dames et ex-soeurs de l'ex-abbaye de
soleilmont, souscrivons volontiers à l'abandon de nos anciennes propriétés
ainsi qu'à la suppression de notre ancien ordre de Bernardines, et recevons
en échange de cette déclaration volontaire et spontanée,
la somme de 12 000 livres pour chaque dame et de 8 000 livre pour chaque soeur".
L'abbesse, entourée de toutes ses religieuses, répondit négativement.
Les envoyés du gouvernement insistèrent en les prévenant
que sans signature elles n'auraient rien ! Les religieuse maintinrent leur refus
de souscrire à ces conditions.
Le 4 vendémiaire de l'an V (25 septembre 1796), les citoyens Jacques
Chardon, vérificateur du domaine national, et Louis Chasaron, adjoint
à la direction des domaines, se présentèrent à l'abbaye
et procédèrent à l'inventaire des objets s'y trouvant.
Le 4 janvier 1797, les religieuses reçurent la fatale nouvelle de la
suppression de leur maison avec ordre d'en sortir le plus tôt possible.
Leurs propriétés furent vendues publiquement le 8 pluviose an
V (27 janvier 1797) et M. J.-P. Paulu acquit le couvent, avec les bons du gouvernenement,
à Paris, par devant le notaire Dasne. Quatre ans plus tard, celui-ci
le revendait à Monsieur Dervaux. En 1829, il passait aux mains de Messieurs
Augustin et Florent Honorez de Mons.
Les religieuses se réfugièrent à Farciennes où la généreuse hospitalité de Monsieur Philippe-Etienne Drion, bailli, administrateur du château de Farciennes, mit celui-ci à leur disposition. Elles y résidaient depuis six années lorsque Monsieur Drion rencontra le propriétaire de l'abbaye. Celui-ci autorisa les religieuses à retourner occuper une partie de leur abbaye où tout était resté en parfait état depuis leur départ. Elles arrivèrent le 20 juillet 1802. La joie de regagner leur maison s'enveloppa d'une ombre de tristesse car elle rentraient dans leur foyer en étrangères. Elles obtinrent de l'évêché l'autorisation d'exercer leur culte. Le 15 août 1805, la dernière abbesse de l'ancien régime, Scholastique Daivier, s'éteignit à l'âge de 75 ans. Ce sont désormais des prieures qui gouvernèrent l'abbaye.
L'année 1814, ramena les alliés dans le pays. Malgré les menaces de nouvelles exactions, les religieuses décidèrent de ne pas quitter l'abbaye. Elle furent peu inquiétées par des soldats de passage. Aux Cent-jours, lorsque l'Empereur rentra en France, la perspective de nouvelles guerres jeta une fois de plus le désarroi dans la communauté. Elles n'eurent pas le temps de se concerter que les armées envahissaient déjà le pays. Une bataille rangée eut lieu sous les murs du couvent. Les soeurs enterrèrent les derniers cadavres français et prussiens. Ce fut le dernier épisode des guerres. Le désastre de Waterloo mit fin pour longtemps aux incursions des armées étrangères en Belgique.
L'année 1816, une religieuse de l'abbaye de Wauthier-Braine R, dont la maison avait été détruite, vint s'offrir aux dames de Soleilmont et demanda de partager leur sort en promettant de les aider à se refaire et à trouver les moyens d'adoucir leur pauvreté. Dame Maximilienne Guillaume organisa un pensionnat et une école pour enfants du village. Les établissements de ce genre étaient rares à cette époque. Il ne fallut pas longtemps pour voir prospérer l'entreprise. En 1823, avec le départ de Maximilienne Guillaume, le pensionnat et l'externat fermèrent leurs portes et les soeurs reprirent leur vie contemplative dans une extrême pauvreté.
