Extraits




La Source raphaëlle


"… en enlevant à notre âme quelques souvenirs d'enfance et de jeunesse, telle petite joie, tel amour, telle tristesse, tel danger, elle n'aurait plus de quoi se distinguer des autres âmes, et (…) serait obligée de se chercher elle-même pendant l'éternité."
 Maeterlinck
moniquebb

Monique Thomassettie à 2 ans 1/2

La main dans celle de mon père et marchant à côté de lui, j'allongeais démesurément mon pas, essayais de le faire aussi grand que le sien. Je me sentais seule dans mon effort, car il me semblait que mon père ne le remarquait pas. Quand un des cerisiers du Japon qui jalonnaient le trottoir se trouvait devant nos mains unies, il souriait : "On le prend avec nous ?" Nous lâchions nos mains, et l'arbre passait entre nous.
(…)
Me revient un autre pas, chanté. Celui confondu, dans mon écoute enfantine, au père de ma mère : Opa *. Lorsque Papa chantonnait : "Au pas, camarade, au pas, camarade, au pas, au pas, au pas…", j'entendais "Opa". Ce grand-père qui m'intimidait me devenait plus accessible. Mon père jouait-il, avec un filial humour, sur les mots "Au pas" et "Opa" ? Déjà filigranée, sympathique comme on le dit d'une encre, mon entente donnait au monde qui m'entourait des sens magiques. Ces interprétations créent l'univers de la petite enfance.
Filigranée, ma personnalité couvait sa future expression, aspirant déjà à une universelle et bonne entente.



* Opa: grand-père, en allemand.


(2002)

vlan

" (…) Tout au long de la cérémonie célébrant leurs noces de diamant, leurs mains ne se sont pas quittées. 'C'est toujours comme ça', reconnaît Maria Michels qui épousait le 9 novembre 1940 François Thomassettie. 'Et c'est pour cela que nous sommes toujours là'. Main dans la main depuis 60 ans, sur les chemins de la vie, la seule façon de surmonter les inévitables obstacles. Le sourire en prime. "

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Maman cousant (1964)

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Oma (1964)

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Maman jardinant (1962)
Trois dessins de Monique Thomassettie



Inédit


En hiver, une exception confirmait le règlement austère des religieuses chargées de l'instruction des jeunes filles débridées que nous étions en fin d'humanités: le chat de Sœur Marie-Henriette.
Il se faufilait dans la classe, s'installait au pied du radiateur brûlant, et dormait !
Si profondément qu'il ignorait les boulettes de papier que des élèves lui jetaient dans l'espoir de le voir jouer avec.
Moi, j'avais entrepris de le dessiner, sur une page de mon cahier "Atoma".
C'était à un cours d'anglais, car, au verso, ou plutôt au recto du croquis que j'ai conservé, un exercice de traduction s'interrompt au milieu d'un mot…
Le chat s'était-il mis à ronronner à cet instant de mon application, interpellant mon crayon au détriment de mon stylo ?

Le dessin à l'école, j'y avais été encouragée de bonne heure, dès mes six ou sept ans…
(Mauvaise) élève en première et deuxième primaires, je rechignais particulièrement à l'ouvrage de couture. En ce temps-là, on apprenait encore les points élémentaires. Ma réticence à tirer l'aiguille était telle que l'institutrice, pratiquant avant la lettre un "enseignement rénové", m'envoya dessiner au tableau, des craies de couleurs mises à la disposition de ma libre imagination.
Il paraît que je dessinais bien, si bien que ma patiente enseignante me mit un jour, dans cette branche, une note plus que parfaite, la soulignant en rouge pour montrer à mes parents qu'elle ne s'était pas trompée : 21 sur 20, ou 11 sur 10 – je ne sais plus si on comptait sur 20 ou sur 10.
Méritais-je un bulletin aussi élogieux ? Toujours est-il que la dithyrambe me donna confiance en moi…
Je ne fis pas ma troisième primaire chez elle, car nous déménageâmes alors – j'avais huit ans – pour une autre ville.
Mais le révolutionnaire et risqué encouragement de mon institutrice, je l'emportai précieusement. Cinquante-cinq ans après, il brille encore en mon âme artiste.
Merci, Liliane Wouters !



(Septembre 2006 et 20 décembre 2007)


Deux ajouts, 29 décembre 2008 :

- En novembre 1997, au Botanique, à l'occasion d'une réunion festive autour de Liliane Wouters (voir rubrique "Le peintre" – Expositions), j'avais déjà exprimé oralement ce qui précède.

- J'aimerais aussi compléter ici mon autre souvenir en nommant ce professeur d'anglais qui me laissa la liberté de dessiner. Bernadette Berlage, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, nous l'appréciions pour son sourire à la fois bienveillant et narquois, pour sa souplesse cool. Ainsi m'avait-elle un jour laissé donner une élocution presque entièrement musicale – j'avais apporté disque et pick-up ; à ma courte présentation en anglais avaient succédé de longues notes.

Voici donc un pont artistique tendu entre deux esprits d'enseignement ouvert.



chat

Le chat de Sœur Marie-Henriette, 1963



Mon beau Cygne perlé




Entre deux Pays, entre deux Lisières
ou
La "petite Histoire" d'Emma

Je pleurais en marchant. J'ai échoué dans la ville de Vanessa... Une ville ou une autre... L'errance les uniformise!
Tu es bien amère.
Mais mon eau est douce. C'est la marâtre qui est non potable!
Marâtre? De qui parles-tu?
De l'Histoire, pardi! Je l'ai fuie... Elle m'a chassée...
(...)
Le père d'Emma était d'un pays, sa mère était d'un autre. Les deux parents s'aimaient, les deux pays se détestaient au point que survint entre eux la guerre.
(...)
Il arrive à Emma de crier dans son sommeil. Même finies, les guerres ne cessent de sévir. Ces cris libéreraient-ils de trop fortes charges émotives, faisant ainsi sauter une soupape?
(...)
Emma a donc sa "petite histoire", celle de sa fluide et souple sensibilité.
Par-delà langues et mots, la musique traverse l'Histoire, la dépasse, au même titre intemporel que la poésie.
(..)
Un arbre d'entre-deux... Emma peut parler d'entre-deux en connaissance de cause.
Dans l'entre-deux, les arbres peuvent danser.
Dans le suprême exil.
Et les arbres continuent de bruisser, de diffuser leur chant immanent et pasisible, accordé au zéphyr d'une tendresse toujours recommencée.


(Automne 2006)





Au tendre matin d'une éternité

Un rêve en Do majeur


Ce n'est pas la première fois qu'elle entrouvre d'une main le couvercle du piano. Que, de son autre main, elle effleure des touches, puis en enfonce l'une ou l'autre au hasard. Toujours avec une incrédulité aussitôt transformée en fatigue, comme si, appuyant sur le clavier, elle devait soulever le poids d'une trop difficile écoute.
Mais, ce matin, une foi inattendue l'anime qui lui fait ouvrir à fond le couvercle. Au lieu de rester timidement debout et penchée, elle s'assied à la table de ce mystère.




Symphonie d'un sourire


La formulation d'une seule pensée peut ouvrir tant de voies qu'on s'y perd.
En vérité, rien ne se conçoit bien, rien ne s'énonce clairement !



(2004)




Les Seins de Lune


Une époque


Il énonça ces phrases: "Nous voulons parvenir à l'intuition de l'âme grande et simple des événements d'une époque, et quand ce vœu est exaucé, nous ne nous soucions pas de l'existence accidentelle de leurs formes extérieures".
Je reconnus Novalis.
(...)
Il me sembla devenir lucide, comprendre qu'aujourd'hui l'âme n'était ni grande ni simple, car elle n'existait pas... J'exprimai tout haut ce que je venais de réaliser, cherchai Novalis du regard: il avait disparu.
Grelottante dans les courants d'air, je me réveillai. Mon anorak avait glissé à côté de moi. Par terre, j'aperçus mes boules "Quiès", les récupérai fébrilement. Essayant de me rappeler le visage de Novalis, je vis celui de Bouddha. Je songeai à cet instant que je me trompais, que notre époque devait avoir une âme... Considérant les mendiants, de plus en plus nombreux, je souris, essayai de prendre la digne position du lotus.
C'était le présent, et nous étions sereins.

 
(1993)




Le Maître d'Or



Il te semble entrer dans mon écriture comme dans une maison. C'est curieux, écrivant je me sens également pénétrer dans une demeure qui ressemble à celle, large et baignée de nuit brune, que j'entrevis dans un demi-sommeil et qui était notre maison. La porte d'entrée s'ouvrait sur une lumière dorée. Cette vision était douce, douce comme ce qui m'habite quand je prends la plume de ton désir. Je t'ouvre à nouveau les battants de mon roman-maison, de ma maison-roman.


(1995)




Le Mystère de Sonia D'Ombrelaine


1° Temps, Acte III, scène 1



(Le fauteuil. On entend des cloches. Sonia D'Ombrelaine est debout. Elle regarde au loin et en haut vers le public, puis s'essuie les yeux).
Sonia D'Ombrelaine: Enfant, je pouvais regarder le soleil se lever sans être éblouie. Mon père me tenait tendrement: c'est peut-être pour ça? (Arrive la dame de compagnie avec un plateau de thé. Sonia D'O. le boit à petites gorgées). L'errance a pris fin. Il en reste, noyée au fond de l'œil, une espèce de fuite... Et une curieuse impression de mal de mer... Est-ce parce que je tangue entre deux vies: l'ancienne et la nouvelle?
La dame de compagnie: (A part elle): ... les anciennes et la nouvelle. (Un silence, puis elle se met à chanter:) On tangue, on roule,/ comme un bateau sur l'eau./ On tangue, on roule,/ comme un bateau sur l'eau, l'eau, l'eau, l'eau,/ l'eau, l'eau, l'eau.
Sonia D'O.: Qu'est-ce que c'est?
La dame: C'est une chanson que votre mère vous chantait quand vous étiez enfant. Elle me dit un jour: 'Sais-tu qu'il est des morts desquelles on renaît?' Vous, Sonia, vous le savez mieux que personne... Vous oublierez... C'est ça qui vous rend triste ce matin?
Sonia D'O.: Il me semble que ma vie a sauté une étape. Qu'il y a un vide, une tranche de vie suspendue, au-dessus de laquelle est tendu un pont, comme sur un précipice... Je suis en équilibre sur ce pont étroit... Un rien me ferait basculer. Je me réveille d'une longue absence à moi-même, et au monde. Ce non-vécu... Tout me semble à venir. Il me faut tout apprendre. Ma capacité d'aimer est vierge. (Elle regarde au loin, vers le public:) Le soleil est levé. Regarde tous ces gens qui circulent...
La dame: Ils vont travailler, Sonia.
Sonia D'O.: Travailler... Moi seule ne fais rien...
La dame: Vous écrivez, vous nous faites rêver avec vos poèmes. Rêver, et parfois pleurer...
Sonia D'O.: Mes poèmes... Ils sont lourds, prisonniers d'une gangue...
La dame: Vous parlerez d'or! Vous serez la digne fille de votre mère.
Sonia D'O.: Folle alchimiste, tu veux dire! J'en ai du plomb sur la planche!
La dame: Folle alchimiste? Faites l'éloge de votre folie, alors!
Sonia D'O. (Avec un élan du cœur): Ma mère n'aurait pas mieux parlé!
La dame: C'est qu'avec elle, je fus à bonne école! De plus, mon cœur sait ce que ma tête ignore! Mais je vous laisse: j'ai du travail...


(Début 1997)


pâtissier-01

pâtissier-02

Virton, 1960, Monique Thomassettie, en tapissier, coiffée d'un feutre de son père,
après la pièce "Le pâtissier et le tapissier"


Triptyque

Du Matin frangé de Roses


Du vol noir les ailes effilées
décryptent le ciel
L'éveil incise

L'oiseau de jais de son œil éclairé
suit l'errance

Les paroles sous le ciseau du vol
prennent forme  s'élancent

se replient dans leur bloc de silence

L'éveil incise
ouvre la nuit d'où s'écoulent
des filets blancs


(Février 1995)





En leur globe à l'aube d'avril
les corps agglutinés s'éveillent

Née de noire terre
de végétaux replis
celle au regard encor blanc
de gestations se lève

L'été feule au creux des plis

Des passés l'humus pèse
Boucle nouvelle  Cycles vitaux

L'été feule dans les replis
Les félins sur leur dos l'emportent
celle au regard de nacre
aux lèvres de rosée


(Mars 1995)




L'âme dénouée



Rose d'air ou La dernière palette

Palette-fragment

Mon tableau qui se rapproche peut-être le plus de mon âme est celui composé, presque à mon insu, à même ma dernière palette. Bien plus que toutes mes œuvres sur toile, il a quelque chose d'ineffable.
Sur ma palette, toujours bien nettoyée et partiellement grattée, donc polie et luisante d'huile de lin, demeurent quelques couleurs, celles de mon dernier tableau: Roses d'air...
Ce n'est que lorsque j'accrochai verticalement ma palette au mur afin de lui rendre hommage après tant d'années de service, que m'apparut cet ineffable. (...)
Oui, la rose bleue de ma palette s'élance horizontalement, dans un mouvement sinueux, reptilien presque. Le serpent créatif se faufile partout, même dans l'ultime.
Comment la dire? Diverses voies me tentent...
Je voudrais en faire un roman intitulé: La dernière palette. Ce titre est en effet porteur d'un esprit romanesque, à la limite, qui sait?, du policier! Car, ma peinture étant finie, je puis me soupçonner de manque d'aide à peintre en danger! Suicide? Oh non! Seule la forme de mon art a changé. (...)
Semblable à un instrument de musique, ma dernière palette a expiré, a exhalé un passage que je n'entends pas, que je ne comprends pas.
Elevée, suspendue au mur comme un tableau, la rose dispense les charmes d'un azur inconnu. Est-ce l'âme insaisissable qui nargue mon forcené besoin de la saisir, c'est-à-dire mon vital désir d'expression? Cette âme qui se serait révélée, non sur ma dernière toile, mais sur ma dernière palette!
Pourquoi me crisper? forcer, voire violer, mon âme inspiratrice?
Pourquoi vouloir réveiller la Belle avant l'aurore? (...)
La rose bleue envolée a laissé sur ma palette une trace à son image. Trace que voile et patine déjà un premier et léger glacis du Temps. C'est ce seul vestige qui me mélancolisait, ayant coupé les fils d'une portée où un doré et un bleu évoluent de concert.


(Janvier et mars 2005)


Palette


*

Aurore


Après une longue et mouvementée traversée, je descendis du ferry, titubant à tel point sur le sol immobile que je tombai. Une main se tendit vers moi, une main marquée. C'est la première chose que je vis de lui: des doigts usés, forcés. Ensuite, tout en m'appuyant à son bras pour me relever, je découvris son visage, un visage durci et crispé en dépit de son sourire bienveillant, mais affiné par une volonté, un visage intelligent, révolté et sage. Il allait m'apprendre combien les revers de son existence et de celle de son pays l'avaient obligé à troquer ses anciens talents contre une force nouvelle patiemment et péniblement acquise de maçon. La reconstruction de sa ville comme d'autres de son pays naguère en guerre, n'était encore que superficielle en ce sens que les esprits demeuraient écorchés et mutuellement écorchants. Cependant, il ne voulait pas la quitter, sa ville, l'affrontant et s'y situant avec courage, se disant que la construction et la reconstruction de maisons l'aideraient un jour à construire et à reconstruire sa propre vie ravagée, non pas nécessairement d'ailleurs en retrouvant son métier passé. Il avait appris à s'adapter en commençant, en recommençant à la base: pierre après pierre.
La nuit, il lui arrivait de rêver que ces maisons se levaient et dansaient dans la ville. (...)


(Juillet 2005)




Triptyque


L'Ange Diagonale


Ange diagonale perché tel un hibou
dans la nuit de mes doutes

(Juillet 1994)



L
ong fleuve en sommeil
vaut son pesant de rêve
avance lent
vers l'embouchure où s'ouvrent
ses courants lourds

En reptation le bleu appuie
les fonds rocailleux répondant
en leur langue sauvage
aux coups de bélier du soleil

Et le front taciturne de l'eau
se plisse encor sous le déferlement des ors
Le tréfonds s'arrondit
reçoit fécond
la chute flamboyante

qui s'étale
se retourne dans le lit sinueux

L'onde éperdue épouse

Giclée contenue en chute sourde

à perte de souffle


(Décembre 1994)





La Source d'Incandescence


Nataraja et la danse d'Europe


De retour à son hôtel, la voyageuse remarqua à l'entrée une carte plane du monde. Elle la considéra, le cœur soudain étreint, inquiet devant son petit continent, cette Europe aux contours compliqués en son menu ensemble. Pour la première fois de sa vie, elle la perçut faible, presque coincée, menacée par des eaux qui pourraient l'engloutir. (…) Face aux dentelles des bords, aux presqu'îles et îles, la soucieuse eut soudain une vision joyeuse. L'Europe dansait tel un dieu fameux, dansait jusqu'en ses multiples bras et doigts, en équilibre sur son escarpin, frôlant de sa pointe légère les œufs compacts de ses îles nichant au bleu dense et profond!
Quand ce dieu ne danse pas, il chevauche un animal terrien et sacré. Le lendemain, dans un autre temple, il sembla à la visionnaire que cette monture, figée en une imposante sculpture de pierre, attendait d'être enfourchée pour se lever et aller. Enfourchée par une déesse lançant au travers du monde des ponts tels des rubans soyeux. Europe… Mortelle divinisée par des dieux orientaux, attendue par l'universel taureau, monture massive et paisible aux cornes fleuries.
Danse aérienne, nirvana au cœur du cercle des cycles lourds. Dans un musée, devant une statue la représentant, la voyageuse avait observé que le centre du cercle où danse le dieu est son plexus solaire. Ainsi, le cercle rayonne, parsemé des bourgeons éclos des flammes de l'esprit. Léonard de Vinci, qui dessina l'Homme dans un cercle, en eût été ravi !



(Inde du Sud, janvier 2002)





inde-2

nataraja

kanchipuram
Voyage en Inde du Sud (2002).
À gauche, en compagnie d'une villageoise, près de Thanjavur.
Au centre: Nataraja, Musée de Thanjavur.
À droite, en compagnie de Gérard Adam, à Kanchipuram.




Plein cintre d'arc-en-ciel


Fontaine: âme de la maison
coule ses arpèges
au-delà de l'effritement
Et de ses transparences
tisse une compacte rose
de jour diffus
au bleu roi de ma demeure
Au cœur de l'âme
un feu sacré vif et tenace
bondissant entre les eaux
courant au long des arêtes
d'une chaîne de monts
dépliée sous mon front
Mon cœur est ma maison
tendue de tapis outremer
aux variations ailées méditatives
Tabernacle où rayonne un morceau d'azur
de vrai ciel
donnant sens à mes gestes
La pomme déploie son verger
au coin de la cuisine
Mon amour est mon pouvoir d'aimer
Comme la pomme le verger
j'ouvre l'élément de l'Amour
sans limites
En leur décisive lumière
affluent des eaux mesurées
Je porte ma maison
aux bras multiples
au verbe d'aube dilatant
aux lumineuses cryptes
Par-delà des nuages d'apocalypse
progresse l'espace en ses bleus transparents
Vertigineux chemin
Réalité du ciel
L'aérien telle une bouffée de mer



La mer répond du ciel
Quel point cardinal qui me prenne
je suis rose du Vent
Le Vent m'est barque
enchâssée dans l'écume
ancre de mes envols
Rose posée
gonflée tel l'oiseau replié pour la nuit
Le matin m'embarquera
vers l'humble cœur


(1997)




Foyer


Acte II, scène 2



Calibiana: Que se passe-t-il?
Arielle: On a besoin de toi! La nature est en fête! Tout fleurit! Te rappelles-tu la fusée? Près d'elle s'est posée une étoile!
Calibiana:
Une étoile? J'ai tant rêvé en ces nuits labyrinthiques... Le fil était l'éclair révélant, en de brusques instants, ma terre fissurée, tremblante. Tranchées au fond desquelles étaient précipités des êtres innocents, ignorant une guerre sournoise. Des sources imprévisibles naissaient pour les réconforter, les rafraîchir, les alléger avant leur envol.

Arielle: Tu ne rêvais pas. Les larmes d'envol étaient réelles... (Un silence, puis:) Quand on s'attaque aux fondations invisibles, l'édifice s'écroule. Le ciel était descendu dans la terre, on l'empêcha de renaître. De contraction en contraction, ondulant comme la mer, la terre de plus en plus secouée a fini par s'ouvrir, libérant ces envols douloureux.
Calibiana: Et moi, qui ne m'envole pas! (Un silence, puis:) On ne voit pas plus loin que le bout du nez du monde, et le monde est petit, je l'avoue. On prend les coïncidences pour des signes, des pistes, des preuves. Des innocents se sont ainsi retrouvés sur l'échafaud ou au bûcher. Je parle d'un rêve, et un élément de mon rêve se trouve exister dans le réel. Qu'y puis-je? Aucun rapport, mais on en voit. Attention, Arielle, ne relie pas trop les éléments et les humains.
Arielle: Tu dormais! Moi, j'ai vu l'irritation de l'humus faire écho à l'égoïsme des hommes. Il est peut-être des liens invisibles entre les humains, les animaux, les objets. Je pense à ces horloges qui s'arrêtent dans les maisons au moment où les propriétaires les quittent. Qui sait si, à l'inverse, la terre ne tremble pas quand la quitte l'esprit?

(...)


L'artiste:
Quand la terre a tremblé?
Calibiana:
Je tremblai avec elle et avec ses enfants.

Arielle: Et moi, je soufflais au-dessus d'un désert, je soufflais...
Calibiana: (Interrompant Arielle:) Et moi, j'étouffais! (Un silence, puis à l'artiste:) L'étoile a disparu?
L'artiste: Elle a disparu, après être apparue. Une nuit, on aurait vu au loin, au cœur de son halo, une forme remuer, comme un nourrisson enveloppé de linges lumineux. Alors, on vit l'enfant soulevé, mystérieusement cueilli dans ce berceau d'étoile. Certains disent que l'étoile ensuite s'effaça, d'autres qu'elle s'éleva au-dessus de l'horizon devenu triste. (Elle regarde tour à tour Calibiana et Arielle, puis:) Entre ciel et terre, laquelle de vous deux l'emporta?
Arielle et Calibiana: Aucune.
Arielle: Nous ignorions qu'il y eut un enfant.
Calibiana: Si nous l'avions su, nous l'aurions recueilli.
L'artiste: Où étiez-vous donc?
Arielle: Dans un malentendu.


Acte III, scène 1


Arielle: Quel âge as-tu?
L'adolescent: Quinze ans.
Calibiana: (Rêveuse) Il y a quinze ans, un enfant naquit mystérieusement...
(...)
L'adolescent: Mais enfin, où suis-je?
Calibiana: Entre Arielle et moi, il est un fin espace. Une braise y veille.
Arielle: Un cœur flamboyant qui unit.
L'adolescent: Souvent, je me sens dans un vide, tantôt faille et tantôt porte étroite. Une lisière entre des mondes inconnus...
Calibiana: Au seuil de grands univers?
L'adolescent: Je ne sais lequel choisir, je suis dans l'entre-deux, dans l'entre-quatre...
Arielle: Peut-être ne dois-tu pas choisir...
L'adolescent: Comment cela?
Calibiana: Peut-être es-tu le lien.
L'adolescent: Entre-deux, entre-quatre... Carrefour, quel est mon nom? Celui d'une croix qui relie?
Calibiana: Celui de l'étoile aux multiples chemins?
Arielle: L'entre-multiple? Un astre rayonnant?


(Été 1999)





La portée d'exil


Notre demeure


Quel soleil éclaire soudain ma maison, me la révèle?
Prison? Logis de folle? Logis fou?
Refuge! Elle est refuge au bout de mon exil.
L'errance était exil.
Je ne sais en quel point s'allume notre foyer.
Ni si je m'adresse à toi ou à Dieu, puisqu'il faut Le nommer par un seul mot de Son Verbe, pour abréger.
J'écris à un point de rencontre. J'y perds la raison, puis la retrouve contre ton cœur rayonnant.
La mienne centripète, la tienne centrifuge, nos forces épousées sont systole et diastole.
Mariage qui sauve de l'implosion et de l'explosion.
Notre foyer, je le comprends soudain mieux, est au cœur de la Création.

(2000)


La bénédiction de la Lune


Elle m'a bénie, le ciel est avec moi. Avec nous.
C'est une nuit suave, aux ombres dessinant autour de l'astre maternel un triangle ourlé d'une rousse lumière.
La lune est pleine et nette, très blanche dans la trouée d'un bleu brumeux foncé.
Les nuages noirs et lisses s'étirent comme sous un pinceau léger.
C'est un sublime tableau, un instantané et joyeux nocturne qui sans plus de mystère répond à trois éléments de ma vie de ce soir.
La reconnaissance de la "Reine de la Nuit", trop longtemps incomprise. Souffrant d'entendre sa voix et son titre injustement appliqués aux pires des maléfices.
La bonté rassurante de la Lune, trop oubliée dans mes lettres au Jour.
Et puis, ma voie, qui sera lactée ou ne sera pas.


(2000 et 1990)





Une conclusion...

Les histoires de mon âme


Les extraits que j'ai choisis et agencés composent une petite histoire...
Si j'en avais réuni d'autres, les histoires par ceux-ci formées auraient toujours été celles de mon âme...
L'âme insaisissable, à cultiver et faire éclore sans fin...




Monique Thomassettie


(13 avril 2008)






Si toutes les âmes du monde...

Sous le monde, l'espace / qui le réveillera
(extrait de mon recueil de poèmes : L'infrangible vision)


Après mes livres, place aux revues
et aux journaux
qui m'ont accueillie

Sous le signe de l'Espace


* * *



I


Lettre parue
dans la revue « Remue-Méninges » N° 28
à propos du beau livre consacré à l’art pictural de
Salvatore Gucciardo, analysé par la critique Anita Nardon
« Traces de l’art », Editions Art in Belgium, 2002


Mise en ligne le 14 mai 2008 à l'occasion du
prix européen du livre d'art Botticelli
remis à l'ouvrage en question



Le 29 janvier 2003

Cher Salvatore,


À peine sortie de mes visions, de mes intérieurs et extérieurs voyages (il y a un an, je me trouvais en Inde), me voici invitée à celles, à ceux de ton livre  !

Je ne puis y entrer qu’avec mon propre regard, ma propre entente. D’éminent(e)s critiques ont analysé ta peinture. Aussi, est-ce en tant que seul peintre et seul poète que je la contemplerai.

Hier soir, quand tu m’as téléphoné pour une autre invitation, celle de t’envoyer quelques dessins et poèmes pour ta revue « Remue-Méninges », je venais de vivre un épisode poétique, de ceux qui créent des légendes. Sur le plus grand des deux tablas indiens décorant un coin de ma demeure, j’avais pianoté, puis tambouriné avec cette colère qui est l’autre versant de mon énergie. Aussitôt, le vent au-dehors se leva. Un orage éclata. Ces coïncidences me remplissent toujours d’un immense bonheur. Quelle ne fut ma surprise de voir ensuite tomber la neige ! Des éléments du ciel se mêlaient. Le vent, le tonnerre, la neige : l’air, le feu, l’eau. Tous trois dans des états extrêmes. De ma fenêtre, je voyais avec ravissement le sol blanc tandis que la foudre se canalisait dans quelque paratonnerre. Et ma colère, et mon énergie extrême, étaient au ciel ! C’est le cas de le dire.

Alors, tu me téléphonas. Je repris ton livre aux beaux tableaux dont les ciels aussi mêlent différents éléments. Je passai la soirée à le redécouvrir, c’est-à-dire à le mieux découvrir.

« La spirale de la vie »... Dans le conte* que je viens d’écrire, encore inédit, un taureau, terrienne monture de Shiva, s’envole. Dans ta vision, la corne est d’or ; son or, d’abord de la Terre, devient solaire en s’effilant. Un croissant de soleil !

À l’image de ton nom – Salvatore –, ce croissant sauve. Il semble sauver la ronde harmonie de notre planète. Il la sauve, la contient, la maintient hors des crevasses et des abruptes chutes, telle une main émergeant encore de marais enliseurs qui voudrait sauver une étincelle de vie. Dans ta sphère, cette étincelle  est le soleil. Combien, cher Ami, je suis sensible à ces images, étant sans cesse animée, habitée, par de pareilles ! Cette étincelle, ce feu, est d’ailleurs le départ de mon dernier conte*. Que l’on me pardonne de parler à nouveau de moi, mais c’est dans le cadre d’un dialogue de visions.

Ta spirale qui est spire, est-elle involution ou évolution ? Elle me semble repli méditatif en un monde qui s’effrite, se fissure, se brise. La bonne Terre, symbolisée par l’animal le plus terrien : le taureau, est enlisée dans une destruction, un écroulement. Une seule corne en émerge qui peut-être deviendra cosmique. Si tu as voulu cette corne de bélier, on peut espérer un bond, un saut par-dessus les abîmes. Dans mon conte, j’ai doté d’ailes l’animal. Mais la Terre, chez Gucciardo, est massive et opiniâtre, elle a d’autres moyens, d’autres envols.

Dans « La destinée humaine », un Ange féminin apparaît, discrètement, qui désigne du doigt une voie hors cadre, tandis qu’un musclé humain montre le centre du tableau, un couple au pied duquel est assis un serpent apprivoisé – et ailé ! Cette « destinée » place résolument l’Humain au milieu, sa rédemption est dans le couple. Dans l’androgyne, peut-être, car trône au-dessus, telle une divinité, presque une idole, un homme au visage de femme. Figure androgyne qui me rappelle ces vers de Saint-John Perse :

« Femme vous suis-je, et de grand sens, dans les ténèbres du cœur d’homme ».
« Femme vous suis-je, et de grand songe, dans tout l’espace du cœur d’homme ».**

Cet espace, chez Salvatore, est Espace !

Espace aux bleus de nuit veloutés.

Espace ignifugé en alchimique travail d’engendrement de planètes nouvelles et d’O.V.N.I. : objets volants naturels identifiés !

Le nuage compact du « Jugement dernier » est-il vraiment tragique ? Il semble plus contenu qu’atomiquement explosif... Ne sortirait-il pas du cerveau de l’accusé, de celui montré du doigt par le représentant d’une foule dans l’ensemble plus passive qu’effrayée ? Assis comme le « Penseur » de Rodin, le désigné n’est-il pas incompris des gens agglutinés de part et d’autre de lui ?

Bordé par tout ce monde, un chemin relie le solitaire à la perspective de sa création : à un jugement ?

Les solitaires et créatifs artistes sont-il jugés dans leur vision ? Dans leur pensée ?

De quelle sorte d’explosion sont-ils accusés ?

Salvatore, je ne connais pas les dates de tes tableaux. Mais, même si « Le jugement dernier » est postérieur à la « Traversée flamboyante », l’accusé du premier pourrait être l’homme rivé de la seconde. Rivé à sa planète, en formant un croissant, gravitant sans errance au-dessus d’un paysage doux et suave qui, telle une rose, comporte quelques épines, des tours ou collines acérées. L’homme aux mains absentes fut-il ainsi condamné ?

Dans cette éventuelle condamnation, est-il aussi heureux que celui ou celle enfermé(e), protégé(e), dans la translucide sphère de « La joie sacrée » ? Sans doute, car sage et serein est le profil de son visage. Si la métallisation de son corps est un vestige de la robotisation d’une ancienne période de Gucciardo, elle l’a coulé en sculpture, dans un alliage de terre et de feu.

Voici, cher Salvatore, quelques étapes dans le voyage que je viens de faire au sein de ton livre. Lorsque, naguère, tu me fis découvrir de tes tableaux, je restai abasourdie devant nos affinités cosmiquement visionnaires.


Avec ma visionnaire sympathie,


­Monique Thomassettie
  

* Conte écrit
en 2002 à Bruxelles et en Inde du Sud – paru en mars 2004 aux Éditions de la Page :
La Source d'Incandescence

** C’est Gilberte Aigrisse qui perçut dans ce poème « un extraordinaire exemple d’écriture androgyne » : citation extraite de son livre « Saint-John Perse et ses mythologies »



« La spirale de la vie » : page 29
« La destinée humaine » : page 45
« Le jugement dernier » : page 17
« La traversée flamboyante » : couverture et page 12
« La joie sacrée » : page 19





*  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *



II


À propos de Justine,
qui vient de s’éveiller à une autre vie…

Texte paru dans la revue « Marginales » N° 251
Automne 2003
Sur le thème proposé par Jacques De Decker:
"Justine ou les fortunes de la vertu"

Mis en ligne le 16 mai 2008



Fantaisie éveillée




Cela avait commencé avec les balles de tennis. Puis suivirent d'autres sphères.

L'une après l'autre, Justine les voyait s'élever, soudain frappées d'apesanteur. Au quatrième coup de raquette, revers ou droit, c'était recta : la balle quittait sa trajectoire horizontale pour en adopter une verticale, avec lenteur comme pour bien insister sur sa nouvelle attraction.

Attraction, les matches en étaient devenus. Les torticolis étaient tels que les spectateurs s'allongeaient sur les bancs, le regard désormais perdu dans le ciel insondable. Les gradins autour du céleste théâtre élargirent leurs cercles.

À ce stade, les seules balles justiniennes emplissaient l'espace, nombreuses car les essais l'étaient.

J'ai toujours renvoyé la balle, songeait la tenniswoman. D'abord dialogue enfantin où l'on ne compte pas les points, ce jeu, au fur et à mesure de mon grandissement, est devenu passionnante joute. La compétition n'était pas loin.

Et voici qu'en plus je réalise, et ce avec une particulière acuité, combien je me bats toujours contre moi-même !

De tous les horizons, l'on vit alors se dégager de multiples boules. Elles évoquaient des pousses printanières perçant la rude écorce terrestre pour s'épanouir à l'air. Sans bris ni bruit, celles des lieux fermés traversaient murs, toits et fenêtres. Dans les lieux ouverts, les autres se détachaient : ici, du quadrillé de raquettes ; là, de pelouses foulées ; ailleurs encore, du cochonnet qu'elles venaient de toucher, et celui-ci ne tardait pas à s'élever à leur suite.

Jamais ne fut aussi évidente et sereine la parfaite forme de sphère magnifiée.

Vers le sommet de quel mont « olympien » montaient ces boules « olympiques » ?

L'ère aérienne du Verseau était là !

Bouleversée. Boule versée.

(Qu'on ne me dise pas que le monde la perdit).



Monique Thomassettie





*  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *




III


Dans le contexte de guerres
incessantes en ce monde

et parce que le regard de ma grand-mère Oma
était spatial,

ce souvenir paru le 3 juillet 1996
dans le journal « Le Soir »
Rubrique : "Souvenirs de vacances en Belgique"

Mis en ligne le 29 mai 2008



Quand je pense à Oma, je vois d'abord ses yeux, plissés sur une éternelle étincelle de malice au fond de bonté. Ensuite me revient sa démarche boitante et souverainement assumée sous sa longue robe noire ou à fleurs. Sa coiffure aussi, bouffante autour d'un petit chignon tressé. Sa seule coquetterie se reflétait dans l'eau de pluie dont elle baignait son visage, car douce à la peau.

Après l'amputation de son pied, elle avait encore eu six enfants, dont s'occupaient les neuf premiers.

Parlant allemand, son français se limitait à quelques mots qu'elle offrait comme une friandise. Me revient un seul adjectif : « bon » = « gut », et un nom : « chique ». Mon père étant liégeois, elle avait adopté ce mot de Wallonie pour désigner les bonbons. C'étaient des bonbons au goût et à la forme de framboise, qui m'irritaient le palais, mais que je n'osais refuser.

Que pouvait-elle offrir à une petite-fille « princesse petit pois » et citadine venue passer ses vacances à la ferme maternelle, où rire et travail rimaient ? Elle m'ouvrait son regard, qui était livre de vie !

Les pages déroulaient un pays de foi et d'espérance, la charité pétrissant tout entière cette femme dont l'immense énergie me semblera toujours un mystère.

Ce pays « habite » toujours ma mère, ses soeurs et ses frères. Ils ont gardé le même regard où la sagesse paysanne est mêlée de candeur. Quand ils se retrouvent, le regard d'Oma, depuis longtemps disparue, brille encore au fond du leur. Rare, peut-être, une telle empathie familiale.

Pendant mes vacances dans ce petit village des cantons rédimés, j'assistais aux narrations hautement dramatiques et inlassablement répétées des souvenirs de guerre. Terribles, bien souvent. Ainsi, l'histoire de l'oncle pulvérisé par un obus. Histoire illustrée par les yeux dilatés d'une de mes tantes, et par ses mains ouvertes peignant dans le vide un mur éclaboussé de rouge. La disparition d'un plus jeune, aussi, pressentie par Oma quand, peu de temps après son départ pour le front, elle avait reçu la photo enfin développée de toute la famille posant en costume du dimanche. Le photographe avait mal cadré le groupe, « coupant » la tête de ce fils de dix-huit ans. Devant l'image incomplète, ma grand-mère avait eu ces mots prémonitoires : « Il ne reviendra pas... ».

À la suite de quoi, ma soeur et moi, enfants, eûmes longtemps la crainte d'être « hors cadre » photographiquement !

Oma avait son jardin secret, au sens propre comme au figuré. À côté de l'écurie, la porcherie, l'étable, le poulailler, la grange, la pièce réservée à l'écrémage du lait et celle où l'on barattait, elle cultivait avec amour un rectangle de terre bordant le mur méridional de la maison. Y poussaient uniquement des fleurs. Son luxe ! Je me souviens de phlox, blancs, roses et violets, et de leur parfum, bien sûr, sous le généreux été.

Mein Garten !, disait-elle avec fierté. Son regard alors devenait celui d'une jeune fille tournoyant pour faire admirer sa robe. C'est vrai que, comme mes tantes, ma mère, et moi aujourd'hui, dans sa prime jeunesse elle avait valsé avec cette fougue terrienne envolée sur un air d'accordéon ou d'harmonica, fougue qui demeure, de mes racines, celle insatiable d'une fête paysanne à retrouver...      






