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1966

1973

 

RENAISSANCE DE VAUCLAIR[i]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VAUCLAIR !

 

Hier encore, c'était un coin de France oublié, comme tant d'au­tres.  Longtemps, des hommes y avaient vécu et travaillé, aimé et souffert.  Et aussi prié.

Des hommes s'y étaient battus pour la liberté.  Beaucoup y sont morts.

 

Heurs et malheurs de l'histoire scandaient leurs joies et leurs peines.  Une tourmente, plus radicale que beaucoup d'autres, a­vait tout anéanti.  Et la forêt première, une fois de plus, avait tout recouvert de son linceul feuillu.

 

De saison en saison, sous les ronciers, mutilées, abandonnées, quelques ruines achevaient de mourir ...

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Un printemps revint, après tant d'autres. C'était en 1965. Des taillis commencent de tomber, des pierres blessées renaissent à la lumière. VAUCLAIR retrouve un nom et se reprend à vivre.

 

Cette renaissance était le fruit de la volonté conjuguée de deux hommes : le Père Anselme DIMIER, un moine cistercien, et M. Mau­rice BRUAUX, Directeur de l'Office Départemental du Tourisme.

 

Tour à tour, conquis par leur foi et leur enthousiasme, les pouvoirs publics les soutiennent. Et d'abord les gestionnaires du lieu : l'Office National des Forêts.  Puis le Conseil Général de l'Aisne, les Monuments Historiques, la Recherche Archéologique, et tant d'autres.

 

Les premiers visiteurs s'arrêtent et admirent...

 

A partir de Pâques 1966, le Groupe "Sources", composé uniquement de jeunes universitaires européens y commencent ses travaux de recherche. Depuis lors, fidèlement, il consacre à VAUCLAIR plus de 1500 journées de travail annuelles, entièrement bénévoles.

 

Aujourd'hui, le temps du sauvetage est passé.  Celui de la mise en valeur commence.

 

L'exposition "Renaissance de VAUCLAIR" se veut un modeste témoi­gnage de cette mise en valeur d'un site exceptionnel par l'action conjuguée de la recherche archéologique, de la restauration ar­chitecturale et de l'animation culturelle.

 

Pour la recherche archéologique, l'exposition n'a voulu retenir qu'une seule période de la longue histoire de VAUCLAIR : le pas­sé médiéval, au sens large du terme.

 

Parmi les multiples objets exposés, il ne nous déplaît pas qu'il n'y ait aucun trésor.[ii]

 

Du dé à coudre au gobelet, du couteau au bougeoir, le visiteur dé­couvrira, humbles et dignes, les objets de l'existence quotidienne, les compagnons simples de la vie de tous les jours.

Ces poteries, ces carreaux sont nés à VAUCLAIR. Façonnés dans la glaise du val, ils furent émaillés, ornés, cuits par des artisans locaux. Ils dormaient, souvent mutilés, dans le même sol où repo­sent leurs auteurs et leurs usagers.

 

Leur réunion provisoire, dans la salle haute du Petit-Saint-Vincent est le fruit d'un long et tenace travail, entièrement bénévole.

Pour les mettre au jour, les reconstituer, les restaurer, il a fal­lu près de huit ans de labeur obscur et patient entièrement réalisé par des jeunes.

 

Tous ces objets ont quelque chose à nous dire.  Pour l'entendre et le comprendre, il faut les regarder longuement, avec amour et sans nulle convoitise.

 

Quelle longue chaîne d'humanité ne symbolisent-ils pas ?

Mains des premiers potiers qui les façonnèrent, mains des hommes e des femmes qui les utilisèrent, mains des jeunes d'aujourd'hui qui les mirent au jour et les restituèrent à leur beauté perdue.

 

Au-delà des tempêtes de l'histoire et des affrontement des hommes, la Renaissance de VAUCLAIR se veut d'abord un signe de fraternité et d'espérance.

 

 

Les étapes d 'une Renaissance.

 

1965

Premiers dégagements du site abandonné depuis les destructions de 1917.

 

1966

Début des activités du Groupe "Sources" à VAUCLAIR Découverte des premiers vestiges du monastère cistercien du XIIe siècle.

Découverte de tombes gauloises.

Restauration de deux voûtes par les Monuments Historiques.

 

1967

Découverte de la première église cistercienne du XIIe siècle,

Découverte de fours de potiers gallo-belges.