Après bien des tentatives, Monsieur Honorez, propriétaire des lieux, accepta de leur vendre l'abbaye. L'entrevue eut lieu à Mons, le 8 décembre 1837, au cabinet d'affaire du propriétaire. Le contrat fut passé pour la somme de 25 000 francs. Soleilmont reconquise, on n'était pas sauvé. Les soeurs étaient devenues infiniment plus pauvres. Le couvent immense, misérable et vide, délaissé depuis 35 ans, avait besoin d'être restauré et il ne restait que quatre cisterciennes sous la direction de Caroline Baar, dans les murs. A peine l'abbaye achetée, des novices vinrent frapper à la porte. Les bâtiments commencèrent à être restaurés et en 1838, un nouvel internat ouvrit ses portes. En 1914, pas de rentrée d'élèves. En 1916, l'évêché de Tournai autorise le 12 janvier la fermeture du pensionnat. Le 20 mai, c'est le retour progressif aux observances cisterciennes. Le 12 août, restauration de la Clôture. Le 2 juin 1919, rescrit* du Saint Siège autorisant Soleilmont à suivre les constitutions de l'Ordre des Cisterciens de l'Etroite Observance. Le 14 septembre 1922, un acte du chapitre général accorde l'affiliation à l'Ordre des Cisterciens de l'Etroite Observance sous la paternité (comme le veut la tradition cistercienne) de l’abbaye de Westmalle, l’ancienne abbaye-mère d’Aulne n’étant plus ‘vivante’. Soleilmont revient ainsi à sa vocation première et prospère au point d’essaimer.
Le 25 juin 1950, 12 religieuses ainsi que leur supérieure, Anne Swevers, partent pour le monastère de Nazareth, à Brecht, en Flandre. A 18 heures, la vie monastique interrompue en 1797 reprend, avec le chant de l’office du soir. Sept mois plus tard, en la fête de la présentation de Jésus au Temple (Chandeleur), le 2 février 1951, les moniales prononcent leurs vœux de stabilité. La voie est ouverte et Nazareth accède au rang d’abbaye autonome, Soleilmont en étant l’abbaye-mère. Les travaux se terminent avec la consécration de l’église abbatiale le 22 octobre 1954
Dans la nuit de Noël 1963, un incendie se déclara dans l'abbatiale de Soleimont et détruisit presque complètement le monastère ainsi que de nombreux témoignages du passé. C'est dans un des bâtiments épargnés que la communauté reprit immédiatement sa vie tant bien que mal. Un local préfabriqué constitua une chapelle provisoire. Les moniales envisagèrent la reconstruction de leur couvent. Plusieurs critères moraux et matériels auraient dû logiquement présider à celle-ci. Il y avait avant tout les conditions énoncées par la Règle, régissant la prière, le travail et l'accueil, mais il y avait aussi la prise en considération d'une communauté dont la présence en ces lieux depuis plus de sept cents ans constituait une des petites gloires du monastère. Soleilmont était alors la seule communauté cistercienne de la branche féminine en France et en Belgique à avoir traversé la Révolution française et ses suites sans être dispersée, et vivant au même emplacement depuis les origines. Conscientes de l'impossibilité financière et matérielle d'une reconstruction des bâtiments tels qu'ils étaient avant l'incendie, et devant les projets de reconstruction qui ne tenaient pas compte d'éléments architecturaux et des constructions épargnées par l'incendie dont les religieuses souhaitaient la conservation, elle se décidèrent à faire édifier un nouveau monastère en un autre lieu. Elle acquirent une ancienne possession de l'abbaye proche de quelques centaines de mètres de celle-ci, en plein coeur du bois de Soleimont sur la commune de Fleurus, qui leur avait appartenu sous l'ancien régime. Là, elles firent élever un nouveau monastère parfaitement adapté à leur vie communautaire, à la prière, au travail et à l'accueil. Elle s'y installèrent en 1973. Les bâtiments de l'ancienne abbaye ont été acquis par des privés.
En 1987, c'est l'envol de quelques soeurs pour l’Inde cette fois. La nouvelle fondation s’établit à Kunnambetta, au Kérala, un Etat du sud du pays.
Actuellement, la trentaine de religieuses cisterciennes exploitent une ferme et une boulangerie et confectionnent des vêtements liturgiques. Une douzaine de chambres sont à la disposition de personnes qui désirent se retirer pour quelques jours de prière, silence et retraite personnelle.
Quelques définitions
* Alleu : une terre possédée en propriété
complète. Il s'agit donc d'une terre ne dépendant d'aucune seigneurie
foncière.
* Bonnier : ancienne mesure de surface valant environ 100 ares.
* Pitance : portion de nourriture qu'on donne à chaque repas dans les
communautés religieuses.
* Dispensière : équivalent de nos jours d'économe.
* Rescrit est un acte administratif donné par écrit (d'où
son nom) par une autorité dans son domaine de compétence propre,
qui fournit une réponse à une question écrite, posée
par une personne (physique ou morale), et détaillant le contexte et les
conditions précises du problème évoqué.