P.S. (5 juin 2008): Pendant la guerre de 1914-18, mon grand-père paternel et mon grand-père maternel étaient l'un et l'autre brancardiers, mais dans des armées opposées. Ils portaient donc la même douleur absurde.




Monique Thomassettie



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IV


Pour un centenaire…




tante elisabeth

Liège, Tante Élisabeth, née en 1908



Une berceuse


Extrait de mon roman épistolaire : Le Maître d’Or
parce qu’il complète le souvenir précédent.

Mis en ligne le 30 mai 2008





Ma mère est musicienne d'instinct. Sans aucune formation, elle était et est encore capable d'improviser le contre-chant de n'importe quelle mélodie. Elle et ses frères et soeurs chantaient, dans leur jeunesse, de superbes chœurs allemands. Du côté de mon père, la musique était aussi goûtée. (…) Je  rêve le ciel s'entrouvrant, accouchant d'un enfant de lumière. Elle éclaire sur terre une ronde joyeuse de paysans. À plusieurs voix, oncles et tantes maternels chantent, et la soeur aînée de mon père se joint à eux. La harpe et le piano de la seconde les accompagnent. Au milieu, mes parents. Le sommeil me gagne. Ma mère me revoici en ta berceuse étrangère.


(1993)



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famille

Mes parents, ma sœur Maïté et moi
Monique et Maïté

Maïté, et moi poussant ma poupée


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V




À propos de la Chine…


Texte paru dans la revue « Marginales » N° 248
Hiver 2002
Sur le thème proposé par Jacques De Decker:
"Mythes en stock"

Mis en ligne le 7 juin 2008



Humoresque


Entre père et fils prodige
entre Maigret et Tintin
balance
le cœur de grand Jacques
Des deux intuitifs
lequel retrouvera le mieux
ses fugueuses ?
Titine !
et le rêve secret
d'Isabelle aux yeux d'or !

Titine à Tintin !
Au cou de Charlot
s'est-elle encor jetée !
Le leste journaliste enjambera
le passage entre bande dessinée
et pellicule

Et le rêve d'Isa ? Et le rêve de Belle ?
Fin psychologue
le commissaire voit

Grand Jacques, le secret est ici !
Ici ?
« Au berceau de sa joie » !
Où est sa joie ?
D'un doigt accusateur Maigret désigne
le grand cœur du chanteur

Recherchant Titine
Maigret aurait-il envoyé
le plaignant au ciné :
« sur l'écran noir
de ses nuits blanches » ?
comme rythme Nougaro

Tintin  quant à lui
traverse cases et bulles
cueille au vol
un lotus bleu
le pique à son pull

Titine qui est fleur bleue
délaisse son Charlot
Retrouvez en Chine
votre Titine !

Titine et Tintin tardent tant
que Jacques et Jules se décident
Le nerveux et le placide
à leur suite s'élancent

Grand Jacques, dit Maigret
le rêve Isabelle
est plus facile à trouver
que le cauchemar Titine
« Titine elle est en or » !
la défend le premier
Deux faces d'une même chanson
d'une même précieuse matière,
répond le subtil second
Les voilà dans le film

Au coin de la pellicule
l'affable reporter
console Charlot :
Ne fais pas cette bobine !

Tintin ne s'avoue pas bredouille
Suivant la piste
de l'intrépide Titine
les quatre hommes arrivent dans les B.D.

Voici les Dupontd !
Ils reconnaissent en Charlot
un frérot
en maladresse
Et Maigret reconnaît le défenseur
des justes cœurs

Entretemps...
Sacrée Titine !
Arrêtez-la !
Elle souffle sur les bulles !
fait valser à mille temps
les petits personnages !
Et ce grand Jacques d'applaudir !



Monique Thomassettie




*  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *  *



Véronique aux marionnettes

Véronique, ma fille, avec ses marionnettes
Photo par Gérard Adam, son Papa, 1985



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!
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V
                                         
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VI


Ma portée musicale



Ce 24 juin 2008, avant 9 heures, sur Musiq 3,
un écrivain conclut son interview sur ces mots :
Il faut savoir dire : Je te hais, à ses parents.

Voici, à ce sujet, un extrait de mon roman épistolaire :
La portée d'exil
qui pourra, je pense, apporter un autre éclairage...



J'aime, donc tu es...
Ce titre m'enchantait au point de me donner envie de le faire principal.
Mais voici qu'un démon lacanien me susurre ses ambiguïtés, mêlant à l'amour la haine!
Une myopie d'écoute déforme et noie le clair-parler.
"Ils m'ont appelé(e) l'Obscur(e) et j'habitais l'éclat" (1) !
Cependant, je n'oublie pas que, au "diable (qui) s'est fait psychanalyste" et qui ainsi nous aide à mieux ouvrir les yeux sur nos tares, Charles Baudouin répondit: "... des tares, on peut faire autant de vertus...".
Si ma tare est un insatiable et enfantin besoin d'être aimée, ma vertu est d'aimer.


(1999)


(1) Saint-John Perse 
 


P. S. : J’ai tout à fait conscience de la difficulté mentale qu’entraînent des notions telles celle du Diable et celle de Dieu. Je les « débrouille » à ma façon, et adapte leurs sens suivant les contextes. Ainsi, j’ai pu écrire :


… Quand Dieu trouva Lucifer trop éveillé, et donc menaçant son pouvoir, il le décréta diabolique ! C’était facile !… (2)



(2) Janvier 2006, dans mon recueil de contes et pensées : L’âme dénouée




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VII


Texte paru dans
la revue « Le Non-Dit »
N° 80/81 - Septembre 2008

à l'occasion de son vingtième anniversaire

Sur le thème proposé par Michel Joiret :
« L'emploi du temps »

 

Mon temps est mon espace


Au point méditatif
où se concentre mon énergie,
l’espace d’un seul instant
m’est éternité

Et si trois heures d’écriture
me semblent trente minutes,
c’est qu’au paradoxe du Temps
les inversions ont lieu

À la « fin » comme au « commencement »
un verbe s’emploie à mesurer
à l’aune d’un espace
son envol expressif




Monique Thomassettie



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VIII


Texte et dessin parus dans la revue « Marginales »
N° 270 - 271
Été - Automne 2008
Sur le thème proposé par Jacques De Decker :
"Comment va le Monde, Môssieur ?"




I

Sur le front
une larme d’existence…

... en suspens
au désarroi du monde


II

Larme cristallisée
au lever d’une idéale
vision

Si
à ce « point »
le monde a rétréci,
il a enfin
trouvé sa place



Éveil


 III

Tant j’aime visualiser, à l’instar de Léonard de Vinci qui inscrivait l’Homme dans un carré et dans un rond. Même si, en Occidental mathématisé, il ne connaissait vraisemblablement ni le mandala ni la quadrature du cercle.


 IV

Une quadrature de cercle (1)

L'ange :
Tu avais un carré, puis un cercle. Tu cherchas leur point central. T’es-tu demandé si ce point leur est commun ? Si oui, tu as résolu un impossible.

L'ermite :
Est-ce en ce point central commun que réside la quadrature du cercle ? Ce serait d'une simplicité enfantine !

Le jardinier :
Vos géométries m’échappent... Qu’en est-il concrètement ? À quoi tout cela mène-t-il ?

L'ange :
Au point commun !


V

Une paix commune ?

La tête inclut le cerveau, le double cerveau, celui de l’imagination et celui de la raison.
Si, au-dedans ou au-dehors du cercle, je dessine un carré, celui-ci se composera de deux triangles.
Triangles à la base commune, dont l’imagination et la raison seront les angles.
Tandis que l’intuition sera le troisième angle.
Troisième angle en haut ou en bas, selon l’orientation du triangle.
Dans le triangle posé sur la pointe inférieure, l’intuition correspondra au nez, au flair qui hume. Intuition terrienne.
Dans le triangle posé sur sa base, l’intuition sera aérienne : celle-ci reste à conquérir.
Le point central correspondra au troisième œil, et pourra irradier.
Il en émanera un apaisement.
Même si, dans cette géométrie inconnue, le point qui voit et résout, ne sait ni tout, ni rien, ni rien, ni tout.


VI

La seule quadrature est pareille à la carte plane du monde avant qu’on ne découvre la sphéricité de celui-ci.
Quand on le découvrit sphérique, l’on résolut le précipice abyssal imaginé à l’extrême limite, aux quatre bords ou côtés de cette surface dépourvue de relief que dessinaient les géographes.
Et vint l’astronomie qui arracha le monde à son nivellement.
Le monde en est toujours à craindre ces bords cauchemardesques.
Ainsi va le monde, en ses peurs ancestrales.
Et, si ses peurs sont plus que jamais fondées, qu’il lise mon opéra (2), écrit puis autoédité « tout simplement, tout humblement », en effet.


VII

La Pensée (3)

À des astronautes qui, n’ayant pas vu Dieu dans le cosmos, en déduisirent qu’Il n’existait pas, un neurochirurgien aurait répondu que, lorsqu’il opère un cerveau, il ne voit pas non plus la pensée… Or, la pensée existe…



28 mai 2008




(1) Passage de ma pièce : L’Enfance au Point dansé, 1999, parue dans mon recueil de théâtre : D’Oracles, Éditions Caractères, mars 2000
(2) L’Opéra sidéral, Autoéditions M o n é v e i L, Collection La Lettre enluminée, mai 2008
(3) Passage de mon Opéra sidéral



Monique Thomassettie




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IX



Un point sur le i de l’ « essai » concentré et candide
que constitue mon texte VIII



Tant j’aime visualiser, y ai-je dit.

Si je ne peins plus depuis des années – toute mon énergie créatrice étant passée dans ma seule écriture –, le besoin de représenter graphiquement certaines tentatives de comprendre l’univers m’est resté.


M. Th., le 3 septembre 2008



*  *  *  *  *



Le Monde : Ajout (une citation)
À propos d'un jeu d'enfant

Monde et Toupie


« Inventée à la Haute Antiquité, la toupie symbolise l’axe du monde sur lequel tourne le globe terrestre. Son mouvement rotatif évoque aussi l’équilibre dans un univers en mouvement. » (1)



À cette citation pourrait un peu répondre ma pensée :

Quittant le mouvement, je perds l’équilibre sur l’immobile(2)

 
Ainsi mouvant, mon présent site.





(1) Explication anonyme découverte sur Internet.

(2) 2005, dans ma nouvelle : Une Suite mouvante


 M. Th., le 4 septembre 2008





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X,  XI,  XII ...

... jusqu’à l’Infini ...





Extraits de mon recueil : La Grâce
que j'avais dédicacé au Monde



Le Monde
En un mot comme en cent
Le Monde en un mot commençant :
Mythe !
Il commence une Rose


La voie jalonnée de villes
ermites
Dans les demeures
souffle un air de montagne
s'assemblent les humains
dont l'âme au-dehors dessine
un vaste paysage
L'ombre du châssis le morcelle
L'intérieur au-dehors
l'extérieur au-dedans
en permanent échange

L'enfant suit un fil
vers les villes subtiles
La nuit de Dieu se révèle au jour
Au travers des âges
les regards d'outre-tombe
envolés d'yeux restés dans la mort grands ouverts
veillent paisiblement
tandis qu'en son cube serrée
la Terre tourne après son sillage
tel après sa queue un chat
Comète annonçant un malheur ?
Icare récidiviste ?
Ou mémoire à venir ?
Autour de son noyau le Monde
aimante un solide présent
Et l'air vibre léger

Légèreté du pas
sur la glaise fertile
d'où naît un geste
Accolade éveillée
Au jour s'incarne Dieu
Diurne bleu au repos des humains
Le blé réconcilié
avec l'éclair tranchant

Voie heureuse au travers de malheurs ?
Les méditations la suivent ou la tracent
Dans des limbes opaques
le Monde se débat
violent tel un noyé qui frappe son sauveur
le confond avec l'eau agressante

À l'enfance est-il demandé d'assumer ?

Emporté par l'agonie d'une ère
houleuse
le Monde ouvre les ailes
Assomption qui assume
La mère a dit  L'enfant dira
C'est un chant qui s'envole
dans la vaste Conscience

Invitée non acculée
je ne sais
Ai-je tant résisté
au Monde
Debout
par Dieu poussée
je vois un intemporel horizon
toujours recommencé
promesse sans objet
si ce n'est une vie

Une vie ? Et mille !
Dans les plis de la Rose
En sa respiration
la Terre paisiblement soulève ses poitrines
Les épines de l'Eau
Le souple noyau
à l'aube s'étire
attend au couchant
Laissez les chars
Laissons les boucliers
Au pouls de la planète
enfoncez les matraques
À la chute des chaînes
les bâtons fleuriront
Nos pierres désamorcées
épousent le torrent
aux pieds de l'arc-en-ciel
amassent l'or du Verbe
Roulement dépouillé
Sage réconciliation

Ne lâchons pas la Terre
Comprenons-la dans le Plan de l'Espace

Au désir de comprendre
répond le vrai savoir

L'oeuf cosmique s'est ouvert
En ses ors Aubin Pasque
a rejoint Kandinsky
Nos pierres au tableau du premier
dévalent sphériques
la pente du Temps
« L'inattendu » destin :
sous l'oeil du soleil
au bord de la chute
elles s'élèvent
en myriade sans poids
de billes planétaires
Mise en mouvement
dans l'infiniment petit
du cosmos contracté
de Kandinsky
où « l'énergie en bouteille »
implosait savamment
L'apesanteur contrôle une explosion

La Danse
aux pieds légers sauvera
Point ne choira la clef
au noir infini et sans fond
d'une tentation anarchique
Car le fond est au coeur

Vaste méditation
Pensée solide : pilotis d'une terre menacée
par d'aveugles courants
Les livres véritables livrent
Mais de tragiques suicidés
en eux taisent le désespoir
À quand
les mutiples accolades
dans l'air fluvial ruisselant ?
Quelle brèche fracassante
dans l'Espace du Temps ?
Un ciel tel un hymen
se déchire et distille
une pluie de mystères

Révélé dans l'exil
un monde livre son coeur
qui rayonne mille ponts
Presqu'île à la terre mille fois rattachée
Et une :
aux nuages
dansants

Des lèvres pâlies
à l'ombre du silence
rougissent  anticipent le Vent
Ne taisez pas le chant intérieur
Il anime vos yeux derrière les grillages
Si faufilé  envolé  capturé
il expire,
son point d'orgue dessine
mille et une arabesques
Vos regards enfantent d'autres chants
aériens
insaisissables
Ils n'ont pas tué les oiseaux !

Est-ce le chant  le vol
qu'ils assassinent ?
Musique ailée
Ange du Monde
Ère aérienne
L'avenir les adoucira
car le chant de la mère est l'enfant
La fille couve mille airs
et un qui en larme déborde
Les puits sont rayons
d'une sphère au coeur inondé
aux intarissables systoles et diastoles
Partout je puis chanter
au-delà de Terres ensanglantées
toujours vierges
Confondus les voiles s'envolent

Et l'Enfant détient la clef
de mystérieuses noces
Noces du Ciel et de la Terre !
Des rangs stratégiques et gracieux
de femmes dansantes
avancent
débroussaillent l'inextricable calcul
À la question
un pas répond
Utopie s'il reste solitaire
Contenu il se lèvera
dépouillé

Rythmant une méditation
le Métronome
baratte une eau boueuse
Alluvions élevant des monts
L'eau claire au fond des gorges
arrose des végétaux
glissés
au roulement du tonnerre d'écumes
De toute son échine
la terre ondule  serpente
ne sait quel val choisir
après la vive crête du ciel
L'éther descend
souffle en nos dos un envol
Parallèle aux cailloux la marche
conjure des arrivées l'angoisse
le sourd désir d'un retour familier
Et pourtant
l'air vierge nous appelait
en sa vertigineuse trouée

Du volcan le feu
au sommet se métamorphoserait
Où dort cette énergie ?
En quel lieu prisonnière
songe-t-elle ?
Le bonsaï n'a pas moins de mérite
que l'arbre géant déployé
Contenu le souffle
allège ses racines

Silence à l'écoute
des villes
du cri d'un oiseau dans la cour
des tâches ouvrières
Du Monde un silence est absence
plus béant
que celui de Dieu
Sans les transhumances
au creux de ses sillons
la Terre
mère et enfant
de larmes emplit ses vides
ruisselle en océans
À ses sentiers manquent les marches
les pas marqués  reliés à son coeur
attractif
Une vague de brume
soulève un pan glaiseux
Toiture à l'élan suspendu
Terrasse où tournoie un vent fou
happant sa propre queue
Car la Terre se replie
oublie
les plaines d'offrande

Voix d'outre-monde et du monde
rivalisent
avant d'en musique s'entrelacer
Le vide apprivoise
Un souffle féconde
l'infinitésimal
au suspens de la Terre
Loin de l'écho diluvien
l'arbre et puis l'arbre demeurent
L'aïeul(e) médite au giron de l'enfant
Tandis qu'à mi-chemin
gronde l'impatience
de la sève à couler
ailleurs  en d'autres temps
Temps futurs ou passés
pourvu que la fuite présente
secoue l'immobile apparent
Sous le sommeil trompeur
se véhiculent mille fois mille
et fois tant
siècles
Songe d'outre-espace
en un lieu visité

Songe du savoir
Savoir du songe
Sont-ils fruits convoités
d'une gourmandise primitive
au ralentissement d'un temps
rapide apparemment
où le clonage confond
miroir et vitre ?
« Je est un autre »
donc moins autre que l'autre
À notre baptême
sel et eau sont les mêmes
mais différents les noms
côte à côte naviguent

Fille de la Terre
Au gré de son pas
sur les paliers de l'onde
elle va
suivant l'envol
de noces maternelles
Sème de son talon
un remous fleuri de saphirs
où serpente une fauve lueur
Maintient son regard
au seuil circulaire
d'horizons aériens
Océane enjambée
entre les haies d'écumes
Ont chuté des colombes
Les ailes barattent l'eau
l'élèvent en friselis
flattent du fond la lame
à l'échine luisante
qui supporte l'étale
tel un tuteur la rose verticale
Éclosion
de vagues concentriques
bordant les dédales d'aurore
Rosée marine à la chair de la terre


La féminine philosophie
cerne un autre Vide
Vidée de son enfant
l'accouchée s'emplit
du lait qui le nourrit
Vidée de son breuvage
elle accueille le songe
visitée
par une voie lactée
Se détache une étoile
filant entre les nappes
d'un labyrinthe océanique
Non pas néant
ce vide est coupe
emplie par Magritte
des nuages du Mythe
âme du lait maternel
monté aux cieux
Tant triomphe la vie

Un astre rayonne
Tiraillé entre ses rayons ?
Rayons identiques ?
La source une ?
Roue :
rayons contenus ?
ou brisés ?
Aux intervalles souffle un vent inlassable
S'y déploient les entre-chemins
Ardentes et buissonnières voies
aux envols instinctifs
Aux englobants remous
d'une mer qui encercle
jusqu'au coeur le soleil
De toute part elle vient
Tandis qu'il concentre sa force
pour innombrable mieux la darder

Pourtant
toujours ce manque sous-jacent
à l'éternité même
C'est le chant en espoir
d'une entente infinie
C'est le verbe fait chair
dont les morts en appellent
à la vie absolue
Quand bien même androgyne
la vie reste un désir
de sève à bourgeonner
à tomber en automne
pour mieux recommencer
La vie est un appel
un rêve rescapé

La faute originelle
de trop tôt mettre sur orbite
un Monde à peine éclos
peut-être encor profile
sa Divine folie
En dépit d'étoiles éclatées
le Cosmos imagine
un parfait circuit d'astres
De l'Homme la faute originelle
de commencer le Monde
répondit à celle d'un Dieu pressé
d'une impatiente Pensée
M'est-il permis de jouer
à l'instar des Genèses
avec Ta céleste Conscience ?
Serait-Elle incréée
tel de Saint-John Perse
le Songe qui sait ?

Nous créés qui ne savons pas
au jardin de l'Eden
avons croqué le fruit du Rêve
Mais depuis
nous rêvons sans savoir
nous savons sans rêver
De Dieu la claire et vaste Nuit
englobe du Monde
la faible conscience
qui serait, éveillée,
réceptacle d'une insoupçonnée
connaissance

Dieu incréé ?
Le Songe d'un Espace ?
Il régit les grands mouvements
chante en Soi
un air total d'amour
Quelle Genèse
raconte la musique ?
Le big-bang tel un coup de cymbales
ouvrant des symphonies ?

Dans les sillons terreux
il coule une lumière
manne au réveil
d'un monde en oubli
Précieuse lueur
lait irisé au plus obscur
de souterrains délires
Quelque part
se lève un dieu
Quelque part
se lève une conscience
Qui a conscience
rêve et sait

À la fenêtre
l'éternelle fille
attend le regard ailé
Le sien
en ce lieu de visitation floue
se crispe  se replie
Tandis qu'au jardin se déroulent
flux et reflux d'un air
aux semences fleuries
Revenue
d'une errance aux sommets
d'une vision lucide
aux abîmes
elle choisit l'entre-deux
Les paupières mi-closes
savent que seul un vol
peut sans crainte explorer
bas et haut de la pure ardeur
enracinée au coeur
du noir le plus énigmatique

Au-dehors
s'échelonnent les horizons
aux saisons volontaires
éclatant l'étau
de vents contraires
Surtout
le blanc de l'ange
à ses côtés demeure
debout
compagnon de la chute
de ses pleurs irisés battus d'ailes
bouillonnant des germinations d'envols pensifs
Alors les crêtes
sur un ciel de jais se découpent
À la fenêtre
attend-elle encor le regard
qui saurait ses périples ?
La femme de l'éternel matin
dé-nombre les nuits

Les grands pas inlassables
le long de la source ovoïde
où frémit l'endormie
à l'éveil innombrable
Entre les pierres
un luisant filet
de loin suit les éclats métalliques des hommes
Paupières titubantes
pieds trop sûrs
ils martèlent une mécanique
Mais le tracé lumineux
à leur insu détient
l'inexprimé
Il est une ignorance
de l'instinct qui traverse la lisière des rêves
Les englobe un hymne muet
Ainsi parallèle à leur monde
va leur songe
Parfois il déborde
quitte le lit pierreux
déferle sur la route
emporte en cliquetis
d'hagardes marionnettes
roulant quelques rouges éclairs
Humanité
propulsée vers la mer
immobile et mobile
en son rêve de source
en ses lents ou brusques réveils
Vagues d'une foule
qui ne connaît son chant

La montagne s'envole !
en ses ailes de pierre ajourée
emporte un fol battement magmatique
qui s'ordonne élevé
La Terre suit
entrechoque ses rocs
replie ses eaux fertiles autour
d'une infinitésimale semence
tendre noyau irradiant
le rêve de ses branches
Bientôt
se lèvera l'astre vert
face au rocher de l'ermite


(1998 – 1999)


*  *  *  *  *


Extraits de mon roman épistolaire :

La portée d'exil



Les artistes sont des messagers. Mais de quels temps, de quels lieux, et de qui parlent-ils ? À qui s'adressent-ils ?


Tout est sacré, qui est donné et bien reçu.


S'il est des remèdes à la solitude sociale, la solitude artiste est incurable car elle est condition créative, même au sein de la plus généreuse reconnaissance.




Tout artiste est exilé.




Les moyens d'informations interpellent sans fin, découvrent en nous de terribles liens de fraternité. (…) Être ouvert, n'est-ce pas aussi répondre à ce qui interpelle ? Que l'on soit ou non, directement ou indirectement, visé.



Dans mon obsession à peser et repeser mes mots, je pèse ceux d'autrui.



L'intelligence du coeur est à cultiver, par les ignorants comme par les instruits.



Tant d'écrits, et si peu d'évolution dans la compréhension des êtres.



Les identités sont indispensables pour composer une harmonie. Une mise en commun qui ne les respecterait pas perdrait la danse ailée.



La lettre momentanément dissipe le désarroi, comme au réveil la narration d'un cauchemar transpose l'angoisse.



La pensée n'est jamais acquise. Sans cesse, elle doit être éprouvée, se libérer de théorie anesthésiante.



Le dit est un piège tendu à sa pensée, ou du moins un problème dont la solution est à retrouver sans cesse. / Solution plus rapide que moi. Et quand je la rattrape, elle me rend ma lenteur afin d'être à nouveau l'objet de ma recherche ! Ainsi, je passe mon temps à me courir après !



Voyante au repos ! C'est le titre que je donnai à un de mes dessins, naguère. / J'ai la vue épuisée. Comme ces anciens mystiques  que des peintres ont représentés couchés et affaiblis après leur extase, je suis fatiguée par l'intensité de mes perceptions. Mais profondément heureuse d'avoir éprouvé la totalité de l'univers, c'est-à-dire sa cohérence, capable mieux que nous d'intégrer les mouvements de tous les ordres. / Ces mouvements se répondent, sont en parfaite harmonie. Ils répondent à nos sincères, profondes et tenaces recherches, à nos appels confiants.


Ce qui le mieux me relie au monde, c'est le langage complet des musiques. Celui des mots étant plus ambigu. Peut-être, l'ambiguïté vient-elle aussi de mon entendement.  Je ne puis en effet plus lire une idée sans aussitôt en comprendre son contraire. L'idée l'inclurait, comme dans le cercle taoïste le noir contient du blanc et le blanc, du noir. Une seule idée, et me voilà lancée dans une réflexion philosophique qui tend à y intégrer les opposés.


Je cherche les mots réconciliateurs.




(1999)

*  *  *  *  *


Mémoire et Pardon


Extrait de ma pièce de théâtre :
Parfondor *



L’errante :
La mémoire… Le pardon… Mais quand le souvenir fait très mal, peut-on profondément pardonner ?

La vieille femme :
Sur la croix, Jésus a dit : « Pardonne-leur… ». Il n’a pas dit : Je leur pardonne…

L’errant :
Alors, qui pardonne ?

La vieille femme :
Au stade divin de la conscience veille un tel amour…

L’enfant :
Dieu !

Parfondor :
Dieu… Nommant « Dieu » : « Infini », le Monde retrouverait-il le sens poétique ? Je crois en l’Infini…



* Seconde pièce de mon recueil publié en 2000 : Foyer




*  *  *  *  *


Je souffle et « sème à tout vent » le pollen de mon âme

(1994, extrait de mon recueil de poèmes : Triptyque)



Extrait de mon journal personnel et quotidien :

11 septembre 2008, matin :

Comme la mauvaise orthographe non stigmatisée dans certaines écoles, la consommation d’alcool chez les adolescents ne serait-elle pas un autre symptôme du désarroi des adultes (parents et enseignants), lesquels sont dépassés ?

Dépassés sans doute par une tentation publicitaire plus forte que leurs interdits ou mises en garde ; mais, cette tentation n’étant pas nouvelle, la question à se poser ne concernerait-elle pas une espèce d’abandon, voire de capitulation, en la volonté des éducateurs ?

Dans « Dialogues avec les mères – La première tâche : éduquer les parents » (livre que j’ai lu il y a plus de vingt ans et que j’évoque de mémoire), Bruno Bettelheim écrivait que les enfants ont besoin d’une parole claire et nette de la part des adultes responsables d’eux, quitte à ce que ceux-ci « se trompent » ; les enfants pourraient ainsi se révolter et construire leur propre personnalité. Se poser en s’opposant.

Aujourd’hui, ce n’est ni oui, ni non, c’est les deux à la fois. Ainsi :

Non, parce ce n’est pas bon à ton âge de fumer ou boire…
Oui, parce que tu es libre et que nous ne voulons pas exercer sur toi une pression « traumatisante »…


L’ambiguïté n’est pas bonne pour les enfants, ils ne savent pas encore choisir. Bien sûr, on peut leur apprendre à apprendre à choisir, mais ces adultes-là qui entreprendraient un tel apprentissage devraient être eux-mêmes arrivés à un certain éveil, ou tout au moins devraient tendre vers cet éveil afin de pouvoir inculquer aux plus jeunes cette même recherche, ce travail intérieur. Ceci mène à la notion d’éveil.

J’ai récemment écrit que le point d’éveil voit et résout, mais ne sait ni rien, ni tout… (voir VIII ci-dessus). Dans ce contexte, résoudre est théorique ; l’on voit la solution idéale, mais l’on ne sait pas la mettre en pratique. Car elle concernerait une totalité, et non les parties qui la composent. Il faudrait donc une solution par partie. Et revoici le labyrinthe de la condition humaine. M’éloigné-je ici du sujet ? Je ne sais…


M. Th., mis en ligne le 11 septembre 2008



N. B. : "Je sème à tout vent" = sigle du Petit Larousse


*  *  *  *  *


Liberté

Extrait de mes Variations pour songe sur un insaisissable Absolu

Libres métamorphoses


Liberté,
je peins ton nom
en toutes couleurs et valeurs
Toujours  je réponds aux appels
étant de l'entre-deux
de l'entre-multiple
Carrefour apaisé
au souffle de ma totalité
ouverte à tous chercheurs
mais fondamentalement anarchiste

Ces années me furent
chemin de croix
Je portais une croix
un carrefour
lourd de rencontres
Le déposerai-je
Verrai-je les agités
qui en tous sens couraient
s'apaiser en halte pensive
Tandis que mon pas allégé
poursuivra son poème
Mais  émus par le monde
mes investissements symboliques
y commenceront-ils un poème incarné



(2001)

*  *  *  *  *


Comédies


La « comédie humaine » se passe dans les cercles (ou spires...)
du purgatoire et de l’enfer de la « divine comédie ».


Le texte (théâtral) ci-dessous, l'ai-je  écrit dans une de ces boucles ?



Au lendemain de la prophétique soirée, Thomas reçoit un mot assez drôle qui le détend. Une artiste lui propose un sketch, entre pleurs et rires, précise-t-elle.
Sous la verve effrontée, il décèle en effet un désarroi.
Moi aussi, je vire, puisque je m’appelle… Elvire !
Si vous virez du noir au blanc, du blanc au noir, et cela visiblement, du moins pour moi qui sais lire dans les esprits les plus muets, moi je vire de la rose à l’épine, de l’épine à la rose !
L’ire d’Elvire ! C’est le titre de mon sketch, car mon dire s’y fait d’ire ! Je l’ai écrit à la pointe de l’épine trempée dans la rosée d’une candeur !
Curieux, Thomas l’invite à présenter sa pièce un jour de relâche.
Décor dépouillé : une chaise et une table sur laquelle est posé un ordinateur.
Assise face à l’écran, le visage tourné vers le public et un dictionnaire sur les genoux, Elvire pense tout haut…
Pourquoi le temps passe-t-il si vite quand on est à l’ordinateur ? Qu’aurait dit Einstein de cette relativité ? Mystère du virtuel. Une nuit, j’ai fait un rêve là-dessus, mais je l’ai oublié, il est retourné au virtuel de ma conscience !
Un silence rêveur.

J’écris, j’écris, tout en sachant que j’effacerai presque tout, ne gardant que la pensée à laquelle m’auront menée tous ces bavardages, toutes ces pages sans lesquelles cette pensée n’aurait pu éclore.
Un autre silence.
Elvire revient à son écran :
Où en étais-je ? Ah oui, je parlais de dualité, en l’occurrence celle du féminin-masculin.
Elle se tourne à nouveau vers le public :
On admet facilement que l’homme, en plus de sa masculinité spécifique, a une âme féminine appelée « anima ». Mais admet-on aussi facilement que la femme, en plus de sa féminité spécifique, a une âme masculine appelée « animus » ? La preuve de cette réticence, voire de ce refus, c’est que mon nouvel ordinateur, machine née je crois de cerveaux essentiellement masculins, ne connaît pas le mot « animus », puisqu’il le stigmatise comme il le fait pour les fautes d’orthographe. Entre parenthèses, dans mon ancien ordinateur, le détecteur d’orthographe était en panne, aussi me félicitais-je de ma bonne orthographe, certes aidée par de fréquentes vérifications au dictionnaire.
Figurez-vous que j’écris avec le dictionnaire sur les genoux ! Non plus pour vérifier l’orthographe de mots, mais pour en vérifier les différents sens.
C’est un lourd gamin, que ce Petit Robert !
Elvire prend le volume, le soulève à bout de bras au-dessus de sa tête, puis le remet sur ses cuisses.
Où en étais-je ? Ah oui, animus, anima ! Même si l’on peut arguer de l’acceptation du mot « anima » par l’ordinateur, que celui-ci a compris la troisième personne du singulier du passé simple du verbe « animer », il n’en reste pas moins que je me sens lésée. À raison ! Figurez-vous que de tendancieux et peu subtils personnages ont soupçonné, dans mes écrits, la collaboration d’une plume masculine * ! Une telle injustice me blesse et me met en colère.
Elle baisse les épaules et la tête, écrasée. Puis se redresse :
Je me suis défendue ! Mais, devant les airs de plus en plus sournois et entendus, j’ai frappé !
Elle pousse un fort et bref soupir, comme un souffle rageur.
Frappé !
Un silence, à l’affût de la réaction d’un public encore potentiel.
De tempérament pourtant posé, bien que vif, me sentant, à juste titre, en légitime défense, j’ai saisi l’encrier dont je ne me sers qu’en de rares circonstances, puisque j’écris à l’ordinateur, j’ai saisi l’encrier et en ai assommé un calomniateur !
Non tout à fait tué, évanoui, comateux peut-être, il a été transporté aux urgences, et moi emmenée au bureau de police.
Elvire se lève à l’entrée d’un commissaire imaginaire dont elle joue les répliques :
Que n’avez-vous assommé l’ordinateur qui refusait votre animus ! déplore ce commissaire.
Il aurait explosé ! répond l’accusée.
En me jugeant, vous jugez la condition féminine… Alors que c’est la masculine qui…
Je sais, l’interrompt le commissaire. Je vous comprends, mais il me faut faire mon métier. Vous avez des circonstances atténuantes…
Oh ! Une accumulation de circonstances atténuantes ! Mais, cette fois, je suis passée à l’acte, la goutte a fait déborder…
L’encrier ! l’interrompt-il à nouveau.
Bravo pour ce bon mot ! J’en oublierais presque la raison de ma présence dans votre commissariat.
Elvire se rassied devant son ordinateur :
J’ai suspendu mon androgyne plume ou, plus concrètement, mes doigts au-dessus de mon androgyne clavier.
S’adressant au public :
Il y a longtemps que j’ai envie de me défouler, de commettre, en imagination, un crime passionnel sur qui, ou sur ce qui, veut tuer, ne fût-ce que partiellement, l’écrivain que je suis.
Ma pièce est-elle un jeu très sérieux pour réhabiliter entièrement les Droits de la femme, égaux à ceux de l’homme ? L’on arguera que le h du second est majuscule, signifiant l’Humain : les Droits de l’Humain. Mais auditivement, le malentendu persiste.
Elle efface une partie de ce qu’elle vient d’écrire :
Voilà, ne sachant choisir entre évanoui et tué, j’ai effacé ma fiction incertaine. De toute façon, ma plume ne pourrait ni ne voudrait tuer ! D’autre part, je sais le piège de l’androgyne : c’est une vue de l’esprit qui ne se laisse pas mettre en équation. Parfois seulement, cette vue permet de dessiner un équilibre, mais le plus souvent, elle mène à d’insolubles paradoxes au sein desquels la moindre contradiction et surtout autocontradiction est un casse-tête plus que chinois : universel ! La femme s’y ridiculise, qui, en se défendant, se condamne. Est-ce pour tout cela que longtemps la femme s’est tue ? se méfiant des pièges d’une impossible démonstration. Mais ce silence élaborait une pensée tout intuitive où la seule raison perdait. Ces élaborations pourraient être comparées aux dessins géométriques et abstraits imposés jadis aux artistes d’ailleurs qui ne pouvaient représenter de visages, surtout pas celui de Dieu. Est-ce un hasard que l’émancipation artistique de la femme corresponde à l’art abstrait ?



(2005, extrait de : L'âme dénouée)


* P. S. : ... ou d'une plume féminine : parlant de féminin / masculin, j'ai voulu " simplifier pour prouver " !



*  *  *  *  *


Extraits de mes Variations pour songe
sur un insaisissable Absolu (2001)

À l'humeur massacrante d'hier
succède l'humeur ressuscitante
Après mardi-gras
mercredi des cendres
et après les cendres
le réveil du phénix !
(…)

Recherche de quel sens
agile et muable
tel un serpent de savoir ?
Sens des métamorphoses
proche de celui de l'humour
de l'esprit finement poétique
au plus fort d'un androgyne désir


Mon amour
aux doigts de lys
sur la peau chaude de ton âme
affleurant à ton dos
Ailes lovées encore


Et ton soleil
au plexus de mon ombre

où brille la rose des matins



*


Vertigineuse et spatiale écoute

Écouter l’écoute


Extrait de mon journal :


30 septembre 2008, matin :

Hier soir, pour la deuxième fois de ma vie, j’ai été interviewée en direct par une aimable Radio. Occasion de me rappeler ce que j’ai vécu lors de la première. Je l’ai, par la suite, exprimé fictivement dans mon conte : La Source d’Incandescence *.
Cette fois-là, j’avais perçu l’écoute des auditeurs.
Leur écoute emplissait mon propre espace auditif au point que, au lieu de parler, de répondre aux questions qui m’étaient posées, je l’aurais simplement écoutée.
Écouter l’écoute.
Mes oreilles répondant à de multiples oreilles.
Dialoguer par l’ouïe.
Entendre cet espace circulant ou stagnant entre les êtres.
Espace véhiculant l’indicible, ou le désir d’une communion parfaite entre les êtres imparfaits que nous sommes.
Voilà peut-être pourquoi je suis potentiellement musicienne.




* La Source d'Incandescence, extrait, 2002 (et avant) :

Dans le cauchemar collectif, les espaces entre les éléments cosmiques, les planètes en l'occurrence, étaient fermés, cloisonnés comme l'avait exprimé une danseuse. Cloisonnés par un silence. Malgré sa proximité, la planète blanche glissait sans aucun son. Peut-être ce silence veloutait-il son passage, comme la neige feutre les bruits ?