 

1968

Découverte des cloîtres disparus,

Mise en eau de l'étang des Moines,

Première exposition sur les chantiers de VAUCLAIR, au Petit-Saint­Vincent.

 

1969

Découverte des vestiges de l'ancienne église paroissiale Saint-Martin et d'une série de bas-fourneaux métallurgiques du premier siècle. 

Inauguration de l'étang des Moines et du parking créé par l'Office National des Forêts.

 

1970

Découverte d'un puits gaulois, avec un superbe chaudron en bronze,

Début d'une exposition "Trois mille ans de céramique à VAUCLAIR".

 

1971

Restauration du bâtiment des Convers par les Monuments Historiques,

Illumination des ruines de VAUCLAIR et "Son et Lumière", durant le mois d'Août,

Inauguration de la pêche dans l'étang des Moines.

 

1972

Découverte de l'ancienne hôtellerie monastique et d'un important ma­tériel archéologique médiéval,

Ouverture d'un atelier de restauration des céramiques à VAUCLAIR,

Inauguration des circuits hippomobiles.

 

1973

Découverte des fours de céramique médiévale,

Exposition "Renaissance de VAUCLAIR"

Importants travaux de restauration des ruines actuelles, par les Mo­numents Historiques

Création d'un nouveau parking et d'un secteur pour les enfants par l'Office National des Forêts,

Aménagement d'une buvette pour les touristes.

 

 

De l'abandon d'hier

a l'animation d'aujourd'hui

 

CENTRE DE RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES

 

L'absence d'une université dans l'Aisne constitue un lourd handicap pour la mise en valeur des remarquables richesses architecturales et archéologiques d'un département trop peu connu, alors qu'il ar­rive en tête pour le nombre des monuments classés.

 

Dans ce contexte, VAUCLAIR, bien plus qu'un simple chantier de fouilles, est devenu un centre de recherches archéologiques permanent.

 

C'est tout un potentiel unique de connaissances, d'expérience et de technique dans le domaine de l'archéologie médiévale, qui se met de plus en plus au service du département.

 

Ainsi, à la demande des Directeurs de Circonscription, le Groupe "Sources" a-t-il déjà à son actif plusieurs interventions de secours :

 

10)     Surveillance (hélas trop tardive) de certains travaux à la cathédrale de LAON,

20)     Fouilles de certaines sépultures découvertes à VASSO­GNE,

30)     Collaboration aux fouilles des sépultures mérovingien­nes de VORGES.

40)      Sondages prévus aux environs du Grand Saint-Vincent à       LAON.

 

Dans la mesure de ses moyens, le Groupe "Sources" s'est toujours réjoui de pouvoir accueillir le plus de jeunes possible qui soient désireux de s'initier à la recherche archéologique, dans un esprit de vie communautaire propre au Groupe. Par ailleurs, tous les ar­chéologues de passage connaissent bien l'accueil qui leur est ré­servé à VAUCLAIR.

 

 

CENTRE DE JEUNESSE EUROPEENNE

 

 

Le point I6 de la dernière Conférence européenne de LA HAYE avait prévu la création d'un Office de Jeunesse européen. Malheureusement cette disposition demeure toujours morte. Aussi, dans le domaine des réalisations concrètes et vivantes, n'est-il pas superflu de rap­peler que VAUCLAIR a donné naissance à un groupe organisé, très ac­tif, qui compte plus de 200 jeunes universitaires européens, appar­tenant à-une vingtaine d'universités européennes.

 

Pour un département aussi européen d'esprit et d'histoire que l'Ais­ne, n'est-ce pas une chance que l'existence actuelle d'un important centre de jeunesse européenne, où garçons et filles de tous pays travaillent à la mise en valeur du riche patrimoine occidental, sur les lieux mêmes où leurs pères s'affrontèrent jadis si durement.

 

Un centre qui ouvre des jeunes aux valeurs de création et de vie communautaire, dans un travail concret, les détourne des attitudes de négation et de révolte.

 

CENTRE DE TOURISME DE PLEIN AIR

 

"Offrir des combinaisons d'éléments tenant au souvenir historique, à l'art de l'homme et à la beauté du site" : telle était l'une des options nouvelles vivement recommandée par le rapport de la com­mission "Tourisme", dans le cadre du VIe plan.

Peu de sites répondent aussi adéquatement que VAUCLAIR à ces exi­gences conjuguées.

