Adieu au veilleur de
Vauclair
Avec la récente
disparition du père courtois, le chemin des Dames a perdu l'une de ses figures.
« Onkraut vergét net » (Les mauvaises herbes
ne meurent jamais). Cette formule en luxembourgeois que le père Courtois avait
l'habitude de prononcer après chacune des interventions chirurgicales qu’il a
subies ces dernières années, n'aura pu conjurer l'inexorable victoire de la
maladie.
René Courtois est mort à
Laon le 28 février 2005 dans sa 82" année.
« Tu trouveras quelque
chose de plus au milieu des bois que dans les livres »
Bernard de Clairvaux
Dans l'histoire de
l'abbaye de Vauclair, il y aura un avant et un après le père Courtois. Comme il
y a dans la vie du père jésuite un avant et un après Vauclair.
René
Courtois n'a pas été le premier à découvrir le site, il ne l'a pas
« inventé » au sens des archéologues. Il ést venu en 1966 après
quelques autres et dans le sillage du Père Dimier. Mais il a compris d'emblée
qu’à Vauclair tout particulièrement, les ruines étaient « douées
d’avenir », pour reprendre les mots de son poète préféré René Char.
Ce
furent d'abord, pendant plus de vingt ans, avec les fouilleurs bénévoles du
groupe « Sources », les milliers d'heures consacrées à restituer au
site abbatial sa majesté et percer quelques-uns de ses secrets... Ce furent
ensuite chaque été les expositions présentées dans le
« mille-clubs », car le jésuite archéologue était aussi doublé d'un
pédagogue passionné.
Perpétuant
le message de Bernard de Clairvaux (« Tu trouveras quelque chose de plus
au milieu des bois que dans les livres »), René Courtois aura vécu pendant
plus de 30 ans à Vauclair au milieu des bois dans une apparente solitude. Il
avouait en effet : « je ne suis pas seul, avec tous ceux qui sont passés
ici : Les moines cisterciens, les soldats de la Grande Guerre..." Et il y
avait la lecture, les milliers de livres et les journaux, la radio
(France-Culture ou France-Musique), les visites des uns et des autres...
Depuis
le 22 juillet, comme il l’avait souhaité, le père Courtois repose
définitivement à Vauclair, dans le choeur de l'ancienne église abbatiale du
XIIIe siècle. Scellée parmi les pierres calcaires du calvaire élevé
à l'emplacement de l’ancien autel, une plaque de schiste de Martelange, son
pays natal, rappelle le passage émerveillé de cet enfant du Luxembourg belge
dans une clairière du Laonnois.
Une œuvre
en héritage
La plupart des livres ou des brochures du
père Courtois sont aujourd'hui épuisés.
C'est notamment le cas de L'Aisne
autrefois, un album de cartes postales commentées (Horvath - 1982) ou du guide
du Chemin des Dames paru chez Tallandier en 1987.
On peut toutefois retrouver René
Courtois, avec son immense talent de conteur et les intonations si
particulières de sa voix, dans deux documentaires récents. Le sensible Vallis
Clara de la réalisatrice Amalia Escriva (1994) doit sortir prochainement en
DVD. Dans le poignant Adieu la vie, adieu I'amour... de Gérard Raynal (Soleluna
productions 1998), le père Courtois évoque les mutineries : « on peut
très bien comprendre pourquoi le Chemin
des Dames est devenu cette espèce de trou de mémoire ou de non-dit énorme :
c'est à cause de I'événement qui s'est typiquement attaché au Chemin des Dames
et qui ne s'est passé que là : lesmutineries ».
A Vauclair, le jardin de plantes que le
Père Courtois avait conçu en hommage aux moines apothicaires, continuera
d'assurer, au fil des saisons sa présence sur le site.
Extrait de la Lettre du Chemin des Dames (juillet
2005 N° 7; parue en septembre)