D'abord, les plaines oniriques avaient été vaste seuil, ouverture d'un souvenir de musique, souvenir bientôt évanoui.


La foule écoutait-elle ? Elle avait été un moment rassurée par les dynamiques visions de l'oratrice, mais, ensuite, celle-ci s'était tue, prise à son tour dans l'indicible et sourde angoisse.


Nulle écoute possible, l'espace ne véhiculant plus de son. Les langues de feu de la Pentecôte y auraient-elles été figées, transformées en cristaux effilés, en fossiles de lumière ?


Si l'immense écoute ouvre un vide vertigineux et noir qui saisit et irréversiblement propulse l'oratrice dans la responsabilité de la parole, l'inverse ferme ce vertige de communication, coupe le lien spirituel. Quand l'esprit est bloqué, c'est l'enfer ! La foule était en enfer.


Mais le silence peut être écoute, écoute de l'écoute, pure et dépouillée perception reliant l'oratrice aux auditeurs. Lien spatial où ce silence devient parole.


Dans l'apesanteur de l'écoute chute le poids des paroles. À quelle aimantation répondent-elles ? À quelle fin ? À la dernière page, à la conclusion, de quel livre oral et messager?


Écoute dont la suspension est animée de l'intérieur tel l'espace cosmique.


Écoute émouvante de fraîcheur, prête à une enfantine éclosion. Oreilles en fleurs !


Il n'y avait pas d'enfants dans la foule du cauchemar.


Dans l'angoisse, les enfants vieillissent vite. Mais l'enfance reste tapie au cœur d'une bille.



. . . . . . . . . .


Et un poème écrit ce 30 septembre 08 :



Les sillons nocturnes se déplient
De jour en jour
s’éclaircit la nuit

Trop secrète  l’Incandescence
risquerait d’étouffer
sous un boisseau devenu lourd

La poésie est paradoxe
mouvant
Sans figement

D’où son insaisissable



. . . . . . . . . .



Et une lettre ouverte écrite ce même 30 septembre 08 :


Au-delà des Jardins, ma transparence

En 1993, j’écrivis un récit sans doute maladroit : Au-delà des Jardins, qui ne trouva pas d’éditeur.

J’en prélevai, par la suite, quelques bribes tournant spécialement autour de mon fonctionnement créatif, bribes destinées à compléter mes Verbes-Oriflammes, ce livre sans genre précis que Luce Wilquin accepta de publier en 1995.

Auparavant, assistant, au Grenier Jane Tony, à la présentation d’un poète par Luc Norin, je fus touchée par la sensibilité de la critique, si proche de la mienne, à tel point qu’un élan me propulsa vers elle et me fit lui demander une préface pour mon manuscrit !

Nous ne nous connaissions pas, mais elle me répondit amicalement et en me tutoyant : S’il me plaît, d’accord ; sinon, je te le dirai franchement.

Elle lut mon manuscrit – peu après publié tel quel, évidemment – et en regarda les reproductions plastiques.

Après une conversation autour de mes goûts et de ma créativité, elle rédigea une préface qui me combla de joie : je me sentais bien comprise !

Le même scénario s’était déjà déroulé en 1993 pour mon conte : Un Voyage ou Journal d’un peintre, que préfaça Michel Joiret.

Luce Wilquin le publia également tel quel.

À nouveau, une grande admiration m’envahit devant une aussi fine présentation.

Pour les remercier, j’offris à Luc et à Michel une marine imaginaire : aquarelle pour l’une, acrylique pour l’autre.

En automne 1995, je me retrouvais donc avec un récit en attente...

Quand soudain un événement me fit basculer dans une lucidité nouvelle…

Frappée un soir en plein cœur par un éclair véritablement mythologique, je vis ce que ce texte pouvait devenir…

Un roman épistolaire ! Adressé à un homme idéal !

Dans la nuit qui suivit, en quelques heures, plus que jamais éveillée devant mon ordinateur, je transformai l’Au-delà des Jardins en Maître d’Or, publié encore chez Luce Wilquin – en 1996.

Les destinataires de lettres sont des maîtres en ce sens que les épistolières se sentent portées par l'espoir d'une attention des premiers.

Jamais deux sans trois. J’allais ensuite demander une autre préface...

Jacques De Decker accepta d’écrire une introduction à ma pièce de théâtre : Le Mystère de Sonia D’Ombrelaine, qui parut aussi telle quelle, en 2000, aux Éditions Caractères.

Plus que jamais j’étais ravie !

Pourrais-je ici redire l’avant-dernière phrase de mon récit de 1993 :

Je suis restée une enfant, je le serai toujours…

La dernière phrase étant :

Et cette idée, enfin acceptée, me donne un tel bonheur…





P. S. : Au point où j'en suis dans mes confidences, j'ajouterai que Gérard Adam, mon écrivain de mari, et moi, écrivain aussi, écrivons séparément. Ceci pour répondre une fois pour toutes à certaines questions. Je ne sais si mon besoin de transparence est excessif, il m'est en tous cas devenu vital.



  M. Th., mis en ligne le 30 septembre 2008



*


" Parler vrai ",  Françoise Dolto



1° octobre 2008, entre midi et midi 30 :


Ma lettre ouverte d'hier m'a soulagée ! Ouf ! Je respire mieux !

Oui, dans la mesure où je n'ai pas de profession, comme celles de médecin, enseignant, journaliste, ou autre, il m'est peu à peu, insidieusement dirais-je, devenu impérieux de voir acceptés mes métiers et mérites de peintre et d'écrivain.

Beaucoup de gens, braves par ailleurs, ne prennent au sérieux un créateur qu'à partir du moment où il vend ses œuvres. Vendre signifiant, pour eux, avoir de la... valeur !

Autant dire que la plupart des artistes (peintres, écrivains, etc.) se sentent, en ces temps de plus en plus matérialistes et problématiques (l'Art n'est certes plus une " priorité "), maudits.

Ils en souffrent, même si, au moment de la création, ils oublient et relativisent leur existentiel chagrin, entièrement habités par cette expression essentielle qu'est l'Art en ses différentes formes : peinture, sculpture, architecture, danse, musique, littérature, cinéma, B.D.

Il m'est donc devenu impérieux d'être justement reconnue dans mes mérites, dans ce que je suis et fais, c'est-à-dire dans mes œuvres plastiques et dans mes livres que j'ai toutes et tous formulé(e)s (c'est-à-dire écrits et peintes ou dessinées), composé(e)s, structuré(e)s, selon mon idée cheminante. Au risque, évidemment, d'inégalités.

Puissent mes confidences réconforter d'autres créateurs qui vivraient, sans oser l'avouer, ce genre si pas d'effondrements, du moins de fêlures fragilisantes.

Ah ! Il faut veiller à ne pas tomber quand la brisure menace !

Mais cette vigilance nous apporte au fil, sur le fil, de notre allée un équilibre proportionnel à notre sensibilité hyper ou aiguë.



M. Th.
, mis en ligne le 1° octobre 2008


*


Genèse de ma nouvelle :
Une large Famille *



2 octobre 2008 :


Comment m’est venue l’idée de cette large famille ?

Premièrement, je me suis toujours sentie familialement concernée par la guerre. En témoignent quelques textes reproduits ci-dessus (Oma, …).

Deuxièmement, ayant, en décembre 2006, évoqué dans une autre nouvelle : Une Suite mouvante *, quatre générations féminines (arrière-grand-mère, grand-mère, mère, fille), j’imaginai tout logiquement, un mois plus tard soit en janvier 2007, quatre générations masculines.
Ainsi naquit ma large Famille.

Troisièmement, j’ai sciemment été influencée par la lecture, en septembre 2006, du magistralissime roman de Jean Giraudoux : « Bella ».

Magistral quant au style foisonnant et humainement nuancé, et quant à l’élégant recul d’un humour nourri d’érudition.

Les délicieux oncles savants du narrateur m’ont consciemment inspiré l’arrière-grand-père, le grand-père et le père de ma nouvelle : Une large Famille.

Pourquoi avoir lu ce roman il y a un peu plus de deux ans ?

Après que quelqu’un eut comparé mon théâtre à celui de Jean Giraudoux (toutes proportions gardées sans doute ! lui avais-je alors répondu, sans oser lui avouer que je n’avais lu – puis oublié – qu’une seule de ses pièces : « La Folle de Chaillot », du temps de l’école), je me fis un devoir d’emprunter à la bibliothèque de la Bellone à Bruxelles quelques unes de ses pièces puis d’en acheter d’autres ainsi que ce roman.
Soudain, à propos de rien, j’ai donc eu envie de lire « Bella ».
En voici quelques extraits qui feront comprendre combien je me suis sentie en affinité avec cet esprit, même si, à l’inverse de lui, je ne crois pas au Néant, mais à l’Être.

« Mes oncles aimaient voir la jeunesse, l’espièglerie, l’entêtement crier et gesticuler chez nous avec le timbre de voix et les gestes des plus grands hommes. Leur esprit de recherche et de découverte baignait dans cette jeunesse géniale. Cette danse devant l’arche scientifique qu’ils portaient, ils aimaient la voir exécuter par les pages de la science, et installaient des dancings dans le laboratoire. »

« Nous avions aussi des visites moins agréables. C’étaient des curieux, qui (…) entraient avec précaution dans cette cathédrale invisible, examinaient chaque tête de mes oncles comme un chapiteau, comme un chapiteau d’un style futur, du trentième, du cinquantième siècle (…). C’étaient ceux encore que la société déconcertait ou réprouvait, et qui se réfugiaient en vertu du droit d’asile dans un des rares points de l’univers où mouraient les préjugés (…). Souvent aussi c’étaient des espions, car certains jugeaient indispensable d’espionner la clarté ; (…). Mais souvent la sérénité de mes oncles les déconcertait. (…) Mais, dès que le problème se posait devant eux sous la forme d’un homme, ils oubliaient que cet homme était la personnification de cette humanité qu’ils connaissaient pour vile, ils le traitaient en lui supposant toutes les qualités qu’ils estimaient le plus, ils le traitaient non comme s’il était nouvellement arrivé à Argenton, mais bien nouvellement créé (…) et parfois l’un de ces espions était conquis.
»


–  –  –  –


Si j'ai confié ici l'origine de ma nouvelle : Une large Famille, c'est que je n'avais encore jamais écrit à partir de "modèles" romanesques (les oncles savants), et cela aussi pragmatiquement.

Autre chose est mon inspiration fécondée par quelques pensées : de Paul Valéry, de Saint Augustin, de Saint-John Perse, de Victor Hugo...

La "cathédrale invisible" dont parle Giraudoux m'a émue, car moi-même j'en avais, longtemps avant d'en découvrir une version ou une forme dans "Bella", rêvé puis écrit**.

Qui sait, la pensée de Jean Giraudoux fut peut-être – comme la mienne il y a entre vingt et trente ans – interpellée et nourrie par celle visionnaire de Victor Hugo dans "Notre-Dame de Paris" – à propos de la Pensée, justement. Cette vision ou intuition hugolienne, je l'ai, à ma façon, développée dans plusieurs de mes ouvrages**.



* Voir mon recueil : T l i m i a s l o
** Notamment dans mon conte: La Musique promise


M. Th., mis en ligne le 2 octobre 2008



*

Genèse de mon présent site
Une collaboration



3 octobre 2008, matin :


Un jour, j’exprimai à mon mari mon souhait d’avoir un site.

Peu après, il m’en montra un projet : une structure* détaillée avec des premiers commentaires, ceux-ci basés sur mes dires.

Il y avait reproduit un de mes autoportraits, celui où j’invite au silence.
J’en ajoutai deux autres, pour faire un triptyque.

Il me restait encore à choisir, pour les reproduire, quelques unes de mes œuvres plastiques ainsi que des extraits de critiques et de mes livres.

Gérard avait eu la jolie idée de mettre, en guise de boutons, six de mes tableaux (voir page "Accueil") et quatre de mes mandalas (voir page "L’écrivain").

Nous avons ainsi collaboré.

Au début, c’est lui qui mettait en ligne. Depuis, il m’a montré comment le faire. (Le scannage d'images excepté).
Il sait toute ma reconnaissance.


Gérard, si tu vas sur mon site à "Extraits", tu trouveras peut-être
mes confidences superflues, étant moins "compliqué" (je veux dire : moins inquiet) que moi. Mais, mariés depuis 41 ans, nous acceptons mutuellement nos différences.


M. Th., mis en ligne le 3 octobre 2008

* P. S., 6 novembre 2008 :

Il va de soi que la présente rubrique "Extraits" – ainsi que celle "Événements" –, je l'ai moi-même structurée, commençant par ma petite enfance, à l'âge (2 ans 1/2, soit avant 3 ans) où psychologiquement tout "se jouerait".
Je puis aussi y parler de moi à la 3ème personne du singulier.



*


René Magritte
Ceci n'est pas un mur



4 octobre 2008 :


Contrairement aux bâtiments emballés et donc enfermés par Christo, le Musée d'Art Moderne à Bruxelles voit, depuis cet été, ses murs s'ouvrir sous et sur une toile reproduisant à grande échelle l'intimiste "Empire des Lumières".

L'an prochain, "Art Moderne" et "Magritte" deviendront synonymes, puisque le Musée d'Art Moderne s'appellera le Musée Magritte. Le Musée d'Art Magritte.

En 1986, j'écrivis un texte qui rejoignait un peu cet esprit. Il ne me fut pas inspiré par des tableaux de Magritte, mais par ma propre expérience, la façade en destruction ou en construction dont je parlais m'ayant réellement interpellée. Par contre, la jeune fille était imaginaire.

Comme j'ai pu, à une certaine époque de ma vie, avoir la sensation visuelle de la réalité concrète et matérielle peinte au pinceau autour de moi. Cocon ?

Voici ce texte *, où je parlais de moi au masculin !


Depuis plusieurs années déjà, j'ai fait un sacrifice en abandonnant la figure humaine. Ce fut une ascèse. À présent, je ne perçois plus le monde que sous une forme "abstraite". Il me semblait avoir déposé les armes, me retrouvant neuf et innocent. La couleur du ciel, ou plutôt sa valeur dans notre climat, me parlait. Blanc, gris, noir. Les gris argent, les gris de plomb. De mercure. La mer du Nord aux gris multiples. Un velours gris perle, dans une vitrine, me tentait. Je peignais les jeux sensuels de la lumière dans le tissu moelleux. Me passionnant bientôt pour toutes les matières. L'écorce d'un bouleau... Comme un enfant découvre ce qui est doux, rugueux, j'explorais ces sensations et les peignais. Les plus sensibles reconnaissaient les "matières premières" de mes compositions abstraites. Les autres demandaient : "Qu'est-ce ?" Ce qui m'entourait, murs, plafond, portes,..., me semblait appartenir à un tableau géant, aux coups de pinceau visibles, comme dans ces fonds de Rembrandt, Daumier, et autres. La Réalité matérielle qui nous porte et nous entoure, devenait Image. Comme, inversement, l'Image abstraite du velours se concrétisait sur mes toiles.

Je vivais dans l'Image, et m'y sentais protégé.

Un jour, une vitre reflétant le ciel m'intrigua. Avec stupeur, je m'aperçus que le ciel était derrière elle... Il ne restait que la façade d'un immeuble en pleine destruction. La fenêtre à côté était ouverte sur l'éther. Un vertige me prit. Une jeune fille s'écria : "C'est surréaliste... C'est beau !". Trouvait-elle cela "beau" car elle admirait Magritte ? C'est vrai que le ciel, bleu cet après-midi, avec quelques légers nuages, pouvait paraître extra-ordinaire derrière ces fenêtres isolées de leur contexte de maison. Curieusement, un sentiment de solitude m'envahit. Mon nid était menacé. La fille à mes côtés me parut sincère ; ses yeux, "surréalistes"... Bien que je ne fisse plus de portrait, je lui demandai de poser. Méfiante, elle s'en alla. Mieux que si elle eût été présente, je peignis son regard.

Cette fenêtre renfermant le ciel me donna envie de voyager...
(...)

"Être, ou ne pas être...". Bien sûr ! C'est de toute éternité la question des artistes. 



* 1986, extrait de mon recueil de contes et poèmes :
L'Ombre de Dieu,
Trois vies, et plus..., Une quatrième raconte...



M. Th., mis en ligne le 4 octobre 2008


*

La perplexité d'une enfant responsable


 

6 et 7 octobre 2008:

À la fois folle et sage, mon expression semble susciter autour de moi moult réactions.

Dès lors, étant restée une enfant, je me permettrai de citer Victor Hugo :

"Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille s'élargit".

Je citerai aussi, de nouveau, un passage perplexe de ma portée d'exil :

Point de mire ? Pilori ?

Si point de mire je suis, ma situation ne me monte pas à la tête, mais au cœur...

Au cœur de ma tête !


Et Hans Christian Andersen, du nirvana déontologique des artistes, protège les "vilains petits canards" candides et honnêtes.



M. Th.
, mis en ligne les 6 et 7 octobre 2008



–  –  –  –



Quelle Histoire ... !
L'on n'y reviendra jamais assez


5 et 6 octobre 2008 (titre : 8 octobre) :


Maman a 94 ans.

Depuis que Papa est décédé, en 2002, elle éprouve un immense besoin de nous parler, à ma grande sœur et à moi, de sa jeunesse et en particulier de la guerre.

C’est donc surtout pour elle que je reproduis la photo ci-dessous.

Ainsi que, d'abord, celle de la famille de mon père.

Celle-ci, à cette date, était incomplète, mon grand-père paternel étant au front et le cinquième enfant n’étant pas encore né.



famille paternelle

Liège, 1917
Ma grand-mère paternelle, qui était couturière et tailleur,
avec ses quatre premiers enfants.
Mon grand-père était alors à la guerre, comme brancardier.
En temps de paix, il avait été musicien militaire (trombone).
Un cinquième et dernier enfant allait naître en décembre 1919.
Papa (4 ans) est en blanc. Oncle Louis, à droite,
allait être résistant à la guerre suivante.


*



famille maternelle

Schoppen, 1934
Noces d’argent de mes grands-parents maternels,
Quirin Michels et Maria Schöpges.
Opa, Oma et leurs quinze enfants.
Longtemps, Opa a été échevin.
Et il jouait, d'oreille, sur un petit harmonium.
Maman (20 ans) est la deuxième à partir de la gauche,
au 2° rang, avec une cravate.




Une classe

Un de mes oncles maternels demanda un jour à Opa, son père :

Pourquoi as-tu fait tant d’enfants ?

Opa lui répondit :

Mais c’est Oma qui les a tous voulus ! Elle voulait tous les enfants que Dieu nous donnerait.

Le curé en est, en quelque sorte, idéologiquement le « père », en déduisit le questionneur.

Ne s’agissait-il pas d’autre chose ? Ma mère m’a confié qu’Oma, dans sa jeunesse, avait ardemment souhaité devenir institutrice. Mais, à l’époque et dans cette région de l’Est (alors allemande), une jeune fille qui voulait se marier ne pouvait exercer cette profession. Or, Oma aimait Opa. Elle eut donc, en plus d’une famille, une classe.

Oma me donna un jour un conseil (je devais avoir entre dix et douze ans), dans son langage mimé puisqu'elle ne connaissait que trois ou quatre mots de français, dont "froid" :

Quand on a froid, il ne faut pas se recroqueviller, mais au contraire se tenir bien droite.

Cet état d'esprit n'a jamais cessé de m'accompagner.


 
M. Th., mis en ligne le 6 octobre 2008

*


L’aile florale

Chant de la convalescente





Insoucieux
rêve le lys des champs

Si les champs deviennent de bataille,
le lys meurt
son rêve demeure

*

Du lys  dirai-je
la mort ?
ou le rêve ?

La bataille ?
ou la fleur idéale ?

Choix poétique ?
La poésie n’est pas désertion
Le rêve est aussi compassion

 
*

Sur des champs de bataille
les fleurs sont piétinées
y compris les pensées
Et ils sont tous bottés
d'un côté comme de l'autre
Moi  je porte les sandales légères
du rêve

L’impact de mon pas aérien

*

Si je me replie dans l'entre-deux,
je rayonne dans l'entre-multiple

mes tenaces et résistantes
pensées

le combat de mon rêve

*

La gestation interrogative
accouche d’un passé
La question est future

*

Il est un sombre chagrin
aux larmes lumineuses

Nul lucimètre
ne peut les mesurer

sauf un chant





2004, extraits de mon âme dénouée, L'aile florale

 
M. Th., mis en ligne le 8 octobre 2008




*


Pour un dialogue ouvert

à François Schuiten et à Benoît Peeters,
des extraits de trois de mes œuvres
en esprit avec l'interview mise en ligne ce jour
par "LE SOIR", à propos de leur

"Théorie du grain de sable"
 

Quel dépôt du Temps ?
Quelque chose serait bu et passé
Mais le dépôt est limbes flous
d'un univers à venir
Telles des traînées de sable pâle
quand la mer se retire
C'était la mer à boire !

La mer avalée,
un grain de sable oublié
fait-il grincer des dents ?


(2004, L'infrangible vision)


–  –  –  –

Tout se tient. Il ne se passe rien qui ne se répercute.

(1999, D'Oracles)



–  –  –  –

Ceci est une fiction



La comtesse Du Nivers (à Monsieur Bontemps) :
Si vous ne faites pas l'unité de temps de cette pièce, vous y faites l'union des temps.

Le comte Du Nivers :
Pas d'unité d'action, disait le bouffon, pas d'action. Donc pas d'histoire.

La princesse :
Est-ce l'action qui fait l'histoire ?

La reine :
Une histoire est composée de causes à effets, et ces effets sont causes à leur tour. Ils s'enchaînent. Ainsi, la chaîne forme une histoire, nette pour certains. Pour notre entendement, elle est embrouillée, pleine de nœuds. Même si l'un ou l'autre maillon nous apparaît précis. Nous n'avons pas la naïve prétention de donner un sens à des éléments épars.

Pasoumal :
Cette pièce est une pièce d'un puzzle qui nous échappe ?

Le roi :
Peut-être.

Le bouffon (songeur) :
Incompatibilité entre histoire et folie ? L'absence d'histoire, c'est l'errance ?

La comtesse Du Nivers (légère) :
Les fous heureux n'ont pas d'histoire !

Le comte Du Nivers (lourd) :
Sommes-nous heureux ?

Le bouffon (obstiné) :
L'absence d'histoire, c'est l'errance ?

Monsieur Bontemps :
Absence de structure.

La princesse :
Stucture ? Struc-ture ! Quel mot ! Onomatopée de quoi ? C'est plein d'angles, de raideurs.

Le roi :
Nous manquons d'organisation, certes.

Le comte Du Nivers :
Sans organisation, la folie n'est pas de la paranoïa.

Monsieur Maltemps :
Quelle est votre folie ?

Pasoumal :
Sommes-nous vraiment fous, à la fin ?

La reine :
Nous sommes partiellement amnésiques. Voilà notre problème.

Le comte Du Nivers :
À un certain point, l'amnésie devient-elle ignorance ?

La reine :
Elle est une terrible blessure. Contrairement au tableau d'un peintre surréaliste*, ce n'est pas la mémoire qui est blessure, c'est l'oubli.

La comtesse Du Nivers :
Mais le souvenir blesse aussi, parfois insoutenable. On peut le refouler pour ne pas en souffrir. Ce serait un analgésique oubli.

Monsieur Maltemps :
Qu'auriez-vous refoulé ?


(2001, Originaël)

* Magritte, "La Mémoire"

M. Th., mis en ligne le 8 octobre 2008, après-midi


 

*

Envol

L'autre nuit, j'ai rêvé que j'étais perdue... Oubliés, le lieu à quitter et celui à trouver... Une amnésie pareille à celle de somnambules qui cherchent la sortie ou l'entrée... Et personne, personne, autour de moi pour m'orienter... Je me suis réveillée, à moitié réveillée, réalisant combien toute ma vie diurne la plupart du temps longe la lisière des nuits... Un pied dans le passé, un pied dans le présent du jour... Le passé où ma vie se mêle à celle de ma mère, à celle de mes aïeux, à celle d'autres pays (...) Mes réveils matinaux vibrent parfois de ces promesses... Certains jours, avant de me lever, je puis percevoir, par-delà mes rideaux fermés, et au travers de la ville, des horizons tremblants, tout vibrants de rumeurs légères. Les bruissements du jour dépliant duvets et plumes... Un envol contenu qui s'ouvre doucement... Je couve cet envol, et le suis à la fois... Mais le matin dont je vous ai d'abord parlé ne détenait pas de promesse, aucune palpitation d'avenir... Ces différents réveils, maintenant que je vous en parle, me semblent reliés par un pont... Comment vous expliquer ma vision ? Les sages pleurent. Les fous aussi, pour les mêmes raisons...

(1999 et avant, Foyer)
Les yeux bandés
1998, Les yeux bandés
(Déjà reproduit dans : La Grâce)



M. Th., mis en ligne le 9 octobre 2008, matin



*

Comprendre sa connaissance



9 octobre 2008 :




(...) Médium ? Ici se pose la question de l’inspiration des artistes.
Cependant, même s'ils sont inspiré(e)s par un espace et un temps et des âmes autres que les leurs, ils les perçoivent avec ce qu’ils sont. Dès lors, on ne mettra pas de guillemets à leur expression artistique, car elle serait celle de la connaissance, au sens de :
« Connais-toi toi-même, et tu connaîtras le monde et les dieux » (Ici, voir ou revoir, dans certains de mes livres, mes définitions des dieux).
Une connaissance créative.

À cette connaissance, si l’on ajoute une empathie naturelle, on comprendra l'animisme.
Et, dans tout cela, Dieu serait Être (intrinsèque).



Ceci me ramène à mon journal d’il y a un mois (10 septembre), où j’écrivais en substance :

(…) À ce propos, la pensée de Paul Valéry (« La suite de la vie psychique, si on l'enregistrait, montrerait une incohérence... parfaite ») rejoindrait l’idée de Lacan sur l’inconscient « structuré ».
La « perfection » du premier résiderait dans la « structure » du second.
Moi aussi, je pense que chaque inconscient a sa propre structure – élaborée à partir de son histoire et de la manière de ressentir celle-ci ; et que, tous les inconscients du monde ayant des structures différentes, ils ne s’emboîtent pas toujours bien et font alors plus que des étincelles : des guerres (... "du Feu" ! Prométhée...) ; et que nous sommes des marionnettes aux fils tirés par notre propre inconscient et tiraillés (voire brouillés ou noués) par des inconscients plus collectifs (je veux dire ici : plus généralisés), et certes encore par nos propres contradictions !

C’est pourquoi je ne voudrais pas apprendre à d’autres à écrire (Ateliers d’écriture), surtout de la poésie... Pour ne pas (malgré moi) imposer la structure de mon inconscient. Car cette structure détermine la sensibilité personnelle, donc originale.


9 octobre :

(...) À mon sens, l’on ne peut cloisonner poésie et prise de conscience = pensée.
En d’autres termes : rêve et réalité.
C’est pourquoi les tyrans ou dictateurs se méfient des poètes, qui disent (Guy Béart !) la vérité sans (tout à fait) le réaliser.
Pareils à l’Ange de Valéry, les poètes connaissent sans comprendre.

"Se connaître" signifiant "connaître le monde" (entre autres), les poètes qui se regarderont en face s’assumeront et diront à l’instar de Saint-John Perse :
« Monstre, te revoici », ou quelque chose d’équivalent.
Mais – je le répète, voir en soi le potentiel du mal ne signifie pas qu’on est un tyran, ni qu’on le deviendra. Je n'oublie certes pas que des circonstances malheureuses peuvent dramatiquement déséquilibrer ; Sœur Emmanuelle ne dit-elle pas, il y a des années, à la télé : Si je n'avais rien d'autre à boire que du mauvais alcool, moi aussi je pourrais tuer !

Autre question : Connaît-on d’autant mieux le monde que l’on est empathique ?

Cette connaissance = un éveil (il en est d’autres, qui consistent à comprendre) ; dans tous les cas, l'éveil n’est jamais acquis.

« On est peu de chose », disait mon père avant de mourir.
Je lui répondais : Peu et beaucoup.

Aujourd'hui, je me demande : Beaucoup = tous les autres ?
Moi, l’invétérée individualiste, j’en prendrais un sacré coup !
Mais par : beaucoup, j’entendais l’âme.
Or, celle-ci mène à la communion.
Au partage.
D'où mon site mouvant, qui est peut-être un désert.
Heureusement, IL Y A LES OISEAUX, pour ne pas m'enliser.


–  –  –  –


La visée des paraboles
serait-elle suscitation de joutes ?
Réveil des mentales inerties
Spirituelle vivacité
À la multiplicité créatrice
de chemins personnels
Manne tombée du ciel,
l'image donne à chacun
ce dont il a besoin
Je marche avec appétit
et je vais au pas délié
de ma soif
La poésie nourrit l'âme
ébranle la pensée
Je dis pensée et non raison
quoique le risque de perdre celle-ci
en vaille la chandelle
la lumière !
Risque et lumière sont Poésie
Mais l'Art est le meilleur conducteur
de l'électricité créatrice
Que risquait la parole première ?
Tout !
Qui ne risque rien est mort
Défendre la poésie de la menace
du silence
S'apaise mon angoisse
au souvenir de Jean l'évangéliste
Au coeur de la parole
il posa la vie
Dans ma parole explose la vie
et dans ma vie explose la parole
car alentour
menacent des ténèbres
dépourvues des six sens
Et me blessent
Le monde a perdu l'Intuition


S'opposer pour se poser ?
Un ange combat
pour se poser en ce monde
après avoir  de ses ailes  remué tout un ciel


Ma lumière bavarde
jaillit dans le désert
puis creuse et nourrit
un val fleuri
Repose et suspend
son déferlement
au nid ombreux de grottes

Mais  les roses
la vallée  trop souvent  les prend mal
À pleines mains  elle s'y blesse
et n'en retient qu'épines
larmes


Lui qui a lui au coeur de ma vie
M'a ravie
Enlevée par l'Oiseau de l'Esprit
en tension saisissante
Puis Il m'a présenté ce monde
en un inoubliable geste
Son bras ouvert tel celui d'un semeur
ou telle une aile généreuse



(2001 - 2003, extraits de mon recueil : Plein cintre d'arc-en-ciel)


M. Th., mis en ligne le 9 octobre 2008, après-midi



*

Un lumineux "Écran Total"



10 octobre 2008 :

Depuis le 27 août de cette année, j'ai envie de confier à mon journal le bonheur total que m'a apporté un film à tous points de vue génial.

Le cinéma "L'Arenberg" à Bruxelles, offrait ce jour-là "SAFETY LAST !", une comédie philosophique de Fred Newmeyer et Sam Taylor. En français, le titre a été traduit par : "Monte là-dessus !". Film dit "muet", mais qui est tant parlant !

Je n'ai pas ici l'intention d'en faire une critique, ce n'est pas mon métier. Aussi recommanderai-je celle de
Jacques Lourcelles, parue l'été passé dans le programme de "L'Écran Total". Elle m'a interpellée de par son esprit proche du mien : dès qu'il est question de contraires, mon attention s'éveille. Je ne la reproduirai pas, puisque j'ai récemment appris que la reproduction de textes demande des droits financiers, ce qui est tout à fait compréhensible. En ce qui me concerne, si l'on me reproduisait à mon insu, je souhaiterais que mon nom soit cité. Élémentaire.

Si j'évoque ce film, c'est pour sa fin, sa fin qui m'a émue aux larmes.
Le dénouement m'est apparu comme le Paradis de Dante...
Béatrice, tout en haut, après une ascension où les épreuves diaboliques prennent, entre autres, la forme d'une souris agaçante.

Une divine "comédie" où fusionnent amour et humour.
Larmes et rire savamment mêlés.




Et une voix qui reste en moi


Le rapport de ce qui va suivre avec ce qui précède est fortuit. Car il s'agit d'une des publicités passées avant tous les films de "L'Écran Total", cet été.
Je le précise parce que, dans cette pub., deux drôles petites vaches "montent là-dessus", en l'occurrence sur le couvercle d'un pot de crème glacée généreusement rempli qui risque de déborder et déborde.

Pourquoi me revient régulièrement la voix de l'acteur qui accompagne ce petit scénario gourmand ?

Indépendamment des paroles et des images, pourquoi cette voix provoque-t-elle en moi un intérêt un peu inquiet, presque maternel ?

Parce que cette voix pourrait jouer Shakespeare ? Un suave bouffon, par exemple.

J'aimerais l'entendre s'arracher de la rue et des marchands de glaces (bien agréables, par ailleurs), et monter, tel le héros de "Safety Last !", sur des planches idéales.

À tout hasard.

J'aurais pu écrire une fiction à partir de ceci, mais, comme je l'ai exprimé en 2004 ou en 2005 dans mon recueil : La source est mère d'océan, il peut arriver que ma parallèle traverse le monde. J'ai cette fois envie de savoir si les éventuels points de rencontres sont les fruits de mes projections un peu folles c'est-à-dire de mon esprit théâtralisant, ou correspondent à une réalité autre que la seule mienne.



M. Th., mis en ligne le 10 octobre 2008, après-midi



*


Mes Dieux retombent toujours
sur leurs pattes



11 octobre 2008 :


Chers Animaux, qui offrez aux Humains limités de multiples fables !

Ici, la souris agace. Là, elle sauve un lion.
*


* La Fontaine, « Le Lion et le Rat »


–  –  –  –


Pour faire du théâtre, « il suffit de dialoguer avec soi-même », disait Giraudoux.
Du théâtre, ou tout autre genre littéraire.

Ainsi, dans mon âme dénouée, la convalescente – dont le chant est en partie ci-dessus reproduit – et sa thérapeute Albine sont deux aspects de moi-même.

Albine réapparaît dans un autre de mes livres…
À propos de celui-ci, j’ai confié dans une lettre :
(…) Je parlerais aussi d'une "mise en abyme" spontanée – une œuvre dans une œuvre. (…) Par exemple, dans : Mon beau Cygne perlé, je mets en abyme Albine, laquelle met en abyme Philipp et les autres personnages, et je passe d'un "abyme" à l'autre. Mais cela n'est pas planifié consciemment, et se construit au fur et à mesure de l'écriture.



–  –  –  –


Chers Dieux, qui offrez aux Humains limités de multiples mythes !


M. Th., mis en ligne le 11 octobre 2008, après-midi



*
 
Mon écriture
Une incessante autocritique

 12 octobre 2008 (et mars 2008) :



Avoir reproduit ci-dessus des photos de ma famille, me pousse à dire quelques mots sur le récit-journal que j’ai, quotidiennement, tenu en 2002 à la mort de mon père.

Je l’ai publié tel quel, sauf que, en 2003 (après l’évasif refus de deux éditeurs), je le relus et l’élaguai très peu, supprimant deux ou trois paragraphes inutiles ou trop répétitifs ; j’y ajoutai aussi une ou deux phrases pour mieux nuancer tel ou tel propos.

Tel quel, il pouvait être en effet publié, car sans cesse mon recul « stylistique » présidait (et préside !) à mon émotionnelle expression. En témoignent deux extraits * :



Le détachement de mon écriture n'est qu'apparent.
Écrire de la sorte m'aide.
De plus, quelqu'un construisant un édifice (écrit en l'occurrence) ne le laisse pas s'écrouler pour aller pleurer dans un coin, ses larmes coulent tandis qu'il soutient ses pierres.
Cariatide pleurant, cariatide dont les yeux versent des rivières de larmes.*

Mes notes ont pris la forme d'un journal. Journal aux jours mêlés. Mais les écrits, de quel genre qu'ils soient, ne sont-ils pas toujours le journal plus ou moins déguisé d'une sensibilité ? *




Tout en écrivant, je pleurais.
Mais donc, je ne pouvais passer à une nouvelle phrase si la précédente ne me semblait pas équilibrée aux niveaux du rythme, de la formulation et de l’euphonie.

Instinctivement, je trouve souvent des assonances, des sons qui sont comme des touches d’une même couleur.
(J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer ceci en aparté).

La succession des phrases doit aussi être harmonieuse. Et chaque mot doit être juste et précis par rapport à ce qu’il désire exprimer.

C’est une règle dont j’ai besoin, un temps artisanal et compositeur au-dedans même de mon inspiration – de mon émotion.

La concentration y préside.
Cette concentration m’est d’autant plus nécessaire que, dès que je prends la plume ou plutôt le clavier, diverses interrogations m’envahissent.


Ce fonctionnement spontané, donc autodidacte, je l’avais déjà à 16 ans, dans mes premiers poèmes.

Certes, j’ai appris à écrire en lisant.

Mon école d’écriture a été la lecture, et cela dès mon adolescence.

Bref (c’est le cas de le dire), cette règle personnelle, donc subjective, décante et analyse les déferlements créatifs.
Elle compose donc. Ainsi m’aide-t-elle à prendre du recul.
Une lettre rigoureuse empêche l’esprit de se perdre.

Donc, au long du récit que j’écrivis de façon chronologique à la mort de mon père, mon souci progressif et mesuré de la phrase justement balancée et des mots nuancés me permit d’assumer mon trop-plein de chagrin.

Ce que je viens de dire n’exclut ni ne renie une écriture plus sauvage, notamment sur des brouillons que je compose ensuite.

C’est surtout en voyage et au cours de mes promenades quotidiennes dans mon quartier d’Ixelles que je prends des notes à l’état brut ; j’ai toujours sur moi de quoi écrire. 

... Elle a besoin de marcher, de donner à sa pensée un rythme physique…,
ai-je écrit il y a quelques années dans mon conte : La Musique promise.


Cette détente qu’est la promenade rend l’esprit disponible pour se découvrir de nouvelles idées, ou, si elles sont déjà présentes en soi, pour en trouver soudain une bonne et imprévisible  formulation.
Ces notes ne sont pas seulement des pensées philosophiques. Elles sont aussi souvent des croquis, croquis d’une Nature qui m’interpelle, et que j’insérerai plus tard dans l’une ou l’autre composition.