Aussi, face à l'afflux croissant de visiteurs, l'Office National des Forêts et l'Office du Tourisme ont-ils coordonné leurs efforts pour offrir au public conquis les aménagements souhaités.

Utilisant les remblais des fouilles, un étang de deux hectares ad­mirablement situé, a été crée en 1968, pour servir de plan d'eau et de possibilité de poche. Depuis lors, l'O.N.F. en a remarquable­ment aménagé les abords immédiats, en les dotant de tables, de bancs et d'une buvette. Un second étang forestier est en construction.

Par ailleurs, deux parkings et un secteur réservé aux jeux des en­fants viennent d'être achevés.

Il faut passer à VAUCLAIR, un dimanche, pour découvrir combien ce site attachant constitue une détente idéale pour un public familial de plus en plus nombreux.

 

 

CENTRE D'ANIMATION CULTURELLE

 

 

De plus en plus, la recherche archéologique contemporaine se veut beaucoup plus qu'une fouille.  Elle doit devenir intégration vivan­te non seulement à un passé historique, mais à une région actuelle et à une communauté humaine d'aujourd'hui. Dès son origine, le Grou­pe "Sources" s'est fixé comme ligne de conduite de refuser tout en­gagement, en dehors d'une politique culturelle qui ne serait pas une forme d'éducation permanente profitable à tous.

 

Aussi, contrairement à maints grands chantiers de fouilles -qui sont trop souvent des citadelles fermées- VAUCLAIR attache une particu­lière importance à devenir de plus en plus un chantier ouvert.

 

C'est l'une des caractéristiques des jeunes qui travaillent à VAU­CLAIR -et aussi l'une de leurs joies- que de faire découvrir et ai­mer la beauté des choses à un nombre croissant de gens simples, aux milliers de visiteurs du week-end et des temps de vacances.

 

A l'heure actuelle, sans nul battage publicitaire outrancier, on es­time à plus de 50.000 visiteurs annuels le public fidèle et croissant de VAUCLAIR.

 

Mieux que des manifestes tapageurs ou des opérations de prestige, nous croyons qu'il s'agit là, humble et concrète, d'une forme au­thentique d'éducation permanente et de culture populaire.

 

 

L'avenir de VAUCLAIR ?

 

En 1971 et 1972, deux initiatives nouvelles furent tentées à VAUCLAIR, à titre d'essai.  Elles rencontrèrent toutes deux un vif succès.

 

1°) Tout d'abord, grâce à l'obligeante bienveillance du 2le R.I.M.A., de SISSONNE, une installation d'illumination des ruines fut mise en place et un début de "Son et Lumière" fut inauguré.

 

Tous ceux qui ont pu voir VAUCLAIR illuminé sont unanimes à estimer que ces ruines se prêtent admirablement à l'illumination et que, dans cette perspective, les manifestations culturelles (théâtrales ou musi­cales) implantées dans ce cadre auraient une grande chance de succès.

 

2°) Une autre initiative commencée en 1971 et qui ouvre de remarqua­bles possibilités d'avenir, ce fut l'exposition des céramiques décou­vertes à VAUCLAIR, dans un bâtiment provisoire amenagé a cet effet par l'Office du Tourisme. La réussite en fut aussi unanimement appré­ciée que celle des illuminations.

 

Ces deux essais avaient surtout valeur d'avenir.  Dans les perspectives actuelles de décentralisation (bien lente, hélas !) de la culture, le site de VAUCLAIR offre des possibilités uniques dans une région peu favorisée sur ce plan.

 

Ne faut-il pas les envisager avec d'autant plus d'attention que le grand projet de parc nautique de l'Ailette et les projets d'aménagement forestier de l'O.N.F nous donnent les garanties d'un public de plus en plus nombreux et disponible, dans les toutes proches années ?

 

 

POUR UN CENTRE VIVANT ET POLYVALENT

 

 

Dans cette perspective d'animation vivante et polyvalente l'ob­jectif le plus important et le plus urgent, à VAUCLAIR, c'est la construction d'un bâtiment intégré au site et capable de remplir une triple fonction d'accueil, d'exposition et d'animation.

