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1. A propos d'une morale chrétienne
5. Une pathologie parmi d'autres
7. Les homosexuels et les enfants
8. Quelques mots de témoignage
12. Un risque de dérapage .
2. Libéralisme et fondamentalisme
5. De l'abomination à l'homophobie .
7. L'amour de Jonathan pour David
8. Le disciple que Jésus aimait
1. Être ou ne pas être enfant de Dieu
2. Le paradoxe du déjà et du pas encore
3. De la tentation à la convoitise .
4. De l'abstinence à la libération
Abus sexuels…
Lorsque je me trouve au sein de la foule sympathique d'une assemblée ou d'une convention chrétienne, il me vient parfois d'étranges pensées… À en croire certaines statistiques, parmi toutes les femmes qui m'entourent, une sur trois aurait été l'objet d'abus, d'attouchements ou de violences sexuelles au cours de son enfance, de sa jeunesse ou de l'ensemble de sa vie. Je regarde alors le visage de ces filles, de ces épouses, de ces mères, de ces grands-mères occupées à chanter des cantiques et je me demande où elles en sont aujourd'hui ? Cette figure ravagée porte-t-elle encore les stigmates de blessures jamais cicatrisées ? Ce visage épanoui est-il le fruit d'une parfaite guérison ou bien d'une vie épargnée ?
Toutes ces femmes blessées ont-elles trouvé dans nos communautés l'oreille attentive et compréhensive susceptible de les aider à passer le cap ? Leur a-t-on vraiment présenté la puissance libératrice et guérissante de l'Évangile en réponse à leurs souffrances spécifiques ?… En songeant à toutes celles qui traînent ces blessures du passé, je ne puis toutefois m'empêcher de penser aux garçonnets et aux adolescents qui ont été victimes d'abus semblables et qui portent, aujourd'hui encore, le poids d'une honte et d'une culpabilisation d'autant plus lourde que leur culpabilité est fausse et que leur responsabilité est hors de cause.
Poursuivant sur sa lancée, mon esprit essaye alors d'imaginer combien de personnes, parmi toutes ces victimes, se sont ainsi trouvées initiées à des pratiques homosexuelles et en ont gardé la tendance, le goût ou l'habitude ? Il n'est pas facile de répondre à pareille question. Tout au plus peut-on affirmer que ces personnes sont venues rejoindre l'ensemble de celles qui ont été initiées ou ont découvert leur homosexualité par d'autres voies… Mais alors, qu'en est-t-il de tous ces homosexuels présents dans de nos assemblées ? De ces femmes et de ces hommes qui se savent tels depuis l'adolescence; ou qui refoulent tant bien que mal les pulsions qu'ils sentent poindre au fond de leur être; ou encore, qui se découvrent brutalement tels après plusieurs années de mariage et après avoir engendré une famille…
Vers qui ces chrétiennes et ces chrétiens peuvent-ils aller avec l'assurance d'être écoutés, compris, aidés ? Ils ont entendu tellement d'anathèmes à l'encontre de l'homosexualité… sans parler du dégoût ou – pire – de l'ironie que le simple énoncé de ce mot éveille dans le regard des chrétiens bien pensants. Et puis, de toute façon, le Texte biblique est là avec ses condamnations sans équivoques : à coup sûr, ils sont les plus abominables parmi les plus abominables !…
J'imagine alors la souffrance morale, l'inquiétude spirituelle et l'immense solitude de frères et sœurs que nous côtoyons chaque semaine et qui, par honte ou par pudeur, taisent une détresse qui pourrait créer un malaise au sein de leur entourage ecclésial ou de leur milieu familial. C'est à eux surtout que je voudrais dire : "Dieu aime aussi les homosexuels !"
Disparition des valeurs morales…
Laxisme des églises… Hypocrisie des croyants…
"Bien que je ne fasse pas encore partie des sexagénaires, j'ai connu le temps ou un gendarme ne pouvait pas divorcer parce que, en tant que représentant de l'ordre public, il se devait de donner l'exemple…" Quand il m'arrive – non sans malice – d'évoquer ce souvenir au milieu d'un groupe d'amis, l'hilarité générale ou les sourires narquois qui accueillent ma phrase m'amènent à mieux mesurer l'étendue de la mutation éthique que notre civilisation occidentale a connue en une cinquantaine d'années.
Aussi, est-ce devenu un truisme que de l'affirmer : la deuxième moitié du vingtième siècle a connu l'effondrement des valeurs morales traditionnelles héritées de la culture judéo-chrétienne. Et, si je parle d'effondrement, plutôt que d'évolution, c'est à cause de la rapidité à laquelle se sont succédées des mutations qui semblent avoir progressé au rythme exponentiel de notre technologie… Comme disent les bonnes gens : "Où s'arrêtera-t-on ?"
Certes, l'austérité morale n'a pas été de mise partout et en tout temps : chaque civilisation a eu ses propres règles et ses tabous… Comme chaque fin de civilisation a connu l'effondrement de ses valeurs, avant de céder la place à une autre. "La roue tourne, le monde aussi…" diront certains, et sans doute est-ce vrai. Encore faudrait-il que les valeurs morales qui sont en train de disparaître soient remplacées par d'autres, plutôt que par l'espèce de vide intersidéral qui semble s'instaurer dans notre civilisation technologique et mercantile !
Or, cette philosophie du profit immédiat et du "chacun pour soi" semble aussi irréversible que le phénomène de mondialisation que nous connaissons actuellement. L'une comme l'autre, d'ailleurs, rattrapent les responsables politiques avisés qui préfèrent surfer sur la vague en proposant une législation adéquate, plutôt que de se laisser déborder par le raz-de-marée d'une opinion publique tyrannique et médiatisée… Ce qui n'empêche pas certains de mener, envers et contre tout, un combat d'arrière-garde en faveur de valeurs citoyennes responsables.
Dans la logique d'aujourd'hui, l'être humain ne paraît avoir d'autre prix que celui accordé aux "ressources humaines" dans un système de production-consommation qui est devenu une fin en lui-même. Évidemment, une perte de sens aussi vertigineuse ne peut qu'engendrer l'écroulement des valeurs éthiques, qu'elles soient judéo-chrétiennes ou athées ! En disant cela, je suis bien conscient de l'hypocrisie qui peut être engendrée par l'imposition de règles morales ou religieuses que tous ne partagent pas. Aussi, pour le citoyen que je suis, l'abandon quasi général des valeurs chrétiennes paraît moins inquiétant que le vide moral qu'il laisse derrière lui… et moins alarmant que la vitesse à laquelle cette désertion est en train de s'opérer.
Mais pour le chrétien que je suis aussi, il en va encore autrement ! La Parole de Dieu me place devant des principes de vie dont le respect me paraît aussi essentiel dans le domaine spirituel, que la prise en compte des lois de l'univers dans le domaine matériel. Les ignorer ne peut que conduire l'humanité à sa perte… Or, au sein du chaos que nous connaissons, qui pourrait encore les promouvoir, sinon l'Église de Jésus-Christ. Si celle-ci venait à manquer à ses responsabilités, elle ne perdrait pas seulement sa raison d'être, elle perdrait également son crédit aux yeux du monde qui la regarde vivre. Car de façon plutôt paradoxale, les non-croyants se montrent souvent plus exigeants envers les croyants qu'envers eux-mêmes.
À mes yeux, les chrétiens n'ont donc pas à s'effacer pour s'aligner sur un monde en perte de sens, mais ils ont à se lever, en toute humilité, pour rendre au monde un sens qu'il risque bien de perdre définitivement. "Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes." (Matthieu 5:13) Un tel défi implique que l'on aille à contre-courant, assurément ! Non pas pour bétonner les positions morales transmises par la tradition judéo-chrétienne, mais pour réfléchir au sens d'une éthique qui participe à la dignité de la personne humaine… Pas de dogmatisme donc, mais du pragmatisme fondé sur un acte de foi en la Révélation biblique !
Or, sur ce point, les croyants ne doivent pas se tromper de chalenge. Les exigences morales qui se dégagent de la réflexion biblique sont à "usage interne" – si j'ose dire – et réservées aux membres de l'Église de Jésus-Christ. C'est seulement en tant que telles que les exigences d'une éthique chrétienne peuvent interpeller les personnes extérieures à l'Église. Vis-à-vis de ces dernières, la responsabilité des croyants répond à une autre priorité : le partage de l'Évangile, l'annonce de la "Bonne Nouvelle" du salut en Jésus-Christ… Cette proclamation s'effectuant tantôt par la parole, tantôt sans parole, au travers de l'écoute et de la disponibilité d'un service d'amour… et, oserai-je ajouter, à travers le témoignage d'une vie sans compromis moraux !
Tout changement de références morales, s'il doit s'opérer, se fera plus tard, chez les personnes qui auront reconnu l'autorité de la Parole de Dieu et auront adhéré à ses principes. Dès lors, on l'aura compris : si mes réflexions morales s'adressent à tous, chrétiens ou non, mon approche biblique ne concernera que ceux et celles qui reconnaissent une certaine valeur – pour ne pas dire une valeur certaine – à la Bible, en tant que norme de vie et de foi.
Mais revenons un instant à nos braves pandores qui, au début du siècle passé, se voyaient interdire de quitter femme et enfants pour courir le guilledou… du moins, officiellement ! À l'époque, la condamnation du divorce faisait encore l'objet d'un certain consensus, car il n'était pas seulement interdit par la plupart des Églises et de nombreux États, mais il était aussi considéré comme contraire à la morale sociale. Comme on le sait, les choses n'ont pas duré : très vite, avec l'évolution des mœurs, la législation de nos pays "très catholiques" s'est adaptée et s'est alignée sur celle des pays nord-européens ou d'outre-Atlantique.
Après le divorce, ce fut le tour des questions soulevées par le contrôle des naissances, puis de la libération sexuelle qui s'ensuivit. Ensuite vint le délicat problème de la libéralisation de l'avortement : débat qui est loin d'être clos dans tous les pays. Après cela, nous avons connu la légalisation de l'euthanasie et la perspective d’une reconnaissance des unions homosexuelles. Bien que l'on soit encore en pleine controverse, il semble que l'on s'engage une fois encore dans la voie de la libéralisation… En attendant les prochains débats qui toucheront sans doute à l’adoption d'enfants par les couples homosexuels, au clonage, à l’instrumentalisation des embryons et aux diverses manipulations du génome humain !
Une évidence s'impose : dans toutes ces questions, c'est toujours la solution la plus laxiste qui finit par l'emporter, au vu de considérations bien moins éthiques qu'électoralistes. Personnellement, je doute que l'on puisse s'opposer de façon efficace à cette démagogie législative… Les chrétiens doivent-ils le faire, d'ailleurs ? Car il faut bien le reconnaître, si toutes ces lois autorisent des comportements que les croyants réprouvent, elles n'obligent pas les chrétiens à les adopter pour autant. Ceux-ci restent libres de garder leur code moral, leurs convictions et leurs pratiques.
Aucune loi n'oblige un chrétien ou une chrétienne à demander le divorce, à pratiquer un avortement, à se marier entre homosexuels, ou encore, à approuver un acte d'euthanasie. Si bien que dans toutes ces questions, on peut se demander si c'est vraiment la vocation des croyants de prétendre imposer les règles de la morale chrétienne aux incroyants… Ce fut l'attitude des Églises officielles pendant de nombreuses années, et cela n'a fait qu'encourager une hypocrisie qui a surtout contribué à discréditer l'Évangile de Jésus-Christ. – "Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !" – Aussi, je me demande si les chrétiens engagés d'aujourd'hui ne prennent pas le même risque en concentrant leurs efforts sur un combat législatif qui, le plus souvent, est devenu complètement obsolète ? Personnellement, je le pense…
J'ai la conviction qu'il ne faut pas négliger notre présence au monde, pour autant. Il nous appartient de "protester" de nos convictions chaque fois que nous en avons l'occasion. Mais il nous appartient surtout de le faire dans un langage accessible à l'homme de la rue… Sinon, mieux vaut s'abstenir de propos qui ne serviront qu'à creuser davantage le fossé d'incompréhension qui sépare les croyants de la Révélation divine. L'Évangile est destiné à établir une passerelle entre Dieu et les hommes, non à édifier un mur pour les séparer !
Je pense donc que nos efforts devraient surtout se porter ailleurs : je veux dire sur l'Église de Jésus-Christ elle-même, car c'est elle qui doit demeurer fidèle à son Seigneur… sans tergiversations et sans compromission ! Or, que voit-on ?… Pour chacun des débats éthiques auxquels j'ai fait allusion, le processus s'est toujours déroulé selon le même schéma :
1° Existence de tabous sociaux ou religieux,
2° Évolution des mœurs,
3° Transgression de plus en plus fréquentes des tabous concernés,
4° Propositions de lois plus "justes" et moins hypocrites,
5° Débats au sein de divers comités d'éthique,
6° Adaptation des législations nationales,
7° Apport d'alibis théologiques par les Églises libérales,
8° Condamnation par les Églises fondamentalistes… Églises où plusieurs finissent tout de même par s'accommoder au prix d'attitudes plus ou moins hypocrites.
Ce sont les deux derniers points, évidemment, qui retiendront notre attention. D'une part, les libéraux reprochent aux évangéliques de se retrancher derrière une tradition qui doit plus à un littéralisme simpliste et à une étude superficielle qu'à une véritable exégèse biblique. D'autre part, les évangéliques reprochent aux libéraux de tordre le sens des textes bibliques pour leur faire dire exactement le contraire de ce qu'ils disent pourtant clairement. Pour le chrétien "moyen", il devient de plus en plus difficile de s'y retrouver. Les arguments qu'on lui présente procèdent-ils du bétonnage biblique ou bien de l'alibi biblique ? Qui dit la vérité : les responsables de son Église ou les autres ?
Finalement, c'est souvent son opportunisme qui va trancher, le conduisant à adopter la théologie qui lui semble la moins compromettante… Comprenez : la moins susceptible de le remettre en question. En fait, c'est ici que les plus beaux principes semblent s'effondrer : quand le croyant se trouve lui-même confronté à une décision… Décision qu'il avait toujours condamnée chez les autres, au cours de débats théologiques trop théoriques et trop académiques pour qu'il pense y être confronté un jour.
C'est ainsi que certains, parmi nos bons "évangéliques", ne diront pas : "J'ai accepté que ma femme pratique un avortement parce qu'elle est trop âgée pour porter un enfant sans risque." Non! ils préféreront dire : "S'il vous plaît, priez pour ma femme qui vient de faire une fausse couche." De même, ils ne diront pas : "Ma fille va devoir divorcer, bien que j'aie encouragé son mariage avec ce garçon incroyant mais à l'avenir prometteur." Non ! Ici encore, ils diront quelque chose du genre : "J'ai élevé ma fille dans les principes de la Parole de Dieu et, pour elle, il n'était pas possible de continuer à vivre avec un non-chrétien sans compromettre sa foi."
Si je propose ces deux exemples, tirés de mon expérience pastorale, c'est pour donner une idée de la difficulté de la tâche qui nous attend à propos du débat sur l'homosexualité. Vaut-il encore la peine de dégager les principes d'une éthique biblique, puisque in fine la majorité des chrétiens n'en feront tout de même qu'à leur tête: les uns sous le couvert d'alibis bien opportuns, les autres sous le couvert d'une fatalité faussement spirituelle ?…
Malgré – ou à cause – du caractère désabusé d'une telle interrogation, j'y répondrai "oui " sans l'ombre d'une hésitation… et pour deux raisons toutes simples :
1° Comme le dit un adage bien connu, j'ai la conviction que "Ce que Dieu ordonne, il le donne !" Autrement dit : le Seigneur ne nous demande rien dans sa Parole, qu'il ne nous donne la force de faire avec le secours de son Esprit.
2° En cas de défaillance de notre foi, je sais, pour l'avoir moi-même expérimenté, que "là où le péché abonde, la grâce surabonde." (Romains 5:20) Encore faut-il avoir l'honnêteté d'appeler le péché : "péché" !
Aussi, la question à laquelle nous devrions nous atteler maintenant n'est pas de savoir si Dieu peut pardonner l'homosexualité : ce serait mettre la charrue avant les bœufs. Ce serait même partir d'un a priori injuste à l'endroit des homosexuels. Non ! Osons soulever la question de savoir si les pratiques homosexuelles sont effectivement un péché aux yeux de Dieu ? Tel est le seul problème qui devrait nous préoccuper. Autrement dit : Les divers textes qui, dans la Bible, semblent condamner la pratique de l'homosexualité, disent-ils vraiment ce qu'ils ont l'air de dire ou n'est-ce qu'une apparence imputable à une tradition intolérante ?
Je sais que certains répugnent à se poser ce genre de question. Elle leur paraît sacrilège : comme si elle mettait en cause l'autorité de la Bible. Elle me semble pourtant incontournable. Car si nous refusons d'y répondre, d'autres le feront à notre place… et peut-être avec moins de scrupules que nous ! Il y va donc du crédit de la Parole de Dieu auprès des croyants les moins bien affermis.
Cependant, je ne répondrai pas tout de suite à la question car, avant d'aborder la réponse proprement dite, il me semble souhaitable de bien cerner la question elle-même… ainsi que ceux qui prétendent y répondre !
Remarque importante
J’aimerais préciser le vocabulaire que j’utilise dans cette étude. Pour la commodité de l’exposé, et bien que la plupart des auteurs négligent cette différence, je ferai la distinction entre l’homosexualité et l’homophilie… Ce dernier mot est d’ailleurs absent de beaucoup de dictionnaires ou considéré comme un néologisme équivalent au premier.
1° Je parlerai donc des « homosexuels » au sens habituel du terme, en le réservant plus particulièrement aux homosexuels « pratiquants ».
2° Par contre j’utiliserai le mot « homophiles » pour parler des homosexuels « abstinents », autrement dit, pour qualifier les personnes possédant des pulsions homosexuelles maîtrisées… en principe.
"Lequel d'entre vous est sage et intelligent ? Qu'il montre ses oeuvres par une bonne conduite avec la douceur de la sagesse. Mais si vous avez dans votre cœur un zèle amer et un esprit de dispute, ne vous glorifiez pas et ne mentez pas contre la vérité. Cette sagesse n'est point celle qui vient d'en haut; mais elle est terrestre, charnelle, diabolique. Car là où il y a un zèle amer et un esprit de dispute, il y a du désordre et toutes sortes de mauvaises actions.
La sagesse d'en haut est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de duplicité, d'hypocrisie. Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui recherchent la paix. D'où viennent les luttes, et d'où viennent les querelles parmi vous ? N'est-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres ?"
(Jacques 3:13-4:1)
Première partie : SOMMAIRE DÉTAILLÉ
1. A propos d'une morale chrétienne
Une morale universelle… De la lettre à l'esprit… L'amour "agapè"… Le couple, image de Jésus et l'Église… Défense des droits de l'homme… La législation et l'éthique…
2. L'aversion homosexuelle
Tolérance et démagogie… "Gay-prides" et quête d'identité…
3. Nature et normalité
Définition du mot "naturel"… Définition du mot "normal"…
4. Une libido boiteuse
L'escalade de l'érotisme… La notion de perversion…
5. Une pathologie parmi d'autres
Un hiatus pathologique… Une aberration biologique…
6. Genèse de l'homophilie
Une jeunesse "libérée"… Un monde narcissique…
7. Les homosexuels et les enfants
Les couples homosexuels et l'adoption… L'apprentissage de l'altérité… Les "nouvelles" familles… Les "mariages" protestants… Les valeurs universelles du mariage…
8. Quelques mots de témoignage
Le risque d'intégrisme "évangélique"…
9. Un besoin de vérité
Distinguer le péché du pécheur…
10. Une exigence de justice
Une pureté sexuelle valable pour tous… Une "abomination" parmi d'autres…
11. Un devoir d'aimer
Un accueil amical des homosexuels…
12. Un risque de dérapage
Les églises "homosexuelles"… La quête d'alibis "bibliques"… La présence au monde des églises…
Une morale universelle… De la lettre à l'esprit… L'amour "agapè"… Le couple, image de Jésus et l'Église… Défense des droits de l'homme… La législation et l'éthique…
D'entrée de jeu, afin que les choses soient claires dans tous les esprits, j'aimerais préciser les quelques convictions qui, d'une façon ou de l'autre, vont sous-tendre les réflexions qui suivent. Tous, croyants ou non, ne me suivront sans doute pas : certains me trouveront trop laxiste, là où d'autres m'estimeront trop légaliste. Mais dans un cas comme dans l'autre, mieux vaut garder ces préliminaires à l'esprit si l'on veut bien me lire.
La première question que l'on doit se poser est de savoir s'il existe une morale spécifiquement chrétienne ? Or, il n'est pas facile de répondre à pareille question. Se place-t-on d'un point de vue historique, sociologique, ecclésiologique, biblique ?… La réponse risque de présenter plus que des nuances. Comme on le sait, les options morales – et surtout les tolérances en matière de moralité – ont considérablement varié selon les époques, les pays, les cultures, les régimes politiques, les dénominations chrétiennes, l'exégèse ou l'herméneutique biblique…
Aux yeux de certains, il y aura toujours "des accommodements avec le Ciel" auxquels d'autres se refuseront farouchement. Or, dans cet éventail aux couleurs et aux nuances quasi infinies, il me semble honnête de me situer d'entrée de jeu, afin que chacun puisse savoir où il met les pieds en s'attaquant à la lecture de cette étude, ou plutôt, de cet ensemble de réflexions personnelles à propos et autour de l'homosexualité.
Tout d'abord, il est indéniable qu'il existe une morale que l'on pourrait considérer comme "universelle". On en trouve une sorte de charte dans les six derniers "commandements" donnés à Moïse sur le mont Sinaï; les quatre premiers étant réservés au culte de Dieu. (Exode 20:12-17)
- Honore ton père et ta mère. […]
- Tu ne tueras point.
- Tu ne commettras point d'adultère.
- Tu ne déroberas point.
- Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain.
- Tu ne convoiteras […] aucune chose qui appartienne à ton prochain.
Il semble évident que ces six préceptes se retrouvent dans presque toutes les civilisations que le monde a connues depuis sa fondation, et que l'on ne peut pas les qualifier de "chrétiens" en tant que tels. – Dans le cas présent, il serait même plus exact d'y voir des prescriptions adressées aux Hébreux. – Quoi qu'il en soit, et s'il en fallait encore la preuve, il suffit de considérer le nombre d'agnostiques et d'athées qui rendent des points à certains croyants en matière de dignité et de comportement moral, pour se convaincre de ce que les chrétiens ne jouissent d'aucun monopole en matière d'éthique… Dieu merci !
S'il existe une morale spécifiquement chrétienne, c'est donc moins dans la nature de ses préceptes qu'il faudra la trouver, que dans ses motivations profondes. Or, de ce point de vue, les croyants ne sortent pas toujours grandis de l'épreuve : nombreux sont ceux qui "fonctionnent" encore, non sous le régime de l'esprit, mais sous celui de la lettre. "Car maintenant, nous avons été dégagés de la loi, étant morts à cette loi sous laquelle nous étions retenus, de sorte que nous servons dans un esprit nouveau, et non selon la lettre qui a vieilli." (Romains 7:6)
Autrement dit, un chrétien n'est plus sous le régime de la carotte et du bâton… Ce ne sont, ni l'intérêt personnel, ni la peur du gendarme qui doivent motiver ses agissements, mais le respect et l'amour d'autrui. Or, quand on considère le nombre de croyants dont la crainte de brûler en enfer pendant toute l'éternité est le seul frein à tel ou tel comportement immoral, on comprend que certains athées se sentent mieux dans les pantoufles de leur laïcité. Au moins se reconnaissent-ils une dignité qu'ils ne trouvent plus chez cette sorte de croyants, puisque pour leur part, ils s'interdisent certaines actions dans le seul souci d'être conséquents avec leurs choix idéologiques, et non par crainte de sanctions quelconques.
Mais s'il est vrai, hélas ! que bien des croyants ne sont jamais passés de l'Ancienne à la Nouvelle Alliance, on ne peut pour autant ignorer tous ceux qui ont appris à vivre dans "l'esprit nouveau", l'esprit de la grâce, l'esprit d'amour… Un amour dont les exigences dépassent tout ce qui est humainement concevable, puisque "aimer son prochain comme soi-même" n'est plus l'ultime idéal. Jésus, en effet, va placer la barre de l'amour – agapè – bien plus haut encore pour lui faire atteindre les sommets d'un altruisme absolu : "Je vous donne un commandement nouveau, Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres." (Jean 13:34) "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis." (Jean 15:13)
Mais cet amour – agapè – ne s'arrête pas là; il va plus loin encore dans l'innovation : : "Moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux." (Matthieu 5:44) Un tel amour dépasse tous les principes humanistes connus – ceux de la non-violence, notamment – car il n'est plus seulement question de ne pas rendre le mal pour le mal – ce qui en soi, est déjà exceptionnel – mais bien d'aimer positivement ses ennemis.
N'ayons pas peur des mots : un tel amour n'est pas humain… Par son côté "suicidaire", il s'inscrit même en faux contre toutes les lois de maintien et de protection de l'espèce humaine ! Aussi, cet amour – agapè – ne peut exister que dans les cœurs où Dieu l'a lui-même inscrit par la présence de son Saint-Esprit… Si bien que, s'il existe une spécificité quelconque aux motivations morales d'un chrétien, c'est ici qu'elle se trouve et nulle part ailleurs !
Mais, me dira-t-on, ceci nous emmène loin des questions d'éthique sexuelle et plus particulièrement du problème de l'homosexualité… pour autant que ce soit un problème : ce qui reste encore à démontrer ! Dans ce domaine, il nous faut en effet, apprendre à distinguer ce qui relève des opinions personnelles et ce qui procède de principes spirituels clairement établis, s'inscrivant eux-mêmes dans le précepte d'amour – agapè – que je viens de rappeler.
En fait, on ne peut nier que la sexualité fasse l'objet de préoccupations particulières au sein de la morale judéo-chrétienne. Et cela n'est pas seulement le fruit d'une hypertrophie imputable à une tradition qui se serait polarisée sur ce thème : il suffit de lire la Bible pour s'en convaincre. Aussi bien l'Ancien que le Nouveau Testament multiplient directives et exigences variées sur la question… Tant et si bien que l'on peut comprendre le caractère gentiment obsolète que certains – de plus en plus nombreux – attribuent à la Bible, en ce siècle de libération sexuelle.
Pour ceux qui demeurent malgré tout désireux de s'y conformer, il me semble donc utile, sinon nécessaire d'en bien comprendre la portée spirituelle. En fait, l'explication en est toute simple : le couple de croyants a pour vocation d'être le symbole, et même l'archétype de la relation que Dieu veut entretenir avec son peuple. Cette idée est déjà présente dans l'Ancien Testament, dans plusieurs passages du prophète Ésaïe, notamment aux chapitres 49,54,62… Mais la relation de Dieu et d'Israël prend la dimension d'une histoire d'amour aux accents véritablement lyriques dans le très beau livre d'Osée.
Dans le Nouveau Testament, c'est de l'union du Christ et de l'Église qu'il est question. En de nombreux passages, Jésus se présente lui-même comme l'époux, et il multiplie les paraboles sur ce thème. Dans son Apocalypse, l'apôtre Jean reprendra le thème des noces de l'époux divin et de l'épouse terrestre dans la perspective eschatologique qu'on lui connaît.
Pour sa part, l'apôtre Paul nous propose ce que j'aime appeler la seule "parabole inversée" de la Bible, parce qu'au lieu de comparer le spirituel au temporel, il fait l'inverse, comparant l'amour du couple chrétien à l'amour de Christ et de l'Église. "Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ. Femmes, que chacune soit soumise à son mari, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l'Eglise qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l'Eglise est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l'être à leur mari en toutes choses. Maris, que chacun aime sa femme, comme Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle; […] C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l'Eglise. Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que la femme respecte son mari." (Éphésiens 5:21-33)
Ce n'est pas la question – souvent mal comprise – de la soumission de la femme qui m'intéresse ici, mais l'esprit général de ce passage qui établit clairement la vocation du couple chrétien appelé à devenir, en quelque sorte, la vitrine de l'amour que se portent Christ et l'Église : mystère de l'unité dans l'altérité. Car c'est dans cette optique toute particulière que les exigences de la Parole de Dieu en matière de morale sexuelle prennent vraiment un sens. J'y reviendrai plus loin, mais déjà maintenant on peut dire que c'est dans cette perspective, et seulement dans cette perspective, que l'on pourra parler d'une morale "chrétienne" en ce domaine.