Tout cela se passe à l’état réveillé. Mais le sommeil ouvre aussi l’inspiration : « La nuit porte conseil » et rêves ! L’éveil est aussi bien nocturne que diurne.

Ces éveils m'amènent au niveau de l’esprit.
(...) L’alchimie progressive s’y passe de façon plus intuitive. Elle mobilise aussi, en plus de l’intuition, une mémoire, celle de l’assimilation (consciente ou inconsciente) d’expériences à divers niveaux : spirituel, affectif, physique, cosmique...

Tout cela offre des voies multiples et des nuances qui deviennent vite labyrinthiques. D’où la nécessité de les exprimer de façon resserrée et concise. Et cette concentration, je la veux la plus précise possible, et ouverte.

Car ma concentration est ouverture.


Tous ces niveaux se mêlent en nous, nous en sommes pétris.

Ce qui les relie et les intègre, c’est notre sensibilité.
Et l’Art aide à les harmoniser.

Lettre et esprit sont inséparables.
Peut-être fusionnent-ils dans ce qu’on appelle : le style…





* 2002, extraits de mon récit-journal : La Source raphaëlle
 
M. Th., mis en ligne le 12 octobre 2008, 13 h. 15






Intermezzo

Une spire est bouclée ...




13 octobre 2008, fin d'après-midi :


Une spire est bouclée, car la 1° partie de ma rubrique "Extraits" commence et finit par la Source raphaëlle.

Raphaëlle est un adjectif qualificatif que j'ai inventé à partir de la signification de "Raphaël" :
"Dieu guérit".


Une spire est bouclée

Une autre perce :
C'est toujours la première du printemps

Le dur hiver n'a pas tranché
les cordons de notre mère Nature

(...)

Recevons l'humble cœur
*



* 1997, extrait de ma pièce : Le Mystère de Sonia D'Ombrelaine


M. Th., mis en ligne le 13 octobre 2008, 18 h.








Billet de précision


15 octobre 2008, midi :



Je ne sais pourquoi m’est un jour arrivé par la poste un N° du journal liégeois :
« D’une certaine gaieté ».


Il y était question de la séduction mentale de prêtres sur des femmes portées sur la sublimation de la chose.

J’avais applaudi à l’article, et cela d’autant plus que m’avaient longtemps auparavant été rapportées la confidence et la déduction d’un de mes oncles maternels, relatées ci-dessus. C’était en 1990, au cours du repas célébrant les noces d’or de mes parents.

Mais, depuis, la confidence de Maman à propos du souhait ardent de sa mère de devenir institutrice, m’a fait voir les choses sous un angle différent.

Je ne résiste pas à ma nouvelle et toujours humble (oui, car juste) envie de m’autociter :


« Rien de nouveau sous le soleil »,
sauf son éclairage *





* 2006, un des sous-titres dans mon conte : Mon beau Cygne perlé



M. Th., mis en ligne le 15 octobre 2008, 14 h.




*


« ... À toutes les images et à tous les phénomènes de l'univers, il y a une réponse au fond de ton cœur, (...) tout te concerne ... »
Hermann Hesse




« ... Et le poète aussi est avec nous, sur la chaussée des hommes de son temps ... » 
Saint-John Perse



*

Autour d'un feu *




À présent feutrée, la conversation se ponctue de plus en plus de silences pendant lesquels les regards dialoguent avec les flammes vives. Les yeux brillent des mêmes étincelles.

Ils n'ont plus envie ni besoin de parler, ils se laissent porter par l'ombre tranquille de la soirée, parsemée de clairs crépitements.


Ont-ils dit et répété que le monde va mal, comme toujours, mais un peu mieux quand même, car, demain, ils n'auront pas froid aux yeux après la chaleureuse contemplation qui maintenant les unit.


Au cœur de l'incompréhensible et humaine condition, un appel amour – eux.





* 2004, extrait de mon conte : Au tendre matin d'une éternité


M. Th., mis en ligne le 17 octobre 2008, 13 h.




*

À l'entrée des villes, dans une nuit pluvieuse, debout une foule attend le matin. Les habitants, sourds et absents dans leur petit sommeil, n'entendent pas le souffle qui effleure leur porte. Un vent timide, mais chargé de patientes prières. Contre les vitres des prophètes-poètes, ces appels tambourinent. Ils s'éveillent, se lèvent, ouvrent leur fenêtre, découvrent entre deux nuages une lune au mystère insistant. Auquel leurs mots répondent, des mots incantatoires qui allègent un moment le fardeau sur leur dos.

Les prophètes-poètes voudraient être partout, c'est pourquoi ils ne trouvent pas de place. Mais quand leur temps brusquement leur en désigne une, ils quittent l'errance, tombent, frappés dans leur verbe incarné. Et c'est encore leur regard qui se lève.    

Le monde a basculé.

À présent, les prophètes-poètes mesurent le monde, le soupèsent, le voyant de plus près. De trop près ? Leur verbe, sachant de moins en moins, de plus en plus interroge ce poids. Leur verbe se leste de désarrois, tandis que leur dos se redresse en danse libérée.

Délibérément libre, je danse pour alléger, pour mieux supporter, mes inquiétudes.

Dans ma cellule, bientôt tu viendras m'enlacer. Tournoyant sur nos interrogatives cadences, au rythme de notre souffle, recevrons-nous l'éternelle réponse.

Celle d'un divin peintre à la vue englobante. Quelle place nous donne-t-il dans le vaste tableau ? Et où, celle des foules qui attendent, fatiguées, dans la nuit ?

Nous attendions aussi. Demain, peut-être, l'attente nous reviendra. Je la pèse déjà. *



–  –  –  –


Il me revient ici l'errance d'une vieille femme croisée un hiver dans la rue, il y a longtemps. Elle était terriblement voûtée et seule, avait l'air perdue. Avait-elle conscience de son état ? Elle s'arrêtait devant les fenêtres illuminées des bistrots, y plongeait son regard comme pour chauffer son pauvre cœur. Je n'avais pas écouté le mien qui me disait de l'inviter dans un des cafés devant une boisson réconfortante, tant ce soir-là je me sentais moi aussi abandonnée et tant je craignais de me reconnaître dans son image.

Aujourd'hui, la regardant dans ma mémoire, je reconnais ma solitude. Mais avec quelques nuances. S'il est des remèdes à la solitude sociale, la solitude artiste est incurable car elle est condition créative, même au sein de la plus généreuse reconnaissance. Et, surtout, en ce qui me concerne, condition prophétique, laquelle reste, je le crains, incomprise.

L'introspection poétique ouvre un regard visionnaire.

Est-il vrai que les prophètes sont rejetés par tous : croyants, incroyants, réalistes, idéalistes, etc. ? Ainsi serais-je carrefour. Mes paroles qui s'élèvent apaisent mon écartèlement. Leur envol évolue dans l'air au-dessus des tensions temporelles, essaie, de son œil rond et candide d'oiseau, de les relier. *



* Extraits de mon roman épistolaire : La portée d'exil



M. Th., m
is en ligne le 20 octobre 2008, 1 h. 20 du matin




*

« Et pourtant, elle tourne », Galilée


21 octobre 2008 :

« Toute constatation relève de la mise

au tombeau. L’argument devance la
mort de cent coudées.
La vérité tombe dans le traquenard
du signe. Elle s’étrangle à vouloir
s’identifier aux choses.
Nous sommes assis dans la pénombre
des preuves, et pleurons le temps
béni de l’irréflexion. »


Ce poème * de François Jacqmin serait-il en affinité avec le texte suivant de Rainer Maria Rilke :


« Et tu entamas alors cet acte de violence sans exemple : ton œuvre, vouée de plus en plus impatiemment, de plus en plus désespérément, à découvrir parmi les choses visibles les équivalents de tes visions intérieures. (...) Et alors il arriva que tu fus à bout de ressources. Les deux extrémités que tu avais pliées jusqu'à les joindre, rebondirent et se séparèrent. Ta force démente s'échappa du jonc flexible, et ce fut comme si ton œuvre n'avait jamais été ».


Et pourtant, elle est ronde et tourne
en cycles toujours neufs 



* Poème découvert ce jour, exposé dans la Salle de Lecture des Archives & Musée de la Littérature, à Bruxelles. À propos du contexte de cette exposition, en lire à « Événements » la présentation détaillée par Gérard Adam.


M. Th., mis en ligne le 21 octobre 2008, 20 h. 30





*

« Le Seigneur a frappé à tes volets,
Et toi tu dormais » (1)

21 et 22 octobre 2008 :


Et pourtant, ceci était et est pour l’œil de chair.

Visions extérieures du cœur.
Notamment, la vieille femme esseulée que je vis et vécus dans mon quartier.
J’ai toujours répondu aux appels. (2)
Cassandre qu’on croira, je vois toujours en moi la rondeur
quadraturée / où un ange de nuit me confia une clef. (3)
La clef m’ouvrit un for intérieur où le roi n’était pas.
Mais mon ange avec moi un moment y jouta,
en une possible tendresse.
Au dehors, dans la verte campagne, le roi écoutait et aimait
le chant émané de mon cœur.
Et l’attisait.
Le feu éternel d’un phénix – qui n’était point bûcher ! –
y dispensait sa lumière
et quelques flèches de vérité,
flèches que j’appelai : épines.
D’esprit aigu, non pas obtus.



(1) Père Duval
(2) Extrait de ma pièce : Foyer
(3) 25 janvier 1997, extrait de mon recueil de poèmes : Triptyque


M. Th., mis en ligne le 22 octobre 2008, 11 h.




*

Lacunes et ignorances

Elle ne se formalise pas trop de ses érudites ignorances. Ses ignorances la poussent à chercher comme dans un jeu de piste ! *

Albine déplore ses ignorances (…). Mais ses lacunes sont les graines de son originale créativité. C’est le don des artistes visionnaires. *



22 octobre 2008, près de 13 heures :


Avant hier, je ne connaissais pas François Jacqmin.
Aujourd’hui, près de deux heures après avoir mis en ligne mon texte ci-dessus, j’ai eu la curiosité de chercher ce poète sur « Google ».
En premier lieu, j’ai trouvé une présentation sur le site du Service du Livre Luxembourgeois.
Ensuite, et je me suis arrêtée là dans ma recherche, j’ai découvert un texte mis en ligne le… 25 janvier 2006 par un certain Laurent Albarracin. Son analyse du poète m’a fort intéressée, car pouvant susciter moult joutes !
Je ne réagirai qu’à un seul point…
Laurent Albarracin, vous écrivez :
« … approcher l’infini sans cesser de l’éloigner (condition nécessaire pour que l’infini soit encore l’infini)… ».
Nous ne cessons de baigner dans cet infini qui nous est proche, comme nous est proche l’air céleste commençant à ras de terre, au niveau de nos pieds.
Ici, je vous invite à lire la fin de mon dialogue : Les paliers aériens (dans ma portée d’exil).

Et l'infini est en nous
Ainsi sommes-nous à la fois
près et loin de nous-mêmes

Il est des coïncidences qui pourraient témoigner d’une certaine communion, si pas d’âmes, déjà d’esprits.

En tous cas, le seul poème de François Jacqmin lu hier après-midi m’a ouvert son fonctionnement mental. J’avais bien senti en le faisant croiser ce passage de Rainer Maria Rilke.
Quel dommage que je ne l'aie pas connu, je lui aurais dit :
La ligne est une succession de points...



* Extraits de mon conte : Mon beau Cygne perlé


M. Th., mis en ligne le 22 octobre 2008, 14 h. 30 




*

22 octobre 2008, près de 21 heures :


De mes origines familiales, je sais peu de choses.
La famille de ma mère, allemande au temps de la naissance de celle-ci, plus anciennement venait de France.
Celle de mon père venait du Nord de l’Italie ou de la Suisse italienne. Au Moyen Âge, trois frères quittèrent ces régions pour se rendre l’un en France, l’autre en Hollande et le troisième dans ce qui allait devenir la Belgique. Ils étaient compagnons en vitraux de cathédrales. Artistes ? Artisans ? Ouvriers ? Je ne sais.
Le nom de « Thomassettie » connut deux ou trois transformations au cours du temps. La dernière est l’ajout du « e » final… Un ancêtre ayant pour habitude de prolonger le « i » d’un trait sans doute arrondi, un employé administratif y vit un « e » et l’ajouta au nom qui dès lors rima avec « poésie ».

P. S. (28 octobre 2008) : Je suis à la fois artiste, artisane, ouvrière. C'est ma trinité !



Grands-parents paternels

Liège, 1955
Noces d'or de mes grands-parents paternels,
Henri Thomassettie et Marie Thonon.




M. Th., mis en ligne le 22 octobre 2008, 21 h.




*   *   *

Hommage à Maman
et à sa vivante mémoire !




Ma mère m'a prêté les quelques photos de famille, ici reproduites.

Photos que j'ai choisies parmi beaucoup d'autres !

Sa mémoire est prodigieuse, qui se rappelle tant de dates : de naissances, de fêtes, etc.; aussi bien celles de sa famille que de sa belle-famille, et même celles de leurs amis et connaissances.
Non seulement l'année, mais le mois et le jour !



M. Th.


*   *   *



Mer et cathédrale

23 octobre 2008, avant midi :

Depuis 1980 (année de la naissance de ma fille), mes rêves nocturnes les plus récurrents sont de mer ou de cathédrale ; depuis quelque temps, ils sont des deux à la fois...
Montée de la mer, mais comme une montée de lait, car d’amour ineffable. C’est pourquoi j’ai (entre autres) écrit (page 56 de mon recueil : Les doigts de chèvrefeuille de la nuit) :

Voici près de huit lustres
que certaines de mes nuits
sont visitées par la vision splendide
d’une mer en mouvements
ascendants

Vagues pures et vivifiantes
aux couleurs précieuses,
elles n’ont rien d’effrayant

N. B.: Huit lustres, quarante ans, parce que la mer montait alors déjà dans mes rêves, mais de façon moins récurrente. Quant aux cathédrales, il m'arriva aussi d'en rêver avant 1980 ; je pense que celles-ci me venaient du souvenir du lieu de la cathédrale Saint-Martin, à Arlon : on y accédait d'un côté en montant des marches, et à l'arrière des petites maisons m'évoquaient un décor de contes.


–  –  –  –

Cathédrales, extraits
(1986-87) de : L’Ombre de Dieu

Ça a commencé par de grands rêves, de plaines et de cathédrales. C’est un passé qui dépasse mes propres limites. Il m’échappe encore…
Un peuple naïf, moyenâgeux, devant ces cathédrales si parfaites que Dieu ne songea pas à les comparer à la tour de Babel.
Les Hommes désiraient s’élever jusqu’à Lui, mais, sages, se protégeaient de la blanche lumière par des vitraux colorés.
Depuis ce temps-là, on a dit : « Dieu est mort ».
On peut dire à présent : L’Homme est mort.
L’humanité est fatiguée des efforts passés. Ceux qui lui faisaient réaliser ces cathédrales… (…)
Ainsi, peut-être, l’humanité perd-elle son âme et son ART…
D’autre part, je me dis qu’en Art, les greniers ont été largement remplis en vue de nos années de vaches maigres. Nous avons des provisions sur lesquelles se reposer en attendant une nouvelle abondance. Bach ne nous comblerait pas plus s’il vivait maintenant. Au contraire, peut-être…
Mais laissons ces pensées.
Je vois…
Des soldats…
Comme dans ces tableaux de Paolo Ucello, où chevaux et lances s’enchevêtrent en de savantes compositions qui me remplissent d’envie.
Ils partent à l’assaut des villes hautes qui leur sont interdites. Se faufilent par derrière, du côté des misérables villages. Les paysans se cachent dans leurs masures.
La ville haute, aux cathédrales de lumière…




À Bourges, / dans le chœur de la cathédrale / aux vitraux couleur de vin précieux, / velours grenat d’un spirituel salon / où la lumière pénètre avec componction, / je me reposerais, / prenant le thé avec l’ange annonciateur. // Des coups sourds me sortiraient de mes délices. / Taureau, j’arrive ! (…)
En Inde, les veaux d’or sont sacrés.



Tout me reviendrait… / Les bleus de Chartres qui m’arrachaient des pleurs, / et tant d’autres beautés. / Seules consolations / pour les tristes pèlerins promis à la poussière, / élevés par les Mythes.  


–  –  –  –

 Cathédrales, extrait de :
Variations pour songe sur un insaisissable Absolu
(2001)



Retour aux cathédrales ?
Alentour des murmures
d'intolérance
eux ne se contiennent plus
montent comme des lames
Tandis que la pierre moelleuse
chaude d'un alchimique soleil
se rappelle avoir abrité
l'Esmeralda  Couleur d'espérance

Mariage de la pierre et du ciel
Cathédrale : le mot cisèle
une musicale clarté
architecture où scintillent
les lisières entre pleins et ajours
Tremblé intemporel
qui transmue les formes
incruste dans l'espace
leur artistique élévation
Sceau immatériel
après les naturels effritements

Grâce à leur écriture-sève
redevenus arbres
les livres construisent une vive
cathédrale à la gloire naturelle
ordonnent un labyrinthe
en sa verte lueur

Cathédrale-bibliothèque
M'évadant des pierres
je fais la bibliothèque buissonnière
rends aux arbres leur chant de feuilles
au vent son verbe
Envolés  les écrits,
les pierres s'écroulent
forment un mont
La cathédrale aussi retourne
à sa forme originelle
montueuse
Les pierres ont retrouvé
l'âme de la Nature
À leur sommet reparle
l'Esprit premier
qui n'a cessé de les habiter
Pierres des montagnes
dont l'âme initiale 
transmet une bouleversante
permanence

Innombrables  des mots
de toutes sortes
emplissent le ciel
le saturent parfois
Eux aussi rendus
aux aériens filigranes
Mais  entre eux  se faufilent
et m'appellent
de chaudes senteurs d'été
de floraisons des champs
oubliées en ce temps
de ma pensée recluse
D'innocentes animalités
confondent leur fourrure
à l'herbe  aux graminées

M. Th., mis en ligne le 23 octobre 2008, 12 h. 35



*

Un recul auditif *
Des langues en tant que seules musicalités

Tournant le bouton de la radio, je m'étais arrêtée, heureusement intriguée, sur la voix d'un speaker. La langue qu'il parlait me semblait si belle. Qu'était-ce ? Au bout de quelques secondes, je la reconnus : du français ! Sans la comprendre, j'avais entendu la clarté ordonnée de ma langue.

Les sons, ceux des langues ou d'autres, ne touchent pas que l'ouïe. Les six sens sont les facettes de l'unique pierre de notre précieuse sensibilité.

Dans le sous-sol où je pends le linge, j'aime entendre, émanant des tuyaux du chauffage, une musique lointaine, ininterrompue, comme un écho permanent et estompé de cloches. Vaquant à ma tâche ménagère, je pense à Debussy, à « La Cathédrale engloutie », à l'art musical où les sons évoquent l'espace.

Entremêlement des sens, et non dérèglement.


* 1989, extrait de mes Verbes-Oriflammes

Si on lit la page précédant celle ci-dessus reproduite, soit la page 39 de mes V.-O., on découvrira comment il m'est arrivé d'entendre une autre langue : l'allemand. Dans ce contexte particulier, elle m'était dionysiaque, tandis que le français m'était apollinien ! Très harmonieux et bien intégré, tout "cela" !



M. Th., mis en ligne le 23 octobre 2008, autour de 14 h.




*

" Aufklärung "*, disiez-vous


Moins "au pied de la lettre"
qu'au pas de l'esprit,
sont à prendre mes écrits

(Dans lequel de mes livres ai-je déjà dit ceci ?)

La structure de mon inconscient
comporte des recoins théâtraux
où se jouent de savoureuses scènes

Personnages interchangeables
muant en vive architecture
cette dormante structure

M. Th.,  mis en ligne le 23 octobre 2008, 17 h. 30


* " Aufklärung " : Lumière, en allemand – entendu fin 1995 au Théâtre-Poème à Bruxelles, ce mot m'interpella, comme s'il m'eût été adressé



*

Ma synthèse


Mon palais a le goût de la vigne
qui roule ses topazes

(1994, Triptyque)

Un cep
enraciné
à l’interstice
de galets translucides

Ma sève est vin
aux insaisissables rondeurs
aux voyelles fruitées
d’un poème intérieur


Par-delà soleil et lune
des astres minuscules,
en grappes disposés,
ruissellent et rutilent

Par-delà cycle et saison,
toujours mon palais
a le goût de la vigne
qui roule ses topazes
et celui du nectar
de mon inspiration


Le vent s’est posé
a visité
la vigne au puits clair

Il en déferle
cabriole et bondit
égrène une rosée
de tranquille
ivresse



(2006, À l'entrelacement de ma Tempérance)


SANTÉ !

M. Th., mis en ligne le 23 octobre 2008, 23 h.



*


À propos de l'exposition actuelle à Paris
d'Antoon Van Dyck

Voici mes réactions d'il y a neuf ans :



2° quinzaine de juillet 1999, extrait de mon journal :

Après avoir vu l'exposition de Van Dyck à Anvers.
Exposition passionnante et émouvante où les tableaux sont mis en parallèle.
Parallèle éclairant subtilement l'esprit du temps et du lieu dont le peintre témoignait.
Portraits réalisés avec un œil qui, plutôt que la férocité, choisit l'amour, la compréhension profonde des caractères humains, et divins dans ses Christ ("Le Christ aux monnaies", "Ecce Homo", ...).
Humains, douloureusement et jamais caricaturalement *.
Ainsi, le visage du jeune mari piégé dans un rôle auquel il n'avait pas été préparé, sa main n'osant se poser affectueusement sur sa fillette, celle-ci accaparée par une jeune maman narcissique et jolie, toute offerte au regard du génial Van Dyck.
À côté, Isabelle Brant, l'épouse de Rubens, le maître admiré, est une dame respectable. On ne se lasse de contempler ce noble portrait. Isabelle a maîtrisé une animalité qui apparaît dans plusieurs autres tableaux. D'un geste souverain et affectueux, elle place dans la gueule de son chien une friandise ou un jouet. Son visage est admirable : on le retrouve plus loin dans celui d'une petite aristocrate anglaise, laquelle est encadrée d'un côté par une fillette caressante et plus petite qu'elle, de l'autre par un jeune chien affectueux qui demande une attention.
Animalité. Celle de Samson deux fois représenté dans des fresques qui sont tout entières du cinéma, du théâtre, dramatiquement raconté en une seule image.
Moi, si désespérément ignare en Histoire, j'ai passé trois heures au musée, à rapprocher les tableaux, à me raconter, à voir, des liens entre les personnages.
Le bras droit du roi d'Angleterre ; le coude arrogant d'un jeune de la Cour qui devait se prendre pour le roi ; la femme encore enfant d'un Guillaume d'Orange tout jeune également, fillette qui pose sa main sur son ventre à venir, tandis que son autre petite main mignonne est tendrement tenue par le jeune mari : deux enfances sacrifiées ?
Van Dyck aimait ses modèles. Comme Velasquez aimait les siens. Il nous les rend tous attachants.
Le roi est le seul qu'il ne s'est pas autorisé à percer, par respect : les portraits l'effleurent, veulent rester à la surface, semblant ainsi obéir à ces lois anciennes interdisant de regarder les chefs dans les yeux. Cependant, le caractère émane de ces portraits, mais sans insistance. Quel tour de force d'avoir pu peindre le respect, l'humilité, avec lequel il se devait de contempler le roi.
Cependant, sous les liens et les chaînes terrestres, fussent-ils en or, Van Dyck proclama son indépendance : son attachement au soleil. La médaille non peinte sur l'"Autoportrait au tournesol" est le Soleil ! L'Art, son seul maître ! "Tant que soleil luira, peinture vivra", a dit Ensor. Ce tableau "moderne" annonçait le flamboyant Van Gogh. Au-travers des siècles, les peintres se rejoignent. Dans cet autoportrait, cet été reproduit à chaque rue, carrefour, le peintre est très différent de ses autoportraits précédents. Il a, dans le regard, l'ardeur et la foi de Van Gogh, l'ardeur et la foi des grands "phares".
Deux hauts portraits de femme avec un enfant à leur droite sont placés en parallèle : l'enfant y est, dans les deux cas, rejeté.
Le premier, le fils sans doute, porte un petit singe sur l'épaule. C'est l'animal que frôle la main de la femme. Le garçon en est frustré : il aimerait qu'elle s'occupe de lui.
Le second, un petit page noir, est tout aussi frustré. C'est son épaule que frôle la main de la seconde femme sans le regarder. Il aimerait la voir admirer les roses qu'il porte dans un panier, et qu'il semble lui offrir.
Les deux garçons, Blanc et Noir, du même âge, regardent d'un air suppliant la femme trop haute. Van Dyck les a peints avec la même compréhension. A-t-il subtilement souligné un certain racisme de ses modèles adultes ? Le petit Noir comparé à un singe ? Dans ce cas, il faut croire qu'au 17° siècle les "grands" manquaient d'une intelligence qui nous semble aujourd'hui la plus élémentaire pour ne pas avoir décelé dans ces tableaux une critique très fine.

* 24 octobre 2008 : Ceci n'était pas une critique négative de la caricature. J'apprécie aussi beaucoup le regard impitoyable et plus direct de Goya.




1999, extrait de ma portée d'exil :

... Les émouvants portraits de Van Dyck, à Anvers. L'œil du génie, à la férocité préféra la tendresse, la compréhension nuancée non dénuée d'acuité pénétrante ou de fine critique.
L'"Autoportrait au tournesol", le tableau reproduit sur l'affiche de l'exposition et rencontré à chaque rue, chaque carrefour, me parut un heureux signe, un repère de foi et d'espoir.
Sous les liens et les chaînes terrestres, Van Dyck y proclame son attachement au soleil. Un collier sans médaille apparente en bandoulière, il se montre d'une main ombragée, et son geste exprime sa fidélité à l'Art qu'il sert de tout son talent. De son autre main, éclairée, il désigne la fleur solaire, symbole de l'astre d'Or dont Ensor dira: "Tant que soleil luira, peinture vivra"!
Mais le fond du portrait est-il fenêtre, miroir ou autre tableau régnant au jardin secret de l'élégant artiste ?
Le tournesol, face au visage du peintre, semble aussi une figure. Celle, mystérieuse de par l'ombre de son coeur, d'un personnage féminin surgi d'un conte afin d'initier le génie à un autre univers. Le dense et blanc nuage sur lequel elle se dessine, y découpant à contre-jour et en noir ses tige et feuilles, son corps gracieux, dramatise la fée. En avance de deux siècles, elle annonce Lewis Carroll.
Ce tableau "moderne" du disciple de Rubens annonce aussi pour moi le flamboyant Van Gogh.
Au travers des temps, les deux artistes se rejoignent par leur regard d'ardente conviction. Vincent, amoureux fou, consumé, du soleil. Antoon, protégé par un nuage, rencontrant de l'astre un avatar, une jolie incarnation.
Pour épanouir son talent, l'un aura besoin de folie, l'autre de sagesse, un troisième des deux. Mais ces termes ont-ils encore un sens dans une intensité créatrice qui mesure et compose ? Dans le cadre de sa peinture, le plus délirant génie sait ordonner son chaos, voire son éclatement, quitte à finir par l'effacer afin de recommencer l'Art.
Où en est-Il aujourd'hui ? À quelle fin ? Au seuil de quel début ? Et quelle durée nécessaire à cette transition, ce passage, peut-être ce retour ? 




1999, extrait de ma portée d'exil :

J'aime que la composition picturale ait un sens, et rassemble, mieux : intègre, des éléments particuliers qui le soulignent ou le nuancent, voire qui le remettent en question.
Grâce à la perfection expressive magistralement architecturée, le public le moins averti est d'autant plus touché par une oeuvre que le sens en est multiple, alliant esthétique, psychologie, spiritualité.
Les grands artistes passés étaient de grands philosophes et de grands psychanalystes. Leurs chefs-d'oeuvre témoignent d'une haute pensée et d'un cœur largement compréhensif. Le public est touché, sans intellectuellement comprendre les causes de son émotion. Comme le conte et la parabole, le tableau parle à son âme secrète, lui ouvre des voies.
À Milan encore, j'ai admiré "La dernière Cène" de Leonardo. Le monde est peuplé d'incrédules qui ont besoin de voir pour croire. Dans la fresque, c'est pourtant Thomas qui lève le doigt vers les Cieux les désignant comme une voie possible, car d'autres se lisent. Du côté de Thomas, les mains de cinq apôtres dessinent une ligne, une direction qui montre Jésus. Mais, aussi, derrière le Christ, dans le triptyque des fenêtres, s'étend un paysage : la Terre sous un ciel lumineux. Trois voies qui se réunissent dans l'équilibre de la composition. Une quatrième est la composition elle-même, artistique.
Le public voit-il bien les quatre trios d'apôtres ? Le génie n'a pas exclu Judas, il l'inclut dans l'un d'eux. On le remarque à peine tant il fait partie, comme l'ont plus tard montré ou démontré quelques artistes penseurs, d'un plan dont la fin justifiait les moyens, fin et moyens ayant ici un point commun : le sacrifice. Sacrifice glorieux pour l'un, tragique pour l'autre.
J'ai intensément regardé la Cène, jusqu'à rester la dernière de mon groupe, après une femme qui marchait lentement en s'appuyant sur des béquilles.
Brusquement, les visites étant minutées, la porte vitrée séparant les différents groupes dans le temps et dans l'espace se referma devant elle et moi, nous coupa des autres touristes. La personne handicapée eut l'air perdue, inquiète. Alors, à l'instar des disciples peints, je lui désignai spontanément le chef-d'œuvre. Nous le contemplâmes encore. Je nous sentais invitées à communier spécialement avec le Maître.
Dans cet enfermement inattendu, j'ai mieux encore reçu l'espoir que délivre l'Art. La porte s'est rouverte, et nous avons retrouvé les vaines et bruyantes agitations de notre "liberté".

P. S.: Mon roman épistolaire : La portée d'exil, est un mélange de fiction et de réel. Tout ceci s'est réellement passé à Milan. J'avais longuement regardé la fresque, puis j'avais pris les notes relatées ci-dessus. Je revois en ma mémoire la compagne de cet "ultime" instant de contemplation.




M. Th., mis en ligne le 24 octobre 2008, près de 14 h.



*

IN(FIN)I
L'Enfant éternel

25 octobre 2008, autour de 11 h. :

Ma rubrique « Extraits » pouvant difficilement faire des kilomètres, j’ai pris la décision de l’arrêter ici. Mais ce n’en est pas la « fin ».

Après la dernière Cène, la Résurrection...
Puis la Renaissance (la Réincarnation ?)...
L'Enfant...

Noël n’est pas loin : dans deux mois exactement.



M. Th., m
is en ligne le 25 octobre 2008, 11 h. 50



   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *   *  

Ce n’est pas que J. S. soit particulièrement religieux au sens dogmatique du terme, mais, supposant ou observant, dans le vaste univers, des liens dont le mystère l’interpelle, il est touché par chaque image, chaque symbole, chaque mythe qui représente et exprime le désir ou la tentative des humains à donner un sens à ces mystérieux liens. (2007, extrait de mon recueil : T l i m i a s l o)

–  –  –  –

Nous étions sans religions, je veux dire que nous n'appartenions à aucune institutions dogmatiques se réclamant d'une quelconque spiritualité. Il y incluait jusqu'à l'athéisme, se méfiant de tout ce qui peut perturber la liberté de sentir et de penser. Et la liberté d'imaginer ! (...) Cependant, il comptait parmi ses nombreux amis des croyants de toutes sortes, et des incroyants, ce qui prouvait son ouverture pratique en dépit de ses théories parfois un peu trop sévères. Sa sévérité ne frôlait donc jamais l'intolérance.
(2005, L'âme dénouée)



M. Th., mis en ligne le 26 octobre 08, 00 h.




La présente rubrique "Extraits", je l'ai structurée souplement, en partant de ma petite enfance. Souplement, car l'adaptant au cheminement actuel de ma sensibilité, de mes réactions et de mes souvenirs. À la fin, elle rebondit, remonte l'échelle...


... Des enfants glissent
ravis
au long de toboggans


Puis remontent
l'échelle abstraite
de l'idée



(Extrait de mon recueil : Les doigts de chèvrefeuille de la nuit)



Ici, l'idée est celle du Temps
– Or, mon temps est mon espace ( Î ) –

( Î = flèche vers le poème de ce titre)

M. Th.

*


« Souvent, femme varie », sage « qui s'y fie »...

... D'autant plus sage que cette femme est unique, et n'entre donc pas dans la catégorie ésotérique des femmes multiples de François I° (comme je l'ai appris dans une excellente, car instructive, émission télévisée)...

Ainsi, occasionnellement, je continue ma rubrique. Aujourd'hui, grâce au centenaire de :

Claude Lévi-Strauss

Tout d'abord, un extrait de mon journal de 2005 ; ensuite, celui d'hier soir...


Le rêvé et le non rêvé,
lequel ne signifie pas le réel

L’Image éprouvée en soi, c’est le rêvé



5 avril 2005 :
L'autre soir, j'ai regardé l'enregistrement-vidéo de l'interview de 1972 de Claude Lévi-Strauss. À l'homme pensant, il préférait l'homme vivant... Je vis, donc je suis ! Cela m'a interpellée. Quelques jours plus tard, continuant ma très lente et par conséquent très fructueuse lecture de Hermann Hesse, je lis et découvre ceci : “ Que tu deviennes professeur, savant, ou musicien, aie le respect du "sens", mais ne t'imagine pas qu'il s'enseigne. C'est en voulant enseigner ce "sens" que les philosophes de l'histoire ont gâché la moitié de l'histoire universelle, (...) et contribué à faire répandre une quantité de sang. ”. C'est ce qu'a, en d'autres mots, dit Lévi-Strauss.
– Sens et Pensée sont-ils interdépendants ? Moi, j'ai parlé de Sens Infini !
– L'excès de pensée n'est pas la vie, laquelle retourne alors au potentiel= l'excès de pensée renvoie la vie au potentiel ! Oh ! je ne le sais que trop !
– Aujourd'hui, avec le décès du pape, je réalise que ce n'est pas un excès de pensée qui dévore la vie. C'est une dilution de la pensée, qui étiole des facultés de distanciation. (...) L'agonie du pape serait-elle celle, prémonitoire, d'une religion qui s'accroche, menacée par d'autres religions, en dépit des dialogues, des réconciliations, etc ? Car, soyons lucides, chaque religion est au fond d'elle-même convaincue de détenir la vérité ! Suivraient-elles le conseil de Gandhi – vu dans le film – qui, à celui dont un opposant avait tué l'enfant, suggérait d'adopter et élever un orphelin dans la religion de ses parents morts, religion opposée aussi à la sienne ? 
Je l'ai dit, Dieu est le Sens Infini, par-delà dogmes religieux et infantiles qui confondent symboles et réalités concrètes ! (Je sais, il y a ici beaucoup à dire, mais je simplifie, j'ai déjà ailleurs parlé de cela (...).

28 novembre 2008, soir : Regardé la vidéo enregistrée hier soir sur Lévi-Straus (dont j’avais déjà vu en 2005 des extraits). J’admire la clarté d’expression de l’ethnologue centenaire ! Le bon sens est chez lui génial (entre autres, quand il dit qu’il ne voit pas pourquoi il n’apprécierait pas le déguisement académique – chapeau à plumes, de femme –, alors qu’il l’accepte dans des pays exotiques). Mais je ne suis pas d’accord quand il dit que les mythes n’ont ni queue ni tête ; d’ailleurs, il se contredit puisque, pour Œdipe, il parle de lectures superposées et verticales (comme en musique, mais là je n’y connais malheureusement rien, techniquement parlant). « Sans queue ni tête » : oublie-t-il les archétypes, les symboles ? Je dirais qu’il y a divers talents chez les conteurs mythologiques ; les géniaux sont ceux qui sentent ou perçoivent une dimension imagée psychologiquement universelle, et la font passer. (...) une profondeur rêvée. (...) Le rêvé et le non rêvé (lequel ne signifie pas ici le réel). L’Image éprouvée en soi, c’est le rêvé.

M. Th., mis en ligne le 29 novembre 2008, 9 h.


P. S. (30 nov. 08) : "Souvent, femme varie", sage "qui s'y fie"... En vertu de mon autocritique, qui s'y fie est d'abord moi-même : je ne varie pas sans mon approbation !


