Entrevue avec T. MORI Senseï - Mars 2012

(par Andy Willaert, Tekukan Gent)


Sensei, de quelle région êtes-vous originaire ?

Je suis né à Watari-chô, dans la préfecture de Miyagi.

Pouvez-vous nous parler de votre enfance ?

C’était une période d’insouciance, je m’amusais beaucoup à gambader dans les champs et arpenter les montagnes.

Quand avez-vous commencé la pratique du karaté, était-ce au lycée ?

Oui, c’est exact.

Qui étaient vos instructeurs à l’époque ?

J’ai eu le privilège de bénéficier de l’instruction des Sensei SUZUKI et SATÖ.

Pouvez-vous décrire quelque peu comment se déroulait votre vie de karatéka au lycée ?

Après l’entraînement au lycée, je me rendais au dojo pour m’entraîner davantage.
Je m’entraînais durement, et j’adorais cela.

Pratiquiez-vous d’autres arts martiaux ?

Non.

Pouvez-vous nous parler de votre époque universitaire, vos études ?

J’ai étudié le Commerce à la Faculté de Sciences économiques à l’Université Tôhoku Gakuin.

Pouvez-vous partager avec nous quelques souvenirs ou anecdotes de cette période de votre vie ?

A cette époque, mon bras gauche fut assez sérieusement blessé.  En conséquence, je m’astreignis à développer des stratégies de combat me permettant de gagner sans devoir en faire usage.

Quelqu’un en particulier vous a-t-il incité à suivre le cours pour Instructeurs de la JKA ?

 Sensei SHÖJI Hiroshi.

1975, vous sortez diplômé du cursus d’Instructeur de la JKA (kenshusei). Qui étaient vos Maîtres durant cette période ?

Sensei NAKAYAMA Masatoshi, Sensei SHÖJI Hiroshi et Sensei IIDA Norihiko.

Comment se passaient les entraînements sous l’autorité de ces grands Sensei ?

Chacun avait ses spécificités et son approche.  Les Sensei SHÖJI et IIDA m’ont particulièrement marqué.

De 1978 à 1982, vous étiez au sommet de votre carrière de compétiteur, remportant, en point d’orgue, le titre de Champion de Monde en kumite individuel en 1980 à Brême.  Que pouvez-vous nous dire de cette époque charnière ?

Je me suis investi sans compter dans le karaté à cette époque. Tout en affûtant mon tokui waza, j’ai développé une batterie de techniques me permettant de faire des résultats tant aux Championnats du Japon qu’au Championnat du Monde.

Quelle compétition vous laisse un souvenir particulièrement vivace ?

Le 4ième Championnat National organisé par la All Japan Karate Federation où je devins Champion.

Qui furent vos plus redoutables adversaires ?

Sensei HAYAKAWA Norimasa, aujourd’hui décédé, et Sensei ÔSAKA Yoshiharu.

Avez-vous jamais envisagé accepter un poste d’instructeur ailleurs qu’au Japon, à l’instar d’ENOEDA Sensei ou MIYAZAKI Sensei, par exemple ? Je crois savoir que vous avez une activité professionnelle autre que le karaté.

Enfant, déjà, je souhaitais monter et diriger ma propre société. Ce qui se concrétisa ; mes affaires n’ont aucun rapport avec le karaté.

Vos ashi barai suivis de tsuki waza sont devenus légendaires.  Comment avez-vous été amené à développer cette combinaison de techniques ?

Cela trouve son origine dans le fait que je ne pouvais plus utiliser mon bras gauche.  J’ai persévéré dans l’entraînement tout cherchant à compenser cet obstacle.

Quels sont vos autres tokui waza ?

Kizami zuki et gyaku zuki.

Vous rapportiez qu’à une époque, vous développiez votre sens du timing au volant de votre voiture, en réagissant au passage du feu au vert. Aviez-vous d’autres méthodes inhabituelles de travailler votre vitesse de réaction ?

Je me suis entraîné assidûment à développer mes techniques de blocages. J’ai ainsi acquis confiance en moi, me permettant d’approcher l’adversaire avec ki.  J’ai appris à approcher avec ki et inhiber et déstabiliser l’adversaire avec ki, et conclure avec kime et tsuki..

Quel est votre kata préféré, ou quels sont vos kata préférés ?

Bassai dai, Sôchin et Jitte.

Il y a-t-il une raison à cela ?

Ce sont des kata extrêmement puissants et dynamiques.

Est-il indu de vous demander votre grade actuel ?

J’ai le grade de 7ième Dan JKA.

Vous êtes aujourd’hui un membre influent du Conseil d’administration de la JKA au Japon (Shihankai).  Comment cela se traduit-il pour vous ?

Ma volonté est promouvoir de par le monde le karaté JKA, et amener à ses membres l’épanouissement par la pratique du karaté.

Comment voyez-vous le futur de la JKA ?

Devenir l’organisation la plus puissante et la plus soudée au monde.

Vous avez deux fils et une fille ; l’un ou l’autre de vos enfants suit-il la voie de son père ou pratique-t-il un autre art martial ?

Petits, mes enfants pratiquaient le karaté, mais aujourd’hui ils en ont abandonné la pratique.  Aucun d’entre eux ne va donc « assurer la relève » dans ce domaine.

Vous habitez Sendai, dans la préfecture de Miyagi, région tragiquement frappée le 11 mars 2011 par une catastrophe naturelle, et avec les conséquences que l’on sait. Ce drame a-t-il eu une incidence sur vos conceptions, et subséquemment sur votre karaté ?

Sept membres de ma famille y ont perdu la vie ; en outre, la maison de ma sœur fut complètement détruite par le tsunami, ma vieille maison fut en grande perdue, ainsi que la moitié de ma société.

Cette tragédie vous a, pour des raisons évidentes, amené à annuler votre venue au stage d’automne de Louvain-la-Neuve, l’année dernière ; cependant, vous étiez présent comme instructeur au stage international de Gand quelques mois plus tard. Durant les quelques mois séparant ces deux événements, les karatékas de Belgique ainsi que la JKA-Belgium ont voulu marquer leur solidarité en apportant une modeste contribution financière, vous remettant personnellement durant le stage de Gand, et devant une assistance nombreuse et émue, un chèque d’un montant de 20.000 destinés aux karatékas de votre région.

Parmi les membres JKA de la préfecture de Miyagi, il est à déplorer le décès d’un instructeur et de six enfants.  91 autres ont perdu leur maison, 21 ont vu leur maison en grande partie détruite, et 9 furent victime d’inondations. L’argent fut, dans la mesure du possible, partagé au prorata des dommages subis.

Est-il une pensée dont vous souhaiteriez nous faire part ?

Je voudrais saisir cette opportunité pour exprimer, au nom des karatékas du Tôhoku, toute notre gratitude aux pratiquants de Belgique.  Il me tient à cœur de leur rendre la pareille à travers le karaté, ainsi que l’occasion m’en est donnée aujourd’hui. Merci infiniment, une fois encore.

MORI Toshihiro

Un grand merci à:

Mme. R. Maeda pour la traduction de l'anglais vers le japonais et vise versa

M. D. Weidermann pour la traduction du japonai / anglais vers le français