D'une part, cela implique qu'en matière de sexualité, je ne pourrai jamais m'autoriser à proposer – ou à accepter – une réflexion éthique qui se voudrait "chrétienne" et qui dérogerait à la double règle que je viens de rappeler, à savoir :
- la conformité à l'amour – agapè – que Jésus nous fixe comme idéal de vie, et
- la vision du couple chrétien, archétype de l'union du Christ et de l'Église.
D'autre part, cela signifie aussi qu'un principe biblique, quel qu'il soit, n'est pleinement applicable que par ceux "qui ont reçu du Seigneur miséricorde pour être fidèles". (1 Corinthiens 7:25) Non que ces prescriptions ne soient pas bonnes ou souhaitables pour les non-croyants; mais s'il n'est pas toujours facile pour les croyants de les mettre en œuvre dans leur propre vie, comment demander à ceux qui n'ont pas reçu la puissance du Saint-Esprit de les appliquer dans leur vécu quotidien. À mon sens, tenter de les imposer malgré tout serait imiter "les pharisiens qui liaient des fardeaux pesants et les mettaient sur les épaules des hommes." (Matthieu 23:4)
Mais dans leur dialogue avec les non-croyants, les chrétiens ne se trouvent pas dépourvus pour autant. En matière d'éthique, et en dehors de toutes considérations bibliques j'ai la conviction qu'un "honnête homme" devrait toujours faire la différence entre :
1° Les questions morales dont les conséquences sont directement supportées par ceux qui prennent la décision : comme le divorce par consentement mutuel, le suicide, la pornographie, la prostitution, certaines formes d'euthanasie, etc. Encore que l'euthanasie suppose qu'une autre personne, au moins, soit impliquée au niveau de la décision…
2° Les problèmes moraux dont les conséquences sont supportées par d'autres personnes que celles qui en prennent l'initiative. Tel est le cas de l'adultère, de l'avortement, du proxénétisme, de la pédophilie, des enfants du divorce, de certaines formes d'euthanasie, de certaines manipulations génétiques, etc.
Certes, il est indéniable que dans les premiers exemples, il existe des implications qui peuvent atteindre l'entourage : le chagrin de la famille des divorcés ou du suicidé, par exemple… Cependant, on se trouve devant des situations qui relèvent de la liberté individuelle et procèdent des références morales que chacun a adoptées. Encore une fois, je ne me fais pas ici le chantre de ces pratiques déplorables, mais bien que ce soit souhaitable, il n'est guère possible de proposer les principes bibliques à ceux qui ne reconnaissent pas leur sagesse ou leur autorité, et qui n'ont pas reçu la force du Saint-Esprit pour les mettre en œuvre. Cela n'empêche toutefois pas les croyants d'afficher leurs convictions en ces domaines, non pour les imposer, mais pour témoigner de ce que l'impossible peut devenir possible en Jésus-Christ.
Par contre quand il s'agit de protéger les êtres les plus faibles ou les plus démunis, je peux parfaitement comprendre que les croyants poursuivent la lutte. Je dirais même que je l'approuve sans restriction; car alors, c'est un combat pour la justice, qui n'a plus rien à voir avec le droit de chacun à disposer de lui-même… et cela, même dans une logique athée. En ce qui concerne les seconds exemples que j'ai proposés, je ne vois donc pas comment un croyant pourrait s'abstenir de les dénoncer… Pas tellement à cause de ses convictions chrétiennes, mais plutôt au nom des "droits imprescriptibles de la personne humaine" tels qu'ils sont rappelés dans la célèbre "Déclaration des droits de l'homme".
Il s'agit, en l'espèce, de graves atteintes à l'intégrité physique ou morale de personnes incapables de se défendre. Or, le secours dû à toute personne en danger relève – ou devrait relever – de ce que j'ai appelé la morale "universelle", puisqu'il s'agit de défendre les victimes d'actes injustes ou barbares. De tout temps, ce principe a fait l'objet d'un consensus quasi général, même s'il fut – très – diversement appliqué ! Seul l'égoïsme d'une société déshumanisée, servie par une législation bassement démagogique, vient progressivement le remettre en question.
Que ce soit pour des motifs religieux ou pour des raisons morales, il ne devrait jamais être question de remettre en cause le secours dû aux personnes sans défense, ni même la protection due aux plus faibles, lorsqu'ils sont blessés, meurtris ou mis à mort sans que personne leur ait demandé leur avis sur ce qu'ils doivent endurer… Ainsi, quand un adulte responsable décide de mettre fin à ses jours: je me dis qu'en définitive, c'est sa décision et que je dois la respecter, même si je la déplore vivement… Par contre, et bien que je puisse pressentir la détresse où se trouvent certaines femmes enceintes, je ne pourrai jamais me résigner au meurtre d'un enfant perpétré dans le sein même de sa maman…
Qu'on me comprenne bien, je ne me suis jamais permis de juger celles qui se résolvent à pareille extrémité – très souvent sous la pression insupportable de leur entourage – mais je ne puis me résoudre non plus au mensonge qui consiste à déguiser un meurtre en acte médical ! Que ce meurtre soit, dans certains cas, une alternative dramatique : je le sais, et ce n'est pas de cela que je parle ici… Non ! ce que je dénonce, c'est une banalisation de ce meurtre qui en a fait un moyen de "confort" ou de "contraception"… Or, si j'adopte une telle attitude, c'est moins pour demeurer fidèle à la Bible que pour rester conséquent avec le plus élémentaire bon sens… Je ne puis admettre, en effet, l'inconséquence de lois qui – dans les faits – banalisent l'avortement et condamnent l'infanticide avec la dernière rigueur. Ou encore, l'hypocrisie d'une législation qui considère le fœtus comme une personne humaine à part entière, quand il s'agit d'hériter; et comme un amas de cellules hostiles – un peu comme un cancer – dont il faut absolument se débarrasser, quand il est question d'avorter !
Mais l'homosexualité, dans tout cela ?… Hé bien ! Tout dépend de l'angle sous lequel on voudra l'aborder… D'un point de vue strictement moral, nous verrons que rien n'empêche des personnes adultes et responsables de s'engager dans ce genre d'union si telle est leur volonté. Par contre, si cette union débouche sur une perspective d'adoption d'enfants, même les non-croyants émettront les plus grandes réserves, au nom des principes que je viens d'énoncer… Encore qu'un certain opportunisme semble diviser les "spécialistes" : ce qui n'a rien de vraiment étonnant, puisqu'en principe, un psychologue se refuse à intégrer toute notion morale ou religieuse à son analyse, et donc à ses conclusions !
Maintenant, si l'on considère la question sous l'angle chrétien, et plus particulièrement biblique, le point de vue va être tout à fait différent… Encore qu'il serait plus exact de parler de regards parfois très divergents ! Comme tout problème éthique, la question de la légitimité des relations homosexuelles sera abordée de façon très différente par la théologie "libérale" et par la théologie "évangélique"… sans compter toutes les options intermédiaires ! Nous y reviendrons…
2
Tolérance et démagogie… "Gay-prides" et quête d'identité…
Avant d'aller plus loin, je voudrais répondre à ceux qui s'offusquent du dégoût que la majorité des gens éprouvent et peuvent exprimer à l'idée d'avoir des relations sexuelles avec une personne de même sexe.
Tout d'abord, on peut remarquer que, même si cette aversion est en partie culturelle, elle est avant tout physique et pour tout dire, instinctive… Ce qui n'est pas une excuse en soi ! Cependant, il faut bien admettre que cette aversion apparaît comme le corollaire de l'attirance que les hétérosexuels éprouvent pour les personnes du sexe opposé. Il n'y a donc pas de raison de la trouver plus choquante, moins "normale " ou moins "naturelle" que l'attirance réciproque éprouvée par les homosexuels. Si les homosexuels attendent que l'on respecte leurs pulsions et répulsions particulières, ils doivent aussi accepter celles des autres… Ce qui est d'ailleurs le cas de la plupart d'entre eux !
Certes, qu'elle soit verbale ou physique, la manifestation de l'une ou l'autre aversion est toujours déplaisante, aussi bien pour les uns que pour les autres… et ne semble, en aucun cas, très "chrétienne" ! Mais pour autant que je puisse en juger, il ne semble pas que ce soit les homosexuels qui s'en offusquent le plus, mais plutôt les apôtres d'une tolérance à la mode, qui trouvent là un moyen facile de se valoriser. Nous connaissons tous l'un ou l'autre de ces moralistes de salon qui affirment bien haut, et même trop haut pour le penser vraiment : "Je ne prêche pas pour ma chapelle, n'est-ce pas, mais je trouve intolérable et odieux que des gens soi-disant civilisés puissent éprouver une quelconque répulsion à l'égard d'un être humain !"
Ce discours n'est pas seulement facile et peu significatif. En ce qui concerne les aversions sexuelles, ce genre de propos peut s'avérer dangereux en ce qu'il accorde une valeur morale à des sensations physiques qui n'en ont évidemment aucune… Quoi que Mamy en dise parfois à ses petits-enfants, il n'est pas "bien" ou "mal" d'éprouver un profond dégoût pour les épinards. – Et je doute fort que le "petit Jésus" soit triste si l'on refuse d'en manger ! – Il n'est pas exclu, toutefois, qu'on l'on apprenne à maîtriser et à vaincre une aversion physique, quelle qu'elle soit… Encore faut-il avoir de bonne raison de le faire : nos dégoûts alimentaires sont sans doute moins tenaces et moins riches d'implications que nos répugnances sexuelles. Ce n'est cependant pas une raison pour élever nos pulsions et nos répulsions sexuelles au niveau de convictions philosophiques ou de révélations religieuses.
Il est vrai que le caractère légitime ou scandaleux de l'homosexualité procède de conceptions plutôt culturelles, sociales, morales ou religieuses et, qu'à ce titre, elles sont contestables et peuvent être remises en question. Car, comme je l'ai déjà dit, dans ces domaines, chacun risque bien d'appeler "préjugé" tout ce qui sort du cadre de ses propres concepts : aussi bien dans un sens que dans l'autre ! Si bien que la majorité n'a pas le droit de brimer une minorité et, réciproquement, faire partie d'une minorité ne donne pas le droit d'imposer ses particularités à la majorité… dans le domaine de la sexualité comme en matière d'opinions !
À ce propos, nos grandes villes deviennent régulièrement le site de manifestations homosexuelles qui prennent la forme d'un défilé carnavalesque dont le caractère échevelé et franchement délirant ne manque pas d'attirer l'attention des médias. Comme on peut l'imaginer, ces "gay-prides" – puisque tel est leur nom – sont fort diversement appréciées : certains les trouvant aussi sympathiques que d'autres les trouvent choquantes. Il est vrai que le fait d'être fier de ce qu'on est, et de le proclamer sur la voie publique, n'a jamais été une preuve de bon goût… Cela ne démontre surtout pas que "ce qu'on est" soit bien ou mal, valable ou non, acceptable ou pas!
De ce point de vue, les cortèges évangéliques défilant, fanfare et clowns en tête, dans les rues de nos cités n'ont rien à envier aux "gay-prides". Dans un cas comme dans l'autre, un observateur neutre et impartial – celui à qui l'on se réfère toujours sans jamais le trouver – ne verra que l'expression d'une minorité culturelle en quête d'identité et soucieuse d'obtenir la reconnaissance du grand public et du pouvoir politique. Dans les deux cas, la démarche présente quelque chose d'éminemment pathétique… Mais là s'arrête la comparaison !
L'exhibitionnisme exacerbé de ceux qui participent aux "gay-prides", leur goût de la provocation, leur aptitude à l'autodérision, leur rejet des tabous traditionnels, leur refus du politiquement correct… sont autant d'éléments encensés par les uns et honnis par les autres… avec une égale vigueur ! Ils laissent même si peu de monde indifférent, que l'on peut se demander si ces verdicts à l'emporte-pièce procèdent de réactions viscérales irraisonnées ou d'une réflexion approfondie de la question.
Cela dit, il est indéniable que pour les croyants, la question de l'homosexualité comporte également une dimension religieuse… Nous allons y venir, même si pour l'heure, je ne compte pas entraîner les incroyants dans les arcanes d'une foi dont ils ne peuvent appréhender les tenants et les aboutissants… Ce qui n'implique d'ailleurs rien de désobligeant à leur égard, puisque les athées et les agnostiques reconnaissent eux-mêmes ne pas percevoir les réalités spirituelles dont les croyants leur paraissent faire grand cas.
Définition du mot "naturel"… Définition du mot "normal"…
Qu'elles soient croyantes ou athées, les personnes de bon sens sont souvent choquées par l'hypocrisie des responsables politiques et médiatiques lorsqu'ils abordent la question de l'homosexualité.
"Tout le monde fait semblant de trouver cela normal, me dit-on souvent, et pourtant, tout le monde sait bien que c'est contre nature !"… Il y a du vrai et du faux dans pareille affirmation.
Tout d'abord, il est vrai que beaucoup de gens pensent ainsi, mais que la plupart n'osent pas exprimer le fond de leur pensée, de crainte d'être taxés d'intolérance. S'ils sont croyants, ils savent que l'on va très certainement les accuser d'être encore et toujours prisonniers des vieux tabous judéo-chrétiens… la morale judéo-chrétienne demeurant l'ultime argument brandi comme un épouvantail, par tous ceux qui n'en ont pas d'autres à faire valoir !
S'ils ne sont pas croyants, beaucoup de gens craignent que leur réserve vis-à-vis de l'homosexualité les fassent passer pour des réactionnaires, menant un combat d'arrière-garde en faveur de quelque valeur pétainiste... Bref ! La pression et le conditionnement des médias sont tels que personne n'ose plus exprimer son opinion sur le sujet si celle-ci s'avère politiquement incorrecte… comprenez : si celle-ci n'affiche pas la fausse tolérance qui est partout de mise.
Maintenant, quant au fond, il faut bien admettre que la question du caractère "naturel" ou "normal" de l'homosexualité n'est pas facile à cerner. Le vocabulaire lui-même ne vient pas toujours à notre secours, puisque "naturel" – d'après le "Robert" – peut aussi bien signifier :
- ce qui appartient à la nature d'un être… Et bien évidemment, c'est ainsi que le comprennent les défenseurs des pratiques homosexuelles ! Ou :
- ce qui correspond à l'ordre habituel… Et c'est ainsi que l'entendent les opposants à toute pratique homosexuelle !
Il faut noter que ces deux définitions sont parfaitement objectives puisqu'elles n'impliquent aucun jugement de valeur : elles ne peuvent donc pas nous aider à progresser dans une réflexion morale. Cependant, d'une façon purement rationnelle, on peut s'interroger sur ce qu'un scientifique athée appellerait la "nature" d'un être humain. Se limiterait-il à considérer les préférences affectives, ou même les pulsions instinctives de l'être humain concerné en faisant totalement abstraction de sa morphologie et de sa physiologie ?… J'en doute ! Or, d'un point de vue strictement biologique, les faits sont là : indéniables, inéluctables, incontournables… Il ne faut pas être sorti de Saint-Cyr pour se soumettre à cette criante évidence : l'homme et la femme ne sont pas seulement différents, ils sont aussi parfaitement complémentaires. Et pour cause : même si ce n'est pas sa seule raison d'être, la sexualité de l'être humain, comme celle de tout être vivant répond à une vocation essentiellement liée au maintien de l'espèce.
Personnellement, en tant que chrétien, je déplore le nombre de gens qui nient la dimension spirituelle de l'homme, pour en faire "un animal comme les autres" lorsqu'il est question de religion et, plus particulièrement, d'une possible relation avec Dieu. Par contre, lorsqu'on soulève le problème des pratiques homosexuelles, je trouve extraordinaire de constater que ce sont souvent les mêmes personnes qui militent en faveur d'une sexualité "spiritualisée" et débarrassée de contingences aussi bassement animales que la complémentarité morphologique ou la reproduction biologique de l'espèce humaine… dont acte !
Pourtant, lorsqu'on cherche à comprendre la réserve que la plupart des gens éprouvent – sans trop oser l'exprimer – à l'égard des homosexuels, on découvre que celle-ci ne procède pas tellement d'une réprobation morale ou religieuse, mais plutôt d'une aversion sexuelle, d'une répulsion physique spontanée – je n'ose pas dire "naturelle" – envers les personnes de même sexe, et uniquement envers celles-ci. D'ailleurs, ce dégoût présente souvent un caractère symétriquement différencié : certaines femmes apprécient la sensibilité et l'amitié "sécurisante" des homosexuels masculins, et beaucoup d'hommes trouvent dans les relations lesbiennes matière à alimenter leurs phantasmes…
Mais revenons à notre vocabulaire ! Pour sa part – toujours d'après le "Robert" – et dans le cadre de nos préoccupations, le mot "normal" peut signifier :
- ce qui est conforme au type le plus fréquent…
- ce qui sert de règle, de modèle, de référence, de norme…
- ce qui n'est affecté d'aucune modification pathologique…
Remarquons tout d'abord que la première définition du mot "normal" est aussi neutre que celle du mot "naturel" : ce qui est le plus habituel ou le plus fréquent n'est pas forcément bien ou mal, bon ou mauvais… Par contre, avec son concept de règle ou de modèle, la deuxième définition nous introduit de plain-pied dans le domaine éthique. Quant à la troisième définition, elle soulève le délicat problème des pathologies physiques ou psychiques qui pourraient être associées à l'homosexualité… Dans le cadre de ces deux dernières définitions, il pourrait donc se justifier de parler de l'anormalité des pulsions et comportements homosexuels.
Ces deux définitions nous conduisent d'ailleurs à distinguer deux types d'homosexuels :
- ceux qui le sont devenus par la transgression systématique des règles morales et sociales communes à la plupart des civilisations, chrétiennes ou non.
- ceux qui n'ont pas choisi de l'être et qui se sont découverts tels au cours de leur croissance ou de leur vie affective… parfois de façon tardive.
Si le croyant est appelé à manifester la même charité envers les uns et les autres, il éprouvera sans doute pour les seconds une compassion qu'il aura du mal à partager avec les premiers. Et de fait: on ne peut nier que la perversité ou la dépravation morale de ceux-ci les rend plutôt antipathiques, alors que l'on éprouve une sympathie spontanée pour ceux qui nous apparaissent comme les victimes d'une société déboussolée.
Certes, on pourrait aussi considérer les premiers comme les victimes d'une société qui rejette toute valeur normative, surtout en matière d'éthique et, plus spécifiquement encore, en matière de morale sexuelle… Mais la démarche implique que l'on "fonctionne" au second degré, et elle semble inaccessible à certains croyants. Il est évident, pourtant, que nous vivons dans un monde où la sexualité, et surtout le plaisir sexuel est de plus en plus souvent présenté comme une fin en soi, et non comme l'expression d'un amour profond, d'un engagement réciproque. Si bien que la plupart de ces homosexuels ne vivent pas une sexualité foncièrement plus amorale que la plupart des hétérosexuels : ce sont simplement des gens de notre époque !
L'escalade de l'érotisme… La notion de perversion…
Hélas ! Quand elle devient une fin en soi, la sexualité se coupe du moteur essentiel de la libido humaine : l'amour ! Et, oserai-je ajouter, la sexualité se prive ainsi d'une libido durable, c'est-à-dire un amour conjugal fidèle, vécu sous le regard de Dieu ! Si bien qu'en pratique, la libido de tout un chacun a besoin de béquilles : rôle le plus souvent joué par les fantasmes. Or, il faut le savoir, un fantasme peut stimuler la libido, c'est vrai, mais seulement tant qu'il reste un fantasme : d'où l'intérêt – quand ils ne sont pas castrateurs – des divers tabous sociaux et religieux qui empêchent le passage à l'acte… "Qui empêchaient" devrais-je dire, car je viens de le rappeler : nous vivons aujourd'hui dans une société permissive où, depuis mai '68, il est "interdit d'interdire".
Dès lors, l'érotisme a connu une escalade parallèle au dénuement croissant des vedettes du cinéma… avec le résultat inverse de celui escompté ! Car le véritable érotisme est lié à ce que l'on cache, et non à ce que l'on montre de l'anatomie féminine… Or, comme tout effeuillage connaît rapidement ses limites, et comme il n'est pas possible d'aller plus loin que le nu intégral, il a fallu chercher dans les situations un érotisme qui n'existait plus dans l'exploitation de la "simple" nudité. Si bien qu'au lieu de suggérer les scènes d'amour, on a commencé à les montrer avec plus ou moins de crudité ou de complaisance. Les films "grand public" sont ainsi passés des scènes érotiques aux scènes pornographiques sans que personne ne s'en plaigne vraiment, puisqu'elles sont pratiquement indispensables pour que ces films "marchent" bien… Dieu merci, il existe de merveilleuses exceptions !
Que l'on se rassure : je ne suis pas vraiment du genre puritain, et je ne pratique guère le "Veuillez cacher ce sein que je ne saurais voir !" cher au Tartuffe de Molière… Non ! Ce n'est pas tant l'indécence de certaines scènes qui me dérange, que leur vulgarité ou leur incongruité dans des films par ailleurs de qualité. Sans me prétendre un cinéphile éclairé, mon éducation cinématographique m'a appris à trouver plus de charme à ce qui est suggéré avec subtilité, qu'à ce qui est montré avec une obscénité prétendument esthétisante. Par moment, j'en viendrais bien à regretter le temps délicieux où nos grands-pères s'émouvaient en découvrant le galbe du mollet de leur Dulcinée !
Est-ce seulement le fait de mon éducation ? Je n'en sais rien ! Mais je reste persuadé qu'il est des choses qui perdent tout leur charme quand elles ne sont pas réservées au secret de l'alcôve… On ne s'étonnera donc pas de me voir partager l'opinion de l'apôtre Pierre à propos "des hommes tarés et souillés qui trouvent leurs délices à se livrer au plaisir en plein jour…" (2 Pierre 2:13) Toutefois, en ce domaine, il est possible que lui comme moi ne soyons pas vraiment capables de comprendre les frustrations de certaines personnes et leur besoin de compensations fantasmagoriques… même si c'est dans des salles obscures ! Puisque, sans doute, "il est honteux de dire ce qu'ils font en secret…" (Ephésiens 5:12)
Toujours est-il qu'aujourd'hui, un érotisme de plus en plus torride s'est étendu, au point de devenir omniprésent dans la publicité et les médias. Les clubs privés en tous genres se sont multipliés comme des petits pains. Les films pornographiques se sont banalisés, au point de passer sur certaines chaînes télévisées et d'être en vente libre… tout comme le matériel hallucinant nécessaire à la satisfaction des fantasmes les plus divers. Le caractère mercantile de tout cela crève les yeux, bien sûr !
Mais l'occasion faisant le larron, elle n'a pas manqué d'encourager une véritable explosion de perversions sexuelles révélant des particularités étranges – telles les diverses formes de fétichisme – manifestant des aspects répugnants – comme la zoophilie, la scatophilie ou la nécrophilie – et présentant bien souvent un caractère sado-masochiste plus ou moins appuyé… Perversions qui peuvent aller jusqu'à satisfaire des penchants criminels aussi horribles que la pédophilie et la réalisation de "snuff-movies"… sans parler de pratiques sataniques plus inquiétantes encore !
Dans ce contexte, parler de l'homosexualité comme d'une perversion apparaît comme une offense grave à l'endroit des homosexuels… Et ceux-ci ont raison de refuser l'amalgame, car d'une certaine façon, quand on ne se place pas d'un point de vue chrétien, leurs relations ne sont pas plus "coupables" que n'importe quelles relations entre adultes responsables et consentants.
Sont-elles dépourvues de tout caractère pathologique pour autant?… Ce n'est pas certain ! Considérons tout d'abord le cas de la plupart des personnes qui sont devenues homosexuelles. – Je n'ai pas dit : qui se sont découvertes homosexuelles ! –
À notre époque, parler de fidélité conjugale n'est pas seulement obsolète : cela peut même paraître une atteinte à la liberté personnelle… Mais, la multiplication des partenaires hétérosexuels ne suffit plus toujours à satisfaire la sensualité exacerbée de certains; si bien que plusieurs découvrent les joies du triolisme ou participent à des partouzes qui deviennent souvent l'occasion de s'initier aux pratiques homosexuelles. En général, ces personnes demeurent souvent des bisexuelles, car leur homosexualité s'inscrit surtout comme un "plus" dans la palette de leurs découvertes en matière d'expériences sexuelles.
Si l'on peut admettre la légitimité de toutes relations sexuelles entre adultes responsables et consentants, on admettra probablement que cette forme d'homosexualité n'est pas plus coupable et anormale que toute autre forme de relations sexuelles extraconjugales. Mais alors, on doit être assez honnête pour reconnaître la bestialité à laquelle se trouvent ainsi réduites les relations sexuelles humaines. Qu'elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles, celles-ci n'ont d'autre portée que la satisfaction des pulsions et des instincts les plus primaires de notre nature animale… Si bien que dans ce contexte d'amoralité, parler de la "perversion" des personnes sexuellement "libérées" n'a pas plus de sens que de parler de la perversion de deux cabots qui copulent sur la voie publique !
Dès lors, s'il faut diagnostiquer une pathologie, c'est précisément cette amoralité quasi-générale qu'il faut pointer du doigt. L'homosexualité dont on vient de parler n'en est qu'un des nombreux avatars. Aujourd'hui, la disparition des valeurs morales est devenue un fait de société tellement banal, que plus personne – ou presque – ne songe à lutter contre la terrible maladie. D'ailleurs, l'amoralité de notre civilisation est devenue si commune que l'immoralité se trouve elle-même en perte de vitesse : quel intérêt y a-t-il encore à combattre des valeurs éthiques de plus en plus compromises ?
En fait, la notion de "perversion" sexuelle n'a de véritable signification que pour ceux et celles qui acceptent l'idée de se soumettre à des règles morales – chrétiennes ou non – susceptibles de définir la nature de l'engagement réciproque auquel consentent les deux conjoints d'un couple civilisé… et ce, quelle que soit la culture considérée. Il est donc temps d'en venir aux couples homosexuels qui se construisent sur la base d'un réel idéal de vie.
En général, ces homosexuels, hommes ou femmes, ne sont pas "devenus" tels, mais se sont "découverts" tels… même si c'est tardivement. En effet, la liberté sexuelle ambiante encourage des rencontres extra-conjugales qui peuvent engendrer, chez des personnes mariées de longue date, le sentiment d'enfin découvrir l'homme ou la femme de leur vie… C'est ainsi que certains découvrent l'homosexualité de façon tardive. La plupart, cependant, prennent conscience de leur particularité – ou du moins la soupçonne – au moment de l'adolescence.
Le plus souvent, on peut constater que ces homosexuels ne répondent pas à notre deuxième définition de l'anormalité, en ce sens qu'ils ne sont pas du tout hostiles aux notions de "normes" morales ou de "règles" de vie… Simplement, ils se découvrent "hors normes" et cela les désespère ! Le problème serait alors de considérer s'ils répondent à notre troisième définition de l'anormalité, à savoir s'ils sont l'objet d'une quelconque "modification pathologique".
Qu'ils soient l'objet d'une "modification" comportementale par rapport au "type le plus fréquent" – pour reprendre la première définition – cela semble évident… Mais que cette modification soit "pathologique" cela reste à voir.
5
Un hiatus pathologique… Une aberration biologique…
Faisons tout de suite un sort à la légende qui voudrait que l'homosexualité soit génétique ou héréditaire : aucune étude sérieuse n'a pu en prouver le bien-fondé, et cette piste est pratiquement abandonnée aujourd'hui. En fait – dans la mesure où l'on peut acquérir une certitude dans le domaine scientifique – il semble définitivement acquis qu'on ne naît pas homosexuel, mais qu'on le devient… Tout comme l'on devient hétérosexuel, d'ailleurs ! En fait, l'option reste ouverte pendant toute la période spécifique de la croissance au cours de laquelle se forge la personnalité, et surtout, l'identité de l'enfant. Il existe donc bien un moment où psychologiquement – et indépendamment de son sexe biologique – l'enfant va se définir comme une fille ou un garçon, en fonction de différents facteurs. Le plus connu étant – pour un petit garçon – le phénomène d'identification avec son père.