*
Fraternaël(le)



... Et puis, un jour, l’incroyable leur échoit. L’incroyable gisant au petit matin sur les planches, tombé du ciel des cintres, ou arrivé par d’autres voies.
Un ange, épuisé, ombre de lui-même. Mais sous l’ombre transparaît une douce lueur.
Incroyable, lève-toi ! lui dit Miranda.
Je ne m’appelle pas Incroyable, je suis Fraternaël.
D’où viens-tu ?
Ah… Cette question… Je ne sais plus d’où je viens… Mais je me rappelle être passé par l’Incompréhension où l’on m’a dévoré, grignoté…
Qui ? Quelles bêtes ?
Non, pas les bêtes… Les bêtes sont mes amies… D’ailleurs, ça me revient soudain… Je viens d’elles…
Tu viens des bêtes ?
Je viens des constellations…
Alors, tu descends du ciel !
Oui, mais il est si loin maintenant…
T’exprimer te rend plus consistant… Te voici presque brillant…
J’ai refoulé dans mon cœur l’ombre de mon chagrin…
Mais alors, tu ne t’exprimes pas tout à fait… Dis-nous…
J’ai déjà repris de la plume de l’ange, dit Fraternaël en se levant.
Pourquoi, demande Thomas, es-tu venu chez nous ?
Ce lieu m’a aimanté. Et mon désespoir m’a poussé.
C’est étonnant, les anges subissant l’attraction…
Il est beaucoup de choses qui vous étonneraient. Maintenant que je suis ici, que vais-je faire ? Ou qu’allez-vous faire de moi ?
Tu vas étonner le public ! se risque Alice.
Oh non ! se récrie Ophélie. Les anges ne se montrent pas.
Pourtant, il s’est montré à nous…
Si je me montrais ou si vous me montriez, le public ne le croirait pas, il dirait que je suis une illusion.
Or, nous ne sommes pas des illusionnistes, dit Thomas.
Je pourrais…, hésite Fraternaël.
Tu pourrais quoi ? demandent les autres en chœur.
Je pourrais aller dans le trou du souffleur… Je souffle très bien, c’est ce que je fais de mieux.
Et que soufflerais-tu ?
Des bougies ! rigole Abdel pour cacher son émotion.
Les autres craignent que l’ange soit vexé, mais il rit :
C’est un théâtre, ici. Je me sens tout requinqué !
Tu sais, Abdel, moi je n’ai et n’aurai jamais de bougies, puisque je suis intemporel.
Alors, le consolent les trois danseuses, les projecteurs de la scène seront toujours les tiennes !
Rachel, Martha et Leïla se sentent émues devant l’ange qui a retrouvé toute sa beauté.
Le Chœur des Intuitions :
Avant d’arriver ici, Fraternaël a traversé une zone d’Incompréhension.
C’est là que nous l’avons cueilli, recueilli, et porté jusqu’ici, en notre asile.
L’asile s’en retrouve ailé, prêt à partir…
La voix d’Ophélie s’élève, exprimant un envol.
Ses notes élastiques se moulent à l’Espace, passent souplement et sans effort aux notes suivantes.
Chaque note crée son espace, qui invite et appelle.
Pourtant, on ne sait d’où vient l’appel.
Fraternaël confie que là-bas, il est une architecture modulée, une conception élaborée, un multiple d’infini, où tout se comprend et s’appréhende.
Mais il n’est peut-être pas nécessaire d’y aller pour le percevoir, ajoute l’ange. Ceci, il vient de le réaliser, ayant capté les dispositions visionnaires de ses hôtes.
S’il faut aller quelque part, propose courageusement Gabria, c’est dans cette Incompréhension. L’affronter…
Vous y serez broyés, prévient Fraternaël.
Voyons, demande Miranda, l’Incompréhension est-elle l’Incompréhensible ? Pour comprendre pourquoi ils ne comprennent pas, ne faudrait-il pas d’abord les comprendre ?
Quel programme ! gémit Elvire.
Oui… Quel est notre rôle dans tout ça ? approuve le trio danseur.
Rôle ? Rôle ? Thomas se frotte le front.
Le Chœur des Intuitions :
Ne vous prenez pas la tête, continuez sur votre lancée.
Votre expression sincère est générosité, car vous vous y dépassez.
La fin n’y justifie pas les moyens.
Les moyens important davantage qu’une fin incertaine ou douteuse.
Le dépassement est ailleurs.
Miranda, regardant Ophélie :
Et il commence ici.
Ophélie reprend son chant.
Gabria :
Ici se construit une architecture expressive. Moins lieu que mouvement, elle est une volonté agile aux ailes messagères.
Fraternaël, d’une voix triste :
L’aile, comme la flèche, peut se retrouver brisée, tout au moins très fatiguée…
Gabria :
Le poème aussi, peut être blessé. Mais l’aile qui traverse l’espace, exténuée sera portée par lui.
Chante, Ophélie !
Dansez, Rachel, Martha et Leïla !
Jouez, Alice et Elvire !
Improvise, Abdel !
Vois, Miranda !
Thomas, fulmine et résiste !
Ne relâche pas ta trajectoire, Sisyphe !
Et toi, Fraternaël, repose-toi sur nous.
Gabria, répond l’ange, j’accepte avec reconnaissance ton geste salvateur. Tu soignes ma convalescence, comme le Chœur des Intuitions a soigné ma mélancolie en m’enlevant à cette Incompréhension fatale et mortelle aux humains.
Sans vous, je serais devenu une seule idée d’ange, à la tristesse malheureusement éternelle. Mais, si ma manifestation peu à peu retrouvée me rend ici heureux, je ne sais comment ailleurs elle serait reçue…
Eh bien, décide Thomas, demain tu monteras sur les planches. Ce n’est pas toi qui seras testé, mais le public, mais le monde... Nous saurons si nous avions raison de craindre ou non l’avenir…
À ces mots, l’ange s’épanouit, et irradie une vive mais veloutée lumière :
Voici éclairée votre vision
naguère obscurcie par le doute.
Voici, visitant l’avenir,
votre inquiétude autrement formulée…
Fraternaël redevenu comme avant ses dernières paroles, les autres demandent à Thomas ce qu’il fera sur la scène.
L’ange répond lui-même :
Je soufflerai, je vous l’ai déjà dit.
Quoi ?
Je soufflerai ce que je suis.
Qu’est-ce que tu es ?
Voyons, quel est mon nom ?
Ton nom ?
Quelle est ma qualité ?
Fraternité ?…
Est-elle lente à comprendre et à assimiler… Je soufflerai donc non pas l’appellation, mais la qualité…
C’est, depuis toujours, le désir de notre théâtre…
La multiple Intuition m’a bien guidé : je suis bien tombé !


L'âme dénouée
, extrait (2005 et avant)
M. Th., ange à mes "heures"... infinies


*

Les heures intemporelles *
 
... Il me semble perdre le Temps. Perdrais-je aussi mon temps ? Néanmoins, les heures sont devenues mes amies. Fidèles, elles reviennent, constantes, pareilles en leurs chiffres. Chaque heure a sa lumière, transfigurant les plus modestes lieux, faisant du moindre seuil une entrée enchanteresse. Sans relâche, mon regard enregistre les furtifs éclairages qui visitent coins et recoins, les immortalisent en visuels sentiments. Sur quoi s'ouvre la porte ? Sur un rayon oblique révélant, réveillant, les temps qui la passèrent, et surtout ceux qui, suspendus et patients, transformèrent leur attente en rêverie. La lumière rappelle et crée des tableaux. Cela pour l'instant me suffit.

* La
portée d'exil, extrait (1999)
M. Th., mis en ligne le 2 décembre 2008


... L’espace d’un seul instant
m’est éternité ... ( Î )
À la fugue musicale
et verticale
de ma vive
parole

(03-12-08)




Toujours  je respecte
mes Lecteurs
– fussent-ils potentiels –

Ici  comme ailleurs
il n'est pas un mot
que je n'aie pesé
à la lumière de mon chemin

Si ma lumière éclaire
d'autres chemins,
si le pollen de mon âme
fleurit en des lieux que j'ignore,
je dirai simplement :
J'aime
et
" que ma joie demeure "

(Le lendemain de ma fugue)





*
* ° *
**      a i r      **
° * °
*
.
 


6 décembre 2008, matin et midi :
Précieux était hier mon "idéogramme" centré, placé au-dessus du visage éveillé... Mais, au réalisme de mon idéalisme, il m'en faut voir toutes les facettes... "Et je n'ai pas pris peur de ma vision", m'approuverait Saint-John Perse... J'apporterai donc, à mon "image d'Épinal", quelque dissonance...
"Le diable s'étant fait psychanalyste" (
Î : voir plus haut), j'ai soudain lu dans les trois lettres espacées :
a i r , d'autres lettres : h a ï r ... Intuition aérienne, écrivis-je naguère (
Î).
Me revient un rêve endormi que je fis dans la nuit du 16 au 17 décembre 1999 ; je l'écrivis
aussitôt dans mon journal, concluant ainsi : Je ne comprends pas mon rêve, qui dépasse sans doute à nouveau mon moi personnel. Ce rêve, je le plaçai peu après dans la bouche d'un de mes personnages qui animent ma pièce : Parfondor (pages 121-122) :


L'errant :
D'où viens-tu ? Tu as l'air fatiguée, comme si tu avais beaucoup marché...

L'errante :
Et toi, pourquoi as-tu quitté le sentier broussailleux ? Nous t'avons perdu. L'enfant était trop fatigué(e) pour continuer. Je me suis assise à côté de lui (d'elle), et me suis endormie aussi. Rouvrant les yeux, je me retrouvai dans une campagne étrange.

L'errant :
Tu rêvais.

L'errante :
Non, j'étais bien réveillée. (Un silence pendant lequel elle se remémore le lieu, puis :) C'était une région imprécise arrosée par un fleuve. Un peuple (...) descendait gravement (...) vers l'eau limpide, pure malgré une menace de pollution dans l'air. On m'expliqua en effet que la région était menacée. Répondant à je ne sais quoi, je levai les yeux vers le ciel. Le bord de certains nuages était casqué d'un métal froidement brillant, argenté, et trop dur. De là venaient les émanations toxiques, qui ne faisaient que commencer. Nous ne sommes que provisoirement dans ce lieu, me dit un très vieil homme. Je baissai mon regard vers l'eau. (...) Le vieil homme m'avertit : (...) On a bardé de métal les nuages. L'air est malade, vicié non seulement de pollution mais d'ondes conflictuelles. (Un silence, puis :) Il était très inquiet.


M. Th., mis en ligne le 6 décembre 2008, 13 h. 30



Après-midi :
Après avoir mis en ligne mon journal de ce matin-midi, j'ai ouvert celui, en ligne lui aussi, de « La Libre », et découvert la photo et le regard de Stefan Zweig... Comme je comprends et connais ce regard !
De Zweig, j'ai d'abord lu, en 1997*, "Le Joueur d'échecs" qui me bouleversa : jouer aux échecs dans sa tête pour tenter de comprendre l'absurde... N'est-ce pas ce que font les écrivains qui pensent honnêtement (sans arrière-pensées) ?
Si je n'ai pas encore lu les nouvelles de "Brûlant secret", j'ai, en septembre 2005, découvert celles de "La Peur".
Justement, hier soir avant de m'endormir, je pensai vaguement à remplacer les lettres : a i r , par celles de: peur... Mais l'inquiétude finale de l'extrait de ma pièce, mis en ligne en début d'après-midi, l'exprime sans doute mieux...
L'occasion m'est donnée pour reproduire ici des extraits de mon journal de 2005 et 2006...
 
23 mai 2006, matin :
Guy de Maupassant. Hier, terminé de lire les Contes grivois. Ce matin, commencé les longues nouvelles, et lu “ Boule de suif ”…
“ Boule de suif ” : Il y a longtemps (c’est vrai que, depuis des années, je lis trop peu) que je n’avais pas pleuré en lisant… Quelques larmes retenues, une émotion contenue par cette espèce d’impuissance révoltée que l’on éprouve face aux humaines lâchetés, à notre peu reluisante condition. Peintre ayant eu plus que des velléités de portraitiste, je suis évidemment très sensible au génie de Maupassant qui a si bien analysé et peint en traits concis, émus et justes un fonctionnement social. Qualité qui le rendait sensible à une Nature exprimant le monde… Par exemple, les jolis reflets sur l’eau qui comblent le regard et le corps entier d’une harmonie illusoire, illusoire car, en dessous de la surface, cette eau charrie (la Seine en l’occurrence) vers la ville (Paris) ordures et saletés. (Voir un conte grivois, je ne sais plus lequel). Hermann Hesse, lui, a vu dans ce reflet le sourire de Bouddha derrière lequel toutes les misères et souffrances du monde se bousculent. Eh bien, chez Maupassant, sans que cela soit dit, ce sourire se trouve présent, et plus que non dit. Il a beau avoir écrit : illusion, son sourire intrinsèque le contredit. Boule de suif est son sourire bouleversant de compassion. La compassion de Maupassant ! Mais je l’aime, cet écrivain-là ! Quelle écriture ! j’en demeure admirative, et consciente sans honte ni tristesse des limites de ma plume !
Pourquoi ai-je eu envie de lire Maupassant ? Il y a des années que, voyant ses livres dans la bibliothèque, je me dis qu’il me faudra un jour le découvrir. Dernièrement, j’ai éprouvé le besoin de le lire, sans le connaître, comme si je sentais que je trouverais dans ses écrits une dimension concrète qui me fait défaut, manque qui m’étiolait ces derniers temps. Comme je l’ai écrit naguère (juin 1994) : Tel un chat trouve l’herbe qui le guérit / je vais sur le gazon ! Sur la terre ferme !
Souffrir à l’intérieur, sourire à l’extérieur.
Les maux passent, Maupassant.
Je l’ai déjà dit, et j’ose le redire : la moindre lecture (moindre en quantité s’entend !) suscite en moi tant de réactions (et je ne les écris pas toutes), qu’il est peut-être heureux, pour ma créativité et ma concentration, que je ne lise pas davantage. Le rapprochement (inattendu ?) que je viens de faire entre Maupassant et Hesse me rappelle un autre que j’ai fait entre Zweig et Rilke. Il tourne aussi autour de la compassion – de l’empathie chez Rilke. Ce rapprochement, je l’avais écrit sur papier, au bic, car mon ordinateur était alors en panne. Le voici, que je le retrouve d’abord au fond de mon tiroir...
13 octobre 2005 :
Palliant mes lacunes en lecture littéraire, ma mémoire subite de livres lus jadis et naguère me permet de relier ceux-ci en des points très sensibles. Points qui peuvent me revenir lors d’une nouvelle lecture. J’en donnerai plus loin un exemple.
Cette vision spontanément reliante, révélant mes affinités, modère-t-elle ce qu’on appelle aujourd’hui une “ fureur de lire ”, un besoin exacerbé de consommation ? Car ce reliement, qui m’est religion artistique, m’ouvre de telles méditations qu’elles me sont livres potentiels où je pénètre avec une émotion spirituelle et insaisissable.
Les points sensibles que j’ai nommés se rejoignent donc, et tracent ainsi des ponts entre les livres, entre les différents auteurs.
Ces ponts sont donc lancement de méditations que je chéris dans le secret de mon âme, dans la mesure où elles me sont viatique.
Ma vision “ panoramique ” me permet de discerner ces points sensibles qui s’allument à mon cœur visionnaire.
Discernement reliant.
Ma vision dessine des constellations, des communions, par-delà lieux et temps.
Ce que je viens d’appeler “ panorama ”, mes lacunes en lecture littéraire le plongent en partie dans un brouillard épais. Je sais que, moins ignorante, c’est-à-dire ayant lu bien davantage, je verrais ce brouillard se dissiper, et d’autres points lumineux et sensibles me sauteraient au cœur et aux yeux.
Mais les quelques points qui me sont donnés de sentir constituent une telle universalité que je puis me dire avec bonheur :
“ Tout est dans tout ” !
Voici à présent, parmi d’autres, l’exemple promis. Si je le choisis, c’est qu’il est ma plus récente expérience. Découvrant des nouvelles de S. Zweig, dans celle ("Révélation inattendue d'un métier") où il décrit magistralement son empathie avec un pickpocket, je me suis brusquement rappelé l’épileptique que suivait le Malte Laurids Brigge de Rilke
("Prose", pages 590-593, Éd. du Seuil, 1966). Une même compassion, douloureuse jusqu’à l’empathie, ouvre un abîme d’impuissance. L’impuissance du personnage de Zweig à communiquer au voleur sa pitié, tandis qu’il tient entre sa main celle piégée et peureuse du malheureux. L’impuissance du personnage de Rilke à donner au malade toute sa force.
Sont-ce mes racines allemandes, du côté de ma mère vieillissante, qui me portent de plus en plus vers les auteurs de cette langue ? Je les lis traduits en français. L’esprit déborde les langues.
Si je connais Rilke depuis plus longtemps, ma découverte de Hermann Hesse et de Stefan Zweig est récente.
Rilke (page 677) : “Plus l’on regardait au-dehors, plus l’on remuait de choses au fond de soi ”... Et inversement...
 
En résumé, comparaison entre Zweig, Hesse et Rilke :
 
Stefan Zweig parle des autres avec une compassion, une empathie douloureuse mais analytique, analyse qui n’empêche pas de sentir un abîme d’impuissance telle l’impossibilité de faire passer à un pickpocket sa pitié, la main de celui-ci saisie comme un animal piégé et peureux. La fin de cette nouvelle montre une incommunicabilité qui m’a angoissée, l’impossibilité de se faire comprendre, de voir sa générosité reconnue… Ce devait être déjà une angoisse de Zweig, Zweig qui s’est ensuite suicidé, coincé entre des extrêmes… ("Le Joueur d’échecs")…
Hermann Hesse parle davantage de lui-même, de sa quête, s’extrayant de la condition existentielle vers une spiritualité… Je crois que le Maître du “ Jeu des perles de verre ” meurt à la fin du livre comme un Christ qui offre sa vie au “ siècle ”, à l’existence, car il ne peut donner à ce siècle existentiel et matérialiste que sa vie spirituelle = sacrifice.
Note du 4 septembre 2005 : La mort du maître est une parabole signifiant que tout maître a ses limites ; ces limites rendent le disciple responsable, non responsable de la mort de son maître, mais responsable de sa continuation, de la continuité de son œuvre = la transmission.
Rilke, comme Zweig, a cette capacité d’empathie dont le vertige se transpose grâce à la poésie : l’abîme existentiel s’élève à la cime d’un climat poétique.

* 1997, extrait d'une de mes lettres :
Je viens de terminer une lecture bouleversante : « Le Joueur d'échecs » de Stefan Zweig. C'est un abîme philosophique. Une lucidité douloureuse qui marque au fer rouge le lecteur. Nonante pages, et tant d'interrogations, d'impitoyables constatations. Bouleversée à différents niveaux... Ainsi, le succès et la gloire : le joueur professionnel finit par l'emporter sur celui pour qui le jeu a été vital **. Mais, surtout, le niveau où le joueur « dilettante », comme le nomme ensuite l'auteur, apprend à jouer contre lui-même pour ne pas sombrer dans la folie, quitte à y glisser ensuite. Folie bénie puisqu'elle le sauve de l'enfer, de la prison. Jouer avec son ombre, afin de mieux se connaître, et, de là, mieux connaître l'autre, les autres, le monde... Mais je ne veux pas me laisser aller à l'analyse. Ce serait refouler le noir vertige existentiel ouvert par le livre. (…) Ce joueur d'échecs fait éclater le cadre du livre, comme dans un tableau d'Ensor où le modèle – « L'ivrogne » – vit d'une telle existence que l'on en oublie le support, la toile. L'humain est là, et la croix qui l'écrase le fait triompher, surgir de l'image figée : c'est l'âme, c'est l'empathie du peintre. Quels génies qu'Ensor et Zweig. Ce rapprochement (d'un livre et d'un tableau) me fut d'emblée spontané : l'humanité.
 
** Mais... : “... des élus qui sont souvent aussi des vaincus et des victimes ”, Hermann Hesse


M. Th., mis en ligne le 6 décembre 2008, 16 h. 45


Soir, 18 h. :

À propos de mon journal

I
 
1993, premières pages de mon roman inédit :
Au-delà des Jardins


L
a velléité me prend parfois de commencer un journal. Un journal dans les règles, « orthodoxe ». Jour après jour, j’y mêlerais mes vécus différents, d’amour, de créativité, de la même manière douloureuse qu’ils s’interpénètrent dans ma vie. Mon besoin de synthèse, de recul, me pousse à en tenir plusieurs : un journal à tiroirs, en quelque sorte. L’un a l’esprit d’un roman ; l’autre est émaillé de pensées philosophiques. Un troisième recueille des poèmes…
Parfois, fatiguée de ce travail quasi administratif de classement de mes sentiments, j’ai envie d’abandonner mes nombreux feuillets. De fuir comme enfant je fuyais au-delà des jardins…
Au lieu de fuir, je me mets en colère.
Et c’est comme si un tremblement de terre renversait mon secrétaire, en extrayait les tiroirs, mêlant et dispersant les pages. Ou comme si un voleur-iconoclaste arrachait celles-ci de leurs compartiments puis les jetait au sol, furieux de n’y pas trouver de chèques ou d’argent.
À genoux sur le tapis, j’essaie de les ranger, de retrouver leur ordre. Mais deux feuilles provenant de chemises différentes, tombées par hasard l’une à côté de l’autre, se répondent, m’y font découvrir un lien nouveau.
Ainsi, le jardin de mon enfance, cultivé avec soin par mes parents, répond à ma vie de ménagère dont les tâches me pèsent de plus en plus car elles interrompent mes rêveries. À tel point que je me révolte de ne plus pouvoir, autant que je le désire, partir « au-delà »… C’est le tiroir des souvenirs, le quatrième, dont les feuillets épars comme feuilles d’automne côtoient des brouillons de poèmes.
Quel ordre choisir pour « classer » tout cela ?
Je peux procéder par associations comme dans ces jeux où un mot en entraînant un autre doit ramener au premier. Ou, comme pour les cartes, les grouper par couleurs ou valeurs : les cœurs ensemble, les trèfles… Ou les reines d’un côté, les rois de l’autre…
Associations semblables encore à celles d’un patient chez un psychothérapeute, permettant de remonter le fil d’une vie perturbée.
Mais écrire – un journal ou autre chose –, c’est accepter sa solitude, la regarder en face sans soutiens extérieurs. Une oreille idéale qui m’écouterait, un interlocuteur généreux et parfait, me manque parfois, car la vérité entrevue dans le miroir de l’écriture se masque, s’enfuit…
J’ai d’autant plus besoin d’ordre que mon naturel est foncièrement anarchiste. Comme le désordre des jardins anglais, mon indiscipline a sa loi propre.
De plus, je perçois la vie extérieure le – « monde » – de façon assez floue, impressionniste. Entre lui et moi, se sont longtemps interposées des couches transparentes, vitres aux multiples reflets.
Je me sens tel un galet au fond d’une eau claire. Les remous semblent lui ôter sa pesanteur. Cependant, il pèse dans les profondeurs marines. Les sensations, les sollicitations du dehors, ont beau le rapetisser, le déformer même, il trône pourtant, boulet dans ma cellule de condamnée à l’introspection pour ne pas dire l’autisme.
Voilà trois fois que revient le mot « jardins ». Ils m’appellent comme une mouche bourdonnant sur la vitre distrait l’écolière de ses devoirs, amenant son regard à la fenêtre puis, au-delà d’elle, vers les nuages et les toits.
La ligne courbe d’un point d’interrogation ne se referme pas en boucle, mais dévie, se prolonge en ligne droite vers un point encore plus questionneur. Ainsi, ma vie s’ouvre sur un nouveau chemin. Le point de fuite en vacille dans les brumes de mon passé…
Je réinsère les tiroirs dans mon secrétaire. Réunis en un seul classeur les feuillets épars, dont certains se sont envolés à jamais par la fenêtre ouverte, ou, chiffonnés, attendent un meilleur sort au fond de la corbeille…
Rien de spectaculaire dans ma vie. Ni guerre, ni deuil… Mais certains meurent pour moins que cela, pour un regard refusé, le dernier…

Aussi loin que je me souvienne, des couches de verre se sont interposées entre la vie et moi. Transparences floues, déformantes. Cocon visuel favorable à l'introspection.
Etc...

  
II

Ma reconnaissance envers Jacques De Decker

 
Extrait de mon journal, 2005 :
Sans doute y aurait-il à prendre et à laisser dans mon personnel et volumineux journal de plus de 1.000 pages, tenu quotidiennement depuis des années grâce à la suggestion de Jacques De Decker *
Un jour que je lui avais téléphoné pour lui confier un état de panique (c'était en mai 1999), il m’avait répondu avec le « laconisme de l’aile » dont parlait Saint-John Perse : « Écrivez tout cela »
 *.

À prendre : mes pensées et intuitions de tous ordres.
À laisser (bien que…**) : mes humeurs, mes réactions démesurées et susceptibles, expressions exacerbées d’inquiétudes et d’angoisses plus que diffuses.
** Bien que… : C’est que de mes colères ont jailli plusieurs de mes inspirations.


M. Th.
, mis en ligne le 6 décembre 2008, 18 h. 50

* En fait, Jacques D.D. ne me suggéra pas de tenir un journal. Auparavant, dans les années 80, et même avant, j'en avais déjà tenu un, très intermittent, ce qui me ferait parler de velléités de journal, car non continu, non quotidien.



Exemple : D'une colère jaillit un poème...
(2001, Variations pour songe sur un insaisissable Absolu) :

Du concentré / face à la dispersion / Noyau serré tel un poing / brandi dans l'espace / Noyau d'une Terre qui s'oppose / pour mieux se poser dans et contre / le Ciel / Qui tambourine contre l'écorce / Ainsi les Hommes / se cognent sans se voir / pour exister // Je choisis la vue et l'être / Et pense mes plus rudes visions / afin de calmer les esprits / qui confondent les plans  les ordres (...) / La colère pourtant / peut être sainte et saine / si tel un big-bang / elle manifeste un éveil


Et... (Avril 2008, À l'entrelacement de ma Tempérance) :

Sans accidentel / nulle véritable tempérance
Les forts contrastes / mènent aux nuances


Vérité
j'écris ton nom
avec l'eau de mon âme
car cette vérité est la mienne


N. B.: Jacques D. D. n'est pas mon "parrain" d'écriture, je n'en ai pas, j'écris seule, mais je réponds à ce qui m'interpelle dans le monde...
« À toutes les images et à tous les phénomènes de l'univers, il y a une réponse au fond de ton cœur, (...) tout te concerne » ( Î )

M. Th., mis en ligne le 8 décembre 2008, 02 h. 50





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* ° *
**      e a u      **
° * °
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L'univers choral

à Jacques et à tous mes (vrais) frères en écriture,


... Recréer le monde en sachant qu'un même ange nous parcourt, et sème dans nos nuits têtues des bribes de ciel, éclats d'une vision. C'est l'ange annonciateur de Poésie, d'éternelle Enfance ! En nous, les mêmes bribes ont germé. Mais que seront nos chants ? Se répondront-ils ? Se compléteront-ils ? Ou rivaliseront-ils ? Ermites apparemment, les poètes, à leur insu, conviviaux communient. Nous parcourons un pays d'éclaircies où croquer la lumière.
« Immaculée Conception » ! Immaculée conception d'un Art ancré au plus coloré de la Vie ! Recevons l'humble coeur pour que finissent les guerres du Sacré. Le Ciel est à tous. Recevons l’humble cœur pour que cessent toutes les guerres. La Planète est à tous.

1997, Le Mystère de Sonia D’Ombrelaine                   

M. Th., mis en ligne le 8 décembre 2008, 20 h. 35




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* ° *
**      f e u      **
° * °
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* ° *
**      t e r r e      **
° * °
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Un cirque salvateur et rêveur

Intuition terrienne (Î)
Chuter sur terre
sans s'y casser le nez
Mais y pirouetter
sur sa pointe
Équilibre de la toupie (Î)
Acrobatie
en ce monde basculant
qui  pourtant
tourne, tourne
"Mon manège à moi",
c'est le sérieux humour
auquel vous voici invité(e)s !

"Au fond", que transmet-on ?
Un savoir vivre



Rappel : (Î) = voir plus haut


M. Th., mis en ligne le 10 décembre 2008




*


"… L’œil de l’homme n’a jamais ouï, l’oreille de l’homme n’a jamais rien vu de pareil…",
Shakespeare, "Le Songe d’une Nuit d’Été – Le Rêve de Bottom"

 
Si je connaissais depuis 1980 "La Tempête" (ma pièce de lui préférée), et depuis beaucoup plus longtemps "Hamlet", je n’avais pas encore lu cette pièce-là en janvier 1995 quand j’écrivis (Triptyque) :

Infiniment renaît ce monde
Louange à Toi  car mon oreille voit
mon œil entend
Fugue verticale
Ascenseur des fonds malaxés
Et ce trait vif-argent d'aile
 
À la poésie de son théâtre, Shakespeare mêla le clownesque. D’autant mieux que le clown exprime des vérités, en l’occurrence l’entremêlement très réel des sens, dont je parlais déjà dans mes Verbes-Oriflammes. Mais William se prenait moins au sérieux que moi, aussi était-il plus génial ! Nul n’est parfait.


M. Th., mis en ligne le 12 décembre 2008




*

Après m’être coiffée d’un bonnet d’âne – puisque « bottom » en anglais signifie à la fois « bas » ou « fond » et « dernier élève » –, j’ai envie de parler un peu de ma vocation d’écrivain...
À l’école primaire (c’était alors à Arlon, après avoir quitté Bruxelles), je me passionnais pour les rédactions. Il arrivait que l’institutrice lût la mienne devant la classe. Une fois, j’avais imaginé une farce avec force dégringolades d’objets (je ne connaissais alors pas la chute d’ « Alice au Pays des merveilles »). L’entendant me lire, je m’étais (à tort ou à raison) sentie un peu ridicule !
Ensuite, adolescente, j’allais cultiver mon amour de l’expression écrite. Au début de cette rubrique, j’avais reproduit un extrait significatif de ma "culture" spécifique qui est celle des mots : Un Bruissement de Peupliers. Je le déplace, l’enlève de là-haut pour le placer ici-bas, mais, cette fois, sans coupures. Curieusement, en effet, je l’avais élagué du passage où je nomme ma vocation d’écrivain. Pourquoi ? Par une sorte… d’effacement… ? Ceci me ramène à un de mes poèmes de 1994 (Triptyque) :
 
Tant de vols  de viols
(…)
Un canif a griffé le disque de ma voix
Sur les sillons écorchés  elle tressaute
Je me blessai le bec comme d’autres les doigts
en affûtant ma plume
Trop me suis effacée aussi
La gomme aujourd’hui me tombe des mains
(Parfois je m’étiole
pour mieux découper Ton profil sur mon ciel)




Un Bruissement de Peupliers

... C’était en vacances, à la campagne.
Jusque là, elle s’était laissée passivement bercer par le murmure confus et de fond de peupliers qui longeaient en rideau la maison.
Voici qu’elle le remarquait.
Dès lors, ce langage ne pouvait plus être pour elle celui informe et général d’un feuillage ; il devenait celui précis de feuilles particulières.
Et la forme qu’elle y décelait était celle d’un mot…
Elle l’écoutait, cherchait en elle le verbe qui traduisît le mieux le chuchotement aérien et végétal…
Subitement, son visage s’illumina, comme dut s’éclairer la figure de ceux recevant la Pentecôte !
Bruisser ! C’était le verbe : bruisser !
Les peupliers bruissent !
À moins de quinze ans, on n’est pas encore familiarisée avec tout le dictionnaire, même si les meilleurs romans ont commencé leur enseignement d’écriture.
Lecture, école d’écriture.
Elle aimait lire et écrire, et avait le souci du mot juste.
Dans le libre bruissement des peupliers, bruissait déjà toute sa sensualité poétique, et l’éveil arrondi de son âme.
Le langage argentin de ces hauts arbres lui évoquerait plus tard un froissement ailé.
Ensuite, rentrée de vacances et loin de la Nature, lorsqu’elle sentait un mot sans arriver à le trouver, elle consultait le dictionnaire. Passant de synonyme en synonyme, par exemple, elle finissait par découvrir le fin mot recherché. À chaque fois, il lui donnait la clef de la délicate voie des nuances. C’était son intime récompense et sa liberté : recevoir un verbe, comme un baiser !
 
Son amour des mots, du bien écrire en français, aurait-il été, au départ, une consolation de ne pas tout à fait bien parler la langue de sa mère ? Car il s’agit d’Albine. L’on se souviendra que sa mère était anglaise, et que son père, francophone et musicien, aimait Albinoni.
Non, car elle sait que, dans une autre langue, elle aurait eu le même souci. Si, pour elle, le génie linguistique est français, c’est que les neurones de son apprentissage à parler le lui ont imposé. Je ne dis pas : ses neurones et sa mémoire, car la mémoire est un mystère. Des gens se sont, paraît-il, un jour mis à parler couramment des langues qu’ils avaient trop peu apprises, voire même pas du tout, mais qui étaient celles de leurs parents.
Son amour du bien écrire vient tout simplement et seulement de ce qu’elle est écrivain !
Le bruissement des peupliers est le même en anglais et en français, et en bien d’autres langues.
Quelle langue parle-t-elle ?
Elle parle peuplier !

Extrait de mon conte : Mon beau Cygne perlé


N. B.: Cet extrait est autobiographique ; Albine, c'est moi, sauf que ma mère n'est pas anglaise (voir plus haut) et que mon père n'était pas musicien.



M. Th., mis en ligne le 13 décembre 2008


*

Inédits

D’un sentiment blessé, faire une juste pensée
 

Je suis un mélange de romantisme et de drôlerie.
Quand j’étais gamine, ma mère me disait parfois :
« Tu es pleine de rires ! »
Cependant, si elle m’avait secouée, ce sont des larmes qui seraient sorties.
 « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes », écrivait Henri Calet.
Pourtant, il y a plus de onze ans, soit en février 1997, j’écrivais :
 
« Ne me secouez pas, je suis plein de larmes », ai-je lu sur la couverture d’un recueil de poèmes. Secoue-moi, je t’en prie, secoue-moi. Secoue-moi comme le vent moelleux secoue la vigne, et mes larmes seront de vin.
J’ai souvent remarqué que ce que j’écris sous l’emprise de la souffrance est le plus spirituel, au sens de l’humour. Je pense que j’ai un ange humoriste.
… Le temps s’étire. Ces derniers jours, je sens dans l’air non le printemps, mais un automne, un soleil d’automne.
 
Mais ceci était et demeure une autre et nouvelle histoire, une histoire où préside consciemment une gaieté salvatrice !
Dans ma mémoire, j’ai choisi un souvenir qui étayera mon titre :
Transmuer un sentiment blessé en juste pensée…
Et le rire guérit, que sous-tend une claire pensée.
Voici ce souvenir...

 

Mon ami le Dictionnaire
 
Après mes primaires, je souhaitais ardemment faire des gréco-latines. Mes parents m’inscrivirent donc dans ces humanités-là au pensionnat.
Mais j’allais déchanter…
En effet, le premier jour de la rentrée, lorsqu’une Sœur désigna aux élèves leur classe respective, j’appris que je devais aller en modernes…
Je contestai…
Brutalement sévère, cette sœur me répondit : « Ne commencez pas vos cabales ! Si vous ne comprenez pas ce mot, regardez au dictionnaire ».
Ce que je fis, ne comprenant pas en quoi je pouvais « comploter » !
En l’occurrence, c’est moi qui étais victime d’un complot ! Celui qui, sans m’en avertir, m’avait fait placer dans des humanités que je n’avais pas choisies.
Bien plus tard, alors que je questionnais mes parents à ce sujet, Maman dit :
« C’est moi qui t’ai changée d’études, parce que les gréco-latines menaient à l’université, et que ce n’est pas pour les filles ».
Plus tard encore, contestant ce préjugé machiste, je m’entendis répondre :
« De toutes façons, nous n’aurions pas eu les moyens de payer des études universitaires ».
Ceci changeait évidemment tout…
Il faut aussi savoir que ma mère croyait sincèrement bien faire. Pour elle, l’idéal de la profession féminine était employée de bureau – mon père, qu’elle admirait, étant chef de bureau au Ministère de la Défense nationale.
Mais les modernes (économiques) me permirent d’apprendre l’allemand, la langue maternelle de ma mère.
De plus, d’une injuste humiliation, je fis une leçon…
Car si, auparavant, j’avais déjà pris à l’occasion le dictionnaire, à partir de ce premier jour de rentrée des classes au pensionnat, je me fis du lourd volume un allié, un complice, un ami, et cela pour la vie !
Oui, enfant, il m’arrivait de prendre le dictionnaire. Grâce à mon père qui, lorsque je lui demandais parfois ce que signifiait tel ou tel mot, me répondait de l’y chercher.
Ainsi, à plusieurs reprises, avais-je consulté (et re-consulté, car j’oubliais chaque fois la définition !) le Petit Larousse pour le mot : « ésotérique » = « réservé aux seuls initiés ».
Que lisais-je donc ? Un peu de tout – ce qui me tombait sous la main ? J’ai oublié. En tous cas, le mot m’interpellait.
 Aujourd’hui, l'on me dit :
« Ce que tu écris est ésotérique » !
 Quel(s) dictionnaire(s) devrais-je leur conseiller pour me comprendre ?!
 Et… toute lecture n’est-elle pas initiation ?!

 
 

M. Th., 26 octobre 2008


Mis en ligne le 13 décembre 2008



*

Dans Mon beau Cygne perlé, je fais lentement chuter mon héros dans une sombre cheminée, puis le fais atterrir en un lieu infiniment blanc, sympathique.
Ma plume, descendant au long de cette rubrique parsemée d’extraits, alunira-t-elle? après avoir traversé la terre !
Puisqu’en 1988, j’écrivais (L’Ombre de Dieu) :


L’échelle haute
rongée de lumière
immaculée
désespère  annihile nos couleurs
Des marches descendent
dans un noir velouté
Sous le dernier palier
côte à côte apparaissent
cette douce noirceur
et quelque chose de blanc
lunaire
et
PRÉCIEUX


.



Mon Ange gardien

Tout ceci me rappelle un texte que j’écrivis fin des années nonante…

Quel château m'avait-on emmenée visiter ? Comment me retrouvai-je seule dans une ancienne cour envahie par les herbes, entre des murs en ruine ? Je me souviens de la paix du lieu, du soleil, d'une brise chaude et parfumée, et d'un sentiment d'heureuse liberté avivé par cette curiosité exploratrice propre à l'enfance.
Au milieu, un escalier s'enfonçait dans le sol. Les marches, aux angles arrondis par d'innombrables pas, invitaient les miens. Je quittai l'air doré de l'été pour les descendre. En bas, sous la terre humide et dans une presque totale obscurité, se devinaient deux directions.
J'allais, sans hésiter, tourner d'un côté, quand, de l'autre opposé, apparut un faisceau de lumière. Suivi par un groupe de touristes, un guide, de sa torche, éclairait les galeries. Interdite, je découvris alors, à une quinzaine de centimètres de mes pieds, soit la longueur d'un pas, un trou, un gouffre ! Le sol s'arrêtait net, tombait à pic.
En contrebas, une eau stagnait, éveillée ça et là par quelques gouttes suintant d'un plafond resté dans le noir. Les égouttements me devinrent soudain audibles, comme si les ténèbres les avaient d’abord étouffés. Le groupe s'approchait, et le guide sauveur.
En quelques secondes, il me sembla revenir de très loin. La lueur de la lampe de poche, moins diffuse, se précisait. Je perçus une rumeur de conversation. M'avaient-ils aperçue dans le rai de lumière ? Timide, je retournai vers l'escalier, le remontai vivement.
Nulle peur rétrospective ne me hantait. Seulement une question dont la lucidité aurait pu étonner vu mon jeune âge : pourquoi ne pas barrer un endroit aussi dangereux ? Sans ce guide, je sombrais.