 

Fonctions d'accueil et d'exposition : un nombre croissant de spé­cialistes viennent à VAUCLAIR pour des raisons scientifiques de recherche archéologique ou historique. Rien qu'en 1971, les sec­tions d'archéologie de trois universités (AMIENS, TOULOUSE et LIEGE) ont passé une journée à VAUCLAIR, dans ce but. D'autre part, un nombre croissant de visiteurs s'arrêtent à VAUCLAIR  même du­rant l'hiver et les mois où le chantier est fermé, et souhaitent y trouver un lieu d'exposition permanent. Aussi est-ce une consé­quence inéluctable du succès des recherches entreprises que de songer à un musée vivant, ou à un musée de plein air.

 

Ce projet très souple est né de l'expérience vécue. Il n'est que la conséquence logique de la vitalité même de VAUCLAIR. Aussi ai­merions-nous le détailler quelque peu.

 

Depuis plus de 6 ans, une présence annuelle de 4 mois à VAUCLAIR nous fait vivre une double constatation et nous place devant une double exigence :

 

1°) Dans le flot croissant des visiteurs, un nombre de plus en plus important cherche autant à comprendre qu'à admirer. Sans l'intermédiaire vivant des chercheurs eux-mêmes, et particulièrement quand il s'agit de jeunes, des vestiges historiques et un musée lais­sent souvent les visiteurs sur leur faim.  Particulièrement quand il s'agit d'un site en pleine nature.

 

Ce que la plupart des visiteurs cherchent, consciemment ou incons­ciemment, c'est de partager la recherche même, c'est-à-dire de par­tager cette manière de rattacher le présent à l'histoire qui est une véritable éducation permanente.

 

Si des vestiges architecturaux beaucoup plus considérables que VAU­CLAIR (LONGPONT par exemple) ont beaucoup moins de visiteurs, c'est à l'absence d'une équipe vivante de jeunes chercheurs qu'il faut l'attribuer.

 

Peu de centres possèdent à l'égal de VAUCLAIR cette chance et cette possibilité. Et n'oublions pas l'utilisation qui pourrait en être faite sur le plan scolaire, dans une conception rénovée de l'enseignement.

 

2°) D'autre part, notre présence à VAUCLAIR s'est toujours voulue comme une intégration non seulement à un passé, mais a une population d'aujourd'hui. C'est ainsi que nous avons ressenti de plus en plus l'abandon des jeunes, dans les villages de la Vallée de l'Ailette, surtout en temps de vacances, et la sympathie qu'ils témoignent à no­tre Groupe.

 

Pour répondre à cet appel, nous avons commencé, dans le cadre même de VAUCLAIR, un fort modeste début d'animation de leurs loisirs : feux de camp dans les ruines, visites commentées, etc... Rien de bien sys­tématique. Mais parce qu'il y a là un besoin urgent et que les jeunes l'attendent, nous aimerions nous engager davantage dans un effort d'animation culturelle des jeunes de la région, à partir d'un centre comme VAUCLAIR.

 

Et dans cette perspective, pourquoi ne pas faire preuve d'une audace imaginative suffisante pour concilier les objectifs divers poursuivis à VAUCLAIR en imaginant une construction polyvalente conçue de maniè­re à servir aussi bien de lieu d'exposition, de centre de recherche que de foyer d'accueil et d'animation ?

 

Ce serait une création originale qui pourrait faire figure d'initia­tive pilote dans un domaine auquel l'avenir donne des certitudes de réussite. Et cela à frais limités puisque partagés entre divers organismes.

 

Qu'il s'agisse de la mise en valeur vivante des découvertes archéolo­giques pour les milliers de visiteurs ou de l'animation culturelle d'un canton pauvre, ce serait là un instrument indispensable et ori­ginal qui ouvrirait à VAUCLAIR des chances nouvelles, bien adaptées à notre temps et à ses besoins particuliers.

 

 

"Ruines douées d'avenir ...

 

Cette pierre qui t'appelle dans son passé est libre.

Les ruines douées d'avenir, les ruines incohérentes avant que tu n'arrives, homme comblé, vont de leurs parcelles à ton amour".

 

René, CHAR

"Fureur et Mystère".

 

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[i]  Document publié à l'occasion d'une exposition au Petit Saint Vincent à Laon ,Vauclair - Laon 1973.

[ii] N.d.r. : et pourtant, quelques années plus tard …Voir aussi en "Etudes et Publications" : Jean Duplessis, et le Groupe « Sources » "Un trésor monétaire à l’abbaye de Vauclair (Aisne)"