L'enfant ne choisit donc pas plus son sexe psychologique qu'il n'a eu le loisir de déterminer son sexe biologique. – Peut-être faudrait-il faire ici la distinction entre les homosexuels et les transsexuels ? Mais je ne crois pas que la nuance ait vraiment de l'importance dans le débat éthique qui nous préoccupe. – En tout cas, il serait absurde et injuste de rendre un enfant responsable de quelque chose qui échappe totalement à son libre arbitre, et donc de le charger d'une quelconque culpabilité. Et bien sûr, cela reste valable pour ceux et celles qui ne découvrent que tardivement une homosexualité qui est la leur depuis l'enfance, même s'ils l'avaient partiellement refoulée dans leur inconscient.
Or, là se trouve bien la pierre d'achoppement sur laquelle viennent buter beaucoup de croyants, surtout parmi les fondamentalistes des religions monothéistes. La plupart, en effet, continuent d'appeler les foudres du Ciel sur tous les homosexuels, hommes ou femmes, et refusent de se perdre en considérations sur la vraie nature ou sur les motivations profondes de cette homosexualité… D'où l'hostilité manifestée aujourd'hui par les incroyants, et même par beaucoup de croyants, à l'égard d'une morale appelée "judéo-chrétienne". Celle-ci, pourtant, ne reflète que la lecture intégriste des textes sacrés : qu'ils soient juifs, chrétiens ou… musulmans !
Personnellement, je me refuse à entrer dans cette logique légaliste pour hurler avec les loups. Mais la compassion que j'éprouve pour les souffrances morales endurées par la plupart des homosexuels ne peut faire taire le bon sens que j'ai hérité de grands-parents paysans. Comme chacun a pu le constater ci-dessus, il est impossible de contester l'hiatus qui se manifeste entre les pulsions affectives et la réalité physiologique d'un homosexuel; ou encore, de nier la contradiction qui existe entre ce qu'un transsexuel se sent être et ce qu'il est réellement. Aussi, quel que soit mon souci de tolérance et mon respect de la différence, je ne vois pas comment qualifier cette contradiction, sinon par le terme de "pathologique"…
D'autre part, comme je l'ai déjà dit, mon refus de reconnaître le caractère équivalent ou alternatif de l'homosexualité et de l'hétérosexualité repose avant tout sur un fait biologique indiscutable: la première entraînerait l'extinction rapide de l'espèce humaine, alors que la seconde assure son maintien depuis la nuit des temps. D'un point de vue biologique, les pulsions homosexuelles présentent donc un caractère létal évident et, pour cette raison, il faut bien encore les qualifier de "pathologiques".
Voici donc le grand mot est lâché ! Il fera hurler les uns et applaudir les autres… Qu'il me soit toutefois permis d'insister sur le fait qu'il n'implique aucune culpabilité, mais qu'il appelle seulement la compréhension… surtout pas la pitié ! Celui ou celle qui part dans la vie avec un handicap n'a que faire de notre pitié, fût-elle bien intentionnée. Ce qu'il attend c'est le respect de son handicap et le soutien dont il a effectivement besoin pour l'assumer.
Il n'en demeure pas moins qu'affirmer, comme je le fais, que l'homosexualité procède de pulsions "pathologiques" peut paraître très intolérant, et même relever d'un discours d'extrême droite ! Ce le serait sans doute si cette conception incluait l'un ou l'autre jugement de valeur. Mais, comme je l'ai dis, cette opinion n'implique aucune condamnation morale ou religieuse… Pas plus qu'il n'y a quelque chose de moralisateur à constater le caractère morbide des maladies génitales qui compromettent la procréation. Or, pourquoi un comportement humain serait-il moins "pathologique" qu'un problème physiologique ayant exactement les mêmes effets létaux?
Je suis bien conscient que, malgré tout, l'homosexuel qui lira ces lignes risque de se choquer en me voyant assimiler sa spécificité à un handicap. Qu'il sache seulement qu'à mes yeux, ce handicap ne le distingue pas radicalement des autres hommes ou des autres femmes. J'ai la conviction, en effet, que tout être humain naît avec l'un ou l'autre handicap : tantôt physique, tantôt psychique, tantôt intellectuel, tantôt familial, tantôt social, etc. Tous ces handicaps ne sont pas des péchés en eux-mêmes, ils sont "seulement" les tristes conséquences de l'émergence du péché dans le monde, et donc des désordres qu'il a provoqués dans la création de Dieu. Pour le croyant qui prend conscience de son handicap, il n'est donc pas question de se culpabiliser, mais bien d'apprendre à vivre avec lui, sachant que l'opportunité d'en être délivré relève de la grâce divine. C'est la perspective dans laquelle se situe l'ensemble de ces pages.
Pour certains, ce caractère pathogène, n'apparaît pas seulement évident quant aux conséquences biologiques pour l'espèce humaine… Certains y voient aussi des implications économiques : les enfants engendrés par les couples hétérosexuels étant appelés à payer la pension des couples homosexuels. Mais à mon sens, l'argument ne vaut pas, puisque – via la même solidarité sociale – les homosexuels payent aussi pour les études, les soins de santé ou les frasques des enfants des hétérosexuels.
La genèse de l'homophilie, par contre, me semble devoir être prise en considération, du moins si elle présente une pathogénie avérée : c'est ce que nous allons examiner maintenant.
6
Une jeunesse "libérée"… Un monde narcissique…
J'ai déjà dit, et je le maintiens, que l'on ne devient pas homosexuel ou hétérosexuel par hasard. Mais si les hétérosexuels deviennent tels tout "naturellement", en laissant aller le cours des choses, on ne peut pas en dire autant de ceux qui se découvrent homosexuels après des événements de natures diverses, mais presque toujours traumatisantes. Je ne prétends pas en faire le tour : les spécialistes eux-mêmes se perdent encore en conjonctures à propos de certains cas. Mais les éléments traumatisants qui reviennent de façon récurrente dans la plupart des "explications" proposées ne peuvent manquer de retenir l'attention.
Sur ce point, je me dois d'ouvrir une parenthèse pour reconnaître que l'homosexualité n'est pas la seule déviation engendrée par les événements qui ont jalonné l'enfance et l'adolescence de tout un chacun. Tout le monde y va de sa petite particularité – de la plus inoffensive à la plus tordue – qui peut aller de fétichisme au sado-masochisme, en passant par tous les fantasmes possibles et imaginables… Sans cela, l'industrie du sexe ne connaîtrait pas la prospérité qui est la sienne !
Mais aujourd'hui, pour la majorité des thérapeutes, ces déviations et ces fantasmes relèvent d'une sexualité "normale"… du moins tant que ceux-ci n'engendrent pas un sentiment de culpabilité. Car pour eux, le problème est moins de corriger les déviations en cause – à l'impossible, nul n'est tenu – que de déculpabiliser les victimes de toute morale aliénante : ce que, mal comprise, la morale chrétienne ne manque pas de se révéler ! De son côté, la législation se montre ni plus, ni moins exigeante, puisqu'elle entend seulement que la satisfaction de ces fantasmes ne porte pas atteinte à la liberté physique et morale des personnes, tout en étant vécue entre adultes responsables et consentants. Il est vrai que le concept de "morale publique" est aujourd’hui obsolète ou, du moins, réservé à la vie publique : ce qui, en principe, devrait être le signe d’une société plus adulte, plus responsable…
Dans un monde de plus en plus athée, la notion de péché – comprise comme l'état de l'homme séparé de Dieu, et vivant dans l'ignorance de sa Révélation – est devenue complètement obsolète. Dès lors, la seule référence qui subsiste c'est l'homme lui-même, du moins, tant que son comportement ne dépasse pas le seuil du tolérable pour son entourage. Et de fait, tel est bien la référence des normes actuelles en matière de sexualité : pour la plupart de nos contemporains, la satisfaction des pulsions sexuelles est devenue un droit aussi légitime que celui de manger quand on a faim, de boire quand on a soif ou de dormir quand on a sommeil…
En pratique, si tout le monde condamne la pédophilie, beaucoup trouvent normal de laisser les jeunes faire l'expérience de la sexualité dès la puberté… pour peu que ce soit entre eux ! Aujourd'hui d'ailleurs, l'éducation sexuelle ne s'attache plus à enseigner la maîtrise de la sexualité, mais vise les précautions à prendre pour se préserver du sida ou ne pas se retrouver enceinte. Aux yeux de nos jeunes, parler d'abstinence sexuelle relève d'un discours pontifical complètement décalé par rapport à la réalité.
Dès lors, ce genre de propos n'est pas seulement perçu comme dépassé, mais aussi comme injuste. Pourquoi, en effet, les "bonnes choses" devraient-elles être réservées aux personnes majeures ou aux gens mariés ? Car, voilà bien le nœud du problème. De nos jours, bien peu de gens se demandent encore si une chose est bien ou mal en absolu. On se demande simplement si l'on aime ou si l'on n'aime pas ? Si l'on a envie ou si l'on n'a pas envie ?
Dans un monde sans autre référence que moi-même, je n'ai plus aucune raison de me demander si je peux ou ne peux pas faire ceci ou cela… Le bien est donc devenu ce que j'aime ou ce dont j'ai envie, et le mal ce que je n'aime pas et ce dont je n'ai pas envie. Tout au plus, si je suis vraiment scrupuleux – si j'ai pleinement conscience que "ma liberté s'arrête où commence celle des autres" – me demanderai-je si l'autre en a aussi envie que moi, si l'autre aime cela autant que moi… D'ailleurs, en dehors de toute vérité révélée, il faudrait être masochiste pour repousser davantage les limites d'une morale personnelle !
De manière consciente ou non, les croyants se trouvent, ainsi placés devant un dilemme : adopter les critères bibliques de "normalité" ou bien ceux du monde contemporain… Les normes bibliques se révélant nettement plus exigeantes – monogamie, chasteté en dehors du mariage, fidélité conjugale, etc. – il faut s'attendre à l'une ou l'autre tentative de contournement, avec le soutien d'alibis théologiques plus ou moins complaisants.
En ce qui concerne la genèse de l'homophilie, j'ai déjà fait allusion à l'un de ces facteurs en parlant de l'impossibilité de s'identifier au père pour le petit garçon élevé par sa seule maman. J'aurais pu ajouter que cela survient souvent après un divorce dont le caractère traumatisant pour l'enfant me paraît difficilement discutable… sinon par ceux qui ne connaissent pas la repentance et le pardon divin. Ne disposant d'aucun autre moyen d'évacuer leur culpabilité, ces derniers se trouvent réduits à nier toute responsabilité dans des événements qu'ils attribuent à la fatalité.
Par ailleurs, un nombre impressionnant d'homosexuels, aussi bien hommes que femmes, le sont devenus après avoir été victimes d'abus sexuels. Il n'est pas question d'assimiler la pédophilie à l'homosexualité, mais force nous est d'admettre que, très souvent, l'une a précédé l'autre… Avec des effets paradoxaux, d'ailleurs ! Car pour certains enfants, ces expériences se sont transformées en initiation à l'homosexualité : surtout chez les garçons. Pour d'autre, par contre, et surtout pour les filles, ces expériences traumatisantes sont à l'origine d'un profond rejet de toute sexualité avec une personne de sexe opposé.
Si bien qu'en définitive, quand je parle de "pathologie" à propos de l'homosexualité, c'est surtout à sa genèse que je pense, et notamment aux différents traumatismes qui ont concouru à engendrer cette homophilie… Et, très sincèrement, je ne vois pas comment nier le caractère pathogène de ces facteurs, quelle que soit l'opinion que chacun puisse avoir à propos de l'homosexualité !
À tout cela, on pourrait sans doute ajouter les différents traumatismes de l'adolescence : période où garçons et filles se cherchent sans toujours se trouver. Ils ont d'autant plus de difficultés à se structurer qu'ils vivent au sein de relations familiales dégradées. De plus, c'est l'âge où un jeune ne s'y retrouve pas encore très bien dans ses sentiments : amitié, affection, amour… tout cela a tendance à se mélanger ! Je songe notamment aux caresses que peuvent se prodiguer certaines jeunes filles ou certains jeunes gens en quête d'eux-mêmes… surtout s'ils ne sont pas encore sortis de la phase narcissique de leur développement psychologique ! Dans leur cas, j'estime qu'il serait prématuré de parler de relations homosexuelles.
Par contre, le fait de vivre dans une société de l'image, encourage certains adolescents à accorder une importance exagérée à l'image qu'ils ont et veulent donner d'eux-mêmes : tant du point de vue physique que du "look" vestimentaire". Tout cela ne serait pas bien grave si cet épiphénomène conjugué à d'autres facteurs ne les amenait à demeurer bloqués au stade narcissique. L'amour de soi étant très voisin de l'amour du semblable, l'éventualité de voir ces jeunes verser dans des amours homophiles se trouve multipliée d'autant… Cette occurrence semble assez fréquente chez les adeptes du "body-building", par exemple… Encore qu'il ne faille pas en faire une généralité !
Par ailleurs – et toujours chez les adolescents – une déception amoureuse, une expérience sexuelle malheureuse suffit parfois à transformer un sentiment d'amitié en un élan amoureux. Pour la plupart, ce ne sera qu'une émotion transitoire, même si elle se traduit par des gestes ambigus. Mais chez d'autres elle va se fixer d'autant plus facilement qu'elle participe à une volonté de se marginaliser. Car alors, l'homosexualité va s'afficher comme une contribution à la révolte contre tout ordre social établi avec, bien sûr, tout son cortège de tabous à transgresser pour être dans le coup.
Quelque part, la révolte des jeunes qui veulent refaire le monde me paraît plus sympathique que l'apathie de ceux qui rentrent dans le rang sans se poser de question. – Sans cela, il n'y aurait jamais eu de Réforme Protestante ! – Mais quand la révolte est dépourvue de tout projet politique, social ou religieux, quand elle devient une fin en soi, quand elle n'est plus que l'expression pathétique de la plus noire désespérance, j'ose encore une fois parler de pathologie… même s'il ne faut pas mettre tous ces adolescents dans le même sac !
Les couples homosexuels et l'adoption… L'apprentissage de l'altérité…
Les "nouvelles" familles… Les "mariages" protestants…
Les valeurs universelles du mariage…
Dans la perspective que je viens de définir, il semble qu'une certaine déontologie devrait être respectée à l'égard des mineurs d'âge. En disant cela, bien sûr, je pense au désir, sinon à la volonté, des couples homosexuels d'avoir des enfants. En général, on pense surtout à l'adoption; mais pour les couples de lesbiennes, il existe aussi une possibilité d'insémination de l'une des deux femmes, en faisant appel à une banque de sperme… Car, bien que pour une femme peu scrupuleuse, se faire faire un enfant ne pose guère de problème, les couples de lesbiennes conservent souvent des principes qui sont tout à leur honneur.
Dans la mesure où l'on considère les couples homosexuels comme "normaux", une telle aspiration ne peut qu'apparaître légitime… Quoi de plus légitime, en effet, que de vouloir concrétiser et prolonger à travers ses enfants, l'amour profond et sincère que l'on éprouve l'un pour l'autre ? Or, ici encore, la législation demeure ambiguë : quand elle autorise le mariage des homosexuels et leur refuse le droit d'adoption, elle en fait manifestement des couples "anormaux" et même potentiellement dangereux pour les enfants. L'évidente hypocrisie d'une telle démarche est inacceptable, et je comprends parfaitement l'impatience et l'indignation des couples homosexuels qui se sentent atteints dans leur dignité et dans leurs droits.
Personnellement, je trouve beaucoup plus honnête de dire : "Les homosexuels ont un problème… O.K. Voyons comment l'assumer au mieux !" Plutôt que de faire semblant que tout est normal en pensant exactement le contraire. Si bien que je me demande si la position ambiguë du législateur n'est pas, tout simplement, le reflet de l'ambiguïté des couples homosexuels eux-mêmes. Sans que leur valeur individuelle puisse être mise en cause, la stérilité même de leur couple apparaît comme pathologique en soi… Un peu comme ces semences d'O.G.M. – Organismes Génétiquement Modifiés – que les médias ont appelées "Terminator" parce qu'elles produisent des organismes qui, malgré leurs qualités intrinsèques, demeurent définitivement stériles.
Quand on connaît la souffrance des couples hétérosexuels sans enfants, je pense qu'on peut aussi appréhender la frustration et le chagrin d'un couple homosexuel qui s'aime avec sincérité et tendresse. Quand on a bien compris la mélancolie d'une femme en manque d'enfant, on peut mieux cerner la tragédie d'un couple de lesbiennes aimantes devant qui se ferme définitivement la porte de la maternité. Aussi, je peux très bien concevoir que l'on finisse par se dire : "Pourquoi pas ?"…
Pourquoi, en effet, un enfant désiré et élevé au sein d'un couple homosexuel, serait-il moins heureux qu'un enfant qui se sait non-désiré et se sent perpétuellement rejeté par des parents hétérosexuels ? Ou encore, pourquoi un enfant né et élevé au sein d'un couple de lesbiennes aurait-il moins de chance, face à la vie, que l'enfant d'une mère célibataire ?… Et enfin, pourquoi un enfant élevé et éduqué au sein d'un couple homosexuel uni et aimant devrait-il être plus perturbé qu'un enfant qui grandit au milieu des cris, des disputes et des violences d'un couple hétérosexuel qui se déchire ?…
La réponse à de telles questions est tellement évidente que l'on pourrait, une fois encore, se dire : "Mais qu'est-ce qu'on attend pour mettre fin, une fois pour toute, à toutes ces hypocrisies ?"… Il nous faut, cependant, maîtriser notre juste indignation et considérer, avec une froide objectivité, la manière dont toutes ces questions sont posées. Car, n'importe quel journaliste vous le confirmera : tout l'art réside dans la façon de poser les "bonnes" questions !… En l'occurrence, on pourrait induire des réactions contraires en se contentant d'inverser les questions. Par exemple : "N'est-il pas évident qu'un enfant élevé et éduqué au sein d'un couple hétérosexuel aimant et stable a toutes les chances d'être beaucoup plus heureux et équilibré qu'un enfant qui grandit au milieu des disputes, des scènes de jalousie hystérique et des violences d'un couple homosexuel constamment en crise ?"… Etc.
Comme on le voit, idéaliser un couple homosexuel est aussi facile que de le "démoniser"… mais pas plus objectif ou plus honnête! Opposer les "bons" et les "méchants" que l'on peut trouver de part et d'autre ne peut qu'engendrer un nouveau mensonge. Ce manichéisme simplificateur ne règle d'ailleurs pas le fond du problème : instaurer une loi en faveur des homosexuels en prétextant les carences des hétérosexuels n'aurait aucun sens. Car il est manifeste pour tout le monde – du moins je l'espère – que les homosexuels ne sont ni pires ni meilleurs que les hétérosexuels.
D'autre part, dans nos pays occidentaux, les choses sont telles que n'importe qui peut "faire" un enfant avec n'importe qui, sans que rien soit fait – ou puisse être tenté – pour offrir aux enfants à naître un minimum de chance dans la vie… J'ai tout de même envie d'ajouter : "Dieu merci !"… Car bien qu'elle engendre de redoutables responsabilités, cette liberté reste l'une des dernières où l'État n'est pas venu s'immiscer. Par contre, en matière d'adoption, la législation se montre franchement tatillonne et même vétilleuse. À juste titre, sans doute ! Mais tous ceux qui ont voulu adopter un enfant ont connu la contrainte de démarches procédurières proches du "parcours du combattant" et parfois même du "chemin de croix".
Si nous voulons être justes, il nous faudra donc réfléchir au principe de l'adoption d'enfants par des homosexuels, en partant du principe que l'on a affaire à un couple stable, équilibré et aimant… comme pour les couples hétérosexuels : ni plus, ni moins. Mais encore une fois, et même s'il n'est pas question de projeter une quelconque infériorité de nature sur les homosexuels, on peut se demander si les couples homosexuels ne souffrent pas d'une incapacité relationnelle qui les rend inaptes à l'adoption ?
Car, indépendamment des causes profondes et parfois mystérieuses qui ont fait qu'un homosexuel est ce qu'il est, le résultat est tout de même bien là : on se trouve devant quelqu'un qui se sent totalement incapable d'assumer l'altérité de l'autre; quelqu'un qui perçoit cet autre comme incapable de le comprendre et de répondre à ses attentes; quelqu'un qui n'envisage de s'épanouir vraiment que dans une relation avec un autre lui-même, en quelque sorte…
Or, voilà bien le problème qui me tracasse : le couple homosexuel ne se présente pas à la candidature d'adoption sur un pied d'égalité avec un couple hétérosexuel… Même si certains essayent de nous le faire croire ! Car, même dans l'hypothèse d'une conjonction de toutes les conditions favorables – ce qui reste une conjoncture irréaliste, même pour les hétérosexuels – le couple homosexuel part avec un grave handicap, inhérent à son homosexualité même.
Sans prétendre lui accorder une fonction exclusive, il faut bien reconnaître que la cellule familiale joue un rôle déterminant dans la reconnaissance et l'apprentissage de l'altérité de l'autre. Or, c'est généralement à travers ses parents qu'un enfant découvre cette dissemblance : "Je suis comme Maman, et toi comme Papa ! – Moi, je ne suis pas comme toi, car je suis comme Papa et non comme Maman !"… Mais si cette initiation ne se fait pas de manière spontanée, à travers les parents, il faudra compter sur les fréquentations familiales, les relations amicales... ou l'abandonner au hasard, avec tous les risques que cela comporte pour l'avenir de l'enfant. Je sais que certains psychologues tentent de dédramatiser la situation en l'assimilant aux conditions vécues par les enfants de familles "monoparentales"… Mais au vu de mon expérience pastorale, ce n'est pas ce qui peut me rassurer vraiment.
D'autant plus que d'autres psychologues mettent en évidence l'empreinte quasi indélébile que laisse le vécu de la petite enfance dans le psychisme d'un être humain. Cette empreinte me paraît d'autant plus importante qu'elle n'est pas souvent consciente, qu'on n'arrive donc pas à mettre des mots dessus, alors qu'elle va jouer un rôle déterminant dans tous les choix de vie.
Certes, au moment de l'adolescence, cette empreinte peut être "reformatée" en quelque sorte… Sa volonté d'indépendance, ses relations extra-familiales, ses premières expériences amoureuses, etc. peuvent aussi bien amener l'adolescent à reproduire le modèle parental que l'encourager à rompre définitivement avec lui. C'est ainsi qu'un enfant de couple hétérosexuel peut devenir homosexuel et, inversement, un enfant de couple homosexuel peut définitivement choisir l'hétérosexualité… Fort bien ! En théorie, tout cela est bien beau, mais qu'en est-il en pratique ? Je n'ai pas connaissance d'étude qui ait évalué cette probabilité de "mutation", mais il me semble qu'une législation permissive qui se baserait là-dessus prendrait sur l'avenir un pari proprement irresponsable !
"Dans le doute, abstiens-toi !"… Il me paraît donc beaucoup plus réaliste de se baser sur le "probable", sinon le "vraisemblable", je veux parler de l'empreinte que le couple parental va laisser dans l'âme de l'enfant. Celui-ci, en effet, ne dispose pas encore pleinement de lui-même et n'est pas capable d'opérer des choix objectifs : à l'instar de l'animal, le petit enfant "ressent" les choses beaucoup plus qu'il ne les comprend. Plus tard, et indépendamment du "modèle" parental proprement dit, il sera de toute manière "conditionné" par l'autorité morale que ces derniers exerceront sur lui. Or, je n'ai jamais vu de parents soucieux de dévaloriser leur propre image aux yeux de leur enfant… Aussi, et en toute objectivité, il ne semble pas qu'en matière d'orientation sexuelle, l'option "parents homosexuels" soit une alternative vraiment équivalente à l'option "parents hétérosexuels".
La reconnaissance de l'altérité et le besoin d'identification sont deux facteurs d'équilibre étroitement liés l'un à l'autre et qui se trouvent potentiellement compromis dans la perspective de l'adoption d'un enfant par un couple homosexuel.
Dès lors, le plus élémentaire bon sens imposerait que la législation tienne compte du développement psychique et affectif d'un enfant et se limite à des options respectueuses de ses repaires naturels. Autrement dit, elle ne devrait pas permettre qu'un enfant se retrouve sous la responsabilité d'un couple dont les choix de vie risquent, à l'évidence, de perturber la perception qu'il a de lui-même : aussi bien quant à sa réalité morphologique, que physiologique ou psychologique. Mais en recommandant cette prudence législative à l'endroit des couples homosexuels, je ne me fais guère d'illusions. Il est possible, sinon probable que la loi autorisant leur mariage ne soit, pour les couples homosexuels, qu'un premier jalon vers l'adoption.
Cela ne doit pas décourager les chrétiens de défendre, et même de promouvoir, un concept de la famille fondé sur des exigences sans compromis avec la Parole de Dieu. Mais d'autre part, cela devrait encourager ces mêmes croyants à garder les yeux grands ouverts sur la réalité du corps social dans lequel l'Église se trouve plongée aujourd'hui. Qu'on le veuille ou non, nous sommes confrontés à des familles en pleine déliquescence : on y voit tout et n'importe quoi… Si bien que l'idéal du couple chrétien, uni sous le regard du Seigneur, élevant sa petite famille à la sueur de son front, dans la piété et dans la soumission à la Parole de Dieu ressemble de plus en plus à une histoire pour enfants sages… dans le genre de "la petite maison dans la prairie" !
Sur le terrain, la réalité, ce sont des couples qui divorcent un peu à tous les âges, après trois mois ou trente ans de vie commune… Des familles "recomposées" à un rythme parfois si effréné qu'aucun des enfants ne porte le nom de son vrai père… Des familles monoparentales où la mère, abandonnée par un mari alcoolique et violent, se trouve confrontée à un fils qui "fume" et commence à la battre aussi… à moins qu'elle ne doive assumer la grossesse de sa fille de quinze ans…
Tout cela, et bien d'autres choses encore, on peut le déplorer: çà n'y changera rien, et moraliser encore moins ! Quand ces personnes arrivent dans nos églises, c'est d'amour, de compréhension, de pardon qu'elles ont besoin… Le reste vient après! Car où trouver la force de reconstruire sa vie, sinon dans le pardon du Seigneur ? Sinon dans l'amour "reconstructeur" de ses frères et sœurs en Christ ?… Car ce qui nous attend – n'en doutons surtout pas – c'est la prochaine arrivée de couples d'homosexuels qui viendront entendre l'Évangile et se convertiront dans nos assemblées en y amenant… leurs enfants !
Que ferons-nous d'eux ? Qu'exigerons-nous d'eux ? Ne répondons pas trop vite ! Il n'est pas une communauté évangélique aujourd'hui qui n'ait son quota de divorcés, de filles-mères, de familles recomposées… dont tous les enfants remplissent les bancs de l'école du dimanche ou du club des jeunes. Or, parmi tous ces couples séparés, déchirés, blessés, combien n'ont pas grandi au sein de nos assemblées évangéliques ? Combien n'ont pas été nourris au lait pur de la Parole de Dieu ? Peut-être le lait était-il un peu trop coupé ?… Dieu le sait !
Je ne puis toutefois m'empêcher de revenir à l'idée que j'avais citée plus haut… À savoir qu'un couple homosexuel vivant en harmonie constitue sans doute un contexte plus favorable à l'épanouissement d'un enfant, qu'un couple hétérosexuel – "croyant" ou non – vivant perpétuellement en crise. Eh bien ! J'espère sincèrement que ces enfants nous offriront d'heureuses surprises lorsque leurs parents viendront au Seigneur. Non que j'approuve l'adoption d'enfants par des couples homosexuels – j'ai longuement expliqué pourquoi – mais j'ai la conviction que beaucoup de ces couples sauront se montrer des parents aussi responsables dans l'éducation de leurs enfants que bien des couples hétérosexuels…
Les carences de ces derniers, hélas ! n'appellent pas de démonstration, il suffit d'ouvrir les yeux autour de soi. En ce qui concerne les enfants de parents homosexuels, par contre, on manque encore de recul pour savoir si le risque d'identification au modèle homosexuel se trouve effectivement renforcé. De toute façon, il resterait à prouver qu'un couple homosexuel est moins sujet aux crises "conjugales" qu'un couple hétérosexuel. Or, pour autant que le taux de crimes passionnels, chez les uns et les autres, permette d'en juger, c'est loin d'être évident !