Histoire autobiographique parue en 1998 dans une anthologie offerte à Luce Wilquin à l’occasion de son anniversaire. Le mot "lumière" devant y figurer, j'avais choisi ce texte-ci écrit auparavant.




M. Th., mis en ligne le 13 décembre 2008, 23 h. 35


*

Tant de variations méditatives sur la chute…
 

La Chute contemplative

 
2° partie de mon recueil :

Plein cintre d'arc-en-ciel

 
 
Et si  vers la terre  descend
une Voix oubliée,
dira-t-elle :
Celui-ci est mon monde bien-aimé
en qui j'espère ?
Suis-je abandonné ? craint-il
Chacun cherche sa place
au soleil de la Vérité
Ces places sont-elles vérités différentes ?
 
L'assomption d'une conscience
rencontre un Regard incliné
Au point fusionnel de la vision
l'œil et le vu sont un
Compassion
 
Si l'univers répond
à une vaste aimantation
dosée  mesurée,
à quels appels immenses
répond la chute contemplative ?
 
Au sommet des monts
vibre  toujours  en équilibre
une larme pensive
 
Pour parcourir le monde,
Soleil, tu m'as offert
une robe frangée de rayons
Après mon parcours
j'ai peigné les franges
leur ai ôté les ronces
me piquant les chevilles
Mon peigne traversa
les nocturnes rosées
les perles d'eau au bout des fins rayons
rehauts à la couronne du pas de mon âme
Ainsi  je reviens à la mer ferme
au cœur d'un cercle étincelant
tracé par les rayons descendants
de l'astre diurne voilé de calmes nuages
Auréole d'orgues subtiles
qui exalte le lien
entre le haut ciel et l'ultime destination
de la chute
là où songent infiniment
les âmes apaisées
 
Quelle terre oubliée
à l'humilité de son cœur
se lèvera des embruns ?
Franchira sous un plein cintre d'arc-en-ciel
les chutes réunies ?
 
Plein cintre d'arc-en-ciel
Aérienne architecture
accueillante




Extrait (2003)

M. Th., mis en ligne le 14 décembre 2008, 10 h. 58


Précision

Comme un musicien qui reprendrait les mêmes "images" dans diverses compositions, j'avais repris quelques poèmes de la 1° partie de Plein cintre d'arc-en-ciel : La Source dansante (1997 – 1998 pour le dernier poème), et les avais justement insérés dans ma pièce : Le Mystère de Sonia D'Ombrelaine. Je le répète : mes œuvres forment un seul livre, celui de ma sensibilité.


M. Th., mis en ligne le 15 décembre 2008, 15 h. 30




*



À propos d’ombre et de lumière…

  
En tant que poète, quand je regarde et vois en moi ces deux « contraires »,
je me sens entrer dans une dimension musicalement mystique.

  
En tant que philosophe, je donne à ces deux symboles divers sens,
selon les contextes.




Extrait de mon conte : Mon beau Cygne perlé



*


Un jeu de mots entre deux fêtes


" Il se fait comme ça, entre les rêves et la conscience éveillée, des échanges mal définis : une sorte d'osmose ",
citation d'Aragon découverte le 27 décembre dans Le Petit Robert, alors que j'y cherchais, non pas la définition du mot osmose (qu'évidemment je connais), mais son étymologie – laquelle me va : "impulsion".
Car un jeu de mots m'était venu à l'idée :
Osmose, féminin de Cosmos...
Le c premier devenant le e dernier...
L'esprit de ce jeu de lettres est mystique et philosophique, le cosmos étant un vertige de reliements (=osmose...) et ces reliements-là étant d'âmes donc féminins.
J'espère que mon esprit sauvera la maladresse de ma lettre.

 


M. Th., 27 et 30 décembre autour de 2 h. du matin, 2008




*


Neuf ? ou Neuve ?


Voici commencée l'année deux mille neuve...

Naguère, quand on me demandait :
Êtes-vous auteur ou auteure ? écrivain ou écrivaine ?
j'hésitais à choisir ; à vrai dire, je n'y avais jamais songé !
Une fois, je répondais : auteur ; une autre fois : auteure.
Mais jamais : écrivaine.
S'il m'arriva de me proclamer auteure, c'était pour me différencier d'un mari écrivain lui aussi. C'était pour arrêter des ambiguïtés pour moi blessantes – car injustes.
Depuis, sans prévenir, j'ai tranché : je suis un auteur, je suis un écrivain.
Je suis un être humain.
Mais je n'ai pas tranché mes plumes.
Aile neuve... Année neuve... Année espérée ailée...


Audace androgyne
S'il est un plus pour l'homme,
trop souvent pour la femme
l'androgyne est un piège
malgré son autonomie
Mais elle y choit
– c'est son choix –
avec un voluptueux frisson
Passant du masculin au féminin
du féminin au masculin,
son verbe ose *

Ambivalente
pour me poser
je m'oppose à moi-même
Alouette parfois coincée
à mon propre miroir
C'est en restant dedans
que j'en sors *



* Extraits de mon recueil : L'infrangible vision

M. Th., le 1° janvier 2009


P. S. (14 janvier 09, et mis en ligne le même jour à 12 h. 41) : Quant au féminin de poète, je me dis tantôt poète, tantôt poétesse, selon la sonorité et le balancement de ma phrase.
Ces deux derniers critères pourraient, au fond, à l'occasion, réhabiliter sous ma plume : auteure ou écrivaine... Par exemple :

Filer et tisser de bien douces laines / repose des mots l'amère écrivaine




*


La "maya", l'illusion...


" – ... Je ne peux plus supporter cette existence affreuse, je voudrais en être délivré.
Le yoghin avait écouté cette explosion de paroles tranquillement, les yeux baissés. Il les ouvrit alors (...). C'était un regard clair, pénétrant, d'une fermeté presque insoutenable, concentré et lumineux. Il examina la figure de Dasa, réfléchit à ce récit précipité, et sa bouche se crispa lentement en un sourire qui s'épanouit ; il secoua la tête en riant silencieusement et dit, tout hilare :
La maya ! La maya ! "
Hermann Hesse


... Pour le consoler, elle improvise :
– Tout est jeu ! N'est que jeu ! Tous ne sont que personnages. Les personnages d'un interchangeable scénario. D'un enjeu illusoire !
Il bondit :
– Le chagrin : une illusion ? Une illusion, le crime ? !
Ils s'effondrent tous deux.

Extrait de mon recueil : L'âme dénouée, Denise de mise



M. Th., 2 janvier 2009, matin



– – – – –



Un règne impérial


Tout récemment, le 30 décembre, la télévision a offert à voir et à entendre un documentaire magnifique et profondément émouvant :
" La marche de l'empereur " – sur les manchots empereurs.
C'est une fable, des animaux illustrant avec une ténacité bouleversante le combat pour la vie.
C'est leur réalité concrète et cyclique qui fait de ce film une allégorie applicable au règne humain.
Contre blizzard et gel,
pères et mères manchots luttent pour protéger la vie de leurs petits, leurs petits qui se développent au cœur d'un œuf fragile.
Exemple pour une "humanité" qui ne sait plus protéger la vie de demain.

M. Th., 2 janvier 2009, midi -13 h.


– – – – –


J'ouvre ma fenêtre
pour prier et sonder la Nuit
Espace,
éveille et sauve cette planète !

J'éprouve un curieux mélange
de solitude et de compagnie *



* Extrait de mon recueil : L'infrangible vision
Ci-dessous, le tableau reproduit en couverture de ce recueil :
Regard céleste

M. Th., 2 janvier 2009, 22 h.




Le Soleil rayonne
La Lune induit

M. Th., 3 janvier 2009





Regard céleste

Regard céleste, huile, 1982, M. Th.





La Lune induit


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* ° *
° **      c œ u r      ** °
° * °
*
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Le Soleil rayonne





Éveil

Éveil, 2008, M. Th.


" Et aucune grande personne ne comprendra jamais
que ça a tellement d'importance ! "

Antoine de Saint-Exupéry

" Le Petit Prince "
(8 janvier 09)



9 janvier 2009 :
Je ne sais au juste qui me lit ici... Un vague sentiment m'habite d'une désapprobation extérieure, voire d'une antipathie, pour ne pas dire une méchanceté qui voudrait me... tuer, qui me menace en tous cas de façon évidente... Pourquoi ? À cause de ma famille maternelle qui fut allemande ? Le "je" est à la mode, les récits de vie sont encouragés... Mais lorsque, comme moi, l'on dit vraiment "je" (je fais mes livres entièrement : je les écris et les compose et les mets en page et y reproduis en couverture ou à l'intérieur de mes dessins ou tableaux, puis j'envoie le tout en PDF à un imprimeur), alors on est moqué, rejeté.
Une fois sur deux, je m'autoédite : passage obligé quand mes manuscrits sont refusés parce que ne "s'adressant pas à un large public"... Entendez : car ils ne sont pas commerciaux. Quel mépris dans ces mots : large public... D'autre part, pourquoi un éditeur aurait-il plus de sens critique qu'un auteur ? Après tout, sans les auteurs, il n'y aurait pas d'éditeurs.

M. Th., mis en ligne le 9 janvier 2009, 21 h. 55


10 janvier 2009 :
Un fonctionnement éditorial soutenu par une presse médiatisante constitue une véritable "machine de guerre", puisque l'argent en est le nerf. Face à cette machine, je me sens bien impuissante. Écris et tais-toi, pourrais-je me conseiller. Mais, à la veille de la publication (en avril) de mon 36° ouvrage, je m'autorise à dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas ; car je ne suis pas dans mon 36° dessous. Dans ce contexte difficile, je sais gré à ceux et celles qui reconnaissent mon œuvre. Je tiens à le souligner. Pour eux et elles, revoici l'Aimée de ma pièce : Le Mystère de S. D'O. :

Aimée : (Chanté sur l'air de Trenet)
"Le soleil a rendez-vous avec la lune"... (Parlé :) La lune est là, et le soleil la voit !



M. Th., mis en ligne le 10 janvier 2009, 6 h. 48




– – – – –

Quelques extraits des Lettres de
Vincent Van Gogh

à son frère Théo


"Je conclus : vivre à peu près en moines ou ermites avec le travail pour passion dominatrice, avec résignation du bien-être."

"Je n'y puis rien que mes tableaux ne se vendent pas. Le jour viendra cependant où l'on verra que cela vaut plus que le prix de la couleur et de ma vie en somme très maigre"

"Mais que veux-tu, c'est malheureusement compliqué de plusieurs façons, mes tableaux sont sans valeur, ils me coûtent il est vrai des dépenses extraordinaires, même en sang et cervelle peut-être parfois. Je n'insite pas, et que veux-tu que je t'en dise ?"

"Il me semble toujours que la poésie est plus terrible que la peinture..."



M. Th., mis en ligne le 10 janvier 2009, 13 h. 04

. . . . . . . . .



Suite de la citation

"Il me semble toujours que la poésie est plus terrible que la peinture (...). Et le peintre en somme ne dit rien, il se tait et je préfère encore cela."

Mais Vincent ne se taisait pas tout à fait, puisqu'il se confiait à son frère. Il en avait besoin ! Ainsi ai-je moi aussi besoin d'exprimer ici, en plus que dans mes écrits inédits ou publiés,
ce qui me semble important. Au risque de ne pas voir l'entièreté du problème.

Certes, les tableaux de Van Gogh parlaient ! Mais ceci est un autre niveau de compréhension.



M. Th., mis en ligne le 11 janvier 2009, 20 h. 49


*

Sous le monde, l'espace
qui le réveillera


(extrait de mon recueil de poèmes : L'infrangible vision)


En mai 2008, quarante ans après un combat pour une liberté de contestation, ont éclos mes autoéditions M o n é v e i L. Deux de mes œuvres y sont déjà parues... En mai 2008, L'Opéra sidéral ; en septembre 2008, À l'entrelacement de ma Tempérance. Si je publie beaucoup, c'est que, là où un autre auteur écrira un seul livre de 300 pages, moi j'en écrirai trois de 100 en des genres différents qu'il m'est difficile de grouper en un même volume. Deux critiques ont évoqué mes deux autopublications dans un journal largement médiatique. J'espère qu'ils n'ont pas pris ombrage de mes lamentations des 9 et 10 janvier, lamentations néanmoins justifiées à une plus grande échelle...


 L'Opéra sidéral, extraits :

Œuvre maudite que la mienne, se dit-elle, comme le fut celle d’Edgar Poe, car absolument interdite de médiatisation. D’une médiatisation qui a une de plus en plus forte « odeur de magasin ! » (1)
Et dans ce magasin, le public est nombreux, « un public qui préfère de beaucoup l’amusement et l’émotion à la plus importante vérité philosophique. » (2)
« … la Société a pour eux (pour les maudits) un anathème spécial, et accuse en eux les infirmités que sa persécution leur a données. » (2)
Ode est donc, elle aussi, infirme quelque part : elle est devenue misanthrope, mais le cache comme elle peut, en faisant contre mauvaise fortune bon cœur, misanthropie et bon cœur ne se contredisant pas. Chez elle, du moins.
S’autopersécutant, le monde est aussi devenu infirme : il ne peut plus penser. Ce n’est pas vraiment qu’il ne le sache plus, non, car il en est encore mentalement capable, c’est qu’il n’en a plus la possibilité, je veux dire qu’il n’a plus les moyens de pratiquer sa pensée, s’étant enlevé ses propres moyens.
Ainsi songe-t-elle tout en arrivant au large étang bordé de peupliers et de saules où la mène, quotidiennement, sa promenade activement contemplative.
 (...)
À des astronautes qui, n’ayant pas vu Dieu dans le cosmos, en déduisirent qu’Il n’existait pas, un neurochirurgien aurait répondu que, lorsqu’il opère un cerveau, il ne voit pas non plus la pensée… Or, la pensée existe… Ainsi en va-t-il de la musique d’Ode.
Si on ne la voit pas, trop peu l’entendent, et c’est ce trop peu qui attriste l’artiste, la fait se sentir maudite, alors qu’elle est bénie du ciel.
Ode n’a jamais aimé les bousculades des foules. Les foules doivent le lui rendre, évidemment.
De quoi se plaint-elle, en son fond de ciel ?
Fond du ciel, justement, comme l’appelle l’astrologie, opposé au milieu du ciel.
Elle a le FC en Gémeaux et le MC en Sagittaire.
« En bas », la dilatation. « En haut », la flèche concentrée.
Et sa flèche slalome au travers des publics, sans toucher personne.
Flèche devenue errante, qui s’en est retournée dans des espaces plus ouverts.


26 décembre 2007- 7 janvier 2008
 
(1) Joseph de Maistre, cité par Baudelaire dans sa présentation de la vie et des œuvres d’Edgar Poe.
(2) Baudelaire, dans la même présentation.



M. Th., mis en ligne le 12 janvier 2009, 19 h. 14


Précision :
... quarante ans après un combat pour une liberté de contestation, ont éclos mes autoéditions M o n é v e i L, ai-je écrit. Cela ne signifie bien entendu pas que, dans mes livres publiés ailleurs, je n'étais pas libre ! Je le répète, tous mes livres, je les ai écrits et composés seule. Je n'ai jamais été un cheval d'écurie éditoriale, sur lequel on mise. Vu que je suis ma propre cavalière. Qu'est-ce qui vous a rendue aussi... confiante ? me demandera-t-on. Confiante, puisque je me confie aussi ouvertement. Eh bien, je pense que c'est moins une folie qu'une sagesse qui me pousse à dire ici ce que d'autres refoulent. C'est une question de santé expressive !


M. Th., mis en ligne le 12 janvier 2009, 23 h. 26


*  *  *

Je reviens à Vincent Van Gogh...
En 2001, du 19 au 30 septembre à la galerie La Régence de Braine-l'Alleud où j'avais été invitée à exposer, j'avais lu les deux premiers tiers de ses lettres à Théo.
J'avais ensuite abandonné le livre, prise alors par autre chose.
En décembre 2008 et les premiers jours de janvier 2009, j'ai enfin lu le tiers final... Avec une grande émotion...


Sublime Van Gogh
Y aurait-il (eu) des "fous" enfermés à la place d'autres ?

I
l est dommage que nous n'ayons pas accès à toutes les lettres de Vincent, mais seulement à un "choix". Offert en 1998 par "Les Cahiers Rouges" de Grasset, ce choix est sans doute excellent ; mais permet-il de comprendre tout ce qui a pu faire basculer le génie dans le drame de la fin de sa vie ?
Certaines de ses allusions suscitent des interrogations...
Ainsi – mais ce que j'ai relevé ne se veut pas une attaque contre Gauguin ! –, ces passages (ce qui est en italiques l'était dans le texte) :

"Gauguin et moi causons beaucoup (...). La discussion est d'une électricité excessive, nous en sortons parfois la tête fatiguée comme une batterie électrique après la décharge."
"... il y aurait pour lui comme pour moi des difficultés graves à vaincre encore ici. Mais ces difficultés sont plutôt en dedans de nous-mêmes qu'autre part."
"Nous abordons maintenant des dépenses qui t'ont été occasionnées par un télégramme de Gauguin, que je lui ai déjà assez formellement reproché d'avoir dépêché. Les dépenses ainsi faites de travers (...) je n'insiste pas davantage sur l'absurdité de cette démarche, supposons que moi j'étais tout ce qu'on voudra d'égaré, pourquoi alors l'illustre copain n'était-il pas plus calme ? Je n'insisterai pas davantage sur ce point."
"Ne doit-il pas lui, ou au moins ne devrait-il pas un peu commencer à voir que nous n'étions pas ses exploiteurs, mais qu'au contraire on y tenait de lui sauvegarder l'existence, la possibilité de travail et... et... l'honnêteté ?"
"(...) pourquoi alors ne pas le considérer comme irresponsable des douleurs et dégâts qu'inconsciemment tant à toi qu'à moi il aurait pu dans son aveuglement nous causer ?"
"Si Gauguin était à Paris pour un peu bien s'étudier, ou se faire étudier par un médecin spécialiste, ma foi je ne sais trop ce qui en résulterait."
"Je lui ai vu faire à diverses reprises des choses que toi ou moi ne nous permettrions pas de faire, ayant des consciences autrement sentant, j'ai entendu deux ou trois choses qu'on disait de lui dans ce même genre, mais moi qui l'ai vu de très, très près, je le crois entraîné par l'imagination, par de l'orgueil peut-être, mais assez irresponsable. Cette conclusion-là n'implique pas que je te recommande beaucoup de l'écouter en toute circonstance."
"Je lui (à Signac) ai donné en souvenir une nature morte qui avait exaspéré les bons gens d'armes de la ville d'Arles, parce que cela représentait deux harengs fumés, qu'on nomme gendarmes comme tu sais. (...) Ainsi suffit pour dire de quoi se mêlent les gens et combien ils sont idiots."
"Qu'enfin l'artiste est un homme en travail et que ce n'est pas au premier badaud venu de le vaincre en définitive".
"Recommencer cette vie de peintre (...) avec toute la critique des voisins, etc. je ne peux pas."
"J'ai profité de ma sortie pour acheter un livre : Ceux de la glèbe de Camille Lemonnier. (...) c'est d'un grave, c'est d'une profondeur ! (...) Cela me dit beaucoup et me guérit considérablement."
"Connais-tu cette expression d'un poète hollandais : 'Je suis attaché à la terre par des liens plus que terrestres'. Voilà ce que j'ai éprouvé dans bien d'angoisse – avant tout – dans ma maladie dite mentale." !


Van Gogh dramaturge
 
D
ans une de ses dernières lettres, j'ai relevé ce merveilleux et bouleversant passage (je le reproduis en gras) qui montre Vincent avec une sensibilité de véritable dramaturge. Ces deux paragraphes annoncent un Pirandello ou d'autres modernes...
L'incompris était alors à l'asile.

"Un avachissement extrême est ce dont souffrent à mon avis le plus ceux qui sont ici depuis des années. Or mon travail me préservera dans une certaine mesure de cela.
La salle où l'on se tient les jours de pluie est comme une salle d'attente 3° classe dans quelque village stagnant, d'autant plus qu'il y en a d'honorables aliénés qui portent toujours un chapeau, des lunettes, une canne et une tenue de voyage, comme aux bains de mer à peu près, et qui y figurent les passagers."

Van Gogh est l'artiste le plus équilibré qui soit. Car il compensait de tout son poids de sensibilité le poids d'imbécilité qui l'environnait. Si je l'aime à ce point, c'est aussi parce qu'il était subtilement ouvert à la littérature, capable d'y sentir des affinités avec l'art pictural...
"...ce qui me touche (...) c'est que les voix de ces gens, qui dans ce cas de Shakespeare nous parviennent d'une distance de plusieurs siècles, ne nous paraissent pas inconnues. C'est tellement vivant qu'on croit les connaître et voir cela. Ainsi ce que seul ou presque seul Rembrandt a parmi les peintres, cette tendresse dans des regards d'êtres (...) cette tendresse navrée, cet infini surhumain entr'ouvert et qui alors paraît si nature, à maint endroit on le rencontre dans Shakespeare."



M. Th., 12 et 13 janvier 2009 – mis en ligne le 13 janvier 09 à 13 h. 54

*  *  *

14 janvier 2009, 15 h. 20 :
L'équilibre de Van Gogh dont je parlais hier, est certes l'équilibre de l'Art entier !
C'est avec émotion que je viens de découvrir sur Google Earth quatorze tableaux du Prado. Je les connaissais pour les avoir, jadis ou-et naguère, longuement regardés. D'une part, reproduits sur papier dans des livres ; d'autre part, certains exposés dans diverses rétrospectives. – Je me suis toujours promis de visiter un jour le Musée de Madrid –.
Sur Internet, j'ai donc retrouvé ce qui m'a toujours touchée : le style de chacun de ces peintres... leur patte qui est en même temps leur aile... leur sublime sensibilité...
Oserai-je formuler ici une idée qui m'habite depuis que je connais les possibilités du virtuel ? La voici...
Dieux
seuls savent ce que le monde ne sait pas encore... Le monde fini (puisque cette fin arrivera un jour ou une nuit), son esprit demeurant aura peut-être d'autant mieux mémorisé et saisi ou capté les œuvres d'art (et il est beaucoup d'arts) que celles-ci se seront "manifestées" sur des ondes d'ordre virtuel...
"Tu verras de plus grandes choses. (...) vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du fils de l'homme." (Jean, I, 50-51).
E
n attendant, fils et filles de l'homme et de la femme, nous rêvons très activement sur cette Terre - Earth. *     

M. Th., mis en ligne le 14 janvier 2009, 16 h. 30

* ... Et en toutes les langues, évidemment ; mais, à ce propos, comme il m'est arrivé, entre jadis et naguère, de le dire, j'espère encore et toujours recevoir une Pentecôte qui me les ferait instantanément comprendre et parler toutes – mes neurones, mon énergie et mon temps étant limités.


M. Th., mis en ligne le 14 janvier 2009, 19 h. 42
_  _  _  _  _

Pasoumal :

La pièce avait si gaiement commencé ! C'était la Fête ! Et nous voilà si tristes...
 
La comtesse Du Nivers :
« In vino veritas » !
 
La princesse :
Mais nous n'avons pas bu de vin.
 
La comtesse Du Nivers :
Nous sommes ivres de mots, de répliques. Dans cette ivresse, nous avons retrouvé notre vérité, la tristesse de nos limites...
 
Le bouffon :
Nous sommes des pensants qui s'emmêlent les roseaux !


2001, extrait de ma pièce : Originaël



Santé !


M. Th., mis en ligne le 14 janvier 2009, 19 h. 42


*  *  *

Van Gogh musicien

« La note vraie et intime »


« La haute note jaune »

« M. Rey dit qu’au lieu de manger assez et régulièrement je me suis surtout soutenu par le café et l’alcool. J’admets tout cela, mais vrai restera-t-il que pour atteindre la haute note jaune que j’ai atteint cet été, il m’a bien fallu monter le coup un peu. »


« Une des notes noires » : le vert des cyprès

« Les cyprès me préoccupent toujours, je voudrais en faire une chose comme les toiles des tournesols, parce que cela m’étonne qu’on ne les ait pas encore faits comme je les vois. C’est beau comme lignes et comme proportions comme un obélisque égyptien. Et le vert est d’une qualité si distinguée. C’est la tache noire dans un paysage ensoleillé, mais elle est une des notes noires les plus intéressantes, les plus difficiles à taper juste, que je puisse imaginer. Or il faut les voir ici contre le bleu, dans le bleu… » (les deux mots en italiques l'étaient dans le texte).



Van Gogh parlait encore d’une « note rose sombre »


Quel prix à payer pour atteindre ces notes !

« … mon travail à moi, j’y risque ma vie
et ma raison y a fondu à moitié… »


_ _ _ _ _


« … cela me fait plus de peine qu’il ne le sait… »
Théo aurait-il montré à Aurier les lettres de Vincent ?

Ma question se base sur quatre éléments :
1. Lettre à Théo sur la note jaune : 24 mars 1889
2. Lettre à Théo sur la note noire : 25 juin 1889
3. L’article d’Aurier : janvier 1890
4. Lettres à Théo : 12 février 1890 et 29 avril 1890

Extraits des lettres des 12 février et 29 avril 1890 de Vincent à son frère :
« L’article d’Aurier m’encouragerait, si j’osais m’y laisser aller, à risquer davantage à sortir de la réalité et à faire avec de la couleur comme une musique de tons (…). Mais elle m’est si chère, la vérité, le chercher à faire vrai aussi, enfin je crois, je crois que je préfère encore être cordonnier à être musicien avec les couleurs. » (les cinq mots en italiques l'étaient dans le texte).
« Veuillez prier M. Aurier de ne plus écrire des articles sur ma peinture, dis-le lui avec insistance, que d’abord il se trompe sur mon compte puis que réellement je me sens trop abîmé de chagrin pour pouvoir faire face à de la publicité. Faire des tableaux me distrait, mais si j’en entends parler, cela me fait plus de peine qu’il ne le sait… »


Ne connaissant pas Aurier, j’ai eu, hier, la curiosité de chercher son nom sur Google ; ainsi ai-je découvert son article sur Van Gogh.

Le critique y avait utilisé quelquefois un vocabulaire musical :
« … le rapport constant des plus excessives notes... » – « … brillantes et éclatantes symphonies de couleurs et de lignes… » – « … certaines inharmonies, certaines dissonances… »
Vincent aurait-il pris ce vocabulaire musical au pied de la lettre ? alors que lui-même avait auparavant parlé de couleurs de notes !

La peine de Van Gogh serait-elle venue de ce qui m’apparaît comme deux tranchants de la plume d’Aurier ?
Premier tranchant :
Vincent ne se serait pas reconnu dans cette critique qui voyait, par exemple, dans ses cyprès au vert « si distingué », « des cyprès dressant leurs cauchemardantes silhouettes de flammes, qui seraient noires… »…

Second tranchant :
Vincent aurait reconnu son propre rapprochement entre le vert des cyprès et le noir, rapprochement confié six mois auparavant à Théo… Dans cette même lettre, il avait comparé le cyprès à un obélisque égyptien.


Voilà, entre autres, pourquoi je me demande si Théo n’aurait pas montré à Aurier les lettres de son frère. Dans ce cas, le critique n'aurait pas seulement écrit sur les tableaux, mais aussi sur les lettres. Ce qui, au peintre épistolaire, aurait causé beaucoup de peine. Sa palette étant moins de mots que d'images, que de notes colorées. Sa "note vraie et intime" se serait retrouvée "publicité".

J’ai mal à Vincent. De façon peut-être astrologiquement maternelle, car j’ai la Lune en Bélier, or il était du signe du Bélier.
P. S. (16 janvier 09) : Quant à la Lune noire, je l'ai en un autre signe.




M. Th., 14 et 15 janvier 2009 – mis en ligne le 15 janvier 2009 à 17 h. 35



*  *  *

René Magritte et plans

Bientôt s'ouvrira le Musée Magritte. J'imagine que la toile autour du bâtiment sera enlevée ou qu'elle s'envolera dans un grand souffle bruxellois et surréaliste.
Il est donc temps que j'invite à la regarder dans ses plans...
De loin, le haut de "L'Empire des Lumières", soit le feuillage foncé découpé sur un ciel diurne, semble se situer à l'avant-plan par rapport aux drapés entrouverts de la façade... Illusion d'optique que n'aurait pas reniée le peintre... Autour du fin triangle noir, les murs souples et clairs paraissent à l'arrière-plan... L'arbre sort !


M. Th., 15 janvier 2009 – mis en ligne le 15 janvier 2009 à 22 h. 33
 

*  *  *

Dans la nuit du 14 au 15 janvier 09, j'ai écrit un poème que je joins à mes vœux réitérés pour une année pleine de souffle et de force !


Merci,
dit  à la tempête  l'arbre

Grâce à toi

je suis devenu fort



M. Th. - Prospera, mis en ligne le 16 janvier 2009 à 19 h. 10
 


*  *  *

À vol d'oiseau

Internet et la vision de Victor Hugo


Bien avant mon ordinateur actuel qui me rend aisé l’accès à Internet, j’en avais un moins confortable. Aussi n’utilisais-je alors ce reliement informatique que d’une façon postale : pour envoyer mails et pièces y jointes. J’entendais mon entourage louer Google et son extraordinaire moteur de recherche. Mais cette facilité suscitait en moi une réticence. Injustement, j’avais tendance à appliquer à cette formidable énergie virtuelle cette interrogation de Saint-John Perse : « Face à l’énergie nucléaire, la lampe d’argile du poète suffira-t-elle à son propos ? » – Les spécialistes souriront sans doute de mon ignorant et simpliste rapprochement entre nucléaire et virtuel.
Bref, je me posais des questions.
En février 2002, grâce à la revue « Marginales » et à son thème proposé alors par Jacques De Decker : « Victor Hugo, c’est nous », j’eus l’occasion de formuler mes questions.  
Je revenais d’un voyage d’un mois (janvier) en Inde du Sud où je m'étais justement rappelé l’auteur de « Notre-Dame de Paris », cela face au Temple du Rivage à Mahabalipuram. L’architecture m’avait fait songer à un passage du roman :


« Sous la forme imprimerie, la pensée est plus impérissable que jamais ; elle est volatile, insaisissable, indestructible. Elle se mêle à l'air. Du temps de l'architecture, elle se faisait montagne et s'emparait puissamment d'un siècle et d'un lieu. Maintenant elle se fait troupe d'oiseaux, s'éparpille aux quatre vents, et occupe à la fois tous les points de l'air et de l'espace. »

 
Cela faisait plus de vingt ans (depuis la lecture du roman) que cette idée de Victor Hugo m’habitait, m’ayant vraisemblablement interpellée à un niveau visionnaire

En février 2001, le 14 exactement, suite à une déception à propos de mes publications, j’avais déjà écrit (première page de mes Variations pour songe sur un insaisissable absolu) :

 
Prédiction accomplie (1)
Les pierres de cathédrale sont livres
à tous niveaux : fondations  en hauteurs
Mais  non ouverts  la plupart des volumes
redeviennent pierres couvant un esprit
 
Les vitraux seuls ne se ferment
Regards traversés par le ciel
avivés par l'intérieur espace
de l'ardente chapelle
où  faites verbes  des chairs
à la résurrection veillent
 
Errante
je cherche parmi les pierres
la tranche de mes livres
dont l'or s'est patiné
 
Mon esprit enfermé ?
Son envol rejoindrait une voûte
dont la clef ouvre
des cieux englobant
cathédrale et villages alentour
officiants et ignorants
bâtisseurs de toutes sortes
de mots
 
À la terre  les rugueuses gargouilles
versent la pluie du ciel
de leurs bouches ouvertes et tordues
en cris enfin plus éloquents
que ceux des pierres tues

 
 
(1) Prédiction de Victor Hugo
 

Dans ce poème, je ne pensais pas encore à Internet, et prenais au pied de la lettre la pensée de Victor Hugo : les pierres devenues livres, « le livre de pierre » faisant « place au livre de papier » (2).
 
Dans mon texte : Hugo en Orient, paru donc dans la revue précitée, Internet m’est soudain apparu comme troisième stade du support de la pensée, le premier étant de pierre et le deuxième de papier – selon Victor Hugo. En voici des extraits : 
 

Si, imprimée, « la pensée est plus impérissable que jamais » car « volatile » (2), bâtie en pierres d'architecture, celles-ci effondrées ou détruites, elle me semblerait demeurer tout autant dans sa subtile, invisible, inspiration.
… « Qu’on ne s’y trompe pas, l’architecture est morte, morte sans retour, tuée par le livre imprimé, tuée parce qu’elle dure moins, tuée parce qu’elle coûte plus cher » (2). Que dirait Victor Hugo du coût du livre actuel ? L'imprimerie sera-t-elle « tuée » à son tour ? Par plus « volatile » qu'elle ? Internet ? Et après ? Reviendrons-nous à la pierre, à la bonne montagne, patiente et docile sous la volonté créatrice des artistes ?
Création. Destruction. Recréation.
La trinité hindoue se compose de la Création, de la Protection, de la Destruction. Et le Destructeur se compose à son tour de ces trois... dirais-je : cycliques étapes ?

 

(2) « Notre-Dame de Paris »

   
Aujourd’hui que je connais mieux Internet, je suis reconnaissante envers Google qui permet de trouver des références et des textes entiers qu’il serait long et peut-être difficile de découvrir par ses propres moyens.
Certes, partir à la recherche de ces textes en s’éclairant de sa seule « lampe d’argile », serait une quête jalonnée de voyages concrets, de haltes en musées ou en bibliothèques, et les souliers se souviendraient de l’argile du chemin, puisqu’à sa propre question, Saint-John Perse répondit : « Oui, si d’argile se souvient l’homme. »…
Mais une quête plus abstraite et-ou virtuelle – ailée ? –, plus "directe" en tous cas – à vol d'oiseau... –, n’empêche pas celle-ci.

 
 
M. Th., le 17 janvier 2009, mis en ligne le 17 janvier 09 à 15 h. 16

– – – – –

... Et ce vol d'oiseau me ramène à ceux de mon recueil : De Blancs Oiseaux boivent la Lumière, en particulier à un passage écrit en janvier 1994 :


... Le ciel est en colère  c'est évident
Cette année  le vent cingle d'une voix perfide

Qui usurpe sa force ?
Galvaude sa puissance ?

Écoute  je crois
que les morts-vivants que nous sommes
deviennent durs
non seulement la glaise des corps
mais les cœurs
L'eau entière peut tomber
entraînant la pourriture des maisons
Et nous restons secs  avec notre soif

De mon temps
comment l'être  si mes cordes vibrent
dissonantes
sous les doigts crochus du malheur ?

Des ailes aux pieds
je survole des cataclysmes
comme chacun devant sa T.V.
Me voilà, en bas
fuyant une maison hostile
une eau sale jusqu'aux genoux
Au loin  la mer du ciel
mêle vagues et nues

Écoute  je ne fuis pas
JE VEUX

Dans les grottes célestes
je trouve les oiseaux en conciliabule
Ce sont de vieux oiseaux
Les rides sur leur front
ont la forme d'un vol
Ils suivent d'un œil inquiet
des œufs multiples voguant
comme planètes

Je retourne à la terre

mon temps est à venir


Exactement quinze ans plus tard, je me demande si ce temps pour moi à venir ne serait pas venu en l'espace de mon présent site, aérien...




M. Th. - Prospera, le 17 janvier 2009, mis en ligne le 17 janvier 09 à 17 h. 44


– – – – –

... Et, aussi exactement un an avant mon extrait précité, soit dans la nuit venteuse du 10 janvier 1993, j'écrivis une suite de dix courts poèmes...
Poèmes bienheureux, puisque j'appelai nuit d'amour ma Nuit de Grand Vent ...



Vent créateur


Multipliée ta voix
par des âmes passées
au-delà des hivers

*

Les branches nues oscillent
avec la majesté
d'encensoirs
Frondaison de fumée
Déterminé le feu
Ses cornes de bélier
sur un front droit
béni

*

Souffle gris
Entre cœur et entrailles
ton écho s'irradie
autour d'un noyau de joie pure

J'entends
" Celle qui suis "

*

Arbres
vos balancements
scandant la tempête
larges en moi
oscillent
En ma rêveuse enfance
déjà

Dès lors la solitude
me demeure étrangère

*

Toujours j'ai adoré
ton souffle prenant
ô Vent
Mais j'ai grandi
sauvage
dépassant les cimes
échevelées

À mon tour je te prends
t'avale mon génie
goulûment
et te garde !

*

La main du Vent me saisit
me souffle :
Que veux-tu ?
tourbillonner en l'air
feuille morte
puis choir
sur l'humus des désirs ?

*

J'étais morte
Le grand Vent m'embrasse
me dilate  m'emplit

À gorge déployée chante la bise
Les arbres secoués
me tomberaient dessus ?
ou briseraient des vitres ?

*

J'erre et te recueille
par bribes
Vent te riant des saisons
Bris de cristal
pétales

J'entends la Voix
chargée d'âges
d'espaces

*

Houle refermée
boucle lumineuse
aigue-marine
enserre
ta gravité

*

Le vent s'est tu
Près de moi allongé
il prend la forme
d'une flamme diaphane



*  *  *


Ma Nuit de Grand Vent fut lue au G.R.I.L., par Paul Van Melle, en janvier 1994 devant une assemblée de poètes. Je me rappelle la réaction consternée de l'un d'eux, Jean-Marie Luffin, à la lecture de mon premier vers : Vent créateur...
Comment, dit-il, peut-on le trouver créateur alors qu'il vient de détruire !
C'est que j'avais chanté un autre vent, celui de 1993...
Autres temps (temps dans les deux sens), autres poèmes...
Ainsi, mes vers de 94 allaient être plus concrets, et
mes deux interpellations :
Écoute  je crois
... 
Écoute  je ne fuis pas... , allaient s'adresser à celui qui s'était étonné.
Bonjour, Jean-Marie, si tu me lis ici !




