C'est en terre de France que les abbayes cisterciennes ont fleuri
et se sont épanouies.
Les passionnés d'architecture les traquent pour comparer entre eux ces
monuments si novateurs dans leur construction, leur dépouillement.
Nombreux sont ceux qui à travers ces pierres ressentent une vie, une
âme.
Ordre de Cîteaux
Formation d'un monastère.
Au départ, un moine (du grec monos = seul) se retire dans un endroit.
Il se fait des disciples qui bâtissent quelques cabanes précaires
pour y trouver un refuge. Au fil du temps, ces abris seront construits en dur
et donneront naissance aux monastères et abbayes (qui ont à leur
tête un abbé = père = supérieur = chef spirituel
et temporel).
L'ordre des Bénédictins fut créé
par Saint Benoît de Nursie (°480 ? 547) vers 529 au monastère
du Mont Cassin en Italie. Plusieurs réformes de l'ordre eurent lieu au
cours du temps.
La première à l'instigation de Saint Benoît d'Aniane (°750
? 821), fondateur d'un monastère dans le sud de la France près
de Montpellier où il introduisit une observance à la lettre de
la règle de Saint-Benoît de Nursie. Une autre fut instaurée
en Bourgogne, à Cluny, au Xe siècle.
Le 11 septembre 909, Guillaume le Pieux, duc d'Aquitaine et comte de Mâcon,
faisait don du domaine de Cluny à un moine du nom de Bernon qui avait
déjà réformé des monastères dans l'esprit
de Benoît d'Aniane. L'influence de l'ordre issu de Cluny fut immense et
intéressa tous les domaines tant spirituels que laïcs.
En 1098, le moine Robert, abbé de Molesme, près de Châtillon-sur-Seine,
aidé de quelques moines fonda l'abbaye de Cîteaux sous la protection
du vicomte de Beaune et de Eudes, duc de Bourgogne. Bientôt rejoint par
celui qui deviendra Saint-Bernard, la règle fut réformée
à nouveau dans le sens d'un retour à la règle de Saint-Benoît
avec l'imposition supplémentaire du silence perpétuel, d'une nourriture
pauvre et du port d'un habit de grosse laine. Les fondateurs de l'ordre de Cîteaux
s'opposaient au faste et à l'apparat clunisiens et remettaient la prière
et le travail manuel à l'honneur. L'engouement fut, dès la fondation,
considérable et l'on vit l'éclosion de quatre abbayes filles :
La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, celles-ci donnant à
leur tour naissance à d'autres abbayes, toutes dotées de propriétés
considérables et d'exploitations agricoles.
Les cisterciens, moines vêtus de blanc, devinrent très
riches même si, au départ ils vivaient dans une grande union de
charité et travaillaient de leurs mains pour leur entretien et celui
des pauvres. Tout se passait dans la justice et la piété sans
esprit de murmures et de médisance.
Les communautés s'installaient dans des endroits déserts, défrichant
les forêts, asséchant les marais, plantant, moissonnant, apportant
le confort là où régnait la famine et aussi la stabilité
sociale par ces temps troublés du Moyen Age. Les abbayes furent aussi
des refuges de l'art et de la pensée car le Xe siècle traversa
une crise profonde où la culture était au niveau le plus bas.
La richesse des monastères venait de leur travail (agriculture,
artisanat, élevages, tanneries, moulins, scieries, etc.) mais aussi des
dons qu'ils recevaient.
C'est leur puissance et leur richesse qui allaient être la cause de leur
décadence en même temps que de la perte de leur indépendance.
Les princes s'en disputaient la possession et au XVIe siècle la plupart
des abbayes sont tombées en commende (le bénéfice ecclésiastique
est donné à un laïc, roi, prince, seigneur) par exemple :
l'abbaye de Cluny est devenue l'apanage de la maison de Lorraine.
L'ordre comprendra jusqu'à 742 abbayes réparties en France, Angleterre,
Ecosse, Irlande, Italie, Belgique, Espagne, Portugal et plus de 100 de la Pologne
à la Syrie. Les abbayes de femmes sont au nombre de 900 dont la première
fut fondée à Tart près de Dijon en 1125.
L'architecture cistercienne
Les architectes cisterciens imposent presque toujours un plan
identique à leurs constructions.
Ce plan s'étend à toute l'Europe. L'abbaye cistercienne présente
au milieu d'une enceinte, une église, un cloître, une salle capitulaire,
un dortoir, un réfectoire ainsi qu'une bibliothèque, un cellier
et des dépendances. Cet ensemble très simplement et solidement
bâti répond à la vie de l'ordre, prônant la pauvreté,
le travail, le silence. Les terminaisons orientales des églises deviennent
inutiles et leur liturgie se déroule dans la nef qui est une longue construction
basilicale à chevet rectangulaire, à fond plat.
Dans l'art, les cisterciens prohibent les vitraux de couleurs, trop luxueux : ils ne posent pas de simples vitres blanches mais des vitraux faits d'entrelacs et de palmettes d'une élégance dépouillée. Ils suppriment les clochers pour ramener à plus d'humilité et de simplicité et les constructions sont moins hautes. Les chapiteaux sont sans ornementation.
Suivant la sévérité de leurs règles,
on parlera de moyenne ou de stricte observance.
C'est avec les cisterciens, et encore plus avec les Trappistes, que l'on peut
parler de "simplicité monacale". Réflexion du moine
cistercien Gilbert de Tournai au XIIe siècle : " Jamais nous ne
trouverons la vérité si nous nous contentons de ce qui est déjà
trouvé. Ceux qui écrivaient avant nous ne sont pas des seigneurs
mais des guides. La vérité est ouverte à tous. Elle n'a
pas encore été possédée tout entière".