Il est vrai que tous ceux qui trouvent l'homosexualité normale ne parleront pas du "risque" de devenir homosexuel… pas davantage que tous les démagogues en mal d'empathie politique ou ecclésiale. Ceci expliquant cela, il ne faut pas s'étonner des propositions de lois autorisant l'adoption d'enfants par les couples homosexuels…
À nous chrétiens d'être vigilants et "présents au monde" : sans prêchi-prêcha, sans discours moralisateurs, mais avec des arguments accessibles à tous. Il est vrai qu'avec la meilleure bonne volonté, nos églises risquent de se trouver de plus en plus démunies dans une société où les modes de conjugalité sont en train de proliférer. Le mariage, en effet, n'est plus le seul modèle de référence pour fonder un foyer ou même une famille. Le concubinage a maintenant trouvé ses lettres de noblesse et l'idée d'un PACS à la française suit son chemin dans les autres pays européens. Le sens du courant va donc dans la direction d'une ouverture au principe de l'adoption d'enfants par les couples homosexuels.
Or, cette tendance générale ne trouve pas beaucoup de résistance au niveau des églises protestantes. J'y vois surtout deux raisons. D'une part, pour les protestants, le mariage relève de l'institution civile et donc de la juridiction de l'État. Il n'est donc pas, comme pour les catholiques, un sacrement qui relèverait de l'autorité de l'Église. Car, lorsqu'un couple protestant se marie et vient au temple, ce n'est pas pour se "marier religieusement", mais pour demander la bénédiction de Dieu sur le mariage qu'il vient de contracter en toute légitimité devant l'autorité civile. D'autre part – et sauf exception – l'enseignement biblique sur le mariage s'est trouvé passablement dilué au cours de ces dernières décennies : il s'est trouvé réduit à une sorte de morale de l'amour et de la fidélité qui pourrait aussi bien s'appliquer à un couple concubin ou homosexuel. Dès lors, si ce n'est déjà fait, on peut s'attendre à ce que ces couples se présentent bientôt dans nos églises pour demander la bénédiction de leur union.
Pour ceux qui l'ignoreraient encore, il est peut-être utile de rappeler qu'aux yeux de l'église catholique, le mariage civil n'est pas valide. Il est même assimilé à une forme de concubinage légal… et honteux, tant que le couple n'est pas marié religieusement. Pour les héritiers de la Réforme protestante, au contraire, le mariage est un engagement civil valide, quelles que soient les modalités liées à la nationalité ou à la religion de ceux qui le contractent. En d'autres termes, le "oui" prononcé devant le maire ou le bourgmestre est aussi un "oui" prononcé devant Dieu et n'a pas besoin d'être répété devant un pasteur… même si, dans le langage courant, beaucoup de familles parlent encore – et à tort – du "mariage au temple". En principe d'ailleurs, c'est ensemble que les nouveaux époux entrent au temple pour venir y demander la bénédiction de Dieu, et non au bras de leurs parents respectifs, comme ils l'ont fait pour se marier à la mairie ou à l'hôtel de ville.
En fait, la conception protestante part du principe que le pouvoir civil est "au service de Dieu"… même s'il n'en a pas conscience ! Si bien que les croyants sont appelés à reconnaître son pouvoir et à se soumettre à son autorité pour tout ce qui touche à la législation du pays où ils habitent. "Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures; car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C'est pourquoi celui qui s'oppose à l'autorité résiste à l'ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. Ce n'est pas pour une bonne action, c'est pour une mauvaise, que les magistrats sont à redouter. Veux-tu ne pas craindre l'autorité? Fais le bien, et tu auras son approbation. Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains; car ce n'est pas en vain qu'il porte l'épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. Il est donc nécessaire d'être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience." (Romains 13:1-5 cf. Tite 3:1) La seule exception concerne les exigences qui entreraient en conflit ouvert avec les enseignements de la Parole de Dieu, car alors, "il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes." (Actes 5:29)
Or, si le statut matrimonial est partout présent dans la Bible – servant même de référence à la relation unissant l'homme à Dieu – celle-ci ne parle nulle part des modalités du mariage. En conséquence, les réformateurs ont généralement considéré que ces dernières étaient abandonnées à la discrétion des législations nationales. D'ailleurs, la nature du mariage proprement dit est grosso modo la même sous toutes les latitudes et conforme aux exigences bibliques. "Jésus répondit : N'avez-vous pas lu que le créateur, au commencement, fit l'homme et la femme qu'il dit : C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint." (Matthieu 19:4-6) Il est clair que Jésus ne parle pas ici d'un mariage chrétien ou même juif, puisqu'il se réfère à la création. On peut donc considérer que le mariage existe de façon valide aux yeux du Seigneur, dès qu'il y a :
1° engagement public et réciproque de deux partenaires de sexes différents, et
2°consommation ou union sexuelle entre les conjoints. Sans l'union physique, le mariage serait "blanc", et sans l'engagement il resterait du concubinage…
La bénédiction de mariage pratiquée par les églises protestantes ne vient donc rien ajouter au mariage civil. Il est seulement l'expression de la foi et du souci des époux de soumettre leur vie conjugale à la volonté du Seigneur. En dehors de cela, elle ne serait qu'une tradition sans grande signification spirituelle, sinon la manifestation d'un certain conformisme religieux, et parfois d'une certaine superstition. De façon paradoxale, tout ceci explique que certaines communautés accordent la cérémonie de mariage avec la même facilité que d'autres la refusent. Les premières partent du principe que si cette bénédiction ne fait pas de bien, elle ne fera pas de mal non plus… Les secondes, au contraire, estiment qu'on ne se moque pas de Dieu, et donc qu'on n'a pas à appeler sa bénédiction sur un couple qui ne cherche pas à lui être soumis.
Comme on l'imagine, c'est dans cette logique que viennent – ou viendront – s'inscrire les bénédictions d'unions homosexuelles. Certains pasteurs ne verront aucun problème à invoquer une bénédiction que d'autres refuseront avec la plus grande fermeté…
8
Le risque d'intégrisme "évangélique"…
Il y a une dizaine d'années, un couple de chrétiens sexagénaires est arrivé complètement démoli dans notre petite communauté. Après avoir découvert que leur fille était lesbienne et vivait en concubinage avec une autre femme, ils s'étaient ouverts de leur fardeau et de leur chagrin auprès des responsables de leur église. Ces derniers avaient opéré une "descente" chez les deux "coupables" qu'ils avaient copieusement arrosées de versets bibliques et menacées des foudres célestes. Après quoi, ils s'étaient retirés avec la conscience du devoir accompli, recommandant aux parents de fermer leur porte à leur fille – afin de ne pas s'associer à son péché – tant qu'elle habiterait avec sa compagne. On imagine les suites d'une telle intervention : aussi bien chez les deux femmes complètement écœurées, que chez les parents partagés entre l'amour pour leur fille et le désir de plaire au Seigneur…
Face aux dégâts causés, il nous a fallu consoler les parents, visiter les deux femmes, les réconcilier avec les parents, les inviter à la maison, répondre à leurs interrogations, leur confirmer les inévitables exigences de la Parole de Dieu en matière de sexualité… sous ses diverses formes ! Mais surtout, nous avons insisté sur le fait que là n'était pas la priorité, mais bien leur rencontre avec Celui qui les aimait tellement qu'Il avait donné sa vie pour elles : le reste viendrait après… Bref ! Je passe sur les détails du chemin parcouru ensemble : la fille de nos bien-aimés a donné sa vie à Jésus-Christ, puis a vécu une délivrance à la fois déchirante et glorieuse. Elle est maintenant mariée et mère de famille, marchant fidèlement avec son Sauveur. Sa compagne est toujours en lutte avec le Seigneur et un vieux problème d'alcoolisme : elle lit sa Bible, nous téléphone ou nous écrit de temps à autre…
Je songe aussi à un couple d'homosexuels masculins que nous recevons à la maison. Ils connaissent nos convictions mais ils savent aussi que nous ne les jugeons pas : une fois encore, notre priorité va au partage de notre foi plutôt qu'à celui de nos valeurs morales. Soit dit entre parenthèses, ils forment un "couple" fidèle et discret, vivant leur homosexualité sans aucune ostentation. Ils sentent très bien que nous sommes "cool" à leur égard et cela les met à l'aise pour se mettre à l'écoute de notre témoignage d'enfants de Dieu. Nous ne cherchons d'ailleurs pas à leur arracher une décision prématurée; notre combat est ailleurs : il est dans la prière, laissant à l'Esprit Saint le soin et le temps d'accomplir son œuvre en eux…
Ce double témoignage expliquera mon désarroi lorsque, il y a quelques mois, j'ai reçu un courrier — au titre de président de l'Alliance Évangélique Francophone de Belgique — me demandant de diffuser une pétition s'insurgeant contre les lois en faveur des homosexuels de Belgique. Comme bien souvent, cette pétition comportait un bref message, adressé aux autorités de notre pays suivi des emplacements traditionnels permettant aux signataires de décliner leurs noms, adresses et qualités… Jusqu'ici, rien que de bien normal ! Par contre, la lecture du texte m'a laissé atterré : rédigé dans le plus pur "patois de Canaan", il se limitait à rappeler en quelques lignes lapidaires que l'homosexualité est "une abomination aux yeux de Dieu" (Lévitique 18 : 22) et que "les homosexuels n'hériteront pas du Royaume de Dieu" . (1 Corinthiens 6 : 10)
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Distinguer le péché du pécheur…
Qu'on me comprenne bien :
1° Je partage l'inquiétude de la plupart des croyants — et de beaucoup d'incroyants — à propos de la boîte de Pandore que représentent certaines lois en préparation, et qui seront peut-être "passées" au moment où paraîtront ces lignes.
2° Je suis également convaincu de la nécessité de faire connaître nos positions évangéliques sur ce sujet aux autorités de notre pays, afin qu'ils en tiennent compte, autant que possible.
3° Je suis totalement pénétré de l'idée qu'un croyant doit, sans aucun compromis, se soumettre à l'autorité de la Parole de Dieu, en ce domaine comme en tout autre… Mais de grâce : pas n'importe comment ! Jeter ainsi l'anathème aux homosexuels, sans nuances et sans explications, me paraît à la fois injuste et stupide.
"Un texte hors de son contexte n'est qu'un prétexte !" affirme un aphorisme bien connu des évangéliques. En l'occurrence, les passages bibliques relatifs à l'homosexualité présentent — comme tous les textes relatifs aux questions d'éthique — un niveau d'exigences tel qu'ils ne sont compréhensibles et accessibles qu'à ceux "qui ont reçu miséricorde pour être fidèles" (1 Corinthiens 7:25). En conséquence, "balancer" sans plus ce genre de versets bibliques à la tête des athées et des agnostiques — ce que sont la plupart des parlementaires, sénateurs et députés — ne peut que contribuer à nous faire passer pour une secte de fanatiques irresponsables…
Cette manière de faire, en effet, ne rend pas justice à l'Évangile de Jésus-Christ qui est l'annonce d'un message d'amour, de pardon et de libération. Hors, pour que cette "bonne nouvelle" soit perceptible, il est indispensable de distinguer le péché du pécheur qui le commet : car autant le Seigneur déteste le premier, autant Il aime le second ! — D'où le titre un peu provocateur de cette brochure. — Si l'on prétend annoncer le dessein de Dieu, il importe donc de maintenir cette distinction, aussi bien dans nos propos que dans notre comportement… aussi bien pour l'homosexualité que pour tout autre péché, d'ailleurs.
À ce propos, il peut être utile de rappeler que la tentation n'est pas le péché. Jésus Lui-même "a été tenté comme nous, en toutes choses, sans commettre de péché"… C'est aussi la raison pour laquelle "nous n'avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse compatir à nos faiblesses : au contraire !" (Hébreux 4:15) L'expression "en toutes choses" – littéralement "en tout" – ne signifie pas que Jésus ait été tenté par tous les péchés qui existent — et donc par l'homosexualité — mais dans tous les domaines… En conséquence, au niveau de sa sexualité aussi, mais sans que l'on sache la nature de cette tentation, puisque les Évangiles n'en parlent pas ! Toujours est-il que nous devons prendre garde à ne pas confondre ceux qui ont des pulsions homosexuelles maîtrisées avec ceux qui ont des pratiques homosexuelles.
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Une pureté sexuelle valable pour tous…
Une "abomination" parmi d'autres…
Cette méprise est aussi injuste que de ne pas faire la différence entre une personne hétérosexuelle tentée par l'adultère, mais qui y résiste, et une personne vivant carrément dans l'adultère. Or, plus que tous les autres, les chrétiens ou les chrétiennes qui se sont découvert des penchants homosexuels souffrent de cette confusion. Ils n'ont pas plus choisi d'être homosexuels que d'autres ont choisi d'être hétérosexuels… Si bien qu'être homosexuel abstinent n'est pas plus un péché que d'être hétérosexuel abstinent. D'ailleurs, les uns comme les autres — et surtout les chrétiens — sont appelés à affronter "les passions qui combattent dans leurs membres" (Jacques 4:1) et à soumettre leur sexualité aux principes de la Parole de Dieu.
De ce point de vue, la Bible est claire : les relations sexuelles ne sont jamais licites en dehors de l'engagement du mariage. Dès lors, toute chrétienne, tout chrétien célibataire soucieux de se soumettre à cette exigence de sainteté acceptera aussi de vivre dans la continence… Et il n'y a pas de raison de croire que ce soit plus facile pour les hétérosexuels que pour les homosexuels ! Certes, a priori, ces derniers ne bénéficient pas des mêmes perspectives d'avenir que les croyants hétérosexuels, puisqu'ils doivent abandonner l'espoir de pouvoir un jour satisfaire leurs inclinations spécifiques dans le cadre d'une union qui serait légitime aux yeux de Dieu. Toutefois, il ne semble pas que ce renoncement soit plus difficile à accepter que celui des chrétiennes et chrétiens hétérosexuels qui ont tourné le dos à un amour impossible ou illégitime et qui ont définitivement accepté l'idée de rester célibataires plutôt que de se mal marier.
Pour ceux — les hétérosexuels comme les homosexuels — qui sont tombés dans l'impudicité, l'Église aura d'autant plus un rôle important à jouer, que seule la prière de la foi et la puissance de la Croix sont susceptibles de les délivrer de comportements "dont ils rougissent aujourd'hui et dont la fin est la mort." (Romains 6:21)… Dès lors, on comprendra pourquoi les homosexuels souffrent d'être regardés comme des "anormaux". Pour être différent, leur problème n'en est pas moins comparable à celui de toute personne qui décide de "vivre pieusement pour Dieu"… Pour être différent — et sans le minimiser pour autant — leur péché n'est pas plus "abominable" que d'autres péchés sexuels (Lévitique 18) ou que d'autres "abominations" dénoncées dans la Bible et dont nos églises font bien moins de cas. Pourtant, telle est bien la situation de ceux :
- qui sacrifient leurs enfants sur l'autel du dieu Mammon et de la réussite sociale (Deutéronome 12.:31);
- qui réservent à l'œuvre de Dieu les miettes de leur budget (Deutéronome 17:1);
- qui vivent dans la dépendance d'un véritable culte idolâtre à leur téléviseur (Deutéronome 17:3);
- qui consultent leur horoscope ou suivent des thérapies occultes (Deutéronome 18:10-12)…
La souffrance des homosexuels — surtout s'ils ont succombé à leurs pulsions — est d'autant plus grande que leur problème se heurte à l'incompréhension bien peu "évangélique" entretenue dans certaines églises. Le tabou auquel ils se heurtent les empêche de facto de s'ouvrir à qui que ce soit. Souvent, ils préfèrent se priver d'aide, plutôt que de prendre le risque de se voir radicalement condamnés et marginalisés par leur assemblée… Car pour eux, l'injustice est d'autant plus grande — et réelle — qu'ils se sentent jugés, regardés avec dégoût, comme des monstres que d'inavouables turpitudes auraient conduits à se vautrer au plus profond du vice, du stupre et de la volupté. Certes, la Bible parle bien "d'abomination" et sans doute est-ce le cas de tous ceux qui revendiquent leur homosexualité avec fierté, pratiquant un prosélytisme forcené — lors de l'une ou l'autre "gay-pride" — ou s'adonnant à une propagande plus subtile au travers de diverses manifestations culturelles : cinéma, théâtre, chansons, littérature, etc.
Toutefois, dans la plupart des cas rencontrés au sein de nos communautés, il serait sans doute plus judicieux de parler "d'aberration"… Comme je l’ai déjà signalé, on ne peut nier ou méconnaître les mécanismes psychologiques infiniment subtils et variés qui expliquent la multiplication de ce genre de "dysfonctionnement" au sein de notre société. Le plus connu est lié à la multiplication des familles "monoparentales" où le petit garçon élevé par sa maman ne trouve pas toujours de modèle masculin auquel s'identifier… Mais que ces mamans se rassurent, il n'y a pas de fatalité : l'installation de tendances homosexuelles nécessite souvent la conjonction de plusieurs facteurs.
Un accueil amical des homosexuels…
Toujours est-il que nous devrions apprendre à regarder les homosexuels — aussi bien ceux qui sont "actifs" que les "abstinents" — comme les victimes d'une société malade et non comme les responsables de ce mal-être social. (Marc 2:17) Nous ferions ainsi de nos églises des lieux d'accueil et non de rejet : certaines le font déjà pour les couples vivant en concubinages ou en adultère. En parlant ainsi, je pense à l'accueil de ces personnes et non à l'approbation de leur péché, bien sûr ! De ce point de vue, l'attitude de Jésus envers la femme adultère est particulièrement significative. "Jésus lui dit : Femme, où sont ceux qui t'accusaient ? Personne ne t'a-t-il condamnée ? Elle répondit: Non, Seigneur ! Et Jésus lui dit : Je ne te condamne pas non plus. Va, et ne pèche plus." (Jean 8:1-11, extrait)
Je sais que plusieurs ont déjà la chose à cœur, mais nous devons absolument dépasser les tabous qui nous paralysent, faire sauter les verrous de la peur et accueillir avec une affection sincère les couples d'homosexuels et de lesbiennes que le Seigneur — soyons en sûrs — mettra de plus en plus souvent sur notre chemin. "La crainte n'est pas dans l'amour, mais l'amour parfait bannit la crainte; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n'est pas parfait dans l'amour." (1 Jean 4:18)
Il n'est pas ici question de banaliser, d'approuver ou de "normaliser" l'homosexualité en niant les problèmes qui y sont afférents, mais tout simplement de laisser aux choses le temps de suivre une évolution normale sous la conduite de l'Esprit Saint. À nous d'aimer, d'entourer, de comprendre, de prier, d'enseigner, d'amener au pied de la croix… Au Seigneur de juger, de pardonner et de délivrer avec un amour et une justice que nous connaissons bien pour en avoir bénéficié nous-mêmes ! La sanctification n'est jamais acquise une fois pour toutes : pour chacun, pour chacune d'entre nous, elle est le fruit d'un cheminement et même — osons le dire — le résultat d'une lutte de tous les jours contre notre vieille nature.
"Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair : j'ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien. Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. […] Je trouve donc en moi cette loi, quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi. Car je prends plaisir à la loi de Dieu, selon l'homme intérieur; mais je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de mon entendement, et qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres… Misérable que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ?" (Romains 7:18-24, extraits)
De quel droit nous montrerions-nous plus exigeants et plus impatients envers les homosexuels qu'envers nous-mêmes ? Il nous faut d'ailleurs confesser un manque d'amour coupable… Car, que se passe-t-il dans les faits ? Bien souvent — pas toujours — les chrétiens qui découvrent leur homosexualité se sentent tellement incompris dans nos communautés qu'ils vont chercher ailleurs ce qu'ils n'ont pas trouvé chez nous : un peu de l'amour du Seigneur… Que dire alors des couples homosexuels qui nous visitent en quête de repères ? Ils s'enfuiront écœurés si notre intolérance et notre sectarisme leur interdisent tout véritable dialogue…
Et où va-t-on retrouver tout ce petit monde ? Dans des clubs gays et des associations lesbiennes où ils se sentiront enfin acceptés… À moins qu'ils ne soient en train de participer à une "gay pride" pour obtenir la reconnaissance d'une législation définitivement démagogique, soucieuse de séduire une population d'électeurs en perte de références morales. Hélas ! Comme on l'a déjà vu à propos du divorce et de l'avortement, beaucoup de croyants semblent considérer que tout ce qui devient légal devient aussi moral, voire biblique !
Les églises "homosexuelles"… La quête d'alibis "bibliques"…
La présence au monde des églises…
Mais il y a pire : quand on prend la peine de surfer un peu sur le Web, on découvre de plus en plus souvent des églises ou communautés chrétiennes qui se veulent homosexuelles… Et, comme on peut faire dire à peu près n'importe quoi à la Bible, les ficelles de leur exégèse sont aussi grosses que des amarres de bateau. C'est ainsi que l'amitié de David pour Jonathan se transforme en un modèle de liaison homosexuelle approuvée de Dieu, aussi bien que l'affection de Jésus pour Jean, le disciple bien-aimé. "Je suis dans la douleur à cause de toi, Jonathan, mon frère ! Tu faisais tout mon plaisir; ton amour pour moi était admirable, au-dessus de l'amour des femmes." (2 Samuel 1:26) "Un des disciples, celui que Jésus aimait, était couché sur le sein de Jésus." (Jean 13:23)
Cette lecture, bien sûr, n'est que l'expression d'une totale méconnaissance des cultures étrangères à la nôtre : Jésus et ses disciples mangeaient allongés sur des canapés disposés autour de la table. De plus, dans les pays où les hommes et les femmes vivent en communautés pratiquement séparées, les hommes ont, les uns avec des autres, des gestes amicaux qui peuvent nous paraître ambigus. C'est ainsi qu'en Afrique, en Orient, en Inde… il est fréquent de voir deux hommes marcher en se tenant par la main — parfois les doigts enlacés — sans que cela n'exprime la moindre homosexualité. On retrouve cette liberté de parole et de geste dans les deux textes ci-dessus et, franchement, il faut avoir l'esprit tordu pour y voir autre chose que l'expression d'une amitié masculine profonde, certes, mais sans ambiguïté !
Cela ferait même sourire si l'on ne réalisait le piège que de tels sophismes représentent pour ceux et celles qui cherchent désespérément une porte de sortie à la fois honorable pour leur foi et compatible avec leur nature. Pour les lesbiennes et les homosexuels chrétiens — que leur Christianisme soit authentique ou sociologique — ces communautés homosexuelles paraissent souvent proposer la famille aimante et compréhensive qu'ils n'ont pas trouvée dans nos églises traditionnelles… qui, de ce fait, se trouvent confrontées à un nouveau défi !
Certes, il nous appartient de tout faire pour fixer certaines limites à la législation, quand elle risque de dépasser le cadre des libertés individuelles et d'encourager des orientations aberrantes, voire d'engendrer des déviations contraignantes… Plus encore qu'à la légalisation permettant le mariage des couples homosexuels, je songe ici à l'adoption d'enfants par ces mêmes couples. Et si je m'inquiète ainsi, c'est autant pour des raisons d'ordre psychologique que spirituel. Car pour exercer une telle pression sur les pouvoirs publics, il nous faut disposer d'une autorité morale suffisante et d'arguments recevables par tous, y compris par les incroyants. Or, une telle autorité ne pourra pas s'imposer dans un climat de croisade morale ou de guerre sainte, mais plutôt dans un climat de confiance et de respect réciproque.
D'un point de vue spirituel d'ailleurs, il n'est pas de démarche éthique qui puisse s'accomplir en dehors de l'amour… Or, s'il n'est pas d'amour véritable en dehors de la vérité, il n'est pas de vérité non plus en dehors d'un amour authentique : cet amour "agapè" qui nous fait aimer l'autre plus que nous-mêmes. "Que la grâce, la miséricorde et la paix soient avec vous de la part de Dieu le Père et de la part de Jésus-Christ, le Fils du Père, dans la vérité et l'amour !" (2 Jean 1:3)
Ce souci de vérité et d'amour n'est cependant pas inconciliable avec la nécessité de "se faire tout à tous ". Et, de ce point de vue, il est clair qu'une législation qui doit tenir compte de l'opinion des incroyants sera bien plus attentive aux arguments psychologiques défendus par les spécialistes de l'enfance qu'elle ne se montrera sensible à nos arguments théologiques. Sans le savoir, ces psychologues défendent aussi la vérité de Dieu, puisqu'il est le créateur de l'âme humaine et de ses arcanes… À nous d'en tenir compte dans notre argumentation !
Ne serait-il pas dommage — et dommageable — que ce soient les idées les plus intolérantes, le langage le plus sectaire, les options les plus fanatiques qui s'affichent et prétendent représenter la branche évangélique du Protestantisme belge. Personnellement, je sais que ces attitudes ne sont pas majoritaires et donc qu'elles ne sont pas représentatives de l'ensemble de la mouvance évangélique. Encore faudrait-il que la "majorité silencieuse" de nos assemblées se mobilise pour apporter sa contribution à une évolution des mentalités vers plus d'amour, plus de compréhension, plus de compassion : afin que s'ouvrent les cœurs… et les portes de nos églises !
"Comme le Père m'a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j'ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour. Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. C'est ici mon commandement, Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis."
(Jean 15:9-13)
Deuxième partie : SOMMAIRE DÉTAILLÉ
1. Rappel introductif
Une "aberration" plutôt qu'une "abomination"…
2. Libéralisme et fondamentalisme
Le nez sur le texte… Les compromis socioculturels… Mon option : "fondamentaliste" assurément !… Des condamnations bibliques hors de propos ?…
3. Tolérance et intolérance
Objectivité et subjectivité… Les philosophies : des
alibis moraux… La tolérance : une garantie de vérité?…
4. Le dessein de Dieu
La vocation du couple humain… L'homosexualité : une idolâtrie… Jésus et la loi de Moïse… La position "inférieure" de la femme ?… Confusion entre homosexualité et pédophilie ?… La restauration de la femme au sein du couple…
5. De l'abomination à l'homophobie
Définition de "l'abomination"… L'homosexualité : un interdit rituel obsolète ?… Le corps des croyants, temple du Saint-Esprit… Les homosexuels : associés à la restauration des eunuques ?…
6. Des sodomites à la sodomie
Le refus d'hospitalité : le péché de Sodome ?… Le matérialisme : l'autre péché de Sodome ?… Les "miasmes" des Sodomites…
7. L'amour de Jonathan pour David
David : un homme à femmes… Jonathan "attaché" à David… Jonathan : l'ami ou l'amoureux ?…
8. Le disciple que Jésus aimait
Une amitié privilégiée… Une indéfectible amitié… Un scénario douteux…
9. L'obscurantisme paulinien
Un texte dépourvu d'ambiguïté… Mais "quid" de son inspiration ?… L'homosexualité, archétype de l'idolâtrie… La tolérance d'une morale humaniste… Une rigueur intégriste déshumanisée… Des principes spirituels "responsabilisants"…
10. L'amour dans la vérité
Au nom de l'amour !… La passion amoureuse… Des amours homosexuelles respectables… Un amour "agapè" spirituellement responsable… La vocation du couple chrétien… Le mariage d'amour est-il le seul modèle acceptable ?…
11. La vérité dans l'amour
Quels critères de vérité adopter ?… Une exégèse signifiante… L'évidence du bon sens…
12. Un péché comme un autre
Discrétion biblique sur les secrets d'alcôve…Le péché, source d'anarchie et d'aberrations.
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Une "aberration" plutôt qu'une "abomination"…
Dans la première partie, j'ai défini l'homosexualité comme une "aberration"… Certains ont pu trouver le terme choquant, voire injurieux, pour qualifier une sexualité alternative tout à fait légitime; alors que d'autres l'auront jugé lénifiant par rapport au vocable "biblique" du Lévitique qui considère plutôt l'homosexualité comme une "abomination". Je voudrais montrer ici que le mot "aberration", même s'il ne se trouve pas dans le Texte, est le seul qui réponde vraiment à l'enseignement global de la Bible sur cette douloureuse question.