M. Th. - Prospera, le 18 janvier 2009, mis en ligne le 18 janvier 09 à 17 h. 20

– – – – –

Le Vent et moi, c'est une vieille histoire !
À 19 ans, j'écrivis les deux poèmes suivants – je les ai, parmi d'autres poèmes écrits entre mes 16 et mes 22 ans, publiés en 1994, soit 29 ans plus tard, dans un recueil parallèle à celui de mes Blancs Oiseaux...
J'y ai eu le tort de les "simplifier" en supprimant l'un ou l'autre mot, ou en écrivant : Le jardin, au lieu de : Ce jardin ; Nos murmures, au lieu de : Les murmures.
Alors plus "romantique", ma sensibilité me faisait particulièrement vibrer aux automnes qui s'annoncent dès la fin des étés, et aux automnes installés.


Le 29 août 1965 :
Éternel refrain
Quelques rayons de soleil qui ne sont plus que vestiges...
L'automne s'infiltre
Déjà le vent d'août a le goût du bois mort
Ce jardin est la tombe des siècles défunts,
fleurie du prélude aux automnes d'au-delà
Et les feuilles figées dans une éternelle attente...
La terre exhale des confidences oubliées
Les murmures d'ici sont débris du Temps
égarés tristement sous la mousse endormie
La brise rappelle,
quand le soleil emporte le Temps...


Le 31 octobre 1965 :
L'éternel vent automnal me prend au cœur
Mes narines assoiffées de fraîcheur infinie
Le ciel flotte au vent comme un drapeau de mort
La terre bat des ailes
Mon âme est balayée dans un large souffle nostalgique
De froides bouffées de passé pénètrent les cœurs
Les rues sont des jardins où volent des passants
Les corps se réchauffent derrière les fenêtres
protégés du grand vent par un bonheur fœtal
Un appel silencieux envahit les sens


En 1965 déjà, je donnais à la Terre des ailes...


M. Th., le 18 janvier 2009, mis en ligne le 18 janvier 09 à 20 h. 49



*  *  *

Le Lac d'Amour

 
À l'insu de mes parents, j'envoyai l'unique exemplaire de ma première pièce à un prix de théâtre. Je l'avais appelée : Le marchand d'ombres... chinoises ! Quand, ensuite, je reçus une « mention spéciale pour son originalité » (en fait, je n'avais pas atteint l'âge requis pour participer au concours, je n'avais que douze ans), je fus contente mais étonnée, car j'avais déjà oublié mon envoi ! Ainsi étais-je, alors, vivant au jour le jour, sage peut-être, détachée sans doute, insouciante sûrement. Ayant été prématurément trop sage et détachée, aujourd'hui je me fais du souci, attendant follement une reconnaissance. Mais cette reconnaissance de mon écriture enfantine m'encouragea, tout comme me stimula celle poétique dans mon adolescence lorsque mon premier poème, mystérieusement inspiré par l'esprit d'un lieu, fut publié dans un journal. Inspiration d'ordre visionnaire, et appel différent de celui entendu exactement un an plus tard quand, pour la première fois, j'entendis avec précision, et non plus fondu dans le chœur d'un verger ou d'un bois, le bruissement particulier d'un arbre. Sensible à ce que j'appelai son chant, du peuplier j'écoutais l'air éternel aux souples égrènements. Et cette éternité bienheureuse me consacrait, éveillant en moi une active contemplation
(2002, extrait de mon récit : La Source raphaëlle)


Mon premier poème, mystérieusement inspiré par l'esprit d'un lieu, fut publié, avec mon adresse à Bruxelles, en janvier 1963 dans la page que LE SOIR consacrait alors chaque jeudi aux jeunes poètes.
Le lieu qui me l'avait inspiré était le Lac d'Amour à Bruges, ville que je venais de visiter – c'était en  octobre 1962, j'avais 16 ans 1/2.
Deux mois après la publication de mon poème, une lettre m'arriva, datée du 21 mars 1963. Elle était signée d'un certain Gérard Adam... De quoi s'agissait-il ? Des artistes liégeois, copains de son frère Jean-Claude, avaient lancé une revue reproduisant dessins et poèmes : « La Pince à Linge ». Gérard, leur aîné, poète lui aussi, l'avait ensuite reprise, en rédigeant l'Éditorial. C'est ainsi qu'il me demanda l'autorisation de publier mon Lac d'Amour, qu'il avait eu l'occasion de lire.
L'histoire de notre rencontre serait assez banale sans une autre histoire, légende celle-ci...
Lancer
quelque monnaie dans l'eau de la fontaine d'amour était promesse de trouver un mari dans l'année... Or, j'y avais lancé l'une ou l'autre pièce... Moins d'un an plus tard, cinq mois exactement, je rencontrai épistolairement celui qui allait devenir mon mari !
Révélation poétique, mon premier poème me vint rapidement et comme par magie ; mais non pas en « écriture automatique », car je me souviens de l'avoir, au fur et à mesure de ma composition, pensé. Autrement dit, je m'étais mise en état d'écriture, cet état consistant en une concentration très fine.
Je me revois, de retour chez mes parents après trois ans au pensionnat, écrivant dans ma petite chambre mes premiers poèmes, en communion avec les saisons qu'exprimaient l'air et la nature des jardins vus de ma fenêtre.
Ceci dit, la plupart du temps mes poèmes sont rapides, car jaillis... Jaillis d'un tréfonds comparable à l'insondable fond d'un puits. Ma vérité. Mon présent site, comme mon œuvre entière, est ma vérité.
Le Lac d'Amour est donc le premier poème de mon cahier d'alors, le dernier datant du 20 décembre 1968. Dans celui-ci, je parlais de mon regard immensément tourné vers l'intérieur...
Il s'est, depuis, bien tourné vers l'extérieur...
Comment l'extérieur me reçoit-il ? – C'est ma question récurrente.
Après ce cahier, je restai dix ans sans écrire ; sauf, sur des feuilles éparses et malheureusement non gardées – feuilles mortes ? –, mes sentiments devant diverses œuvres artistiques et en janvier-février 1978 mes lettres-journal d'Inde du Nord. Dix ans où je vécus d'une vie qui allait nourrir mon expression tant peinte qu'écrite. De 1978 à 1981, j'écrivis un roman que j'allais publier en 2006. En 1981, après ce roman, je me remis à quelques rares poèmes, puis, dès 1985, je repris ma plume plus régulièrement, parallèlement à ma peinture.
Tout ceci, je l'ai maintes fois déjà formulé. Si je le confie encore ici, c'est – et là aussi je me redis – par une sorte de nécessité plus qu'existentielle.


Le Lac d'Amour

Une feuille morte
Tomba dans l'eau claire
Semant la discorde
Dans la fragile aire.

Quand l'eau redevint
Pure, calme, lisse,
M'apparut soudain
La fraîcheur d'un lys :

Une jeune fille
Souriait dans l'eau
Et sa main jolie
Serrait un joyau.

C'était un louis
Un vrai louis d'or
Que vite elle enfouit
Dans le lac qui dort...

Une feuille morte
Tomba dans l'eau claire
Semant la discorde
Dans la fragile aire.

Une feuille morte ?
Ou bien le louis ?
Enfin peu importe
La fille est partie...



M. Th., 19 et 20 janvier 2009, mis en ligne le 20 janvier 09 à 10 h. 38


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Partage informatique
Écrire par amour

Didier de Lannoy, que Gérard a connu en Afrique, nous envoie parfois à l'un et à l'autre – séparément comme il se doit pour notre santé mentale –, les mails de sa chronique pleine de spontanéité. Dans le dernier, une Monique MBEKA Phoba lui demande : "Et toi, Didier, où peut-on trouver tes textes édités ? C'est bien le email, mais ça a des limites...". Je saisis l'occasion pour apporter mon expérience à propos de l'édition sur papier... Publier de façon plus matérielle et plus tangible (comme je l'ai fait et continue de le faire : deux livres, fin prêts, seront édités cette année et l'an prochain, un recueil de poèmes chez M.E.O et en avril 09 un roman dans mes autoéditions M o n é v e i L) a aussi ses limites lorsque les livres ne se vendent pas... Ils sont donnés, offerts, et c'est déjà beaucoup : incarnés, ils existent plus qu'en esprit *... Il arrive aussi qu'il soient recensés, dans des critiques en ligne ou sur papier, et c'est un grand réconfort. Mais les caisses s'empilent, même si les tirages sont réduits. Si des poètes me lisent ici, ils sauront de quoi je parle ! Alors, mon désir insatisfait de partage s'est mis à chanter clairement et nettement sur Internet... Besoin de sortir de ce désert, de vous dessiner ailleurs un mouton et bien davantage, de vous écrire mes rires et mes larmes.
Drôle d'ermite ? Sans doute...
Je disais l'autre jour à Gérard combien la possibilité de mettre en ligne est démocratique : tous et toutes ont droit à la parole... Droit vital, s'il en est.


M. Th., le 20 janvier 2009, mis en ligne le 20 janvier 09 à 16 h. 01

* Il y a des années, dans une école, une classe ayant élaboré un questionnaire destiné aux auteurs invités, une élève me demanda comment je vivais l'écriture et la publication. Je lui répondis ce que, depuis tout un temps alors, je m'étais plu à formuler : Quand j'écris, je suis ; quand je publie, j'existe. Pour moi, écrire c'est être et publier c'est exister. Ma réponse l'enthousiasma, et elle en prit note.

P. S. (20-01-09, soir) : Suis-je bien comprise lorsque je parle de saine "séparation" au sein d'un couple ? Si non, je me demanderai à quoi a servi l'analyse de l'âme humaine, à savoir : la psy. À ce niveau, notre époque me semble de plus en plus coincée dans un premier degré... Malgré livres et débats, spécialisés ou pas. Me semble aussi se perdre un certain sens de l'humour... Je me rappelle – il y a de cela des années – avoir offusqué par ces mots : Ah ! j'aimerais recevoir un prix littéraire ; ainsi, je serais moins "entretenue" par mon mari et je pourrais à mon tour l'inviter au restaurant. Dans un dialogue théâtral ou de film, cette boutade aurait été applaudie ! Ce que ne savaient pas ceux à qui j'avais déplu, c'est que ma légèreté blagueuse m'aidait alors à tenir le coup. C'est là que j'ai réalisé combien certains intellectuels se piquant d'analyses littérairement psychologiques peuvent être, dans la vie, dépourvus de sensibilité intuitive. Droit à la parole, disais-je, sous toutes ses formes ! Droit, surtout, à une mutuelle indulgence.


P. S. : 15 août 2012. Après ces années, je reconnais que ma réflexion sur l'épouse entretenue n'était pas juste. En effet, dans la mesure où je m'occupais de la maison (lessives, cuisine, etc.) et de notre fille, je travaillais aussi. Sans parler du travail de mes arts.
M. Th., mis en ligne le 15 août 2012 à 15 h. 42


P. S. : 17 novembre 2017. En vérité, j’ai aussi « entretenu » (à moitié) mon mari. Nous nous sommes mariés à 21 ans l’un et l’autre. Ma mère m’avait dit après mes humanités : Si tu veux te marier, tu ne continues pas d’études (un régendat littéraire, puisqu’elle ne voulait pas l’université). Dès lors, j’ai été employée dans un bureau. Gérard avait déjà fait les 3 candidatures en médecine, il fit les 4 doctorats après notre mariage. Mon salaire plus son salaire de militaire (futur médecin militaire) nous permirent de vivre à l’aise jusqu’à la fin de ses études. Celles-ci terminées, j’arrêtai de travailler comme employée de bureau.
M. Th., mis en ligne le 17 novembre 2017 à 10 h. 39

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Si tous les fous du monde ...

Le rire guérit
J'ai le théâtre dans le sang !

Le bouffon : (ou la bouffonne)

Fête des fous ! Dans notre cour encore sans miracles, nous jouons pour vous parler. Pour partager avec vous, public dont l'écoute nous soigne et donc vous soigne par la même occasion, pour partager avec vous nos pensées tâtonnantes. Fête des fous ! (Il frappe dans ses mains:) Unité de lieu ! Notre lieu est cette scène, salon ou plutôt cour des refusés toujours non miraculés ! Nous y conversons afin de comprendre la société qui nous refuse ! Nous sommes de bonne composition. Douce folie et non folie furieuse ! (Il refrappe dans ses mains:) Unité de temps ! Bien qu'intemporel, notre temps vous évoquera une sorte de Moyen Age, un âge moyen, très moyen, en un temps menacé de fin, f-i-n. (Il re-refrappe dans ses mains:) Unité d'action ? Elle sera vite réglée. Au pire, nous sommes oisifs, mais sans vices. Au meilleur, nous sommes méditatifs, voire contemplatifs. Quant aux personnages... Charité bien ordonnée commence par soi-même, certes, mais je serai poli(e), et commencerai par vous présenter la fine fleur de cette assemblée. J'ai nommé Laure Ygine, au petit doigt levé. Elle cherche l'origine.


2001, extrait de ma pièce : Originaël


M. Th., mis en ligne le 24 janvier 2009 à 16 h. 46

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Relief et Refus


à toi, Gérard, qui as toujours été sensible
à mon esprit congénitalement révolutionnaire,


25 janvier 2009, matin:

Mon autoprésentation ne doit pas manquer de relief, puisque je donne à lire mes diverses facettes : le rêve, la spiritualité,
la pensée, la grimace...

Le "Salon des Refusés" du 19° siècle m'ayant toujours interpellée en tant que peintre, il est logique que j'en imaginai un en tant qu'écrivain. D'où ma pièce Originaël.

La démarche de la Foire du Livre "Off" me semble la même, mais appliquée aux éditeurs.
En effet, si les auteurs peuvent potentiellement en bénéficier, ils demeurent hors lieux...

Foire "In" ou Foire "Off" ont, sous leur toit respectif, un bon nombre d'auteurs qui "ne vendent pas" (décidément, 2009 me voit assez pragmatique). Ceux-ci se situent donc au point commun de ces deux foires.


M. Th., mis en ligne le 25 janvier 2009 à 13 h.

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26 janvier 2009, midi :

Je téléphonai un jour à un éditeur pour lui demander si je pouvais lui envoyer un manuscrit de poèmes, autrement dit si mon univers avait quelque chance d'être accepté. Il tira en longueur sa réponse, noyant aimablement son embarras dans moult exemples, mais, surtout – et c'est ceci que j'aimerais soumettre à l'avis de poètes –, il m'asséna son refus de l'humour, l'humour étant pour lui incompatible avec la poésie. C'est pas sérieux ! me suis-je dit ensuite. Depuis, il me plaît de qualifier de tyranniques certaines maisons d'éditions. Je préfère être mon propre tyran !


La vigilance des poètes
est travail aux chants
Au tremblement de leurs tempes


(L'infrangible vision)



M. Th., mis en ligne le 26 janvier 2009 à 13 h.


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Relief et "Bouche d'or"


27 janvier 2009, matin:


Relief... Dans la soirée du 24 courant, l'idée m'était venue de mettre en ligne une question à propos de la sculpture...
La reproduction virtuelle d'une statue, même montrée sous tous ses angles, peut-elle en rendre tout à fait le relief ? – en ce sens qu'il est impossible de tourner autour.
Au lieu de relief sculptural, le lendemain j'ai évoqué le relief de mon œuvre.
Comme je l'ai déjà écrit ailleurs (mais c'était alors dans un esprit plus choral), la diversité de facettes est liée à l'unité de matière. Je varie aujourd'hui mon poème :

Facettes sensibles
d'un seul noyau vital
au big-bang d'une impérieuse
et libre expression


Bouche d'or
Chrysostome – CRI  SOS  TOME
Premier tome
d'un livre secourable
et criant
de vérité


Les véritables amis, ai-je lu un jour dans un ouvrage de ce titre, sont ceux qui se disent la vérité. Sans cela, nul dialogue possible ! C'est une ermite qui le dit, avec ses mots bâtisseurs qui ne sont point d'ivoire. – De plus, l'ermite ne trône pas.



M. Th., mis en ligne le 27 janvier 2009 à 12 h. et 12 h. 26


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Un bonheur d'architecture

" Heureux qui comme Ulysse / a fait un beau voyage... " *

... Et une 4° dimension ...




28 janvier 2009, matin et midi :

C'était prévisible : "Le bronze stellaire de la Galaxy", titre de Daniel Couvreur à son article paru dans LE SOIR en ligne de ce matin, m'a interpellée !
Ce bronze est une œuvre de François Schuiten.
Voici la 2° fois que je le nomme ici. Serions-nous, lui et moi, quelque part en affinités ? ce quelque part étant l'Espace.
V
enons-en à ce pont entre sculpture et dessin, comme l'appelle le journaliste.
Une parenthèse pour préciser que le dessin ébauche souvent la sculpture, des sculpteurs dessinant leur statue avant de la réaliser dans la glaise, le bois ou la pierre, ou dans un métal – en l'occurrence le bronze, coulé.
Cette œuvre en trois dimensions de
Schuiten étant aussi architecturale, qu'il me soit permis de lui répondre avec la mienne écrite il y a trois lustres et demi.
À côté de l'harmonie de sa galaxie, je place mon monde harmonieux...


... Je pense que le groupe s'était progressivement formé suite à des rencontres, et que j'étais la dernière venue. Nous éprouvions le sentiment sans doute très égocentrique d'être visités par les pays explorés, nourris de leurs cultures. Celles-ci formaient en nous une mosaïque où Bouddha côtoyaient les icônes ; où le gazouillement des fontaines tunisiennes répondait à la houle nordique. Les dentelles de marbre d'un temple jaïn se superposaient aux ciselures gothiques, participant aux couches diverses d'une boule finement sculptée, comme celles, identiques et en ivoire, des artistes chinois. Le monde harmonieux tournait en nos cœurs.


(1991 ou 92, Un Voyage ou Journal d'un peintre)


* Georges Brassens


... Et cette boule peut être fleur d'Espace...

... Il m'est demandé : / "Combien de dimensions / au-delà des trois connues ?" /
Je réponds : / Géométriquement  je ne sais / Mais celle de l'âme /
en est une  inconnue / Notre bonheur devant une fleur qui éclôt /
se situe dans cette dimension autre /
ainsi que notre peine devant les maux du monde /
Sensibilité est son nom


(2004, L'infrangible vision)


... Et la fleur peut être architecture...

... selon Delacroix qui s'en émerveilla en dessinant un lys...
Florale et passagère architecture, dont demeure la vision...



... architecture poussée sur les chaos du monde...

... puis envolée... mise sur l'orbite d'une création...


... en fleur espérée de concorde...

(Fleur de concorde, L'âme dénouée)

... Car "il faut cultiver notre jardin" en notre candide Espace...



M. Th., mis en ligne le 28 janvier 2009 à 13 h. 28



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Sein maternel et poésie


à Véronique,
ma fille,


Petite, regardant la mappemonde, ma fille croyait que les gens vivaient dans la boule. Elle eut honte de sa méprise, mais, bien vite, je la rassurai, lui expliquant la poésie de son idée, et qu'il était bien normal, à son âge, de prendre la terre pour un vaste ventre. Très tôt, elle comprit les sens «propre» et «figuré».

(Extrait d'une de mes lettres, début juillet 1996)


M. Th., mis en ligne le 28 janvier 2009 à 14 h. 12


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Nuances

Comme les enfants, les adultes ont honte de leurs méprises, c'est-à-dire qu'ils sont gênés de leurs ignorances.
Moi qui suis une adulte restée enfant, je puis donc me sentir doublement mortifiée quand, suite à une fatigue mentale ou à cause des limites de mon intuition,
ma parole a été réductrice ou forcée.
"Que ta parole soit oui ou non,", dit un évangile*, "le reste vient du malin"...
Mais ne faut-il pas être malin, au sens de fin et intelligent, pour avoir le sens des nuances...?


M. Th., mis en ligne le 28 janvier 2009 à 18 h. 44

* P. S., 29 janvier 09, 10 h. 30 : "Que votre parole soit : oui, oui, non, non ; le surplus est du mauvais.", Matthieu – Annotation de La Pléiade : "Du mauvais : littéralement : 'le pénible, l'insupportable'. Peut-être Satan, ou simplement : le mal ; le texte ne permet pas de trancher."
 



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Valeurs et couleurs


29 janvier 2009, matin et midi :

Le diable ne doit pas être en noir, ni l'ange en blanc. Ni l'inverse. Vêtements colorés et descriptifs pour tous, écrivais-je en 1999 à propos de ma pièce de théâtre qui met en scène – entre autres personnages – un ermite, un ange, un diable, un dompteur, un jardinier. Certes, couleurs et descriptions sont subjectives, chacun pouvant projeter sur de tels vêtements un amalgame de visions personnelles ou reçues, de préjugés.

Entre oui et non, entre noir et blanc, entre les extrêmes, une gamme infinie de valeurs et de couleurs...
En peinture, les valeurs s' "échelonnent" entre noir et blanc ; elles constituent donc une palette de gris. Mais les couleurs ont évidemment aussi leurs valeurs.
En 1966, au cours de peinture du dimanche matin à l'Académie de Saint-Josse (Bruxelles), Pierre Dulieu apprenait à cligner des yeux afin de mieux voir ce qu'il appelait le ton local, l'ombre et la lumière des objets à peindre : fruits, légumes, bouteilles, pains... – J'ai tout appris de lui, c'est-à-dire l'essentiel ; le reste : mon symbolisme et ma vision compositrice, est autodidacte.
La même année,
à la même académie, au cours du soir de dessin, Marcel Verhofstadt apprenait aussi à bien voir ; "dessiner, c'est bien regarder", disait-il. La ligne d'un vase, celle d'un verre, celles d'un drapé...
À la page 15 de mon récit : La Source raphaëlle, je leur rends hommage.

L'essentiel... Je n'en dirai maintenant que ce qui suit, ou plutôt je le redirai, puisqu'il s'agit d'un extrait (2001) de mes Variations pour songe sur un insaisissable Absolu :

Dans ma verve  j'écris : / essentiel et existenciel /
Heureux lapsus qui  dans l'existentiel / me révèle un Ciel / et me définit / moi et mes sages et folles / "réconciliations de contraires" /
Si  dans la Terre  souffle l'Esprit / en l'Esprit bat le Cœur de la Terre /
Le Cœur et l'Esprit fusionnent / au point d'Humilité /
Et au point (non luciférien  mais humain) d'Orgueil / la Création prolonge Dieu /
Dans l'œuvre se réconcilient / les deux points

Vive l'œuvre artistique !
"Classique" ou "pas classique", que demeure sa CLASSE !


 
M. Th., mis en ligne le 29 janvier 2009 à 13 h. 16


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Si toutes les âmes du monde...
titrais-je le 14 mai 2008
" voulaient s' donner la main... lalalala (3 x)...
On pourrait faire une ron-on-on-on-on-on-on-on-de
tout autour de la Terre...
lalalala (3 x)... "


Si ma rubrique "Extraits" ne fait pas encore 40.000 kilomètres, elle a peut-être quand même déjà fait le tour du monde ?

Ce 14 mai-là, je reproduisais ici ma lettre datée du 29 janvier 2003 à Salvatore Gucciardo.
Ce 29 janvier-ci, voici une autre lettre... Elle m'a été adressée par
Philippe Cantraine le 14 septembre 1998 ; il venait de lire deux de mes recueils de poèmes : Triptyque et De Blancs Oiseaux boivent la Lumière... 



“ (...) J'ai épinglé de fort belles choses, prises toujours dans un rythme que je trouve fort saisissant, chaque fois, très beau, presque implacable de beauté.
(...) Je place par-dessus tout “Tu es sourde / mon âme au flair sauvage”. Le jour où vous avez écrit ces mots, vous avez gagné votre journée ! De même, “Elle m'attend mon âme car ses pieds sont les miens”. Ce n'est pas parce que l'âme apparaît par deux fois. C'est parce que vous signifiez deux fois que l'âme est passion, en quelque sorte, de la matière et que cela ne signifierait rien de plus (ce qui est déjà vraiment beaucoup) si vous n'aviez utilisé la rectitude de mots laconiques et de leur scansion comme pour une vérité au droit fil d'épée.
Ce que vous écrivez est d'une grande puissance qui n'est plus d'une femme ou d'un homme. Vous êtes autour de vous-même et j'aime cela beaucoup (...)
Je voudrais entendre dire ces poèmes plus que les lire car ils rêvent et se respirent à voix haute... ”


En 2003, je relus cette lettre encourageante, n'y réagissant qu'alors dans mon journal :
... En réalité, l'âme n'est pas matière au sens où l'entend Philippe Cantraine. Passion, oui. (La passion est immatérielle, elle anime le corps et le cœur). L'âme accompagne le corps. L'âme se mobilise et se lève la première, elle attend que le corps la suive, car leurs pieds fusionnent (c'est cela que j'ai vécu et vu en 1994 : j'ai vu mon âme). L'âme est plus forte que le corps, et ce n'est pas toujours facile pour celui-ci et pour ses nerfs !!! À la mort, ils se séparent, comme on le dit depuis des siècles. Tout simplement.


Il n'est pas facile de résister à son âme. En été 1994, j'écrivais :
Le ciel : / cible des archers errants / qui se blessent l'âme envolée / Épreuve obligée // Étoiles rouges sur l'azur / éclatées  identiques / Ton sanglot dans ma gorge / Dans la tienne  le mien // Ce n'est plus Icare lancé vers le soleil / à la chute marine // Le ciel aux stigmates humains / étale un bleu naïf




Au tendre matin d'une éternité
2004, extrait :

... Elle, après ses émotions, s'est allongée sans s'endormir, pour une relaxation de tout son être.
Un coup de tonnerre ! Et voilà que se révèle et lui apparaît, au tréfonds de son cœur apaisé, une lumineuse bonté.
C'est son âme, à la fois perceptible en elle et visible en dehors d'elle, à la fois immanente et transcendante. En dehors, car la vision, même intérieure, est recul. Entrevue naguère au fond de son miroir, son âme s'annonçait. Maintenant, elle se manifeste.
Qui es-tu ?
Je suis ton autre toi-même. Celle que tu es. Celle qui te survivra(s). C'est moi qui transfigure de sourire ton visage.
Je sais, je souris sans le savoir, sans le vouloir, je ne me sens pas libre ! Prisonnière de ma propre âme ! Cette âme qui m'entraîne, que je dois suivre ! Je suis celle qui suis, oui ! Pour être plus nuancée, je dirais que tu es impudique ! Je suis gênée de ta joie capable de m'illuminer à mon insu, quels que soient mon humeur, mes états de mal- ou de bien-être.
Pourquoi m'as-tu demandé : Qui es-tu ? puisque tu le sais.
Un coup de tonnerre a déchiré le ciel, pareil à la force qui ouvre la terre afin de livrer passage aux végétales éclosions. Le souvenir m'est revenu de ces ciels de plomb émaillés d'or vert tendre des bourgeons résistant aux plus furieuses intempéries. L'or et le plomb contrastaient, mutuellement se valorisaient. Les ciels lourds et plombés inspirent musiciens et peintres. Beethoven ! Ruysdael ! Ce puissant coup de tonnerre m'a révélé ta forte douceur. Justement on t'appelle « ange gardien », car tu es mon âme gardienne. Tu as ailé mes pieds, ainsi ils ne peuvent perdre notre cheminement.
Il est d'autres âmes à toi et à moi extérieures. Ton rêve est revenu. Et ton âme s'en réjouit, car ce rêve chemine avec toi, il te veille, t'harmonise, en dépit des chaos, au-travers des chaos.


M. Th.-Socratesse, mis en ligne le 29 janvier 2009 avant 20 h.


Les sanglots se méritent, ai-je écrit, puis effacé ; cet ordre de vécu se révélant, après coup, difficile à partager. Cela d'autant plus que le mysticisme poétique me semble (mais peut-être me trompé-je) aujourd'hui plus que jamais méprisé, voire détesté (le mot n'est pas forcé).
Les sanglots à mériter ne sont pas de l'ordre du "sacrifice".
Je ne souhaite en effet pas sacrifier mon œuvre pour des imitateurs qui n'ont pas éprouvé ce que j'exprime. C'est trop facile, pour eux, de se draper dans mon épreuve et dans mon travail. Ou alors, qu'ils me nomment, comme Platon nommait Socrate. Mais je suis une Socratesse qui écrit, ma parole n'est pas qu'orale – je parle du passé où j'ai tant parlé à qui voulait m'entendre. Ma révolte présente n'exclut aucunement la communion des âmes. Des âmes franches ! Si je souffle à tous vents le pollen de mon âme, je désire qu'on la-me respecte. Ce sera la première fois que je demande une faveur.

   
M. Th., mis en ligne le 29 janvier 2009 à 21 h. 59

P. S., 29-01-09, 22 h. 52 : Si l'on doute de l'existence de Socrate, la mienne est évidente. Mais je ne veux l'imposer : j'ai trop conscience de mes limites.

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Mes saisons en ligne
et " La bohémienne endormie "
*


30 janvier 2009, matin :

Sur mon site, je n'impose pas mon œuvre... Je lui donne d'autres saisons où chanter et fleurir, et j'invite en mon jardin, en ma forêt, en ma jungle... Une jungle où les fauves rêveurs ressemblent à celui peint
* par le tendre poète que fut le Douanier Rousseau.


... Un tribunal apparaît maintenant sur la scène.
Un juge et des plaignants.

– À vous, Madame Albine, formulez votre plainte.
– Monsieur le Juge, on m’a volé mes dieux ! Non seulement on vole leur feu, mais on les enlève eux-mêmes ! Et on a volé mon Phil !
– Ah Madame ! Les vols d’identité sont les plus compliqués. Voyez les sacs à main, impossible de les retrouver.
– Mais je connais les voleurs !
– Qui sont-ils ?
– Ils sont nombreux, tellement nombreux que je m’y perdrais si je devais tous les poursuivre. C’est pourquoi je fais appel à vous.
– Il faut les prendre la main dans le sac. Votre sac est-il donc si ouvert et si vaste pour tant de mains ? Il faut le fermer. Remarquez que je ne vous dis pas : Fermez-la ! En ne respectant pas la grammaire féministe, je respecte la femme !
 
Albine esquisse un sourire contraint ; elle n’a pas le cœur à rire de l’humour cyniquement courtois du juge. Elle se lève :
 
– Je suis ouverte… D’autant plus ouverte que je suis vaste…
– Alors, assumez, Madame Albine, assumez… Que voulez-vous que je vous dise de plus. Gérez l’immense espace de votre petit sac !
 
Assistant à la plainte d’Albine, Philipp lui fait signe pour la rassurer, mais elle ne le voit pas. Serais-je transparent ? se dit-il.

Le juge passe à une autre affaire ...



(2006, extrait de mon conte : Mon beau Cygne perlé)


M. Th., mis en ligne le 30 janvier 2009 à 11 h. 24

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Gestation et mémoire

L'on s'étonnera peut-être de ma faculté de me rappeler tout ce que j'ai écrit.
Certes, je confonds parfois mes ouvrages – ce qui est normal dans la mesure où ceux-ci composent un seul livre et dans la mesure où je m'y répète.
Ma mémoire fonctionne par association, mémoire de mes propres écrits comme de mes lectures même très anciennes d'auteurs classiques ou non.
Elle est donc, à chaque fois, partielle, étant suscitée par le contexte.
Une idée en entraînant une autre, cette autre peut me ramener à une formulation précédente.
Mon automémoire vient de la gestation de mes œuvres : je les ai profondément portées.
Quant à ma mémoire d'écrits d'autres écrivains, elle est liée à ma reconnaissance en eux de mes propres interrogations (Hermann Hesse, Dostoïevski...) ou bien à ma découverte en eux de pensées pour moi nouvelles et fécondantes (Victor Hugo, Paul Valéry...).
Telle une mère qui ne peut oublier les mouvements de son bébé dans son ventre, l'artiste se souvient du développement en lui de son œuvre alors à naître. "Je sens qu'il y a des choses de couleur qui surgissent en moi pendant que je peins, que je ne possédais pas auparavant, des choses larges et intenses...», confiait Van Gogh.

 
M. Th., mis en ligne le 30 janvier 2009 à 14 h. 35
 

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Le Tricot philosophe
*

Maman – Bonne-Maman pour ma fille – nous a fait peur !
Elle émerge de ce qui n'a même pas été une grippe ; mais, à son âge, le moindre refroidissement affaiblit considérablement.

maman

Dans le passé, elle nous a cousu et tricoté des piles de vêtements, et elle adorait ces tâches. Avant de vieillir et d'avoir une aide ménagère, elle pouvait me téléphoner – et à ma sœur – pour m'exprimer sa joie d'avoir, par exemple, lavé les rideaux et les fenêtres. Elle en était contente, comme moi je le suis après une expression artistique.

... Porté-je un silence atavique, celui qui fit s'exclamer : "Si les tricots pouvaient parler !". Des femmes ont ainsi réchauffé des hommes, tricotant d'androgynes pensées. Naguère, la folle du logis détricota l'univers, tirant le fil de l'horizon, mêlant, entremêlant, ce que la Création avait séparé. Dénudant les hommes, les reprenant enfants dans son sein pour les protéger du froid des épreuves. Puis les remettant au monde dans l'espoir qu'ils seraient mieux aimants.   
Musique, aide-moi à bien les aimer, à adoucir leurs mœurs. Musique, modèle infini, qui démêle, adoucit, console et berce, puis réveille brusquement. Trompettes, massive et condensée réponse d'ailes serrées. Tant éblouie par l'éclat des cuivres du jour qu'une oreille se ferme. L'autre, assourdie par le fracas des eaux libérées. Naissance ! Peu à peu revient l'ouïe. Et une vue qui cherche le noyau éclaté libérant son fil enroulé en pelote. Le fil éclairé est devenu éclair. Puis tricot lumineux autour du monde basculant qui sera de la sorte mieux repérable dans le vaste univers !
* 

* Extrait de ma portée d'exil

M. Th., mis en ligne le 7 février 2009 à 12 h. 47

*  *  *

À propos de je ne sais
quelles associations d'idées



8 février 2009 :

Il me revient parfois une réponse de Gaston Compère à Michel Joiret lors d'un entretien paru dans "Le Non-Dit" N° 23 de juillet 1994 :

" MJ : Quel regard jettes-tu sur l'agitation littéraire de notre pays ? "

" GC : Un regard amusé. Excuse-moi de ne pas porter ici un jugement quelconque : je tiens à ma tranquillité. "

Quant à la mienne, de tranquillité, je la mets à rude épreuve !


M. Th., mis en ligne le 8 février 2009 à 12 h. 32

– – – – –

J'ai des rêves... L'un d'eux concerne ce qui précède... J'ai déjà eu l'occasion de le confier ici et là...
Le voici, le voilà...

Pour la musique (dieux savent si j'aime la musique !), il y a Musiq 3.
Quand y aura-t-il Lettres 3 ? (car dieux savent si j'aime aussi la littérature, d'autant plus que je suis écrivain).
Une chaîne où TOUS les auteurs seraient présentés. Là où un seul l'est trois fois, il le serait une fois et les deux autres fois seraient consacrées à deux autres.
"C'est toujours les mêmes !", ai-je quelquefois entendu – et l'exclamation trouvait chaque fois en moi un écho.
Je me contredis ? moi qui ai vanté le pouvoir de diffusion d'Internet.
Non. Simplement, je varie, passant du "livre de papier" au livre intangible et informatique ; passant de l'écran aux ondes partiellement muettes des radios.
Mais peut-être suis-je partiellement sourde ?
Nul n'est parfait.


M. Th., mis en ligne le 8 février 2009 à 13 h. 38


– – – – –

L'une ou l'autre fois, j'ai eu l'occasion d'entendre en public que le Journal et les Journalistes de la Presse écrite, ce n'est pas pareil, le Journal pouvant accepter ou refuser les articles de ses Journalistes.
Sans doute en va-t-il de même pour la Presse parlée : la Radio et ses Présentateurs ou Présentatrices.
Moi, je suis d'un côté de la barrière, comme on dit ; et j'essaie de voir l'autre côté. C'est bien normal.


M. Th., mis en ligne le 8 février 2009 à 16 h.

*  *  *

Nietzsche – si j'ai bonne mémoire – était pour Jésus, et contre l'Église.
Ainsi – certes, ma comparaison... cloche – suis-je pour la poésie, et contre les chapelles.
Mais mon ermitage est ouvert.
En témoigne mon poème (2004) de la page 61 de mon infrangible vision :


À la géométrie de mes visions
le ciel s'arrondit en rosace
âme d'astre naissant

J'attends
l'irradiation à l'équilibre
de points cardinaux infinis


À l'équilibre.


M. Th., mis en ligne le 10 février 2009 à 13 h. 30

*  *  *

L'été (1994) de ma première révolte



Le front ailé

mais les chairs se révoltent
Tant que le verbe vole
fraternel il se plaît à souffler
Incarné
il revendique un nom
Ni plus ni moins que ses frères
 
Mon visage de vierge
enchante les uns  irrite les autres
Excédé me sort de la bouche
un diable décevant les premiers
 
Sous leur cloche de verre les Blanche-Neige
attendent le charmant baiser
Peu importe :
les cailloux charriés par les eaux de l'amour
en paroles austères s'entrechoquent
avant que de rouler au-dehors de la Terre
pour autour d'elle graviter
Satellites nous entraînant en ronde folle
survolant le village du monde
La Fête retrouvée
 
Nous graviterons en exode cosmique


(Été 1994, Triptyque)


M. Th., mis en ligne le 11 février 2009 à 07 h. 55

– – – – –

Première ? Pas tout à fait, car à 20 ans déjà ...

