Qui sont les spirituels?


      Souvent, la tentation existe parmi les chrétiens de faire une distinction entre ceux que l’on jugera soit spirituels, soit charnels, ou encore de mesurer le degré de spiritualité de chacun. Mais les Nouveau testament nous autorise-t-il à cette classification et, si oui, sur quels passages nous basons-nous?

       Si le N.T. utilise 21 fois l’adjectif spirituel, il ne l’applique que 3 fois à des personnes: en 1 Corinthiens 2.15, 3.1 et 6.1. Pour bien comprendre ces versets, il convient de les situer dans le contexte général de l’épître.

       Les commentateurs signalent que les Corinthiens étaient des chrétiens marginaux, influencés par l’hellénisme dominant plus que par le message de l’évangile; aussi se pensaient-ils spirituels par la sagesse, par l’acquisition d’une connaissance supérieure et la recherche d’expériences mystiques (1 Cor 12). La conséquence de leur égarement était que leur culte était utilisé non pour devenir meilleurs, mais pour devenir pires (1 Cor 11.17), la Table du Seigneur étant déshonorée par leur désordre et leur mépris des plus faibles en la foi. Leur profond mépris du corps - autre influence typiquement grecque - avait aussi de graves conséquences: se croyant « spirituels », ils commettaient le péché jusqu’à la débauche (1 Cor 5.1-2) et méprisant le corps de Christ, ils allaient jusqu’à nier l’importance de la résurrection, ce que Paul combattra au chapitre 15. Enfin, ils méprisaient Paul lui-même, le considérant comme charnel. Tout au long de l’épître, Paul reprendra leur propre vocabulaire, tâchant de prouver que ceux-là mêmes qui se disent spirituels sont en fait charnels et font fausse route; c’est dans ce contexte que nous devons comprendre les versets sus-mentionnés.  Il faut encore noter la différence essentielle entre spiritualité et psychisme: 1 Cor 12-14 nous enseigne en effet clairement que l’esprit qui anime le chrétien est l’Esprit de Dieu, fondamentalement différent de l’esprit du monde que possède l’homme naturel. Le chrétien spirituel n’est donc pas, pour Paul, un chrétien supérieur,  tous ayant reçu le même Esprit; et les premiers versets de l’épître nous montrent bien que c’est à toute la communauté de Corinthe, et non à une prétendue élite, qu’il adresse ses propos. C’est donc seulement dans la mesure où certains se permettaient à Corinthe de se glorifier d’être spirituels, que Paul leur refuse ce qualificatif, leur faisant remarquer qu’ils sont charnels. Non, certes, qu’ils ne soient pas de vrais chrétiens; mais tout en étant chrétiens, ils vivent encore en païens, rabaissant Dieu à leur mentalité humaine.

       Pour éclairer ce propos, on pourra comparer l’homme charnel à l’enfant, ne pouvant encore supporter une nourriture solide (1 Cor 3.2) et l’homme spirituel à l’adulte; l’enfant comme l’adulte ont la même nature humaine, mais sont à des stades différents de leur développement;  il en va de même, pour les chrétiens, dans la vie spirituelle. Certes les chrétiens, de même que les enfants, ne croissent pas tous au même rythme; mais l’important, plutôt que d’évaluer quel degré de spiritualité on aurait atteint, est d’évoluer constamment, sur base de la Parole de Dieu, nous rappelant que toutes les exhortations du Nouveau Testament nous montrent que nul ne peut jamais s’estimer être parvenu à la perfection absolue.

       C’est ainsi que si en tant que chrétiens nous sommes tous saints, ayant été mis à part par Dieu, nous péchons néanmoins, puisque nous bronchons tous (Jacques 3.2) et que si nous disons n’avoir pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes (1 Jean 1.8).

       Quel critère pourrons-nous dès lors utiliser pour nous exhorter les uns les autres, sans tomber dans le piège du jugement? Les critères habituels que nous utiliserons pour juger de la vie d’un chrétien seront sans doute la piété, l’engagement, le zèle pour les choses de Dieu, le comportement moral ou encore la connaissance de la Parole de Dieu. Mais prenons garde à ne pas juger sur des apparences, confondant ainsi piété et religiosité. Ainsi la longueur ou la fréquence des prières publiques n’est-elle peut-être pas un critère de spiritualité; Jésus lui-même ne nous a-t-il pas enseigné à prier portes fermées (Matthieu 6.6)? Ainsi le zèle pour l’église peut-il être le signe d’un engagement sincère, mais peut-il aussi avoir des motivations charnelles, comme l’orgueil; de même l’utilisation des dons spirituels peut être l’émanation d’une aspiration charnelle.

       La vertu chrétienne essentielle sur laquelle nous devons nous appuyer ici est sans conteste l’humilité; tout au long de l’épître, Paul met ainsi les Corinthiens en garde contre l’orgueil (par 

    Exemple 1 Cor 4.6-7). L’homme spirituel, qui juge selon l’Esprit de Dieu, ne s’attache pas à ce qui fait l’orgueil du monde, allant jusqu’à considérer comme une perte ce qui pour d’autres serait un gain (Philippiens 3.4). Et sur le plan du jugement, l’humilité lui interdira de juger son frère, sachant que lui aussi a reçu l’Esprit de Dieu, et que chacun rendra compte pour lui-même devant le tribunal de Dieu (Romains, chapitre 14).

       Enfin, 1 Corinthiens 13 - véritable clef de voûte de l’épître - nous apprend que rien de ceci ne peut se faire sans l’amour. L’amour dont il question ici n’est pas un simple sentiment, mais le fait de marcher pleinement dans le plan de Dieu. Il nous permet de ne pas vouloir imposer notre idée à l’autre, d’accepter la pensée de l’autre, de considérer son intérêt et de le prendre en compte. Sans cet amour, aucun de nos dons, aucune de nos actions ne peut nous servir à quelque chose (1 Cor 13.1-3). Et ce message correspond exactement à celui que nous a laissé Jésus lorsqu’il déclara: ‘à ceci, tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres’ (Jean 13.35).

 

 Résumé par Francken Philippe


Que Dieu vous bénisse!