Si je tiens à le faire, c'est moins pour défendre une thèse personnelle que pour faire ressortir les implications de ce terme au niveau de la théologie du salut, et donc de la grâce divine. De toute façon, il nous faut aussi revenir sur l'interprétation des textes importants que nous n'avions fait que survoler dans cette "approche du bon sens".
Cette première approche visait aussi à montrer que l'on peut défendre les homosexuels sans défendre l'homosexualité… même si l'exercice peut paraître périlleux ! Une telle affirmation, évidemment, implique l'idée déplaisante que l'homosexualité est une pathologie, et les homosexuels les victimes de cette pathologie… Je vais y revenir. On n'est pas obligé de me suivre dans cette vision des choses, mais il faut bien admettre que si elle s'avérait exacte, cette perspective enfermerait les défenseurs de l'homosexualité dans une logique aussi aberrante que de se prétendre les défenseurs du cancer ou du sida… Affirmation qu'ils ne manqueront pas de taxer d'amalgame aussi outrageux que scandaleux !
Pour éviter le malentendu qui rendrait totalement vaine la lecture de l'étude qui suit, je la ferai précéder d'un chapitre qui pourrait aussi bien se trouver au début de n'importe quel article opposant les points de vue fondamentalistes et néo-libéraux. La nature même du débat et les arguments "bibliques" en présence m'obligeront d'ailleurs à revenir à cette antinomie tout au long de l'exposé.
Une dernière remarque enfin : par commodité, et bien que le terme ne soit pas encore repris au dictionnaire de la langue française, j'utiliserai fréquemment le vocable "homophilie" pour désigner une inclination homophile qui ne s'accompagne d'aucune pratique homosexuelle.
Le nez sur le texte… Les compromis socioculturels…
Mon option : "fondamentaliste" assurément !…
Des condamnations bibliques hors de propos ?…
Ayant passé mon adolescence dans la région namuroise, je pense avoir escaladé tout ce que les bords de Meuse comptent de rochers entre Dinant et Marche-les-Dames... Un jour, escaladant à mains nues une paroi rocheuse du côté de Dave, j'ai été surpris par un léger surplomb à quelques décimètres à peine du sommet. Hélas! Sans matériel, il m'était impossible de progresser ou de reculer. À plus de quatre-vingt mètres, j'étais tétanisé dans une position qui, les crampes commençant à se manifester, devenait plus périlleuse de minute en minute. J'étais sur le point de lâcher prise quand, ayant contourné l'obstacle, mes deux compagnons d'escalade réussirent à me récupérer par le sommet, au prix d'une manœuvre acrobatique particulièrement audacieuse. Je leur dois la vie, eux qui furent ce jour-là les instruments de la grâce d'un Dieu dont ils niaient pourtant l'existence.
Je n'ai jamais oublié la leçon : étudier son itinéraire avec le plus grand soin avant de commencer l'escalade, car une fois le nez sur le rocher, on manque du recul nécessaire pour évaluer les difficultés dans leur ensemble. Par la suite, plusieurs exégètes "évangéliques" m'ont paru reproduire mes erreurs de jeunesse : le nez sur le Texte, ils n'ont pas toujours le recul qui leur éviterait de "décrocher"… théologiquement s'entend ! D'autre part, les théologiens libéraux me paraissent prendre un tel recul, par rapport à ce même Texte, qu'il leur faudrait des jumelles de marine pour y voir encore le chemin à emprunter… À moins que, confondant escalade et expertise minéralogique, ils se perdent en conjonctures sur la nature volcanique ou sédimentaire des échantillons de roche prélevés sur une paroi – biblique – qu'ils ne songent même plus à franchir.
Ainsi, la question de l'interprétation du Texte biblique – aussi bien du point de vue exégétique qu'herméneutique – se heurte à l'éternel affrontement qui oppose la lecture libérale à la lecture fondamentale : cet antagonisme n'est pas près de se résoudre ! Car si chacun est d'accord pour dire qu'il faut remettre le Texte biblique dans son contexte historique, sociologique, économique, culturel… les points de vue diffèrent quant à l'étendue de cette démarche. Les fondamentalistes la limitent aux textes proprement dits, alors que les libéraux l'étendent aussi à leurs auteurs.
Dit autrement : les fondamentalistes estiment que les auteurs bibliques se sont exprimés dans le langage propre à leur époque, mais que le message ainsi transmis est lui-même éternel, puisque inspiré de Dieu. Pour les libéraux, au contraire, le message divin a été partiellement corrompu par les idées personnelles des auteurs : il doit donc être l'objet, non seulement d'une analyse critique, mais aussi d'une constante adaptation au contexte socioculturel de chaque époque.
On voit tout de suite le caractère inconciliable de ces deux approches : très "flexible" par nature, la lecture libérale de la Bible est susceptible à s'adapter sans trop de problèmes aux mœurs de chaque culture et de chaque époque… Tout au plus, le fait-elle avec un léger décalage temporel. De son côté, la lecture fondamentale s'efforce de s'approcher toujours plus de la Vérité éternelle et révélée… Vérité qui ne présente pas forcément un caractère passéiste ou fixiste, puisque plusieurs fondamentalistes sont bien conscients des lacunes et des erreurs du passé. Tout au plus s'efforcent-ils de serrer cette Vérité d'un peu plus près.
On devine aussi les tentations auxquelles ces deux lectures risquent de succomber. Dans son souci de "se faire tout à tous", le libéralisme risque de verser dans une théologie humaniste pratiquement "athée" et de laisser les mœurs de chaque époque présider à tous les compromis de son ecclésiologie, plutôt que de soumettre celle-ci à l'autorité de la Parole de Dieu. De son côté, soucieux d'éviter toute compromission, le fondamentalisme sera tenté de se mettre sur la défensive pour protéger des positions doctrinales ou "bétonner" des pratiques ecclésiologiques qui doivent plus à la tradition qu'à une saine exégèse du Texte Biblique. Ce faisant, le monde évangélique ne risque pas seulement d'être en retard d'une guerre, mais il peut parfois se constituer en un ghetto complètement déphasé par rapport au milieu socioculturel de son époque. Il se montre alors incapable de faire face aux problèmes de ses contemporains.
Malgré ces inévitables errances, c'est pourtant l'option fondamentaliste qui est devenue la mienne, car je suis intimement convaincu qu'elle est la meilleure, pour l'avoir maintes fois vérifiée : aussi bien par mon étude du Texte que dans mon expérience religieuse. Cette conviction n'implique pas une condamnation des positions néo-libérales, et encore moins des diverses positions intermédiaires cultivées au sein des héritiers de la Réforme. Elle est seulement l'affirmation d'un choix effectué en mon âme et conscience : choix qui m'oblige à prendre acte de l'antagonisme qui appert entre le concept d'une nécessaire adaptation du message et celui d'une approche toujours plus serrée d'un message éternel et immuable, puisque divinement inspiré.
C'est donc pour des raisons à la fois spirituelles et intellectuelles que je prends mes distances à l'égard de certaines orientations fondamentalistes quand la tradition supplante le Texte, et vis-à-vis de la plupart des positions libérales quand elles compromettent le Texte par souci de "se conformer au siècle présent". Ces dernières assertions impliquent des critiques qu'il me faudrait justifier… Je le ferai dans les chapitres qui suivent.
Mais dès maintenant, je voudrais prendre en considération l'argument le plus fréquemment utilisé par les promoteurs d'une homosexualité qu'ils voudraient "chrétienne". De façon générale, en effet, ils font remarquer qu'aucun passage de la Bible ne comporte une condamnation vraiment indiscutable de l'homosexualité. À première vue, cette affirmation paraît surprenante; pourtant elle n'est pas dénuée de fondement si l'on considère que les auteurs du Nouveau Testament ne parlent jamais de relations homosexuelles vécues au sein d'une liaison d'amour stable et durable. Quand ils abordent ce sujet, c'est toujours à propos de pratiques perverses et d'idolâtrie, voire dans un éventuel contexte de viol, de prostitution ou de pédophilie… Dès lors, nous n'avons pas à condamner une relation d'amour dont Jésus ne fait jamais mention et à laquelle la Bible ne se réfère pas davantage.
Le raisonnement est d'autant plus subtil qu'il paraît fondé et coupe l'herbe sous le pied à toute tentative de discussion sur le sujet. J'aimerais tout de même attirer l'attention sur le fait qu'il repose sur un postulat relativement fragile, à savoir que les relations homosexuelles sont aussi légitimes que les relations hétérosexuelles quand elles sont vécues au sein d'une relation d'amour authentique. J'en montrerai l'inanité tout au long de cette deuxième partie. Mais je ne voudrais pas passer outre de cet "argument" sans faire remarquer qu'il repose uniquement sur le silence du Nouveau Testament, et que – comme toujours – ce silence offre une autre lecture.
Bien qu'ils soient pratiqués depuis la plus haute antiquité, la Bible ne parle pas non plus des avortements volontaires… Pour une raison bien simple : à une époque où avoir beaucoup d'enfants était la plus grande fierté d'une femme, un avortement accidentel était toujours perçu comme un grand malheur, sinon comme un signe de malédiction. Dès lors, l'idée d'avorter volontairement ne pouvait que paraître une aberration totalement inconcevable. Dans la même logique, l'idée que deux hommes ou deux femmes puissent filer le parfait amour avec l'approbation de leur milieu social ou familial – voire avec la bénédiction divine – était tellement aberrante qu'il n'y a pas lieu de s'étonner si cette perspective n'effleure même pas l'esprit des auteurs bibliques… surtout si l'on tient compte du contexte judaïsant qui avait bercé leur jeunesse ! Même si ce n'est pas pour les mêmes raisons que d'autres, c'est à juste titre que je trouve ce silence éloquent.
Objectivité et subjectivité… Les philosophies : des alibis moraux…
La tolérance : une garantie de vérité ?…
Rappelons que, de façon générale, l'intolérance consiste à refuser aux autres le droit à la différence. Prendre acte de ces différences et essayer d'en comprendre la nature, l'origine et les implications n'a rien d'intolérant… du moins tant qu'on se base sur des critères objectifs. Lorsque les critères différenciateurs revêtent un caractère subjectif – tel que l'interprétation des faits objectifs – l'honnêteté intellectuelle voudrait que chacun présente sa propre conviction comme une opinion personnelle : respectable, certes, mais n'ayant pas plus de valeur qu'une autre.
Mais peut-être serait-il opportun d'illustrer mon propos. Je peux constater qu'une secte, par exemple, demande à ses adeptes de couper les ponts avec leurs familles… Jusque là, je relate une réalité objective : ce sont des faits vérifiables. Mais si j'ajoute que cela est dû à une mauvaise interprétation de la Bible, je me livre à une évaluation subjective du problème. Pour légitime que me paraisse cette analyse, elle n'est jamais qu'une interprétation personnelle des faits, fondée sur une interprétation personnelle de la Bible… L'une comme l'autre seraient sans doute contestées par les responsables de la secte en question, qui m'accuseraient de "procès d'intentions"! C'est la raison pour laquelle, dans ce genre d'histoire, les tribunaux préfèrent généralement s'en tenir aux faits.
La manifestation la plus fréquente de l'intolérance – avant tout soucieuse de justifier ses préjugés – s'accompagne donc :
1° d'une présentation tronquée des éléments objectifs du débat, puisque les données qui ne confirment pas les apriorismes sont systématiquement ignorées, écartées ou contestées… Dans notre exemple, la secte nierait le fait qu'elle exige de ses membres une séparation d'avec leur famille.
2° de la volonté d'assimiler les éléments subjectifs à des données objectives, puisque l'interprétation particulière d'un fait ou l'exégèse personnelle d'un texte devient un élément de preuve… Dans notre exemple, j'essayerais de prouver que la Bible n'exige pas cela des croyants, et donc que la secte a tort de le faire.
En réalité, la secte a tort, bien sûr, mais pour des raisons liées aux droits et à la liberté de la personne humaine… Mais j'ai tort aussi! Car en essayant de prouver que la secte donne une mauvaise interprétation de la Bible, j'avalise l'alibi pseudo-religieux qu'elle s'était trouvé en recourant à la Bible pour justifier son atteinte aux droits de l'homme.
À propos d'alibis, il est souvent intéressant de comparer les écrits d'un auteur à sa biographie. Une comparaison attentive de la période de rédaction de ses écrits avec la chronologie de son vécu montre que ses idées ne président pas à ses choix de vie, mais qu'elles leur servent plutôt de justification, voire d'alibi social, philosophique ou religieux. Cela est valable pour la plupart des auteurs, qu'ils soient profanes ou croyants… Moi compris ! Il est plus que probable, en effet, que cet écrit serait différent si j'avais moi-même des pulsions ou des pratiques homosexuelles.
Tout cela explique pourquoi, dans la première partie, j'ai préféré faire appel à des évidences biologiques incontestables, plutôt qu'aux textes de la Bible susceptibles de nous éclairer sur l'homosexualité. Car, comme je viens de le dire, les mêmes passages bibliques peuvent parfois servir à justifier un point de vue et son contraire. Tant et si bien que la plupart des chrétiens – qu'ils soient de tendance libérale ou fondamentaliste – en viennent à perdre leur confiance dans la Bible, puisque finalement, tout leur paraît dépendre d'une interprétation par trop aléatoire !
Il est vrai que le "comprendre pour croire" des libéraux suit parfois une voie parallèle au "croire pour comprendre" des fondamentalistes, mais comme c'est en sens inverse, leurs chemins ne font encore que se croiser ! Il est vrai que j'aime me lancer dans de grandes controverses avec des collègues plus ou moins libéraux, car la force de leurs arguments m'oblige à affiner les miens. Cependant, j'estime que ce genre de débat est susceptible de troubler les croyants les plus faibles, et n'a pas à être livré en pâture sur la place publique.
J'aurais donc pu en rester là… Mais que je le veuille ou non, le débat se trouve maintenant sur la place publique, jetant le trouble dans nos milieux évangéliques. Non que nos chrétiens versent en bloc dans la libéralisation de la foi, mais – et c'est plus grave au niveau du témoignage – la plupart s'engagent dans un durcissement de positions qui frisent parfois l'intégrisme. Les choses étant ce qu'elles sont, garder davantage le silence deviendrait une sorte de lâcheté à laquelle je ne puis me résoudre. Ce silence ne pourrait que contribuer à entretenir le relativisme dont la Bible est de plus en plus l'objet, les chrétiens néo-libéraux n'hésitant pas à y faire appel pour défendre leurs thèses.
À vrai dire, ce n'est pas tellement l'extrême tolérance de leur thèse qui me dérange : il me conviendrait assez de pouvoir les adopter en mon âme et conscience, et de m'abandonner ainsi à la vague porteuse… Non ! Ce n'est pas cette tolérance elle-même qui me gêne, car je n'y reconnais pas une forme de fausse tolérance, qui ne serait jamais qu'un aveu de faiblesse. En réalité, ce qui me dérange c'est qu'on veuille faire de cette vraie tolérance une garantie de vérité ou de justice : ce qu'elle n'est jamais, évidemment, aussi sincère soit-elle ! Surtout quand elle touche au domaine de la foi… car alors, grande est la tentation de la justifier par un choix arbitraire de passages bibliques plus ou moins tronqués pour les besoins de la démonstration.
Or, ce qui est en cause ici, ce n'est pas l'honnêteté des théologiens néo-libéraux, mais bien le principe porteur de leur théologie. Une fois encore, nous nous trouvons confrontés à la même question : Faut-il soumettre la révélation biblique aux exigences de notre tolérance, ou ordonner notre tolérance sur les exigences de la révélation biblique ? Et une fois de plus, les fondamentalistes ont choisi la deuxième solution, alors que les libéraux ont favorisé pour la première option… Mais ce faisant, ils ont prêté à la Bible une intolérance avec laquelle ils ont dû prendre leurs distances, afin de satisfaire aux besoins de la démonstration… Car, qui dit démonstration, dit hypothèse, et donc idée préconçue…
Voilà pourquoi, sans prétendre me poser en défenseur de la Bible ou de la Vérité révélée – je n'en suis pas détenteur – je ne puis me soustraire à l'obligation morale de reprendre le débat, là où je l'avais laissé.
La vocation du couple humain… L'homosexualité : une idolâtrie…
Jésus et la loi de Moïse… La position "inférieure" de la femme ?…
Confusion entre homosexualité et pédophilie ?…
La restauration de la femme au sein du couple…
Comme je l'ai déjà dit, pour les croyants, il est indéniable que la question de l'homosexualité possède plusieurs implications religieuses. Personnellement, cette dimension spirituelle me paraît mise en cause chaque fois que l'on prétend affirmer la normalité d'un comportement qui s'oppose à l'intention du Seigneur ou à la vocation de l'humanité, telles que Dieu les a clairement fixées, depuis l'origine. Or, l'homosexualité active se trouve en contradiction flagrante avec ce que la Bible nous dit de la création de l'humanité: "Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, mâle et femelle il les créa. Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et assujettissez-la…" (Genèse 1:27-28)
J'ouvre rapidement une parenthèse pour dire qu'il serait abusif de voir ici une première "bénédiction nuptiale" initiée par Dieu lui-même : la formule de bénédiction est pratiquement la même qu'au verset vingt-deux à propos des animaux aquatiques et des oiseaux.
Cela dit, ce texte peut paraître bien prosaïque. Mais il présente le mérite de la clarté. Ne laissant planer aucune ambiguïté quant à la finalité du couple humain, il ferme la porte à la constitution de couples homosexuels… même quand ces derniers sont fondés sur des liens affectifs sincères !
Tout d'abord, et même si elle n'est pas sa seule raison d'être, la fécondité – "Soyez féconds !" – apparaît ici comme la finalité première du couple. D'autre part, cette fécondité implique, non l'identité, mais la nécessaire complémentarité des deux partenaires puisque l'homme est créé "mâle et femelle". C'est un peu comme si la réunion de cette double nature – à la fois masculine et féminine – était indispensable pour que l'être humain puisse se réaliser pleinement en tant qu'entité, pour accomplir le destin de l'humanité naissante… Cette unité dans la complémentarité – ou cette complémentarité dans l'unité – apparaît aussi dans le passage suivant, puisque "ischa" est le féminin de "isch".
"Cette fois c'est l'os de mes os, c'est la chair de ma chair. C'est elle qu'on appellera femme ("ischa"), car elle a été prise de l'homme ("isch"). C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera (= se collera) à sa femme, et ils deviendront une seule chair." (Genèse 2:23-24)…
Ce passage ne confirme pas seulement le précédent, mais il vient le compléter. Car si la fécondité a pour but de "multiplier et de remplir la terre", elle trouve ici sa motivation dans "l'attachement", dans le lien profond qui pousse deux êtres humains à s'unir, non seulement à fonder un nouveau foyer, mais aussi une nouvelle famille… Or, qu'on le veuille ou non, ce "une seule chair", ce "un + un = un" n'est possible qu'entre partenaires, non seulement aimants, mais aussi interféconds !
Aussi, quand la Bible présente l'homosexualité active comme un péché, et même comme une "abomination aux yeux de Dieu", ce n'est pas tellement en tant que pratique sexuelle, mais plutôt en tant que refus de l'ordre établi par Dieu dans la création. Du point de vue spirituel, le regard complaisant que le croyant pourrait être amené à jeter sur sa propre homosexualité me paraît donc plus inquiétant que le fait de succomber occasionnellement à ses pulsions sexuelles.
À ce propos, et comme je l'avais déjà signalé, il est intéressant de noter que ce n'est pas seulement l'homosexualité, mais aussi les différents manquements à cet ordre créationnel qui sont qualifiés "d'abominables" dans la Bible. La plupart de ces "abominations", en effet, procèdent d'une idolâtrie dont l'homosexualité apparaît comme l'archétype. En effet, l'être humain qui s'engage dans une relation homosexuelle nie, d'une certaine façon, la complémentarité de l'homme et de la femme; ou du moins il se montre incapable d'assumer la différence qui le distingue d'une personne de l'autre sexe. Il préfère investir sa confiance dans un autre lui-même, estimant ce dernier plus apte à répondre à ses attentes. Or, cette démarche est le reflet exact de ce qui se passe pour l'idolâtrie dans le domaine spirituel.
L'être humain refuse d'admettre qu'il a été créé à l'image de son Créateur et pour vivre en relation avec lui. Dès lors, il se montre incapable d'assumer la complémentarité qui existe naturellement entre l'homme et Dieu. Croyant ce dernier trop distant – ou complètement absent – il pense ne rien pouvoir attendre de lui. Dès lors, il préfère investir sa confiance dans d'autres être humains ou dans des valeurs temporelles, telles que la richesse, le pouvoir, le succès, le plaisir, l'amour, les voitures, la télévision, le sexe, etc. – D'où le Panthéon présent dans la plupart des religions anciennes, chaque dieu ayant sa "spécialité". – Autrement dit, l'homme se choisit des idoles, il en vient à adorer la créature ou la création plutôt que le Créateur !
Cette attente d'un bonheur venant de l'alter ego – l'autre soi-même – plutôt que du tout autre est le principe même de l'idolâtrie, dont l'homosexualité apparaît donc comme l'illustration "parfaite"… Bien que, dans une certaine mesure, les diverses formes d'inceste soient des "abominations" qui procèdent d'une logique plus ou moins similaire.
Mais, toutes les "abominations" ne symbolisent pas l'idolâtrie aussi bien que le refus de la complémentarité qui se manifeste tout naturellement dans les relations sexuelles entre personnes de sexes différents. La zoophilie, au contraire, apparaît comme le refus des distinctions qui séparent des êtres vivants créés "chacun selon leur espèce". (Genèse 1:21-25). Elle se concrétise alors par la recherche de relations sexuelles contre-nature, entre l'être humain et divers animaux. Aussi, la bestialité est qualifiée de "confusion" – hébreu "tebel" – par le Lévitique (18:23)… Tout comme le fait, pour un homme, de coucher avec sa belle-fille (20:12), cette "confusion" s'inscrit parmi des pratiques sexuelles "abominables" qui, elles aussi, manifestent un refus ou un mépris de l'ordre créationnel.
D'autre part, les chrétiens qui rejettent ou condamnent les homosexuels sur la seule base de leur propre répulsion – leur lecture légaliste des textes ne servant que d'alibi – manifestent un manque de charité tout aussi coupable, puisque tout autant asservi à leurs pulsions. Encore une fois, il est clair que l'on ne peut pas toujours commander à ses pulsions ou à ses répulsions; mais il est tout aussi évident que l'on peut choisir d'être tolérant ou intolérant envers ceux et celles qui sont différents de nous… À chacun d'éviter les provocations inutiles !
Quoi qu'il en soit, seule une attitude empreinte d'amitié et même d'amour pour les homosexuels, aussi bien qu'une relation fondée sur la compréhension de leur problème me semble pouvoir répondre aux exigences de la Parole de Dieu à leur égard… Une attitude aussi charitable, hélas ! n'est guère possible quand on fonde son opinion sur les seuls textes de la Torah. "Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination." (Lévitique 18:22) "Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable; ils seront punis de mort, leur sang retombera sur eux." (Lévitique 20:13)
Chacun connaît ces deux textes du Lévitique. Ils paraissent d'une clarté tellement "biblique" que certains fondamentalistes n'hésitent pas à s'en servir comme de redoutables massues pour écraser toute contestation dans l'œuf… voire tout contestataire potentiel !
Pour ma part, et avec d'autres fondamentalistes, je considère que ces passages font partie de la Loi mosaïque. Aussi, à l'exemple de Jésus – en Matthieu 5 et 6 – je me sens la pleine liberté de me distancier de ces textes : non pour en nier l'essence, mais bien pour en dépasser le caractère légaliste et découvrir le principe spirituel qui se cache derrière eux… sans être moins exigeant pour autant, d'ailleurs ! En d'autres termes, j'ai le devoir de dégager l'esprit qui est enfermé dans la lettre, et donc de me demander pourquoi l'homosexualité est ici taxée d'abomination ?… Non que j'aie besoin de comprendre pour obéir; mais j'ai besoin de comprendre pour m'initier à penser comme mon Seigneur. Je crois avoir déjà posé quelques jalons, et le reste de cette étude ne fera que les renforcer.
Aux yeux des néo-libéraux, la simplicité même de ces textes paraît trop abrupte. La clarté de leur formulation en devient même suspecte : ils doivent certainement dire autre chose que ce qu'ils ont l'air de dire ! Si bien qu'ils nous proposent une argumentation un peu plus complexe. En fait, ce ne serait pas la relation sexuelle, en tant que telle, qui serait ici condamnée par Moïse, mais le fait qu'au cours des rapports homosexuels, l'un des deux hommes joue le rôle de la femme. Or le fait d'être ainsi assimilé à une femme le placerait en position d'infériorité par rapport à son partenaire.
En l'occurrence, la "position" de la femme n'a rien à voir avec le Kama Sutra, mais bien avec son statut d'être réputé "inférieur" aux yeux de la tradition juive : aussi bien du point de vue social, moral que spirituel… D'où la prière quotidienne du Juif pieux : "Seigneur, je te remercie de ce que tu ne m'as pas fait goï, ou femme…" L'argument est séduisant… du moins si l'on se contente de considérer le contexte social de l'époque : celui-ci faisant de la femme un simple "bien de consommation" pour l'homme.
Par contre, comme je viens de le rappeler, si l'on remet le texte dans son contexte biblique immédiat, il se trouve clairement inscrit dans une liste de relations sexuelles répréhensibles et aussi condamnables que la zoophilie, par exemple, parce que "contre-nature", c'est-à-dire contraire à l'ordre établi par Dieu dans la création. Il est donc impossible, sur la base de ces deux textes, de débarrasser la condamnation de l'homosexualité de toute connotation sexuelle… même si ceux-ci envisageaient une "infériorisation" sociale de l'homme : ce qui n'est pas du tout impossible.
La lecture traditionnelle de ces passages, en effet, n'est pas radicalement incompatible avec celle que nous proposent les libéraux. Il ne faut pas oublier que l'auteur de ces passages était un Hébreu, donc un Sémite, c'est-à-dire un Oriental qui ne raisonnait pas en terme d'exclusions comme les cartésiens occidentaux que nous sommes – "Si ceci est vrai, cela ne peut pas l'être ! – mais il pensait de façon synthétique, voire paradoxale : "Ceci est sans doute vrai, mais cela l'est tout autant !"
Toutefois, quand je lis les enseignements du pharisien converti qu'était Saul de Tarse, je demeure tout de même réservé vis-à-vis de cette prétendue "infériorisation". L'apôtre Paul, en effet, reprend la condamnation de l'homosexualité dans des termes pratiquement identiques; par contre, il prend soin d'associer cette homosexualité au pardon offert en Jésus-Christ. Ce passage de l'ancienne à la Nouvelle Alliance mérite d'être souligné, puisque désormais, quand on parle d'un péché, c'est moins pour le condamner que pour parler de rédemption… Mais – corollaire indissociable – quand on parle de rédemption, c'est qu'il y a eu péché !
"Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point le royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas, ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n'hériteront le royaume de Dieu. Et c'est là ce que vous étiez, quelques-uns d'entre vous. Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ, et par l'Esprit de notre Dieu." (1 Corinthiens 6:9-11)
À noter que dans ce passage, le français "homosexuel" traduit le grec "arsénokoïthès", c'est-à-dire "celui qui couche avec un mâle"… Le verbe "coucher" étant un euphémisme que l'usage de la racine "coït" devrait laisser sans ambiguïté. Par contre, il me paraît vraiment spécieux d'ergoter sur la forme que le coït peut prendre – anale ou vaginale – dès lors qu'il est illégitime. Les fondamentalistes qui estiment la première pratique plus coupable que la seconde semblent le faire sur la seule base d'une répulsion personnelle : respectable, sans doute, mais toute subjective.
Le radical "arrèn", pour sa part, désigne bien un "mâle" : le plus souvent un "homme mâle", mais parfois un "enfant mâle"… Si bien que certains libéraux ont vu dans ce vocable une condamnation de la pédérastie et non de l'homosexualité entre mâles adultes. Dans le contexte hellénique de l'époque, il est vrai que les adolescents étaient souvent initiés à la sexualité par leurs aînés. Mais il est douteux que Saul de Tarse, "Hébreu né d'Hébreu, élevé aux pieds de Gamaliel" ait put condamner la pédérastie pour mieux réhabiliter l'homosexualité entre adultes. Car sur les questions d'éthique, Paul ne renie pas les enseignements de la loi mosaïque : enseignements dont beaucoup relèvent somme toute d'une morale quasi universelle !