Aux armes !
Il est trop tôt pour la tendresse
Je suis un monde en guerre
Et le rameau de mon amour purifié
attend sa colombe


(13 décembre 1966, Feuilles mortes glissant dans l'eau claire
Poèmes de mon adolescence)

M. Th., mis en ligne le 11 février 2009 à 08 h. 15

– – – – –



Et la poésie, au plus intense de son féminin,
a préparé des élixirs d'amour relevés d'un zeste diablotin !



... Devant le miroir de sa salle de bain, la voici qui ébauche des grimaces, se tire la langue, tord ses muscles faciaux, ouvre des yeux en boules de Loto. Elle a toujours eu l’inconscient humoriste, l’inconscient car une éducation invraisemblable refoula peu à peu son humour naturel. Chassé, celui-ci revenait au galop, à son propre insu. Certains s’en offusquaient, jusqu’au jour où, croyant qu’elle était pince-sans-rire, d’autres s’en réjouirent. Ce jour-là, elle se dit qu’il était grand temps de mieux prendre conscience de son talent piquant !
À présent, elle joue sciemment avec des mots. On n’est jamais aussi bien moqué que par soi-même. Cela s’appelle-t-il : ne pas se prendre au sérieux ? Mais elle se prend au sérieux, puisque… L’humour est une chose grave, car éclairante.
Traits d’humour, éclairs… Manquent-ils aux religions comme à tout système… Revient à Denise sa réaction lors de la mort du pape. Elle ne doit pas relire son journal pour se la remémorer, elle l’avait intitulée :
Grain de sel d’une papesse…
… « Je m'avancerai jusqu'à l'autel de Dieu / le Dieu de ma jeunesse (...) / Pourquoi donc suis-je triste et inquiet ? », chantait-elle avec ardeur au pensionnat lors de sa prime adolescence.
Et elle rêvait, rêvait, à un amour platoniquement chaleureux qui, à son instruction défendant, fusionnait Dieu et son encore inconnu amoureux.
Celui-ci tenait moins d'une image « sacrée » que d'un mythe « païen ». Et c'est le long d'une mer on ne peut plus romantique qu'il la portait.
Cette imaginaire promenade sur le sable berçait ses endormissements de quinze ans. Elle était parallèle à ses élans divins dans la chapelle, élans qui, par ailleurs, la portaient aussi.
Tout cela faisait bon ménage !
Dans cette société de nonnettes, le masculin était spécialement attendu. Prêtre, aumônier, confesseur : ces qualités étaient secondaires, car, en vérité, seul était espéré un réconfort d'ordre paternel.
De la même manière, le Pape a aimanté une multitude de filles de tous âges, vierges ou non ; de filles en mal de reconnaissance par un père, archétype ancré en elles depuis leur féminin effacement.
Reconnaissance compensant, palliant, cet effacement ?
Elles veulent le bonheur, et ne savent plus en quoi il consiste. Leur faculté de se mouler (s'adapter ?) les empêche-t-elle de penser ?
Elles n'arborent point le casque d'Athéna, se voilant les cheveux d'un voile ou d'une mantille.
En pension, Denise portait un  béret bleu foncé assez flatteur, ma foi. Le soir, après un pudique déshabillage sous leur ample robe de nuit, elle et ses condisciples s’endormaient, l'ouïe frôlée par le pas feutré de la surveillante qui méthodiquement suivait chaque allée du dortoir. Le matin, à cinq heure et demie, soit une demi-heure avant la messe quotidienne, elle les réveillait d'un énergique agitement de clochette suivi de deux mots tout aussi résolus : « Vive Jésus ! », auxquels les pensionnaires devaient répondre : « ... dans nos cœurs ! ». Mais la réponse était si engourdie que la Sœur à nouveau sonnait, puis reprenait, avec force sévérité, la louange. Entre elles, les adolescentes avaient convenu de remplacer la réplique par une autre qui aurait confirmé les thèses les plus freudiennes : « ... dans nos lits ! ».
En effet, lorsque, plus tard, Denise allait sortir de sous le boisseau son corps lumineux de désir, « c'est Psyché tout entièr' qui sauta aux  yeux » de son amoureux ! Ainsi chantait Brassens, Brassens qu’elle aime autant que le Père Duval : « Le Seigneur a frappé à tes volets / Ami, Ami, Ami, Ami ! / Le Seigneur a frappé à tes volets / Et toi tu dormais... ».
Nos volets tremblent sous le souffle de tant de questions, de tant de débats... Certes, nous les ouvrons, nous nous réveillons...
Ruisselante des perles d'un éveil, quelle papesse se lèvera ?
Car son ire saine et animiste, les femmes l'ont cultivée et arrosée au plus profond de leurs jardins !
Et la poésie, au plus intense de son féminin, a préparé des élixirs d'amour relevés d'un zeste diablotin !
En éclair, son grain de sel – marin –, plus brûlant que braise, traverse ces ciels qui pontifient, jusqu’au seuil d’un véritable Espace !
Denise sourit au souvenir de sa confidence. Son amoureux la porte toujours le long d’une mer imagée, et, parfois, enlacés, ils s’y baignent, heureux.
(...)
En son esprit, les mythes les plus divers font bon ménage, c’est pourquoi elle rayonne. Malgré de récurrents mais brefs découragements quand, en boomerang, lui reviennent les grains de sel, de folie, de sagesse, qui n’ont pas su traverser les ciels hiérarchisés !


(Autobiographique : 2 avril – et un peu après – 2005, L'âme dénouée)


M. Th., mis en ligne le 11 février 2009 à 13 h. 54


– – – – –


Mon site : égocentrique ?


Mon "ego" y serait plutôt rayonnant, au sens qu'il offre à lire.
Mes rayons se déplient et désignent ce qui me dépasse.

En plus ou moins consciente symbiose avec l'univers,
quand je pars de "moi", j'arrive plus loin.
– Comme je l'ai plus d'une fois expliqué dans mes livres –.


M. Th., mis en ligne le 11 février 2009 à 15 h.


Éveil

*  *  *

Mon très sincère et très amical
« art poétique » (ébauche)


Ne te grise pas de mots
Ne te gargarise pas de vers
Ne te lis pas écrire – comme on dit : « ne t’écoute pas parler »
Ne cède pas à la parodie
« Je » n’est pas « un autre »
– celui qui a dit le contraire était suicidaire –
Si l’« écriture automatique » tu pratiques,
méfie-toi d’une superficielle gratuité
Écris, pétri(e) de ta propre épreuve
Ce qui n’exclut ni la communion ni l’empathie
L’empathie n’est pas parodie
Ne refoule pas la spontanéité de ton humour,
surtout s’il est amical
L’amitié véritable taquine de façon enfantine
Si l’humour est poétique, la parodie ne l’est guère
Et Chaplin n’emporta pas le prix de parodie de son Charlot !
N’en mets point plein la vue
Pèse chaque mot
Mieux vaut un mot imparfait et authentique
qu’un mot parfait et creux

M. Th., mis en ligne le 17 février 2009 à 21 h. 29
 

Suite (autre genre)

Par contre  dans le genre de la fable
– avec morale finale ou incluse,
la parodie renforce


M. Th., mis en ligne le 17 février 2009 à 23 h. 23
 

Nuance

Se griser n'est pas s'enivrer
La griserie pouvant être paresse mentale
L'ivresse, fulgurante lucidité


M. Th., mis en ligne le 19 février 2009 à 13 h. 51

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Dans mon site, comme dans toutes mes œuvres,
toute ressemblance avec des œuvres autres et extérieures serait fortuite.


.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .


*

Un jour

autour du Dictionnaire
Couleurs et Valeurs
feront une ronde guerrière

Ils sont fous,
ces Mots qui nous détournent !
Cherchant le Savoir
ils perdent le Voir !

 

M. Th., mis en ligne le 24 février 2009 à 01 h. 18
24 février 09 : mardi gras, mon 1° anniversaire
– le 5 mars étant mon second


*

" Pitié pour les femmes"


24 février 2009, 20 h. 28 :

Sur Musiq 3 (à 20 h. 20 exactement), à propos du Carnaval, j'entends que le maquillage est un masque...

Femme, je m'étonne d'une telle idée...

La barbe et la moustache seront-elles, chez l'homme, aussi considérées comme des masques ?!

Les femmes sont inégales devant la beauté, cette beauté à laquelle sont sensibles les hommes...

Pourquoi une femme ayant quelque défaut (couperose sur les pommettes, cicatrices,...) ne pourrait-elle pas le dissimuler sous un fond de teint approprié?

Si l'on va jusqu'au bout de cette idée de "masque", la peau en est aussi !

Cela me rappelle une terrible chanson de Julos Beaucarne à propos de concours de beauté : le public demande à une fille qui s'est délestée de ses vêtements, d'aller plus loin en se déshabillant de sa peau, puis encore plus loin en donnant son cœur – au sens propre

D'un accident de vélo (en 1975), j'ai gardé, sur une joue, une cicatrice, cicatrice heureusement plate et lisse mais qui me fait une tache blanche. Cela m'était égal, jusqu'au jour où, suite à des réactions répétées d'autrui, je décidai de la cacher sous une crème teintée. "Qu'est-ce que tu as à la joue ? etc etc". Cette tache blanche masquait aux yeux de certains autres mon visage ! Alors,
pour qu'on me vît, moi, et non plus ce petit défaut qui manifestement incommodait, je me mis à me maquiller.

Et n'est-ce pas un poète, Paul Éluard si j'ai bonne mémoire, qui a rendu hommage au rouge à lèvres, ce rouge qui peut faire chanter un visage féminin.

Le maquillage est un cadeau fait aux femmes par des gentlemen-chercheurs en cosmétologie qui les aiment vraiment ! Merci !


M. Th., mis en ligne le 24 février 2009 à 21 h. 24 

N. B. : Ceci, je l'ai exprimé il y a des années en aparté. Pour eux, je me répète donc.


... Des danseuses se maquillaient, soulignaient leur belle nature. Ainsi, la lumière peint les fleurs des couleurs qui la composent. Les deux amies les imitèrent, peignant lèvres et paupières, terminant par un point coloré au milieu du front, point de concentration qui protège de la dispersion. ...


(2002, extrait de mon conte : La Source d'Incandescence)


M. Th., mis en ligne le 24 février 2009 à 21 h. 49


Éveil


26 février 2009, matin :

Les Mots sont difficiles et piégeurs, qui, identiques, peuvent, repris dans différents contextes, donner lieu à des recoupements sophistes et peu perspicaces. En l'occurrence, ci-dessus, beauté (concours de) et belle (nature).

Ainsi, Couleurs et Valeurs en sont-elles arrivées à se révolter.
(Colères et primaires couleurs, ai-je écrit en 1999 dans ma portée d'exil).

Bien qu'elles voient combien le "contexte", ou plutôt le conpeint (compeint?), les varie...

C'est-à-dire qu'une couleur ou une valeur ne chante pas de la même façon selon qu'elle côtoie telle ou telle autre, ou qu'elle s'y entremêle. Tous les peintres savent cela.

"Exprimer quelque chose par la couleur même", écrivait van Gogh.

Exprimer quelque chose par le mot même, dit le poète.

Sans doute est-ce l'insaisissable liberté de la Poésie...



M. Th., mis en ligne le 26 février 2009 à 10 h. 35
et  à 11 h. 49



27 février 2009 :

Les Mots sont difficiles et piégeurs, qui, identiques, peuvent, repris dans différents contextes, donner lieu à des recoupements sophistes et peu perspicaces. En l'occurrence, beauté (concours de) et belle (nature)...,

ai-je écrit hier.

Le contexte problématique est évidemment ici celui du concours...

Si la compétition entre des animaux est aujourd'hui interdite (combat de coqs, etc.), elle persiste entre des humains.

Ceci à divers niveaux, dont l'artistique – les peintres et les écrivains se trouvant inégaux devant la Critique.

Les lecteurs de cette Critique se sentiront obligés de lire et d'aller voir les œuvres critiquées.

Pour le "large public", la Critique est un "Surmoi".

Qu'en est-il du CHOIX ?


M. Th., mis en ligne le 27 février 2009 à 14 h.


Hier après-midi, je me suis décidée à regarder la vidéo du film : "Da Vinci Code", afin de savoir quand même de quoi il s'agit (je n'ai pas lu le livre).

Je n'en ferai pas la critique, ce n'est pas mon métier. Si j'en ai bien quelque avis, j'en reporte à plus tard l'expression.

Simplement, et cela au niveau des seules idées, j'aimerais signaler que, dans mon conte : La Musique promise, je suis descendue plus profond dans les Temps mythiques...

J'y ai dépassé la sublime et tendre Marie-Madeleine – que ce film a la riche idée d'honorer et respecter –, pour arriver à la non moins sublime et tragique Antigone...

... Le chant d'Antigone. Et sa colère ! Une révolte repliée, resserrée, concentrée en un point au fond de son tombeau. Point qui, telle une graine, un noyau, attend l'heure, la minute, la seconde, de son explosion ramifiée. ...
(Février - mars 2003, La Musique promise)


M. Th., mis en ligne le 27 février 2009 à 23 h. 12


28 février 2009, matin :


Dans ma pièce : Le Vertige de l'Oiseau ou Le Souffle de la Montagne, le personnage que j'appelle : La Fille, se trouve aussi en des fondations :

... J'habite un lieu, dans les fondations mêmes, j'y médite, j'y invoque – à voix mesurée, maintenant – le meilleur de nos aspirations. ...

La fille s'était d'abord révoltée, mais son temps était plus clément que celui d'Antigone. En fait, elle avait été mise à l'épreuve afin de devenir "à la hauteur" d'un destin que je ne dévoilerai pas ici.

J'ai écrit cette pièce en treize jours ! Du 6 au 19 mai 1999 exactement !
Elle est parue en mars 2000, avec deux autres pièces, dans mon recueil :
D'Oracles – qui est le titre de la première.

Jouée, cette pièce serait merveilleuse !
Je ne comprends pas, vraiment pas, le fonctionnement théâtral actuel, sans doute pavé de bonnes intentions.
Sous les pavés, Monique Thomassettie.
Sous les pavés, "la fournaise de (ma) conception", pour reprendre le mot des frères Goncourt (cité par Van Gogh – encore lui).
Ce qu'ailleurs j'ai appelé : L'ENFER DE DIEU !

En avril prochain paraîtront, dans mes Autoéditions M o n é v e i L , deux livres (et non pas un, comme je l'avais d'abord annoncé) : un roman et du théâtre.
Un théâtre (deux pièces) plus "existentiel", mais...
Puisse-t-il s' "incarner" sur la poussière des planches de ce monde...



M. Th., mis en ligne le 28 février 2009 à 11 h. 44


O   °   O   °   O


La Poussière généreuse


" Ta descendance deviendra nombreuse comme la poussière du sol, tu déborderas à l'Occident et à l'Orient, au Septentrion et au Midi, et toutes les nations du monde se béniront par toi et par ta descendance. "

(Genèse – Cité par le Dictionnaire des Symboles).
M. Th., mis en ligne le 2 mars 2009 à 10 h. 48


*


Le Juste
brûlera les planches
Et ce feu
sera son salut


M. Th., mis en ligne le 4 mars 2009 à 19 h. 48


*

Mon Devoir d'Ardeur

Il y avait longtemps que je songeais à créer mes autoéditions.
Au départ, j'avais imaginé les appeler : Mon Devoir d'Ardeur.
En hommage aux deux vers de Rimbaud, qui précèdent son " Éternité retrouvée " :

" Votre ardeur "

" Est le devoir "

Je lis : Votre devoir est l'ardeur...
(Bien sûr, j'aurais cité Arthur à chacune de mes autopublications).
Ce soir me vient l'idée d'appeler ainsi l'ensemble de mes confidences en ligne, celles-ci constituant une sorte de recueil. Si des lecteurs les impriment afin de les lire ailleurs que sur leur écran, ils en sauront désormais le titre :

Mon Devoir d'Ardeur

" ... L'Éternité. / C'est la mer mêlée / Au soleil. "...
Le mariage de l'Eau et du Feu m'a toujours touchée.

M. Th., mis en ligne le 4 mars 2009 à 23 h. 54



O   °   O   °   O


Divine Odyssée


Voici marchant sur l'eau
l'enfant mystérieuse :
Poésie " Création "

" Elle est retrouvée "
" Quoi ? –"  L'Enfance innée
Don à reconquérir
à la la force du Temps *


Autour de l'immortelle
car toujours recommencée
Création,
des dauphins font la ronde
– et non pas des requins –

" Mais l'Amour, voilà la grande Foi ! "**



* Extrait de mon poème écrit pour la revue "Marginales" N° 237 - Printemps 2000

** Rimbaud


M. Th., mis en ligne le 5 mars 2009 à 10 h. 57



O   °   O   °   O


" Crise et Créativité " à la Foire du Livre de Bruxelles


Y dira-t-on combien l'artiste (écrivain, peintre, etc.) est complet dans la mesure où il connaît au-dedans de lui-même des affres et des crises profondes ?
Quel que soit le contexte social où il vit : parce qu'il tend vers un Absolu qu'aucune société ne peut apporter, même aux âges d'or le plus pur.
Je l'ai souvent confié : ces difficultés sont la rançon de la créativité.
– La rançon de la gloire devant être autre chose, que je puis imaginer –.
L'artiste (c'est-à-dire le pratiquant d'un des huit arts, ou de plusieurs à la fois) est éternellement inquiet.
Au niveau de la reconnaissance, de la médiatisation, de la vente de mes œuvres, j'ai "raté" ma vie de peintre et ma vie d'écrivain.
Mais, ma foi, j'ai "réussi" au niveau de mon rêve.
Si j'accorde tant d'importance à mon site, c'est par espoir de mieux partager ce rêve, mieux que via mes livres ignorés.
Néanmoins, je continue à en publier.

" – Vont-ils enfin se taire ! Vont-ils enfin mourir ! "
" – Ils sont morts. "
" – Qui parle, alors ? "
" – Eux. La mort n'a pas suffi. La scène continue. "
*


* Jean Giraudoux – que j'ai déjà cité ailleurs.


M. Th., mis en ligne le 5 mars 2009 à 17 h. 12


" Crise et Créativité " au Off du Livre de Bruxelles

À la Foire, la crise se dit en théorie.
Au Off, la crise se vit concrètement.
Ceci m'apparaît soudain et enfin.
Dans ce parallèle, le recul de mon regard créateur découvre un cynisme, le cynisme des hasards.
Le Livre qui devrait unir, divise.
Une communautaire créativité ne devrait-elle pas œuvrer à trouver une solution d'accueil total ?

M. Th., mis en ligne le 5 mars 2009 à 22 h. 56


Synthèse


J'avais parlé d'un point commun entre Foire et Off
J'y reviens

Lieux mornes à rendre autiste !
Déclin ?
Des milliers de livres
de solitudes
criant : lisez-moi !
Et chacun pour soi

M. Th., mis en ligne le 7 mars 2009 à 01 h. 28


U   .   U   .   U

7 mars 2009, 03 h. 27 :

Lieux mornes... Certes, je n'ai pas fait l'effort de visiter plus avant, ni de participer, ou plutôt assister, à quelques rencontres... J'ai toujours fui les lieux trop publics et trop grands... Les foires et salons du livre, ici comme ailleurs, me voient toute perdue... Je ne dois pas être la seule à réagir de la sorte, car les gens qui parcourent les allées me semblent aussi errer... Par contre, les lieux plus intimes m'apaisent... Ainsi, je me sens à l'aise dans la salle des Riches-Claires, à Bruxelles... La réunion autour du livre des madeleines (voir à "Événements") m'a été particulièrement chaleureuse et conviviale... Je tiens à le préciser afin d'éviter tout malentendu...

M. Th., mis en ligne le 7 mars 2009 à 03 h. 49

7 mars 2009, 10 h. 52 :

Pourquoi n'aurais-je pas mes préférences spatiales de lieux ? alors que les médias ont leurs préférences despotiques d'auteurs ?
Dans la Nature, par contre, j'aime les vastes espaces. Je me demande souvent comment nous pouvons vivre sans voir et-ou respirer la mer et la montagne. Même si, comme je l'ai ailleurs exprimé, nous les avons intériorisées grâce à quelques voyages et-ou grâce à une faculté naturelle, faculté proche de celle de l'oiseau :

... N'aurait-il jamais volé, l'oiseau porte en lui des ciels et pays à chanter. ...*

Pour revenir aux espaces littéraires, il y est, pour des auteurs – pas pour tous –, des nids accueillants...
Au Off, les Éditions M.E.O. m'exposent, me diffusent et me présentent.
À la Foire, Le Service du Livre Luxembourgeois ouvre sa province à la petite Bruxelloise que je suis – comme hier je l'ai répondu à un monsieur qui croyait que j'habitais là-bas ; il est vrai que j'y ai vécu de mes huit à seize ans.
À la foire encore, la SCAM-SACD, ayant doté de roues sa Maison des Auteurs, a roulé jusqu'à un stand qu'il me faut encore visiter. Elle passe en boucles des dessins et des textes – le mien pose une "colle" au Tao.


* 1999, extrait de ma portée d'exil


M. Th., mis en ligne le 7 mars 2009 à 11 h. 33


Suite et non fin :


À la foire, aussi, une table gourmande prend "Racine" autour d'espiègles et dodues madeleines !

M. Th., mis en ligne le 7 mars 2009 à 14 h. 18
 


... Je suis arrivée très en retard à la Tablée... C'est que bus et métro en avaient un considérable, et les rues étaient si encombrées que l'on avançait au ralenti. J'en suis désolée pour Apolline Elter, notre hôtesse. Mais "mieux vaut tard que jamais".


M. Th., mis en ligne le 7 mars 2009 à 18 h. 25


*

Transfusion


En 1997, j'écrivais * :

Le récit de ma vie paraîtrait "fantastique"
alors qu'il est réaliste absolument
De même j'apparais "folle"
tout en étant sensée
Je porte ma raison

Vampirisme ? Je me trompais :
il s'agissait de transfusion de vie

Je renais d'une pierre
éclatée sur ma tempe


Et ma raison est en harmonie
avec mon imagination
(folle du logis)


En 1992, j'écrivais ** :

Jardin
si tu pousses tes fruits
au dehors
j'ai peur de qui
les mangera

D'où te vient cette blancheur ?


Et j'ai peur de qui les mange
au-dedans même du jardin
Cette blancheur est la mienne
Mon sang transmué
en chants lactés


En 1999, j'écrivais *** :

Dans les prés, parfois un poème crie grâce. N'en peut plus de répandre son verbe, ses ruisseaux de blancheur sur le vert obstiné.

Et ce vert (pardon à la couleur) s'est fait pilleur.


* Extrait de mon recueil : Plein cintre d'arc-en-ciel
** Extrait de mon recueil : De Blancs Oiseaux boivent la Lumière
*** Extrait de mon roman : La portée d'exil


M. Th., mis en ligne le 8 mars 2009 à 14 h. 58


En ce jour de la femme
je m'offre une bacchanale
de colères

Une jésuistique ogresse
prône le sacrifice
en sacrifiant l'autre :

l'art de l'autre
Je suis cet art
si autre

Et des foires vénales
applaudissent
Dans un cliquetis de monnaies

et d'hosties

Et l'homme dit :
prenez et mangez
ma femme généreuse !

Et la femme donne
donne
donne
donne
donne

son art
plus que jamais vital


M. Th., mis en ligne le 8 mars 2009 à 17 h. 49

NON, Messieurs et Mesdames de la Foire du Livre, vous n'êtes pas des gentlemen et des gentlewomen.
Rappelez-vous les paroles de Marguerite (Yourcenar) à propos de la vache, la pauvre vache injustement moquée alors qu'elle donne et redonne son lait.
Ma foi, s'il me faut me réincarner en animal, je me ferai vache ailée, et je planerai au-dessus de vos manèges qui font tourner le lait !
Je verserai un nuage lacté dans la coupe de Magritte qui, lui, avait une corde sensible.
Et puis, cette année est celle astrologique du Taureau (Buffle) !
Au ciel constellé, la Vache va le retrouver !
" Alléluiah! / Les choux sont gras ! / Il y en aura /  pour tous les gars ! " *
Et pour toutes les garces.


* Vers de je ne sais plus quel poète – ça me reviendra.

M. Th., mis en ligne le 8 mars 2009 à 20 h. 15

En cette journée féminine, un mot se révolte : "garce".
Pourquoi, se lamente ce mot, suis-je péjoratif, alors que mon masculin "gars" est toujours brave ?

M. Th., mis en ligne le 8 mars 2009 à 20 h. 32


Un dernier mot à propos de la Foire et du Off...
Il y a deux ans, les médias avaient filmé et interviewé les éditeurs qui s'étaient couchés sur le sol de la Foire en signe de contestation.
Cette année, ces mêmes médias les ignorent. Pourquoi ?
Ce silence n'est-il pas une atteinte à la liberté d'expression ?
En mars 2001, si j'ai bonne mémoire, l'U.L.B. avait organisé en soirée un débat entre Arthur et Moussia Haulot, Claude Javeau et je ne sais plus qui.
Le poète résistant avait récité par cœur la fable de La Fontaine :
"Le Loup et le Chien".
Le dernier vers, il l'avait prononcé avec une ardeur mémorable :
"... maître loup s'enfuit et court encor" !
Est-ce avant ou après cette fable que le piquant et franc sociologue avait parlé de la censure littéraire ? Peu importe. En Belgique, avait-il affirmé, cette censure existe.
Eh bien, je pense qu'elle vient de sévir en ne médiatisant pas le Off.


M. Th., mis en ligne le 8 mars 2009 à 23 h. 18


À un article paru ce matin dans "Le Soir" en ligne : "Un bilan bOFF", Graine a réagi comme suit :
S'opposer pour se poser. L'enfant (en l'occurrence un commencement) s'oppose comme il peut pour se poser. C'est le fameux "NON", sans lequel il ne pourrait se construire. Et l'enfant a besoin de soutien pour bien bâtir ses fondations. Alors, il pourra s'élever. Adorable moutard !
Ainsi, une femme s'opposera à son homme. La femme, l'enfant et l'artiste ayant la même transparence et n'étant foncièrement pas
"béni-oui-oui".
Ce sont les hommes (pardon, Messieurs) qui obéissent et s'entretuent à la guerre.
Quant au "Oui" béni de Marie à Dieu, c'est une autre histoire, plus subtile :
servir l'Esprit !
Mon poème colérique (
Î= voir ci-dessus) est une sorte de parabole. En voici un autre (certes meilleur !) * :

Qui ose aimer / mes blasphèmes bénis ? / (...) C'est le fouet du Christ / qui ressuscite / telle une plante printanière / Éclosion de justes colères / Car la Terre a tremblé / crache et crie / un feu trop longtemps refoulé / au cœur de ses montagnes / L'ardeur la consumait / Point ne se voulait / chapelle ou cathédrale / Mais pur cantique / Flamme exacerbée de Ciel / Insoupçonnée acuité / fusant de sa voix de gorges profondes / Tel un cristal crissé / Supplications / sublimées en aériennes / vibrations / Fleur des champs, / disait-Il sans la connaître !


* 2001, extrait de mes Variations pour songe sur un insaisissable Absolu

M. Th. - Graine et Fleur des Champs, mis en ligne le 9 mars 2009 à 12 h. 18



Je m'appelle Monique : Monique-Marie-Françoise.
Je me sens davantage Marie que Marthe, bien que, d'après certains livres sur les prénoms, les Monique se rattachent aux Marthe.
Car, pour moi, Marie, c'est le fonctionnement symbolique et artiste, celui qui est le mien.
Mais ce fonctionnement, en ces temps pragmatiques qui donnent priorité (de reconnaissance) aux événements d'ordre idéologico-social, quitte à nourrir l'expression de ceux-ci avec des images volées à autrui, ce fonctionnement dérange au point d'être occulté.
"À chacun son métier, et les vaches seront bien gardées" !
Qu'en dirait Salomon, de cette pièce cornélienne ?
Pièce où, ayant dit Oui à l'Esprit, c'est-à-dire à son Idéal, Marie finit par voir ses œuvres perdues.    
Et c'est le triomphe d'une autre sorte de machiavélisme où une complicité faite d'envie et de jalousie (sans doute inconscientes, c'est pourquoi je pardonne) est capable de, si pas tuer, au moins blesser.
Voyez-vous, j'ai toujours été (trop ?) douloureusement sensible à cette ombre portée dessinée jadis par le fin Sempé. Dans ce dessin, une personne tendait à une autre personne une main apparemment cordiale ; mais, dans son ombre portée, sa main tenait une épée *. Comment mon ombre à moi ne se défendrait-elle pas ? 
Cela dit, je suis une brave garce, car j'ai la grâce, un chapeau (à défaut d'auréole) en plus.
Oui, je pardonne aux pulsions inconscientes de ceux et celles qui ne sont pas encore éveillés – quoi qu'ils en pensent.
"Je souris et pardonne".


* Voir page 8 de mon recueil : T l i m i a s l o

M. Th., mis en ligne le 9 mars 2009 à 14 h. 03

*

U
n peu d'air, à présent, avec ma "colle" posée au Tao, qui fut lisible à la Foire.
Je la donnai
à la SCAM sous deux formes : en prose et en 10 lignes (afin de respecter l'espace de l'écran), et en poème (c'est celui-ci qui fut retenu) :


Une « colle » : Espace et Tao
 
 
Un point dépressif
côtoie
un point de joie culminante
 
Un lourd point dépressif
dans un infini et apesant
Espace
 
Un léger point joyeux
dans un mortel et pesant
Temps
 
Sauf que l’Espace ne se contient pas
en une moitié taoïste !
 
Dans cette dualité précise,
en quoi consisterait
le sinuant espace
entre les deux ?

 

M. Th., mis en ligne le 11 mars 2009 à 15 h. 53


*


La goutte qui fait déborder mon cœur
Et cette goutte est celle d'un puits honnête et candide



16 mars 2009, à mon réveil – 8 h. 15 :

Béatrice fut-elle le maître de Dante ?
Un idéal est-il un maître ?
Toutes proportions gardées (je n'ai pas le génie de Dante), l'idéal à qui j'adressai certains de mes écrits, et en particulier mes romans épistolaires, cet idéal a-t-il été mon maître?
Un idéal : un maître ? Il m'est arrivé (et ici même) de me répondre affirmativement. Et je continue à lui dire "Oui".
Mais des fait viennent de susciter chez moi une deuxième question, très grave...
Comment aurait réagi Dante s'il avait reconnu sa Béatrice dans les écrits de ses contemporains ? Et son accent à lui, le ton filigrané et tout personnel avec lequel il s'adressait à elle...
Du fond de son exil, n'aurait-il pas crié : Trahison !
Je sais que Béatrice représente un symbole lumineux et que vers cette lumière tendent, en chœur, les idéalistes – j'en parle dans mon recueil :
À l'entrelacement de ma Tempérance
...
Mais, quand le nerf de cette "trahison" est d'ordre vénal, peut-on encore parler d'univers choral ?
Expliquez-vous mieux, me demandera-t-on. D'accord. Pour m'en donner le courage, j'invoquerai ma grâce résistante...
J'accuse... J'accuse des "nègres" littéraires qui, pour gagner leur vie, trahissent et les "auteurs" qu'ils aident et les auteurs dont ils (ou elles) plagient ou parodient, parfois non sans cynisme, le ton, l'accent, l'esprit, la sensibilité et davantage : des phrases entières, des fonctionnements d'écriture. Non contents de ces "coups bas", ces nègres peuvent ajouter des choses personnelles, tantôt aimables, tantôt assassines. Ainsi, des livres se voient-ils divisés afin que règne une tyrannie, celle-là même qui donnera prix et récompenses ! Je ne dis pas que tout se passe toujours de la sorte : il est des auteurs reconnus et primés qui écrivent seuls. Comme moi j'écris et travaille seule.
L'on dit que les nègres sont des gens qui n'arrivent pas à vivre de leurs propres écrits. L'on dit encore que, dépourvus d'inspiration, ils pillent celle des autres. Pas étonnant, dès lors, qu'ils affectionnent le "Je est un autre" de Rimbaud. Cynisme crasse !
Il m'a fallu du temps pour comprendre deux mises en garde laconiques que me firent deux écrivains différents lorsque, au début des années nonante, j'entrai dans le monde dit littéraire : "Méfie-toi!".
Et je comprends enfin aussi cette autre parole qui me fut adressée il y a moins longtemps : "Ne lis pas tes 'ami(e)s' "...

Il y a des années, quelqu'un qui a fait profession de foi non pas en l'art littéraire, lequel ne va pas sans style personnel, mais foi en la profession de "nègre" écrivant, nous expliqua ce qui suit à propos d'un procès pour plagiat qui avait alors fait beaucoup de bruit...
“Ce sont les nègres qui ont plagié, et l'"écrivain" accusé n'en sait rien.”


M. Th., mis en ligne le 16 mars 2009 à 10 h. 05
Il y a des années... : 25 octobre 2012, 10 h. 30



D'une chute d'Icare au fond d'un puits
Ses ailes "fondues" (tel mon cœur)
au rayonnement solaire de son Idéal

"I" comme Idéal !


voir à "Événements" : 15 mars 2009

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M. Th., mis en ligne le 16 mars 2009 à 13 h. 44



Î ...

"… en enlevant à notre âme quelques souvenirs d'enfance et de jeunesse, telle petite joie, tel amour, telle tristesse, tel danger, elle n'aurait plus de quoi se distinguer des autres âmes, et (…) serait obligée de se chercher elle-même pendant l'éternité."  Maeterlinck


Flèche vers mon passé
Boucle bouclée
douce comme celle de cheveux d'une enfant
Car une spire nouvelle s'annonce !


M. Th., mis en ligne le 16 mars 2009 à 14 h.


Regard céleste

Éveil


Dans une semaine
au pied de l'arbre :
une surprise !

D'ici là,
mon présent "théâtre vivant"
fait relâche


M. Th., mis en ligne le 16 mars 2009 à 17 h.



*


... En attendant, ma relâche remonte l'arbre ...

" Un effort incessant "



Papa-1974

09-02-1974
, mon père à 60 ans 1/2


Les débats autour de la nouvelle orthographe me donnent l'occasion de rendre hommage à ta mémoire, Papa, en reproduisant ici ta réaction publiée dans le journal "Le Soir" des 10 et 11 janvier 1987 :


Bruxelles, le 28 décembre 1986

" J'ai lu avec intérêt la 'Carte blanche' du professeur Buyssens dans Le Soir du 22 décembre 1986. (Ne devrais-je pas écrire Mesieu le profeser Buisins ?)
" Cet article est un coup bas porté à la langue française, cette langue admirable qui est déjà attaquée de partout, et surtout dans notre pays d'où des bandes de racistes écumants essaient de l'extirper.
" Je ne suis pas professeur d'université, bien loin de là, mais je me crois autorisé à donner une leçon à ce monsieur.
" Une langue est un être vivant qui évolue lentement au cours des siècles (évolution que l'on pourrait comparer à la théorie de Darwin) et aucune loi intempestive ne pourrait l'influencer sans lui faire le plus grand tort. La meilleure preuve en est que le français du Moyen Âge est presque incompréhensible à notre époque.
" L'orthographe résulte certes de la mémoire visuelle et de très nombreuses lectures de textes bien écrits mais aussi d'une certaine culture obtenue par un effort incessant de nombreuses années. (...) "

François Thomassettie


Voir aussi, à ce sujet, ma réaction – signée : graine – dans La Libre en ligne de ce 20 mars 2009*, réponse au bel article d'Éric de Bellefroid sur la sagesse rassurante d'Alain Rey, sagesse proche de celle de mon père, qui m'a incitée à reproduire sa lettre.     



M. Th., mis en ligne le 20 mars 2009 à 12 h. 15

... Papa, tu portais un monde personnel de lectures, et peut-être un jour avais-tu souhaité prendre la plume. Dès mon enfance, j'ai aimé écrire, et jamais je ne t'ai montré mes textes, ayant de toi hérité ce besoin de protéger mon jardin secret, en l'occurrence mon expression. Nous avions, sans le partager, le même amour et la même admiration de la littérature. ...
(2002, extrait de ma Source raphaëlle)


*graine - Belgique
20.03.09 | 11h07
3 votes favorables
Rassurante sagesse! qui exprime avec des nuances étayées mon propre sentiment. Moins érudite, ma réaction, face à l'artifice de cette réforme, dès le départ a été d'agacement et d'inquiétude. L'on ne simplifie pas une langue en l'appauvrissant. La lenteur (la tortue) est plus sûre que la fuite en avant (le lièvre). "Le chapeau de la cime est tombé dans l'abîme" m'est, depuis mon école primaire, aussi cher qu'un vers de La Fontaine. Quelle fine psychologie analysera les raisons de ce forcing "sociologique"? Pour se poser en quoi ou en qui, cette opposition artificielle au génie d'une langue? Car ce génie est aussi visuel – orthographique, son esprit vivifiant cette lettre aimée de ma langue française! Monique Thomassettie



*


" La surprise, que j'ai promise " *


Eva !

Notre petite–fille,
à Gérard et à moi,
fille de notre fille

Née à Bruxelles (Uccle) le 23 mars 2009


Eva, sans accent sur le E
pour, confient ses parents
Véronique et Nicolas,
donner au prénom un air exotique

Eva

Nico-Eva

Eva et son Papa, Nicolas
Véro-Eva

Eva et sa Maman, Véronique
Photos par Gérard Adam - Papy

* Henri Dès

M. Th. - Mamie, mis en ligne le 23 mars 2009 à 22 h.


*

Véronique
Née à Bruxelles (Laeken) le 28 septembre 1980


Les iris de tes yeux sont roses de cathédrale
ouvertes sur le ciel de ton âme
scintillante de vie à peine éclose
Petite chapelle où repose semblable à la flamme
toujours vive du tabernacle
ton essence
Je te connais depuis toujours :
mon enfant


Fin 1980 ou début 1981, extrait de mon recueil : L'Ombre de Dieu


M. Th. - Maman, mis en ligne le 25 mars 2009 à 11 h. 10 


Monique et Véronique
 Monique Th. et Véronique à 14 semaines


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Échelle

L'échelle, huile, 1988, M. Th.







Echelle
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