"Nous n'ignorons pas que la loi est bonne, pourvu qu'on en fasse un usage légitime; nous savons bien que la loi n'est pas faite pour le juste, mais pour les méchants et les rebelles, les impies et les pécheurs, les irréligieux et les profanes, les parricides, les meurtriers, les débauchés, les homosexuels, les voleurs d'hommes, les menteurs, les parjures, et tout ce qui est contraire à la saine doctrine, conformément à l'Evangile de la gloire du Dieu bienheureux, Evangile qui m'a été confié."
(1 Timothée 1:8-11)
Dans ce dernier texte, le français "homosexuel" traduit aussi le grec "arsénokoïtès"… dans lequel les libéraux voient la même référence à la pédérastie que plus haut. Mais encore une fois, si l'hypothèse ne peut être radicalement rejetée, elle demeure – et c'est peu dire – sujette à caution. Dans ces deux passages d'ailleurs, les homosexuels sont associés à d'autres formes de sexualités qui ne semblent pas plus coupables, ou moins condamnables que les pratiques homosexuelles :
- les débauchés – "pornos" – ou les prostitués,
- les fornicateurs – "moïchos" – les adultères ou les infidèles à la foi conjugale;
- les efféminés – "malakos" – ou les mous, les précieux… l'usage désignant un jeune homme qui se comporte comme fille publique, comme un "minet" en français.
Il est donc vrai qu'ici, Paul reprend à son compte les condamnations du Lévitique… même si c'est pour les associer à la rédemption ! Par contre, et malgré l'accusation de misogynie dont il est souvent l'objet, il me semble impossible d'ignorer que dans ses écrits épistolaires, Paul exclut toute infériorité sexuelle de la femme. Sur la question de l'égalité sexuelle de l'homme et de la femme, il se montre même prolixe…
"En Christ, il n'y a plus ni homme ni femme…" (Galates 3:28) "Toutefois, dans le Seigneur, la femme n'est point sans l'homme, ni l'homme sans la femme." (1 Corinthiens 11:11) "Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. Ce n'est pas la femme qui dispose de son corps, c'est son mari. De même, ce n'est pas le mari qui dispose de son corps, c'est sa femme. Ne vous privez point l'un de l'autre, si ce n'est d'un commun accord pour un temps…" (1 Corinthiens 7:3-5)
Dans un tel contexte, il apparaît bien difficile d'attribuer à une hypothétique "infériorisation" de l'homme la condamnation de l'homosexualité que Saul, l'ex-pharisien, aurait été récupérer dans la loi mosaïque. Finalement, et sans la rejeter formellement, je reste très réservé à l'égard de la lecture néo-libérale des deux passages du Lévitique. La lecture traditionnelle, toute fondamentale qu'elle soit, me paraît beaucoup plus sobre et plus respectueuse du contexte biblique… La sobriété – je n'ai pas dit le simplisme – demeurant une vertu majeure en matière d'exégèse biblique !
5
De l'abomination à l'homophobie
Définition de "l'abomination"… L'homosexualité : un interdit rituel obsolète ?…
Le corps des croyants, temple du Saint-Esprit…
Les homosexuels associés à la restauration des eunuques ?…
Beaucoup de chrétiens sont impressionnés par la façon dont le Lévitique qualifie les pratiques homosexuelles "d'abominations". Il est vrai que le terme n'est plus guère employé de nos jours, et il en paraît d'autant plus redoutable. Sans en minimiser la portée, il convient tout de même de ramener celle-ci à ses justes proportions.
Rappelons tout d'abord le sens de ce terme en français. Notre mot "abomination" vient du latin "abominari" qui signifie "repousser avec horreur"… comme un mauvais présage, puisque le verbe latin provient lui-même du mot "omen" qui signifie "présage". Voilà donc un mot dont la connotation religieuse ne fait pas de doute, même si son origine se trouve tout aussi manifestement entachée de superstition. À toutes fins utiles, rappelons aussi que le mot "horreur" vient d'un autre verbe latin, "horror" qui signifie "frissonner d'effroi". De façon plus concrète, on pourrait donc dire qu'une "abomination" c'est quelque chose que l'on repousse violemment parce qu'elle suscite en nous un frisson d'effroi… un peu comme la vue ou le contact avec un serpent ou une araignée ! Autrement dit, une chose ou une personne est moins abominable par ce qu'elle est en elle-même, que par la réaction de rejet qu'elle suscite chez les autres.
J'ai commencé par le français pour que l'on saisisse mieux le sens du mot hébreu "towebah" ou "to'ebah" qui garde la même connotation, puisqu'il signifie une "chose abominable", un "objet d'horreur"… Ici encore, donc, c'est la réaction suscitée qui est mise en exergue. Le verbe correspondant, "tawab", se conjugue d'ailleurs aussi bien à la voie active – abhorrer, avoir en horreur – qu'à la voie passive – être abhorré, être en horreur –… Mais ce qui est plus important encore, c'est que le verbe comme le nom sont l'objet de trois usages essentiels dans l'Ancien Testament. C'est ainsi que le mot "abomination" peut avoir :
1° le sens général d'une "chose dégoûtante, répugnante"… Mais c'est rare !
2° le sens moral d'une "chose méchante, malveillante"… C'est aussi très rare !
3° le sens rituel d'une "chose impure, interdite" par la Loi…
C'est évidemment ce dernier sens qui revient le plus souvent dans le Lévitique et – chose importante – c'est dans le contexte de ces "abominations" alimentaires ou sexuelles, et des "souillures" rituelles qu'elles entraînent, que se situent les pratiques homosexuelles des chapitres dix-huit et vingt. Un péché n'exclut pas l'autre, évidemment, mais une bonne exégèse nous interdit à coup sûr de confondre l'un avec l'autre.
Pour se convaincre du caractère spirituel des "abominations" et des "souillures" rituelles qu'elles transmettent, il suffit de constater qu'en dehors de quelques règles alimentaires et sexuelles, l'expression est pratiquement réservée à l'idolâtrie. C'est au point que dans les textes postérieurs au Pentateuque, le mot "abomination" ne se limite plus à qualifier l'idolâtrie, mais devient l'euphémisme désignant les idoles elles-mêmes. – Les "abominations" des peuples voisins d'Israël, ce sont leurs faux dieux. – Par contre, la solution imposée pour extirper l'idolâtrie demeure toujours aussi radicale : le "passage par interdit" vient confirmer, non la barbarie du Seigneur, mais le fait que c'est à son honneur même que ces fautes portent directement atteinte.
Cette remarque est essentielle à mes yeux, car les textes jugés les plus durs de la Bible ne font pas de l'homosexualité active un délit moral, mais bien une infraction religieuse… Est-elle une faute spirituelle pour autant ? D'un point de vue chrétien, en effet, il n'est pas plus choquant ou plus coupable de manger un rôti de porc plutôt qu'un rôti de bœuf : ce genre de tabou alimentaire est complètement dépassé. Dès lors, pourquoi serait-il plus indécent ou plus coupable d'avoir des relations homosexuelles plutôt qu'hétérosexuelles ? Si l'on s'en tient aux seuls textes de la loi mosaïque, elles sont aussi des tabous rituels. Aussi, en bonne herméneutique, il nous appartient de voir si ce tabou sexuel – qu'est l'homosexualité active dans l'Ancienne Alliance – peut être transposé tel quel dans le cadre de la Nouvelle Alliance… ou s'il doit "passer aux oubliettes" avec toutes les "abominations" alimentaires que sont : le civet de lièvre, le homard à l'Armoricaine, les écrevisses à la nage, les anguilles au vert, les escargots de Bourgogne et les autres horreurs gastronomiques dont se régalent nos bons chrétiens !
Très logiquement, la théologie libérale se rallie à cette dernière opinion. Pour elle, il est clair que les "interdits" rituels de l'ancienne alliance ne sont plus d'application dans la nouvelle, et qu'il serait arbitraire de faire une exception pour l'homosexualité. Ce genre de récupération ne peut qu'être le fruit d'une sélection artificielle opérée par des esprits conservateurs, timorés et réactionnaires. Si l'on veut demeurer conséquent avec la loi de Moïse, il faut la prendre dans sa globalité : soit pour la considérer comme définitivement obsolète, soit pour l'intégrer en bloc – tabous alimentaires compris – dans le cadre de nos pratiques ecclésiales… comme l'a fait l'Église Adventiste, par exemple.
Bien que les libéraux soient mal placés pour reprocher aux autres croyants d'opérer un tri parmi les textes bibliques, reconnaissons que l'argument est incontournable. Car, pour transposer l'interdit concernant l'homosexualité dans la nouvelle alliance, il faudrait prouver que, du point de vue spirituel, l'homosexualité se distingue des autres interdits légaux par sa nature intrinsèquement mauvaise et coupable. En d'autres termes – si l'on retient ce que j'ai dit des "abominations" – il faudrait prouver que l'homosexualité est idolâtre par nature…
Comme je vais le montrer, tous ceux qui ont déjà lu le Nouveau Testament – et y reconnaissent l'autorité de Dieu lui-même – n'auront aucun doute quant à la réponse positive qu'appelle cette dernière hypothèse. Toutefois – même si les pratiques homosexuelles y sont présentées comme des péchés – il faudra leur conserver le caractère de fautes spirituelles qu'elles ont dans le Lévitique si nous ne voulons pas trahir les textes… Autrement dit, il faudra veiller à ne pas transformer notre réflexion spirituelle en discours moralisateur !
Or, quelle est la position des auteurs néotestamentaires à l'égard des interdits légaux de la loi de Moïse ? On ne peut nier que le sort réservé aux tabous alimentaires est radicalement différent de celui accordé à la discipline sexuelle. Jésus déjà prend ses distances vis-à-vis d'éventuelles souillures alimentaires : "Il n'est hors de l'homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller; mais ce qui sort de l'homme, c'est ce qui le souille. […] Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui du dehors entre dans l'homme ne peut le souiller ? Car cela n'entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s'en va dans les lieux secrets, qui purifient tous les aliments." (Marc 7:15-20) Pour l'apôtre Pierre, passer de la lettre à l'esprit de la loi n'a pas été chose facile. Il a dû surmonter l'incoercible répulsion qu'éveillait en lui la simple vision d'aliments "abominables" : "J'entendis une voix qui me disait : Lève-toi, Pierre, tue et mange. Mais je dis : Non, Seigneur, car jamais rien de souillé ni d'impur n'est entré dans ma bouche. Et pour la seconde fois la voix se fit entendre du ciel : Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé !" (Actes 11:7-9)
Bien que pharisien, l'apôtre Paul manifeste très peu d'état d'âme vis-à-vis des interdits alimentaires, puisqu'il considère que même une viande sacrifiée aux idoles païennes ne peut souiller un chrétien : "Ce n'est pas un aliment qui nous rapproche de Dieu : si nous en mangeons, nous n'avons rien de plus; si nous n'en mangeons pas, nous n'avons rien de moins." (1 Corinthiens 8:8) "Car le royaume de Dieu, ce n'est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit." (Romains 14:17) La règle d'or, cependant, c'est de ne pas transformer la liberté chrétienne en pierre d'achoppement pour les croyants plus faibles dans la foi : "Car si, pour un aliment, ton frère est attristé, tu ne marches plus selon l'amour. Aussi, ne cause pas, par ton aliment, la perte de celui pour lequel Christ est mort." (Romains 14:15)
Par contre, Paul n'hésite pas à stigmatiser "les doctrines de démons" et "l'hypocrisie de faux docteurs" qui "prescrivent de s'abstenir d'aliments que Dieu a créés pour qu'ils soient pris avec actions de grâces par ceux qui sont fidèles et qui ont connu la vérité. Car tout ce que Dieu a créé est bon, et rien ne doit être rejeté, pourvu qu'on le prenne avec actions de grâces, parce que tout est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière." (1 Timothée 4:1-5, extraits)
De son côté, l'auteur de l'épître aux Hébreux rappelle que ces contraintes alimentaires faisaient partie de la "pédagogie de l'échec" employée par Dieu dans l'ancienne alliance. Celle-ci devait amener les croyants à admettre cette évidence : jamais ils ne pourraient accéder au salut par le biais de leurs seules "bonnes" œuvres. "Ne vous laissez pas entraîner par des doctrines diverses et étrangères; car il est bon que le cœur soit affermi par la grâce, et non par des aliments qui n'ont servi à rien à ceux qui s'y sont attachés." (Hébreux 13:9) "C'est un symbole pour le temps présent; il signifie que les dons et sacrifices présentés ne peuvent rendre parfait sous le rapport de la conscience celui qui rend ce culte; ils étaient avec les aliments, les boissons et les diverses ablutions, des ordonnances charnelles imposées seulement jusqu'à une époque de réformation." (Hébreux 9:9-10)
Il est évident que des règles alimentaires qualifiées "d'ordonnances charnelles" n'ont plus leur place dans la nouvelle alliance. Les préceptes de pureté sexuelle, par contre, se retrouvent apparemment inchangés dans de nombreux passages du Nouveau Testament. Si je dis "apparemment", c'est parce qu'on retrouve souvent les mêmes recommandations formelles à propos de la sexualité, mais avec une portée spirituelle considérablement "gonflée".
"Tout m'est permis, mais tout n'est pas utile; tout m'est permis, mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit. Les aliments sont pour le ventre, et le ventre pour les aliments; et Dieu détruira l'un comme les autres. Mais le corps n'est pas pour la débauche. Il est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera aussi par sa puissance. Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres de Christ ? Prendrai-je donc les membres de Christ, pour en faire les membres d'une prostituée ? Loin de là ! Ne savez-vous pas que celui qui s'attache à la prostituée est un seul corps avec elle? Car, est-il dit, les deux deviendront une seule chair. Mais celui qui s'attache au Seigneur est avec lui un seul esprit. Fuyez la débauche. Quelque autre péché qu'un homme commette, ce péché est hors du corps; mais celui qui se livre à la débauche pèche contre son propre corps. Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu." (1 Corinthiens 6:12-20)
Les impératifs de pureté sexuelle maintenus dans la nouvelle alliance ne sont donc pas les quelques rescapés ayant survécu aux ordonnances légales ou aux interdits rituels de l'Ancien Testament. Ces directives s'inscrivent désormais dans la logique du nouveau statut que les croyants ont acquis en Jésus-Christ. Le corps de chaque chrétien, de chaque chrétienne en effet, est devenu le temple du Seigneur, le "saint des saints" où l'esprit de l'homme est appelé à rencontrer l'Esprit de Dieu. Dès lors, l'image rituelle de la pureté physique, telle qu'elle était imposée dans l'ancienne alliance, se trouve complètement dépassée pour répondre aux exigences d'une pureté objective… bien que cette réalité relève du domaine spirituel.
En fait, si le croyant n'a pas le droit de faire n'importe quoi avec son corps, c'est parce qu'il l'a offert à Dieu pour que celui-ci vienne y habiter par son Esprit. "Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui… Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui… Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec vous : l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous." (Jean 6:56; 14:23; 14:16; etc.)
Dès lors, le corps du croyant se trouve soumis à des impératifs sexuels qui sont le reflet de sa relation nouvelle, unique et privilégiée avec Dieu. Et, très logiquement, toute forme d'idolâtrie sexuelle est assimilée à une profanation du temple de Dieu, c'est-à-dire à une forme de blasphème contre Dieu. Quant à ce que j'appelle "idolâtrie sexuelle" c'est toute forme de sexualité étrangère au dessein de Dieu, en l'occurrence : non représentative de l'union spirituelle qui unit le Christ à son épouse terrestre, l'Église… Le Nouveau Testament nous en propose d'ailleurs plusieurs listes : prostitution, adultère, débauche, impudicité et… homosexualité ! (1 Corinthiens 6:10; 1 Timothée 1:10; etc.) J'en ai déjà touché un mot plus haut, mais j'y reviendrai plus loin, à propos d'un amour vécu dans la vérité.
Pour la forme, j'aimerais encore dire quelques mots des eunuques qui sont parfois assimilés à des homosexuels… de façon un peu trop hâtive me semble-t-il. Bien que des pulsions homosexuelles ne soient pas exclues chez certains eunuques, il m'apparaît que la vraie raison de cette assimilation est la récupération des textes bibliques favorables aux eunuques pour les étendre aux homosexuels proprement dit. L'intention de ce "dérapage" volontaire – et très contrôlé – est d’associer à celle des eunuques "l'abomination" dont les homosexuels sont l'objet, pour les gratifier de la "rédemption" dont les eunuques ont fini par bénéficier et aboutir ainsi à la légitimation des rapports homosexuels.
Rappelons tout d'abord que le français "eunuque" traduit l'hébreu "saris", désignant littéralement un "castrat", c'est-à-dire un homme qui a été sciemment émasculé, ou qui s'est trouvé castré de façon accidentelle. Mais notre mot français vient du grec "eunouchos" qui, grosso modo, signifie "gardien du lit"; autrement dit: "intendant de la chambre à coucher", "chambellan" ou "intendant du harem"… Ce vocable laisse donc entrevoir les hautes fonctions dont un eunuque pouvait être chargé dans l'antiquité, tel le ministre de Candace, reine d'Éthiopie. (Cf. Actes 8:27-39) Si bien que le titre d'eunuque était parfois donné à des hommes qui en avaient la charge et la dignité, mais sans avoir été castrés !
Dans l'ancienne alliance, l'eunuque se trouvait l'objet d'une impureté rituelle – apparemment associée à sa stérilité – qui lui interdisait de s'associer aux cérémonies religieuses : "Celui dont les testicules ont été écrasés ou l'urètre coupé n'entrera point dans l'assemblée de l'Eternel." (Deutéronome 23:1) Même les animaux castrés ne pouvaient être offerts en sacrifice : "Vous n'offrirez point à l'Eternel un animal dont les testicules ont été froissés, écrasés, arrachés ou coupés; vous ne l'offrirez point en sacrifice dans votre pays." (Lévitique 22:24) Mais la restauration spirituelle des eunuques fut annoncée par les prophètes, avant même de devenir une réalité lors du baptême de l'eunuque éthiopien par le diacre Philippe.
"Que l'étranger qui s'attache à l'Eternel ne dise pas : L'Eternel me séparera de son peuple ! Et que l'eunuque ne dise pas : Voici, je suis un arbre sec ! Car ainsi parle l'Eternel : Aux eunuques qui garderont mes sabbats, qui choisiront ce qui m'est agréable, et qui persévéreront dans mon alliance, je donnerai dans ma maison et dans mes murs une place et un nom préférables à des fils et à des filles; je leur donnerai un nom éternel, qui ne périra pas." (Ésaïe 56:3-5)
"L'eunuque dit à Philippe : Je te prie, de qui le prophète parle-t-il ainsi ? Est-ce de lui-même ou de quelqu'un d'autre ? Alors Philippe, ouvrant la bouche et commençant par ce passage, lui annonça la bonne nouvelle de Jésus. Comme ils continuaient leur chemin, ils rencontrèrent de l'eau. Et l'eunuque dit : Voici de l'eau; qu'est-ce qui empêche que je sois baptisé ? Philippe dit : Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible. L'eunuque répondit : Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. Il fit arrêter le char; Philippe et l'eunuque descendirent tous deux dans l'eau, et Philippe baptisa l'eunuque. Quand ils furent sortis de l'eau, l'Esprit du Seigneur enleva Philippe, et l'eunuque ne le vit plus. Joyeux, il poursuivit sa route…" (Actes 8:34-39)
On voit tout de suite le parti que ceux qui assimilent les eunuques à des homosexuels vont tirer de tels passages. Dieu a levé la malédiction qui pesait sur eux dans l'ancienne alliance. Ils ne sont plus une "abomination", puisque dans la nouvelle alliance ils deviennent des chrétiens comme les autres, admis au baptême et donc dans l'assemblée des croyants : l'Église universelle de Jésus-Christ.
Je suis le premier à m'en réjouir pour les eunuques ! Mais je suis sincèrement au regret de ne pouvoir en dire autant pour ceux qui persistent dans leurs pratiques homosexuelles : qu'ils soient eunuques ou pas… Ce n'est pas la voix de castrat qui fait l'efféminé, et rien, absolument rien ne permet d'assimiler systématiquement les eunuques à des homosexuels actifs… Surtout pas les propos du Seigneur en Matthieu dix-neuf. Jésus vient d'y refuser aux hommes le droit de "répudier leur femme pour n'importe quel motif"… Ce que les disciples eux-mêmes déplorent : "Si telle est la condition de l'homme à l'égard de la femme, il n'est pas avantageux de se marier."
Jésus leur répond alors : "Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné. Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère; il y en a qui le sont devenus par les hommes; et il y en a qui se sont rendus eux-mêmes eunuques, à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne." (Matthieu 19:10-12) Même s'il n'est pas facile d'admettre que certains croyants puissent "se rendre eunuques à cause du royaume des cieux", je doute fort que Jésus les prenne en exemples parce qu'ils ont renoncé aux relations hétérosexuelles pour se consacrer définitivement aux seules relations homosexuelles. De toute évidence, ce que Jésus vise ici, c'est une totale abstinence sexuelle… Sans nécessairement approuver le moyen radical d'y parvenir !
Cette dernière constatation vient couper court aux arguties défendues par ceux qui, de façon un peu plus subtile, voudraient faire des eunuques les représentants symboliques de toutes les formes de sexualité "autres" qu'hétérosexuelles… En effet, comment prendre comme symboles sexuels ceux qui se trouvent privés – volontairement ou non – de toute activité sexuelle ? À moins, bien sûr de prôner l'abstinence sexuelle pour tous ceux qui ne vivent pas des relations hétérosexuelles ! Mais je doute que ce soit l'intention de ceux qui se sont engagés dans un dérapage du bon sens tellement spectaculaire qu'il serait plaisant s'il n'engendrait autant de blessures et de chagrins.
6
Le refus d'hospitalité : le péché de Sodome ?… Le matérialisme :
l'autre péché de Sodome ?… Les "miasmes" des Sodomites…
À propos des mésaventures de Loth accueillant les envoyés de Dieu au sein de la ville de Sodome, les néo-libéraux nous proposent encore une lecture qui fait de la "sodomie" une faute de nature étrangère à la sexualité. Précisons tout de suite que l'usage du mot "sodomie" – assimilé à des relations anales – n'est pas explicitement présent dans la Bible. Il est le fruit d'une interprétation du récit en question, généralisant les relations homosexuelles à toutes les relations anales, même entre hommes et femmes.
Il faut le reconnaître, c'est avec beaucoup d'à propos que, dans le cadre socioculturel du Moyen-Orient, les libéraux associent la faute des Sodomites à un manquement au devoir sacré de l'hospitalité. D'ailleurs, ce sentiment du devoir est tellement fort chez Loth que, plutôt que d'y manquer, il est prêt à livrer ses deux filles, en les abandonnant à la lubricité de la foule qui se presse devant sa porte. Il est donc vrai que cette référence au manque d'hospitalité des Sodomites est clairement attestée par Jésus dans le Nouveau Testament.
"Lorsqu'on ne vous recevra pas et qu'on n'écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. Je vous le dis en vérité, au jour du jugement, le pays de Sodome et de Gomorrhe sera traité moins rigoureusement que cette ville-là." (Mat. 10:14-15) "Et toi, Capernaüm, seras-tu élevée jusqu'au ciel ? Non. Tu seras abaissée jusqu'au séjour des morts; car, si les miracles qui ont été faits au milieu de toi avaient été faits dans Sodome, elle subsisterait encore aujourd'hui. C'est pourquoi je vous le dis, au jour du jugement, le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que toi." (Mat. 11:23-24)
Mais ici encore, il semble que l'attachement des libéraux au contexte socioculturel les amène à "oublier" l'environnement textuel immédiat du récit biblique, aussi bien que les autres allusions et commentaires du Nouveau Testament.
Tout d'abord, il est clair que Loth propose la virginité de ses deux filles comme une substitution à des revendications sexuelles évidentes et clairement exprimées par la foule des Sodomites :
"Ils appelèrent Lot, et lui dirent : Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous, pour que nous les connaissions. Lot sortit vers eux à l'entrée de la maison, et ferma la porte derrière lui. Et il dit, Mes frères, je vous prie, ne faites pas le mal. Voici, j'ai ici deux filles qui n'ont point connu d'homme; je vous les amènerai dehors, et vous leur ferez ce qu'il vous plaira. Seulement, ne faites rien à ces hommes puisqu'ils sont venus à l'ombre de mon toit." (Genèse 19:5-8)
Même les incroyants sont bien au fait de la signification du verbe "connaître" au sens biblique du terme ! – "Adam connut Eve, sa femme; elle conçut, et enfanta Caïn…" (Genèse 4:1) – Aussi je ne comprends pas comment il est intellectuellement possible, sans faire preuve de mauvaise foi, de prétendre évacuer la nature sexuelle de la faute que les Sodomites désiraient perpétrer… Pratique qui, non sans raison, a donné son nom à la sodomie.
Toutefois, si l'on veut bien lire les paroles de Jésus d'un peu plus près, il est tout aussi évident que la faute ne concerne pas un "simple" manque d'hospitalité. Aussi bien dans notre récit que dans les commentaires du Seigneur, c'est envers des envoyés de Dieu que la faute est commise. Si bien que le manquement aux lois de l'hospitalité se trouve considérablement aggravé par le refus de se repentir, et surtout, par la volonté clairement manifestée de se complaire dans le mal. Or, je viens de le rappeler, dans le cas des sodomites, ce mal est clairement de nature sexuelle.
Dans le même ordre d'idée, certains font grand cas d'un texte du prophète Ézéchiel qui "précise" la faute des habitants de Sodome: "Voici quel a été le crime de Sodome, ta sœur. Elle avait de l'orgueil, elle vivait dans l'abondance et dans une insouciante sécurité, elle et ses filles, et elle ne soutenait pas la main du malheureux et de l'indigent." (Ézéchiel 16:49) Comme on ne parle pas d'homosexualité dans cet extrait, les Sodomites n'auraient rien à se reprocher dans ce domaine. – CQFD ! –
L'argument est un peu court, la citation aussi, d'ailleurs ! Car la suite de ce verset n'est pas dénuée d'intérêt : "Elles sont devenues hautaines, et elles ont commis des abominations devant moi. Je les ai fait disparaître, quand j'ai vu cela." (v. 50) Certes, je pourrais faire valoir que les relations homosexuelles font bien partie des "abominations" condamnées par la loi mosaïque; mais du point de vue exégétique, ce simplisme réducteur nous ferait tomber de Charybde en Scylla.
En fait – et comme toujours – pour bien comprendre ce passage, il faut le replacer dans le contexte général de ce chapitre qui commence par rappeler l'amour de Dieu pour Jérusalem, avec des accents particulièrement lyriques. Il compare ensuite le péché de la ville sainte à celui de deux villes qui faisaient référence en matière de péché : Samarie et Sodome. Le propos du prophète étant de démontrer que le péché de Jérusalem est encore pire que celui des deux villes impies, il va très logiquement limiter sa comparaison à ce qui est comparable, c'est-à-dire les péchés qui leur sont communs, les fautes qui sont de la même nature.
Ce péché, c'est avant tout la prostitution spirituelle de Jérusalem qui a trahi son divin époux… Comprenez l'idolâtrie de ses habitants qui ont élevé des autels à tous les dieux des pays voisins. Dans cette logique, Samarie et Sodome sont les sœurs païennes de Jérusalem à cause du cousinage ethnique de leurs premiers habitants; et Jérusalem se voit reprocher de n'avoir pas su honorer le choix de Dieu qui s'était porté sur elle. Dès lors, c'est son ingratitude et sa méchanceté qui lui sont reprochées… Aussi, toute allusion à l'homosexualité des Sodomites aurait été étrangère à un débat qui portait uniquement sur l'idolâtrie de Jérusalem : idolâtrie qui n'en demeure pas moins "l'abomination" par excellence !
Voyons maintenant ce qu'en disent les apôtres dans le cadre du Nouveau Testament. Bien que les fautes qu'ils y dénoncent soient de natures aussi multiples et variées que dans l'Ancien Testament, il semble indéniable que les sodomites y soient plus particulièrement pointés du doigt.
"S'il a condamné à la destruction et réduit en cendres les villes de Sodome et de Gomorrhe, les donnant comme exemple aux impies à venir […] le Seigneur sait délivrer de l'épreuve les hommes pieux, et réserver les injustes pour être punis au jour du jugement, surtout ceux qui courent après la chair dans un désir d'impureté et qui méprisent l'autorité." (2 Pierre 2:6, 9-10)
Le mot grec utilisé par Pierre dans ce passage, et traduit ici par "impureté", est "miasmos", qui a donné "miasme" en français. Il se traduit aussi par "souillure, pollution". Il a une connotation plus "active" que son frère jumeau "miasma", mais comme lui, il décrit une souillure relative au meurtre et, par extension, au contact avec un cadavre ou même avec des matières végétales en décomposition. De là à envisager une contamination par des matières fécales, il n'y a qu'un pas… Mais le franchir serait s'abandonner à une exégèse un peu trop spéculative.
Il est toutefois intéressant de noter que dans le grec du Nouveau Testament, ce mot est un apax. Or, le vocabulaire biblique ne manque pas de termes appropriés pour définir l'adultère, la prostitution, la fornication, etc. On peut alors penser que Pierre aurait usé d'un euphémisme propre à l'homosexualité… Un peu comme si à cette faute particulière – dont la Bible parle finalement très peu – il fallait un vocabulaire bien spécifique ! Mais encore une fois soyons prudents, et n'affirmons pas ce que le texte ne dit pas explicitement.
Par contre, le Texte de Pierre fait clairement référence à un refus d'autorité. Cela vient appuyer l'idée que j'ai défendue plus haut, selon laquelle ce genre de péché serait essentiellement un refus des lois – en tant que principes de vie, pas en tant que règlement – établies par Dieu au sein de l'humanité, aussi bien du point de vue physiologique, que psychologique ou spirituel. Sans doute n'est-ce pas par hasard que le même rapport, entre le péché de Sodome et le mépris de l'autorité, se trouve aussi exprimé chez Jude avec une très grande fermeté :
"Je veux vous rappeler, à vous qui savez fort bien toutes ces choses […] que Sodome et Gomorrhe et les villes voisines, qui se livrèrent comme eux à la débauche et à des vices contre nature, sont données en exemple, subissant la peine d'un feu éternel. Malgré cela, ces hommes aussi, entraînés par leurs rêveries, souillent pareillement leur chair, méprisent l'autorité et injurient les gloires." (Judes 1:5, 7-8)
Ici encore, le vocabulaire ne laisse aucun doute quant au caractère sexuel de la faute incriminée aux Sodomites. L'expression traduite par "se livrer à la débauche" traduit un nouvel apax, à savoir le verbe "ekporneuô" qui n'apparaît qu'ici et souligne plutôt l'origine "pornographique" de la faute. Le mot est apparenté à un verbe plus fréquent : "porneuô" qui, selon le cas, se traduit par "fornication" ou "prostitution". Il implique l'idée que l'on abandonne son corps à la luxure ou qu'on le vend pour de l'argent. La nature sexuelle de la faute ne prête donc pas à discussion.
De plus, la distance qu'un être humain peut prendre par rapport à son corps quand il le prête de la sorte n'est pas sans rappeler l'hiatus que j'ai dénoncé plus haut, entre l'évidence de la réalité physique et la perception psychologique qu'un homosexuel peut avoir de lui-même… Mais cette distanciation n'est pas le propre des seuls homosexuels !
L'expression traduite ici par "se livrer à des vices contre nature" ne concerne pas les relations homosexuelles, mais semble plutôt viser la zoophilie, puisqu'elle fait référence à une "chair différente". Or, dans la Bible, cet hébraïsme qualifie toujours les "autres espèces" animales, et renvoie à la genèse des animaux "créés chacun selon son espèce". Personnellement, je considère cette lecture plus sobre que l'interprétation du passage qui y voit une allusion à "la chair des anges"… Ceux-ci, d'après Jésus, semblent asexués et, en tout cas, bien incapables de prendre femme… ou homme ! (Matthieu 22.30) Ce genre d'interprétation me paraît donc relever de fantasmes qui ne font que contribuer au discrédit de l'exégèse évangélique.
Le verbe "souiller" – "miaïnô" – est le verbe racine des "miasmes" signalés plus haut dans les versets de 2 Pierre, avec les mêmes implications. Il signifie "teindre" et par extension "tacher, souiller" de sang… ou d'autre chose ! Le verbe peut être pris au sens figuré – comme dans notre expression "avoir du sang sur les mains" – mais le fait qu'il s'agisse bien ici de souiller "leur chair", c'est-à-dire "leur corps", ne laisse encore une fois aucun doute quant à la nature sexuelle de la faute des Sodomites…
David : un homme à femmes… Jonathan "attaché" à David…
Jonathan : l'ami ou l'amoureux ?…
Avant d'aller plus loin, j'aimerais revenir aux amours présumées de David et Jonathan. Je me dois de le faire pour justifier les raisons qui m'ont conduit, dans la première partie de cette étude, à balayer cette éventualité d'un revers de main qu'on aura pu juger trop expéditif. En fait, ces raisons tiennent au Texte biblique lui-même, et non à un quelconque présupposé moral. On peut se demander, en effet, en quoi l'homosexualité de David, si elle était prouvée, serait plus grave que les différents meurtres qu'il a prémédités et perpétrés de sang-froid. S'il ne fut pas autorisé à bâtir le temple de son Dieu, c'est bien parce qu'il avait trop de sang sur les mains. (1 Chroniques 28:3)
Or, précisément, si les nombreux psaumes de David témoignent de l'amour qu'il avait pour son Dieu, les récits des deux livres de Samuel témoignent d'une passion pour les femmes qui pouvait se révéler aussi violente que meurtrière. Tout le monde sait de quelle façon pitoyable il a fomenté l'assassinat d'Urie le Héthien pour lui prendre son épouse Bath-Schéba. (2 Samuel 11-12) – Notons au passage que s'il avait nourri une passion quelconque pour les éphèbes de son armée, il aurait dû faire l'inverse ! – On se souvient aussi de la dot versée à Saül : deux cents prépuces de Philistins – le double de la demande – pour pouvoir épouser sa fille Mical. (1 Samuel 18.27)
Même à l'époque où il courait par monts et par vaux avec sa bande de "mécontents", David n'est jamais resté sans femme : il avait déjà épousé Achinoam de Jizreel. (1 Samuel 27.3) Mais alors que rien ne l'y forçait, il s'est empressé d'épouser Abigaïl, la sage et jolie veuve de ce butor de Nabal. (1 Samuel 25:39,43) Par la suite, et avant même de régner à Jérusalem, il avait encore épousé Maaca – la fille de Talmaï, roi de Gueschur – puis Haggith et Abithal… (2 Samuel 3:5) Une fois installé à Jérusalem, il prit encore plusieurs femmes et concubines, dont les textes signalent la postérité. (2 Samuel 5:13)
Si l'on peut supposer que certains mariages furent "politiques", c'est loin d'être le cas pour toutes ces unions. D'autre part, si l'on peut voir dans cette multiplicité d'épouses l'obligation d'un "statut social" à respecter, ou la volonté d'asseoir sa dynastie, ou encore le désir de se survivre à soi-même… le moins qu'on puisse dire, c'est que David y mettait beaucoup d'entrain et de bonne volonté ! À vrai dire, rien dans la vie amoureuse plutôt bien remplie de David ne semble signaler une quelconque prédisposition à l'homosexualité. D'ailleurs, même âgé, son goût des femmes était si évident, que son entourage n'hésita pas à glisser Abischag, la "jeune et belle" Sunamite, dans la couche du vieux roi, avec la mission de lui servir de bouillotte. (1 Rois 1:2)
Dès lors, comment interpréter son amitié avec Jonathan ? Faut-il l’inscrire dans le cadre d’une intense camaraderie d’adolescents, ou bien David aurait-il été bisexuel ? Tout d'abord, il faut remarquer que l'ensemble des textes de 1 Samuel (18:1-4; 19:1-7; 20:17,41; 23:16-18) sont concordants et ne parlent jamais que de "l'âme de Jonathan qui s'attacha à David", de "Jonathan qui proteste de son affection pour David", ou de "Jonathan qui aima David comme son âme"… jamais l'inverse ! Dans tous ces textes, on a même l'impression que David accepte l'affection et la soumission de Jonathan avec une certaine distance, et parfois avec un certain opportunisme.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais faire remarquer que le verbe "attacher" qui se trouve dans la phrase "L'âme de Jonathan fut attachée (= "qashar") à l'âme de David et il l'aima comme son âme." (1 Samuel 18:1) ne peut être confondu avec celui d'une phrase semblable : "C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera (= "dabak") à sa femme, et ils deviendront une seule chair." (Genèse 2:24)
Il me paraît significatif que dans l'Ancien Testament, l'usage le plus fréquent du verbe "quashar" se rapporte à diverses conjurations et signifie "conspirer", "tramer"… Il implique, en effet, l'idée de "se mettre ensemble", de "tenir avec" quelqu'un, etc. Or, c'est vraiment ce que Jonathan a fait : dès ce moment, il a tenu avec David contre son père… Ce que ce dernier n'a pas manqué de lui reprocher amèrement.
Par ailleurs, Genèse 44:30 est le seul autre passage où l'on retrouve la même expression. Juda y explique à Joseph la préférence que Jacob éprouve pour Benjamen, le dernier fils de Rachel, par rapport à ses autres fils : "Si je retourne auprès de ton serviteur, mon père, sans avoir avec nous l'enfant à l'âme duquel son âme est attachée, il mourra." … Très sincèrement, je doute fort que Juda soupçonne son vieux père d'éprouver un sentiment d'amour incestueux à l'égard de son frère cadet ! Ici encore, le reste du récit biblique montre bien la surprotection et la collusion que Jacob a toujours entretenues envers les fils de Rachel, sa femme préférée.
Le verbe "dabak", pour sa part, implique davantage l'idée de "coller à", de "ne faire qu'un avec", de "s'identifier à" quelqu'un… Plus que l'idée de collusion, c'est celle d'identification qui ressort de ce vocable. Un autre exemple caractéristique de l'usage de ce verbe se trouve dans "l'attachement" que Ruth manifeste envers sa belle-mère, lorsque Naomi propose à ses deux belles-filles, devenues veuves, de s'en aller pour se remarier. "Elles élevèrent la voix, et pleurèrent encore. Orpa baisa sa belle-mère, mais Ruth s'attacha à elle." (Ruth 1:14) La suite du récit est connue… Elle nous propose sans doute le plus bel exemple d'identification de toute la Bible : "Où tu iras, j'irai; où tu demeureras, je demeurerai; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu; où tu mourras, je mourrai, et j'y serai enterrée." (Ruth 1:16-17)
Bien souvent, il existe des "faux-frères" dans le vocabulaire biblique : des mots différents dans le texte original, qui ont été rendus par un terme identique dans une version française… Étant donné leur cousinage sémantique, cela ne prête pas toujours à conséquence, sauf si l'on en tire des conclusions spécieuses. Dans le cas présent, il paraîtrait franchement abusif d'assimiler l'attachement que Jonathan éprouve pour David avec une forme quelconque d'attachement conjugal. Le premier est de l'ordre de la collusion, de la connivence, de la complicité… alors que le second procède d'une volonté d'identification, d'incorporation, de fusion… Ce qui, en matière d'affection, et surtout d'amour, est loin d'être la même chose !
Le seul argument en faveur d'un "tendre lien" entre les deux amis viendrait alors de l'élégie composée par David à l'occasion de la mort de Saül et de ses trois fils. "Saül et Jonathan, aimables et chéris pendant leur vie, n'ont point été séparés dans leur mort. […] Comment des héros sont-ils tombés au milieu du combat ? Comment Jonathan a-t-il succombé sur tes collines ? Je suis dans la douleur à cause de toi, Jonathan, mon frère ! Tu faisais tout mon plaisir. Ton amour pour moi était admirable, au-dessus de l'amour des femmes. Comment des héros sont-ils tombés ? Comment leurs armes se sont-elles perdues ?" (2 Samuel 1.23-27)
Comme on peut le voir, ici encore, David ne parle pas de son affection pour Jonathan, mais de l'amour que Jonathan éprouvait à son égard : ce qui me paraît pour le moins significatif ! D'autant plus que Saül, le pire ennemi de David, est associé dans le même éloge que son fils, tous deux étant également "aimables et chéris"…
Quant à "l'amour admirable" de Jonathan, "au-dessus de l'amour des femmes", il n'est pas spécialement significatif. En hébreux, le vocable "hahabah" et le verbe "hahab" dont il est tiré correspondent assez bien aux mots "amour" et "aimer" en français : ils désignent aussi bien l'amour affection que l'amour sexuel… Or, à l'évidence, ce texte compare l'intensité des sentiments bien plus que leur nature proprement dite : ceux-ci pouvant parfaitement être amicaux plutôt qu'amoureux, sans dénaturer la phrase. C'est d'ailleurs comme cela que le comprennent la T.O.B. et la Bible de Jérusalem, par exemple, qui parlent de "l'amitié" de Jonathan pour David.
De toute façon, même si Jonathan avait aimé David "comme" on aime une femme – plutôt que "plus" qu'on aime une femme – cela ne changerait pas grand-chose à mes yeux… Car la seule phrase où David semble vraiment engager ses propres sentiments à l'endroit de Jonathan, et qui pourrait donc laisser supposer une réciprocité ambiguë, c'est : "Je suis dans la douleur à cause de toi, Jonathan, mon frère ! Tu faisais tout mon plaisir."
Constatons tout d'abord que l'appellation "mon frère" n'a rien d'exceptionnel dans le contexte de l'époque, d'autant plus que Jonathan était effectivement son frère par alliance. D'ailleurs, les quelques passages de l'Ancien Testament, où l'expression n'est pas réservée à des frères de sang, présentent plutôt la connotation péjorative de "faux frère". (2 Samuel 20:9; 1 Rois 9:13; 20:32…)
Quant à la phrase "Tu faisais tout mon plaisir", la traduction littérale – un Qal parfait – serait plutôt "Tu fus si plaisant pour moi" et se réfère aussi bien à une loyale camaraderie qu'à une relation amoureuse. Car il convient de rester prudent avec l'hébreu "nahem" qui se traduit bien par "plaisant, agréable…" mais pas forcément dans un sens érotique. D'ailleurs, l'équivalent grec de ce terme est "dokimos", qui implique l'idée d'une chose agréable, certes, mais surtout parce qu'elle est "approuvée, acceptée"… Le mot s'employait pour une monnaie non trafiquée : ce qui définit parfaitement l'indéfectible loyauté de Jonathan à l'égard de David.
Cela dit, il faut reconnaître que la question de la nature de la loyauté de Jonathan reste ouverte… Était-elle le fruit d'une amitié virile ou d'un sentiment amoureux ? Objectivement, on peut se poser la question quand on voit le véritable coup de foudre que Jonathan a éprouvé pour David, ou encore, quand on considère ses attentions, sa sensibilité et sa soumission quasi féminines… alors qu'il était prince de sang royal et que, par ailleurs, il s'est souvent montré un vaillant guerrier. En fait, il est impossible de répondre avec certitude à cette question. Par contre, une chose ressort clairement des textes ci-dessus : si Jonathan a effectivement nourri de tendres sentiments pour David – ce qui reste à prouver – celui-ci les a vraisemblablement respectés, mais ne les a jamais partagés.
En mettant l'accent sur cet aspect de leur relation, je ne tiens pas spécialement à "blanchir" David de tout soupçon : de toute façon, il n'avait rien d'un enfant de cœur !… Non, si j'insiste de la sorte, c'est parce que ce récit me paraît relever davantage d'un drame psychologique que de la narration, fût-elle pudique, des amours sulfureuses de David et Jonathan. En fait, sous son apparence libertaire, cette dernière approche me paraît très moralisante, du fait de sa volonté manifeste de forcer le Texte pour y trouver un alibi pseudo-biblique. – Soit dit entre parenthèses, je trouve que de ce point de vue, les libéraux souffrent de la même maladie que les fondamentalistes : ils peuvent se montrer tout aussi littéralités… quand cela les arrange ! –
Pour ma part, une attention particulière portée à la psychologie des personnages en présence m'amène à prendre certaines distance vis-à-vis de telles considérations. À mes yeux, en effet, ce récit n'a pas plus de valeur pour défendre que pour combattre l'homosexualité. Au mieux, il nous offre l'histoire d'une belle et solide amitié entre deux garçons que d'impitoyables impératifs politiques ont définitivement séparés… Au pire – et je songe à la mélancolie chronique que Jonathan traîne derrière – il s'agit d'amours homophiles contrariées, du drame vécu par un garçon dont les sentiments amoureux ne furent jamais partagés…
Quand on demande à l'être aimé : "Est-ce que tu m'aimes ?" et que l'on s'entend répondre : "Mais oui, tu sais que je t'aime bien !" ce "bien" fait plus mal que toute la haine du monde… C'est pourtant ce que Jésus a vécu avec Pierre ! (Jean 21:15-17)
Une amitié privilégiée… Une indéfectible amitié…
Un scénario douteux…
Ceci m'amène à un autre exemple "biblique" d'homosexualité masculine supposée : celui de Jésus et de Jean, le disciple bien-aimé. On en rirait si beaucoup ne le prenait autant au sérieux… Aussi, quels sont les faits ? Ils sont bien minces en vérité, et appartiennent tous au témoignage de Jean lui-même : ce qui en soi, est déjà surprenant !
En premier lieu, il y a le fait que l'apôtre Jean – et seulement lui – se désigne par l'expression "le disciple que Jésus aimait" chaque fois qu'il parle de lui-même. (Jean 13:23; 19:26; 20:2; 21:7) Notons déjà que, dans son Évangile, le nom de Jean est exclusivement réservé à Jean-Baptiste : sans doute pour éviter toute confusion avec lui-même. De plus, comme son Évangile est autobiographique (Jean 21:24) – même si c'est Jésus qui en tient la "vedette" – on peut supposer que Jean a choisi cette formule littéraire pour éviter un emploi du "je" ou du "moi" qui peut toujours paraître prétentieux, quelle que soit la culture envisagée.
Mais dans ce cas, l'expression elle-même n'est-elle pas plus présomptueuse encore ? Jean y laisse clairement entendre qu'il estime avoir occupé une place privilégiée dans le cœur de son Maître… aux dépens des autres peut-être ! À moins qu'il ne se soit fait des idées, et que sa conviction relève du doux fantasme d'un cœur amoureux… Alors ? Jean : le disciple homophile ou l'apôtre prétentieux ?
J'étais encore enfant quand mon père m'a dit : "Un véritable ami, tu n'en auras jamais qu'un dans ta vie." Pour sentencieuse que puisse paraître cette opinion, je crois qu'elle a du vrai… pour l'avoir moi-même vérifiée, sans doute ! Elle ne manque d'ailleurs pas de soutien biblique : "Celui qui a beaucoup d'amis les a pour son malheur, mais il est tel ami plus attaché qu'un frère." (Proverbes 18:24) "L'ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère." (Proverbes 17:17) Aussi, je me demande si pour Jésus, cet ami, ce n'était pas Jean, tout simplement ! Cet ami qui sent les choses et les comprend à mi-mots… Qui est toujours là quand on a besoin de lui… Qui fait les choses avant même qu'on ne les lui demande… Pourquoi Jésus n'aurait-il pas eu un tel ami ?
Que Jésus ne se soit pas marié et qu'il n'ait pas eu d'enfants, on peut le comprendre : l'Église chrétienne n'avait pas besoin de demi-dieux pour se créer une mythologie quelconque… – C'est déjà bien assez avec sa mère élevée au rang de "reine des cieux" ! – Mais qu'il ait dû en plus se priver d'une véritable amitié, on n'en voit pas la raison : si Jésus était Fils de Dieu, il était aussi pleinement homme, avec les mêmes besoins affectifs que chacun d'entre nous. Ce besoin d'amitié, il l'a en partie comblé à Béthanie, dans le foyer de Lazare, Marthe et Marie… Que n'a-t-on pas glosé, d'ailleurs, à propos de l'affection de Marie pour Jésus, l'assimilant souvent à tort, à Marie de Magdala… Ces soupçons ont du moins le mérite de rendre justice à l'affection que Jésus a toujours témoignée aux femmes qu'il rencontrait – qu'elles soient "saintes" ou "pécheresses" – en même temps qu'il manifestait un constant souci de les revaloriser.
Or, précisément, revenons à ceux qui voient en Jésus un homme "normal" qui aimait les femmes, et qui le soupçonnent même de les avoir aimées un peu trop… Car, le plus souvent, ce sont les mêmes – "et si ce n'est eux, ce sont leurs frères ou quelques-uns des leurs" – qui soupçonnent Jésus d'avoir éprouvé pour Jean une affection quelque peu excessive, pour ne pas dire une tendresse toute particulière… Encore une fois, et comme pour David, il faudrait savoir ce que l'on veut : Jésus était-il un homme à femmes ou un homosexuel ? Cette mauvaise foi récurrente n'a-t-elle pas valeur d'aveu ? N'est-elle pas la preuve évidente que l'on se trouve devant un préjugé que certains veulent démontrer au prix de n'importe quelle inconséquence ?
En matière d'exégèse, je m'efforce généralement "d'être aussi prudent que le serpent, et de garder la simplicité de la colombe." (Matthieu 10:16) Je ne prétends pas y parvenir à tous les coups, mais une chose est sure : les ergotages, les sophismes, les arguties, les aberrations et toutes les confusions issues d'esprits tortueux – je ne parle pas des homophiles, mais de certains "théologiens" – qui projettent leur propre médiocrité sur tout ce qu'ils touchent, y compris sur la Parole de Dieu, n'auront jamais valeur de preuves à mes yeux. Car, en l'espèce, je ne vois pas pourquoi un homme "normal" ne pourrait pas entretenir une relation d'amitié "normale" avec un autre homme "normal", même si cette amitié présente un caractère privilégié… qu'il s'agisse de Jésus, de Jean ou de n'importe qui d'autre !
Comme on va le voir, en ce qui concerne Jésus et Jean, ce rapport privilégié ne semble faire aucun doute. Aussi, il justifie largement la périphrase utilisée par Jean pour se désigner lui-même, surtout quand il parle des événements auxquels il a participé en tant qu'acteur. Au demeurant, c'est sans affectation particulière qu'il se désigne comme "le disciple que Jésus aimait"…
Si son amitié avec Jésus était réelle, pourquoi aurait-il dû la cacher ? Si elle était admise au sein du collège apostolique, pourquoi aurait-il dû la taire ? Et s'il y fait allusion dans son évangile, pourquoi devrions-nous en prendre ombrage ?… À ce propos, pourquoi faut-il que certains présentent – ou perçoivent – comme un signe d'intelligence ce qui ne sera jamais qu'une preuve de malignité : à savoir, la manie de soupçonner des intentions équivoques derrière les propos les plus simples ou des motivations suspectes derrière les actes les plus naturels ?
Quoi qu'il en soit, il semble indéniable que Jésus aimait s'entourer de quelques hommes de confiance… Toujours le même trio, d'ailleurs : Pierre, Jacques et Jean. Ce sont eux qu'il prend avec lui sur la montagne de la transfiguration. (Matthieu 17:1) Ce sont eux seulement, qui sont autorisés à le suivre lors de la résurrection de la fille de Jaïrus. (Marc 5:37).. C'est encore eux trois qui, sur le mont des Oliviers, prennent Jésus à l'écart pour lui poser des questions. (Marc 13:3) Et c'est à eux trois, enfin, qu'il demande plus particulièrement de veiller et prier tandis qu'il endure ses premières angoisses à Gethsémani. (Marc 14:33)
Ce n'est pas l'endroit pour le faire, mais on pourrait encore parler du ministère particulier confié à Pierre ou du rôle de leader que celui-ci a joué dans la primitive Église… en équipe avec Jean ! Il ne fait donc aucun doute que certains apôtres ont bénéficié d'une attention particulière de la part du Seigneur. Ici encore, il n'y a pas lieu de se scandaliser : pas plus que nous, les disciples n'étaient des numéros. À n'en pas douter, Jésus les a choisis et les a employés en fonction de leurs qualités spécifiques : celles de Jean devaient d'ailleurs l'amener à devenir "l'apôtre de l'amour", dans sa vie comme dans ses écrits.
Mais Jean n'était pas l'homme d'un amour mièvre ou lénifiant : le fils de Zébédée était l'homme du "tout ou rien"… un homme de passion, un "fils du tonnerre", aussi bien capable d'appeler le feu du ciel sur un village inhospitalier de Samarie (Luc 9:24) que de réclamer la meilleure place lors de l'avènement du Royaume. (Marc 10:35) Cette violence, cet amour absolu, privilège de la jeunesse – n'oublions pas que Jean était le plus jeune des douze apôtres – Jésus en sera à la fois l'objet et le bénéficiaire… Mais derrière cette impétuosité, Jésus avait su discerner le fondement d'une affection sincère, solide et durable. C'est donc à Jean qu'il va confier sa mère avant de mourir : à lui, Jean, le fidèle compagnon, le seul à l'avoir suivi jusqu'au pied de la croix. (Jean 19:26-27)
Dès lors, comment s'étonner si, quelques heures plus tôt, "le disciple que Jésus aimait était couché sur le sein de Jésus" ? (Jean 13:23) Quelle autre place aurait-il pu occuper sur les lits qui entouraient la table du dernier repas, sinon cette place privilégiée, celle de l'ami, du confident… Celui à qui Pierre fait signe de poser la question délicate au Maître, "celui qui, pendant le souper, s'est penché sur la poitrine de Jésus et a dit : Seigneur, qui est celui qui te livre ?" (Jean 21:20)
Si bien qu'il faut avoir l'esprit tordu pour voir une sensualité quelconque dans cette attitude, fût-elle familière… Imagine-t-on un instant la scène que certains nous suggèrent : Jésus et Jean se faisant des mamours, tous deux allongés sur un lit dans une attitude équivoque, et cela au cours d'une célébration pascale, sous l'œil impavide des onze apôtres en train de chanter le Hallel… Même Federico Fellini aurait refusé de tourner une scène aussi burlesque… Jean Yann, peut-être ! Aussi le théologien qui a lu ce scénario dans l'Évangile ferait mieux d'abandonner ses prétentions exégétiques pour se recycler dans la réalisation de feuilletons télévisés…
Mais brisons là ! Il est temps d'explorer d'autres passages du Nouveau Testament avec, si possible, un peu plus de sérieux…
Un texte dépourvu d'ambiguïté… Mais "quid" de son inspiration ?…
L'homosexualité, archétype de l'idolâtrie… La tolérance d'une morale humaniste…
Une rigueur intégriste déshumanisée… Des principes spirituels "responsabilisants"…
Le texte qui vient tout naturellement à l'esprit est celui de Paul s'adressant aux chrétiens de Rome :
"C'est pourquoi Dieu les a livrés à l'impureté, selon les convoitises de leurs cœurs; ainsi ils déshonorent eux-mêmes leur propre corps; eux qui ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen ! C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes, car leurs femmes ont changé l'usage naturel en celui qui est contre nature; et de même les hommes, abandonnant l'usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement. Comme ils ne se sont pas souciés de connaître Dieu, Dieu les a livrés à leur sens réprouvé, pour commettre des choses indignes…" (Rom. 1:24-28)
Faisons tout de suite un sort aux allégations de certains fondamentalistes qui ont cru voir dans l'épidémie du SIDA "le salaire que méritait l'égarement" des homosexuels… autrement-dit : la manifestation évidente du "jugement de Dieu". Ces affirmations ne sont pas seulement injurieuses pour les sidéens qui ont été atteints par d'autres voies, mais en plus, les Témoins de Jéhovah tiennent exactement le même raisonnement à propos des transfusions de sang ! De toute façon, il y a belle lurette que les hétérosexuels partagent avec les homosexuels le triste privilège de maladies vénériennes imputables à leurs exploits amoureux !
Cela dit, ce passage est d'une vigueur et d'une clarté telle qu'il ne laisse guère de place aux spéculations exégétiques ou herméneutiques. En général, la seule échappatoire qu'aient trouvée les néo-libéraux c'est d'affirmer que Paul ne pouvait pas en savoir autant que nous à propos de l'homosexualité et, qu'en conséquence, son propos est entaché de l'obscurantisme propre à son époque. La pirouette est habile et imparable pour qui refuse ou ignore le caractère inerrant et immuable du message biblique…
Notons au passage que la question de savoir s'il faut se livrer à une lecture littérale ou non du passage incriminé n'est pas en cause… Ici, le vrai problème est de savoir si Paul se trompe ou pas ! La remarque est intéressante car, une fois encore, elle met en évidence la vraie différence entre fondamentalistes et libéraux. Et, cette différence consiste dans la réponse que chacun apporte à la question suivante : Quid de l'inspiration ? Autrement dit : Est-ce que les auteurs bibliques ont joui d'un ministère particulier quant à la transmission du message divin, ou bien leurs écrits étaient-ils semblables à ceux de tout un chacun ?…
Dans cette dernière éventualité, parler de la Bible comme du Texte fondateur de la foi n'a plus guère de sens… Tout au plus pourrait-elle apparaître comme l'un des textes fondateurs de la religion chrétienne. Or, à ce niveau, la tradition de l'Église a joué un rôle bien plus déterminant que celui tenu par la Bible ! Pour notre part, nous ne partageons pas les a priori de la théologie libérale… Ou plutôt, nous en avons adopté d'autres, perpétuant le principe essentiel de la Réforme qui affirmait l'autorité normative de la Bible en matière de foi… Rien que la Bible, mais toute la Bible ! Nous ne voyons donc pas pourquoi il nous faudrait refuser de mieux cerner la pensée de Paul dans ce passage.
Tout d'abord, l'apôtre présente l'homosexualité, aussi bien féminine que masculine, comme l'aberration mettant le mieux en évidence les effets du péché au sein de l'humanité, puisqu'elle relève du bon sens le plus commun. Il n'en associe pas moins cette aberration au mensonge qui a fait son entrée dans le monde en même temps que le péché…
Comme Pierre et Jude, il la situe au niveau du corps : les pratiques homosexuelles étant comprises comme une façon de le déshonorer. L'homosexualité, en effet, se présente comme la flagrante concrétisation du mensonge, puisqu'elle consiste à nier ce qui devrait être évident pour tous, à savoir les caractéristiques morphologiques différenciées et complémentaires de l'homme et de la femme.
Ces évidences relèvent de la nature des êtres humains, tels que Dieu les a voulus, et refuser cette évidence constitue un refus de l'ordre naturel établi par Dieu au sein de la création. Encore une fois, et comme je l'ai déjà répété à maintes reprises, l'homosexualité se présente sans doute comme un péché, mais surtout en tant que rejet de l'ordre créationnel… ou, si l'on préfère, en tant que refus de toute valeur normative transcendante. Si les relations homosexuelles sont des fautes, ce n'est donc pas seulement à cause de leur caractère sexuel intrinsèque, mais surtout en ce qu'elles concrétisent le rejet des normes fixées par Dieu en matière de sexualité.
Mais dans ce passage, Paul dépasse ces généralités, pour établir un parallèle entre l'idolâtrie et l'homosexualité, qui fait de celle-ci un symbole quasi théologique. Comme je l'avais déjà fait remarquer à propos des condamnations du Lévitique, l'homosexualité est l'expression de l'amour du semblable, et donc le déni d'une altérité complémentaire… De la même façon, l'idolâtrie consiste à adorer la créature qui nous est semblable, plutôt que le Créateur dans sa différence. En fait, l'homosexualité active traduit ce refus, comme beaucoup d'autres fautes… mais en tant qu'image théologique, elle le fait beaucoup "mieux" ! Sans doute est-ce la raison pour laquelle l'apôtre Paul prolonge la logique de la loi mosaïque et en fait une sorte d'exemple type pour les besoins de sa démonstration : la folie d'un monde sans Dieu.
Il n'en demeure pas moins que Paul affirme clairement la nature aberrante de l'homosexualité. Et, pour le croyant, le fait qu'il la présente comme une conséquence spirituelle du péché ne fait que s'ajouter à un caractère "contre nature" que, du point de vue biologique, j'avais déjà qualifié de "pathologique".
Quant à la question de savoir ce que Paul pouvait savoir de l'homosexualité par rapport aux connaissances que nous en avons actuellement, je pense que la plus grande modestie est de rigueur. Car que savons-nous vraiment de l'homosexualité ? Très peu de chose finalement ! Et ce, malgré les indéniables progrès de la psychologie moderne. J'en veux pour preuve les nombreuses opinions contradictoires qui sont encore débattues par les spécialistes : les chrétiens fondamentalistes sont loin d'être les seuls à parler de la pathogenèse de l'homosexualité ! Et quand bien même nous pourrions tout expliquer, cela ne règlerait toujours pas les problèmes moraux ou spirituels, puisque ce sont deux domaines où la Biologie et la Psychologie refusent – avec raison – de s'immiscer.
Si nous considérons le problème sous le seul angle d'une morale humaniste, la réponse se trouve dans une éthique universellement admise, ou du moins "admissible" par les diverses philosophies et cultures de l'humanité. Si, conjointement à cet aspect moral, nous voulons aussi lui reconnaître une dimension spirituelle, la réponse se trouvera dans les principes fondateurs de chaque religion, et variera en fonction des révélations particulières de chacune. Enfin, si nous ne lui reconnaissons que la seule dimension spirituelle, chacun trouvera la réponse dans la lettre des textes fondateurs de sa religion…
En général, les néo-libéraux ont opté pour la solution humaniste, et la morale qu'ils adoptent doit plus à une éthique de la tolérance qu'à la révélation biblique. Le tri qu'ils opèrent dans les passages bibliques concernés prouve à suffisance qu'ils y cherchent bien plus des alibis religieux que des valeurs normatives. De leur côté, les fondamentalistes sont souvent tentés par une lecture littérale des textes, ce qui transforme la Bible en un code de lois, et substitue les règles morales aux valeurs spirituelles. À mon sens, cette lecture littérale ne peut qu'être le fait de fondamentalistes qui ont raté le coche d'une véritable spiritualité, et qui feraient mieux de revendiquer le titre de "littéralistes", voire même d'intégristes…
Pour ma part – comme beaucoup d'autres fondamentalistes – je refuse de verser dans cette lecture "littérale", pour lui préférer une lecture vraiment "fondamentale", c'est-à-dire soucieuse de dégager les principes de vie, à la fois éthiques et spirituels, contenus dans le Texte… et qui s'y trouvent parfois bien cachés, il faut le dire !
J'y ai déjà fait allusion plus haut : cette lecture trouve une brillante démonstration dans les chapitres cinq et six de Matthieu, lorsque Jésus élève les "articles" de la loi mosaïque au niveau de principes spirituels… beaucoup plus exigeants, il faut bien le dire ! Pour mémoire, ces chapitres relatent la fameuse prédication au cours de laquelle Jésus répète : "Il vous a été dit… mais moi je vous dis…" à propos du meurtre, de l'adultère, etc. Un règlement, en effet, ne demande qu'à être appliqué à la lettre; si bien qu'il a pour effet de déresponsabiliser l'individu. On sait comment certains fonctionnaires usent et abusent du "parapluie administratif". Et, de plus sinistre mémoire, on se souvient du "Je n'ai fait qu'obéir aux ordres !" avancé comme excuse par tous les bourreaux nazis.
Aussi, j'avoue avoir été plus d'une fois effrayé par le rigorisme déshumanisé manifesté par certains responsables d'églises, à l'égard d'une sœur ou d'un frère tombé dans le péché. J'ai été scandalisé de voir comment ils osaient se substituer à Dieu pour juger et condamner la personne plutôt que la faute. Eux aussi, affirment avec cynisme : "Je ne fais qu'obéir à la Parole de Dieu !" Si bien que – j'ose le dire – l'excessive tolérance, et même la complaisance des chrétiens néo-libéraux me paraît plus proche de l'esprit de l'Évangile que l'intégrisme désincarné, pour ne pas dire le littéralisme fanatique de ces évangéliques-là !
L'adoption de principes généraux, par contre, va responsabiliser le croyant, puisqu'ils nécessitent d'être adaptés à chaque situation particulière… Et si une telle lecture peut malgré tout se dire "fondamentale", c'est parce qu'elle ne remet pas en question l'inspiration, l'inerrance, l'autorité et donc la valeur normative de la Bible… Encore que le concept d'inspiration n'exclue pas l'apport socioculturel des auteurs sacré à la rédaction du Texte… Pas plus que la notion d'inerrance n'écarte la possibilité d'erreurs au cours de la transmission du Texte… Pas plus, encore, que le principe d'une autorité normative en matière de foi et de vie ne doive remettre le croyant sous la loi !
Cette élévation de la loi au niveau du principe se retrouve aussi dans le rappel des deux commandements qui résument, ou mieux, qui contiennent tous les autres :
"Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes." (Mat. 22:36-38)
En principe, nous refusons d'opérer un choix parmi les textes en fonction d'une opinion préétablie, fût-ce par souci de tolérance. Cette parole du Maître devrait nous interdire, définitivement, d'utiliser les versets bibliques les plus "forts" pour assommer à coup de Bible les chrétiens qui nous paraissent mettre un pied hors du rang des bien-pensants… C'est ma double préoccupation, en tout cas ! Aussi bien pour découvrir les principes directeurs qui sous-tendent les textes bibliques, que pour les appliquer à notre questionnement concernant la légitimité morale et spirituelle que peuvent présenter ou ne pas présenter, les relations homosexuelles.
Au nom de l'amour !… La passion amoureuse… Des amours homosexuelles respectables… Un amour "agapè" spirituellement responsable…
La vocation du couple chrétien… Le mariage d'amour : seul modèle acceptable ?…
Tout le monde parle d'amour, mais tout le monde ne parle pas de la même chose… L'amour "agapè" auquel Jésus nous invite consiste à aimer ses ennemis, ou encore, à faire passer l'intérêt des autres avant le sien propre. Cet amour, le chrétien est appelé à le puiser dans sa relation avec Dieu. Il n'a rien à voir – ou du moins, pas grand-chose – avec l'amour "éros", qui est l'expression de passions dont l'être humain poursuit la satisfaction de façon souvent sensuelle, égocentrique, voire égoïste… Car au nom de l'amour, il semble que l'on puisse faire n'importe quoi : ce qui n'est pas vraiment nouveau, me dira-t-on ! Mais aujourd'hui, il apparaît que ce "n'importe quoi", on peut s'y abandonner sous le regard souvent bienveillant, sinon complice, de son entourage.
Si, par exemple, un homme mûr laisse tomber femme et enfants pour refaire sa vie avec une gamine qui pourrait être sa fille – et parfois sa petite-fille – on lui trouvera généralement des tas d'excuses, et même des bonnes raisons de le faire. "Il est peut-être temps qu'il songe à lui !"… "C'est beau, à son âge, de garder un esprit aussi jeune !"… "Vous avez vu sa femme : on ne peut pas dire qu'elle vieillisse bien !"… etc. Mais l'argument irrésistible, celui que personne ne songera une seconde à mettre en cause, c'est généralement celui-ci : "Qu'est-ce qu'on peut y faire ? Il est amoureux !"… Le fait de tomber amoureux semble donc une fatalité à laquelle on ne peut que se soumettre, mais qui, très opportunément, donne tous les droits. Au nom de l'amour, on peut donc trahir, détruire et blesser ceux et celles qui ont fait toute notre vie…
En tant qu'enseignant, je ne manque pas de prévenir mes étudiantes et mes étudiants : "Au cours de votre vie, vous tomberez vraisemblablement amoureux à plusieurs reprises. Le fait d'être chrétien n'y changera sans doute rien. Vous devez savoir que, si vous êtes mariés, cela vous arrivera certainement en pleine crise conjugale. Cela n'a rien d'une fatalité, c'est la résultante logique de tout un ensemble de facteurs psychologiques bien connus… Alors, pas d'emballement, surtout pas de décision prématurée : vous respirez un grand coup, vous arrêtez tout et vous vous placez devant le Seigneur en lui disant : Qu'est-ce qui m'arrive ? Comment en suis-je arrivé là ?"
En fait, le coup de foudre s'inscrit dans la forme d'amour la plus populaire aujourd'hui : la passion amoureuse. C'est, à coup sûr, le sentiment le plus valorisé par tous les médias. Il est loin le temps on l'on disait : "Les gens heureux n'ont pas d'histoire !" Désormais, il n'y a d'amour vrai que d'amour passionné. Le torrent d'émotions violentes et contradictoires engendrées par la passion amoureuse semble être devenu l'idéal le plus recherché et le plus attendu par tous ceux qui désire connaître le grand frisson d'une relation intense, enflammée, tumultueuse… Quand elle émane de nos adolescents, cette fougue juvénile prête à sourire et peut même réveiller quelque souvenir empreint de nostalgie. Mais quand elle est prônée comme un idéal de vie par des adultes – qui sont sensés être devenus responsables – cela donne plutôt envie de pleurer.
La passion amoureuse, en effet, est la plus grande supercherie que l'on ait jamais inventée en matière d'amour; et cela pour la raison toute simple : c'est qu'elle est le contraire même de l'amour. Car, comme toutes les autres formes de passions, elle ne vise que la satisfaction de soi-même. Le partenaire n'est qu'un moyen utilisé pour parvenir à l'autosatisfaction de ses propres désirs, de ses aspirations personnelles… Il n'est d'ailleurs qu'un des moyens possibles… en attendant mieux, et donc en attendant le suivant ! À ce propos, j'aime prendre l'exemple d'un garçon passionné de motos. Le modèle qu'il vient enfin de s'acheter ne répondra à son idéal et ne lui apportera satisfaction que jusqu'à la "sortie" du modèle suivant : encore plus beau, plus puissant, plus rapide… Lorsque cette nouvelle moto sera commercialisée, la sienne lui paraîtra complètement obsolète, et il n'aura de cesse que de se procurer le nouveau modèle. La passion amoureuse, hélas ! suit exactement le même schéma.
C'est la raison pour laquelle je mets souvent nos jeunes filles en garde. Si un garçon vous dit : "JE ne peux pas être heureux sans toi… JE ne peux même pas envisager l'avenir sans toi… JE te désire : si tu m'aimes, tu ne peux pas me refuser…" Méfiez-vous ! Ce n'est pas de vous qu'il est amoureux, mais de lui-même. Ce n'est pas votre bonheur qu'il cherche, mais le sien à travers vous… Par contre, s'il vous dit : "Avec ou sans moi, c'est TE voir heureuse que je souhaite… Tu es très belle et très désirable, mais je comprends que tu veuilles garder le respect de TOI-même…" Alors : ou bien ce garçon est le plus rusé des hypocrites, ou bien il vous aime vraiment !
Je ne songe évidemment pas à idéaliser un amour masochiste: il est tout à fait normal de s'attendre à la réciprocité des sentiments que l'on éprouve pour l'être aimé. Quand on aime, quoi de plus légitime que d'espérer être aimé en retour ? Mais la passion amoureuse me paraît une mystification en ce qu'elle désire tout recevoir sans rien – ou très peu – offrir en retour. Tant et si bien que notre société occidentale se trouve tout imprégnée de l'aberration d'une culture populaire – pour ne pas dire populiste – qui persiste à présenter une forme évidente d'égoïsme comme le pur joyau de l'idéal amoureux.
L'objet de cet amour n’étant plus l'autre mais soi-même, il ne faut pas s'étonner de trouver à cette passion un caractère égocentrique singulièrement appuyé. Or, cette poursuite du bonheur ou du plaisir centré sur soi-même n'est pas sans implications pour la question qui nous préoccupe. En effet, l'une des difficultés majeures rencontrées par un homosexuel concerne précisément son incapacité à faire confiance à une personne de l'autre sexe pour lui apporter le plaisir ou le bonheur qu'il attend. Ne pouvant compter que sur lui-même, il se trouve condamné à une sorte d'exaltation égocentrique qu'il va projeter sur un autre lui-même : une personne de même sexe qui devient alors l'objet d'une appropriation passionnée.
Ainsi, bien qu'elle ne soit pas d'une nature radicalement différente de celle des hétérosexuels, la passion amoureuse se trouve parfois amplifiée – comme multipliée par elle-même – au sein d'une relation homosexuelle. Cela peut expliquer l'existence de nombreux problèmes collatéraux – alcoolisme, drogues, provocations, exhibitionnisme... – problèmes généralement imputés, mais souvent à tort, aux entraves sociales et familiales que rencontrent les couples homosexuels. Mais ces relations difficiles n'excluent pas l'existence de relations plus calmes, empreintes de tendresse et d'attentions réciproques…
Comme toujours, en matière de sentiments, on ne peut prétendre établir des règles universelles : le pire et le meilleur se rencontrent aussi bien chez les homosexuels que chez les hétérosexuels. En disant cela, je pèse mes mots : je confirme que le meilleur peut se rencontrer au niveau des sentiments amoureux d'une relation homosexuelle. Car même illégitime, tout amour mérite le respect lorsqu'il est sincère et désintéressé. Le fait qu'il soit illégitime appelle sa maîtrise, son contrôle, mais ne met pas forcément en cause sa beauté intrinsèque. Combien de fois, d'ailleurs, la littérature n'a-t-elle pas exploité le thème émouvant d'amours platoniques impossibles ou contrariées ? Je pense à Cyrano de Bergerac, par exemple, et à bien d'autres moins connus…
Si, je peux comprendre que l'on conteste la légitimité des relations homosexuelles, je ne puis donc admettre que l'on s'en moque comme d'une chose ridicule. Cela me choque encore plus quand c'est le fait de personnes qui se disent chrétiennes. Personnellement, je me suis fixé comme règle de toujours en parler comme si je me trouvais en présence des parents d'un garçon homosexuel.
Cela dit, ne versons pas dans le travers opposé, et n'usons pas du Texte biblique à tort et à travers ! D'un point de vue spirituel, parler d'amour n'a guère de sens en dehors de la Vérité… Car nous sommes appelés à "recevoir l'amour de la vérité pour être sauvés" (2 Thessaloniciens 2:10) aussi bien qu'à "professer la vérité dans l'amour". (Ephésiens 4:15) Or, cet amour ne se reçoit qu'en "purifiant nos âmes, en obéissant à la vérité" (1 Pierre 1:22) et cette grâce nous vient "du Père et du Fils dans la vérité et l'amour". (2 Jean 1:3)
De là vient l'aphorisme bien connu des croyants : "La vérité dans l'amour, et l'amour dans la vérité." Et de fait, comment proclamer une vérité quelconque, si elle est exprimée sans amour; et comment parler d'amour véritable si celui-ci s'accommode du mensonge ?… Car même un mensonge par omission peut se révéler meurtrier pour la personne à qui l'on voudrait épargner la blessure d'une vérité douloureuse : "Quand je dirai au coupable : Tu mourras ! Si tu ne l'avertis pas, si tu ne parles pas pour détourner le coupable de sa mauvaise voie et pour lui sauver la vie, ce coupable mourra dans son iniquité, et je te redemanderai son sang." (Ezéchiel 3:18) "La tristesse selon Dieu, en effet, produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la tristesse du monde produit la mort." (2 Corinthiens 7:10)
Mais en pratique, tout cela n'est pas facile à réaliser. Si tous les chrétiens sincères s'efforcent honnêtement de s'approcher de la Vérité, aucun ne peut prétendre la détenir de façon absolue : ce serait s'approprier la personne de Dieu lui-même ! Aussi, quand il se mêle de parler de la Vérité, un chrétien fera d'autant plus preuve d'amour, qu'il saura faire preuve d'humilité. Car manifestement, cette Vérité n'adopte pas les mêmes pantoufles chez tous les croyants… ou du moins, n'a-t-elle pas la même pointure pour tout le monde. Sinon, nous ne verrions pas les dénominations chrétiennes se multiplier à l'infini, en s'excommuniant l'une l'autre !
Au moins, les croyants devraient-ils tous pouvoir admettre que quand les auteurs du Nouveau Testament parlent d'amour, c'est l'amour "agapè" qu'ils envisagent – 106 fois – et quand ils parlent d'aimer, c'est encore le verbe "agapaô" qu'ils utilisent le plus souvent – 108 fois – et cela, même lorsqu'il s'agit de l'amour entre époux… C'est plus qu'un indice ! Car pour nous, au niveau non de la lettre mais de l'esprit, la question est de savoir si l'amour qui pousse deux homosexuels l'un vers l'autre trouve vraiment son origine en Dieu ? On ferait d'ailleurs bien de se poser la même question à propos des couples hétérosexuels qui viennent demander la bénédiction de Dieu sur leur union…
Je sais que pour les Protestants, qu'ils soient évangéliques ou non, le mariage n'est pas un sacrement et relève de la loi civile. Est-il profane pour autant ? Je ne le pense pas. Car en Christ le couple chrétien endosse une responsabilité spirituelle, et même une vocation bien précise : devenir la "vitrine" de l'Évangile. Au début de cette étude, j'avais déjà abordé ce thème à propos de la morale chrétienne. J'aimerais en développer ici la portée spirituelle. En gros, j'ose suggérer qu'en voyant un couple chrétien, un incroyant devrait pouvoir dire : "Voici donc comment Jésus aime son épouse, l'Église… Voici comment les chrétiens sont appelés à aimer leur Sauveur et Seigneur" … En tout cas, c'est ce que je crois pouvoir lire dans le texte très controversé de l'épître de Paul aux Éphésiens :
"Femmes, que chacune soit soumise à son mari, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l'Eglise qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l'Eglise est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l'être à leur mari en toutes choses. Maris, que chacun aime sa femme, comme Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant et en la lavant par l'eau de la parole, pour faire paraître devant lui cette Eglise glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irréprochable. C'est ainsi que le mari doit aimer sa femme comme son propre corps. Celui qui aime sa femme s'aime lui-même. Car jamais personne n'a haï sa propre chair, mais il la nourrit et en prend soin, comme Christ le fait pour l'Eglise, parce que nous sommes membres de son corps. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l'Eglise. Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que la femme respecte son mari." (Eph. 5:22-33)
Comme je l'ai déjà fait remarquer, ce passage constitue en quelque sorte une "parabole à l'envers" : la seule de la Bible ! D'habitude, en effet, ce sont les vérités spirituelles qui sont illustrées par des images de la vie quotidienne. Ici, au contraire, c'est le mariage des conjoints chrétiens qui est comparée à l'union du Christ et de son Église. Le procédé ne fait aucun doute : il confère, on ne peut plus clairement, une incontestable portée spirituelle au mariage entre chrétiens… Je vais y venir
Mais pour éviter un malentendu fréquent – et sans reprendre une exégèse que j'ai faite ailleurs – je voudrais tout de même dire deux mots de la "soumission" de la femme qui choque tant de monde. En fait, Paul distingue radicalement la soumission de l'épouse de l'obéissance des enfants dont il est question dans les versets qui suivent. Si la femme doit se soumettre à son mari, elle n'est pas pour autant tenue de lui obéir ! Et si la femme est "une aide" pour son mari, (Genèse 2:18,20) c'est parce que celui-ci a besoin d'être conseillé et de consulter sa femme avant de prendre une décision importante. La soumission implique une différence de rang dans un organisme – la structure familiale, en l'occurrence – et non pas une différence de valeur ou une quelconque infériorité de nature. Elle implique une relation de collaboration où l'un se trouve en position d'autorité, il est vrai, mais seulement pour éviter de se retrouver avec un organisme à deux têtes : ce qui serait monstrueux ! Ici encore, l'autorité du mari, aussi bien que la soumission de la femme relèvent l'une et l'autre de l'ordre créationnel : des lois établies par Dieu pour ses créatures, avant la chute !
L'infériorité de la femme, par contre, est apparue en même temps que la domination de l'homme, comme l'un des aspects du désordre subséquent au péché. – "Tes désirs se porteront vers ton mari, mais lui dominera sur toi." (Genèse 3:16) – Par la suite, cette infériorité de la femme s'est trouvée confortée par son statut de minorité légale aux yeux de la loi mosaïque. Si bien que depuis vingt siècles, l'Église s'est cru autorisée, et s'est même cru le devoir de confiner les femmes dans une position d'infériorité, au lieu d'en conjurer le scandale, comme elle aurait dû le faire depuis longtemps…
Mais revenons à la portée spirituelle du mariage… Pour moi, elle est essentielle ! Certes, je suis bien d'accord pour dire que la bénédiction que les mariés viennent demander à Dieu au sein d'une cérémonie religieuse relève seulement d'une tradition ecclésiastique, qui s'est probablement substituée au sacrement du mariage propre aux Catholiques. Mais le caractère traditionnel de la bénédiction de mariage ne doit pas faire oublier les implications spirituelles qui lui donnent un sens… du moins lorsqu'il est contracté entre des chrétiens responsables. Si bien que son symbolisme même me paraît signifiant : si l'époux est appelé à représenter le Christ, si l'épouse doit représenter l'Église, ce n'est pas seulement au travers de leur amour réciproque, mais aussi au travers d'une fécondité tout aussi symbolique… Symbolisme qui ne peut être maintenu qu'au sein d'une union hétérosexuelle. D'ailleurs, si l'on admet la symbolique relative au couple chrétien, le couple homosexuel serait l'image de l'union de Christ avec lui-même, ou de l'Église avec elle-même : ce qui serait pour le moins absurde !
D'autre part, la vocation spirituelle du mariage s'inscrit aussi dans la vocation particulière de chacun des conjoints. Autrement dit, et très logiquement, chaque chrétien se trouve invité à chercher le conjoint avec lequel il pourra le mieux accomplir le dessein de Dieu au sein du mariage. Il semble difficile de s'imaginer que Dieu n'ait pas sa petite idée sur la question… Cela explique que la plupart des chrétiens fondamentalistes vraiment sincères ont toujours eu à cœur de chercher la pensée de Dieu au moment d'un choix aussi déterminant pour leur avenir… Voire même pour leur éternité, puisque "nous sommes l'ouvrage de Dieu, ayant été créés en Jésus-Christ" ; et que nos récompenses sont associées "aux œuvres que Dieu a préparées d'avance pour que nous les accomplissions." (Ephésiens 2:10)
Aujourd'hui, cependant, pour nombre de croyants, le mariage paraît relever totalement du domaine profane; non seulement pour la tendance libérale du monde protestant, mais également au sein d'un courant qui semble de plus en plus prégnant dans la mouvance évangélique. Dès lors, se marier demeure une décision importante, certes, mais à laquelle Dieu n'accorde pas plus d'importance qu'au choix d'une voiture... Ainsi dépourvue de toute intention religieuse, la problématique du mariage ne pourra plus se poser qu'en termes profanes, c'est évident !.
Si les croyants s'interrogent malgré tout pour savoir si leurs projets d'union sont conformes à la pensée divine, plusieurs le feront en se posant une question qu'ils estiment équivalente, à savoir : "Est-ce que cet amour porte préjudice à qui que ce soit, ou est-il une source de bien-être pour chacun ?"… La démarche mérite que l'on s'y arrête car, d'une part, c'est en ces termes que les couples homosexuels posent le problème de leur union; et d'autre part, son caractère altruiste semble bien faire écho aux caractéristiques de l'amour "agapè" auquel la Bible nous invite avec tant d'insistance.
Reconnaissons tout d'abord que bien des couples hétérosexuels, sinon la plupart, ne passeraient pas la barre de telles exigences. L'échec "officiel" d'un mariage sur trois – sanctionné par un divorce – semble donc indiquer que les couples "traditionnels" s'engagent dans le mariage avec beaucoup de légèreté. D'un autre côté, les divorces et les remariages se réalisent rarement sans un bien triste cortège de souffrances et de meurtrissures en tous genres. Ne dit-on pas que "Les amoureux sont seuls au monde !" Mais alors, "tant pis pour les gêneurs qui sont dans le chemin…" aurais-je tendance à ajouter. Comme j'en ai donné un exemple plus haut, au nom de l'amour, il faudrait souvent accepter n'importe quoi. Il est vrai que ce n'est plus d'amour "agapè" qu'il est question, mais bien des exigences impérieuses et passionnées de l'amour "éros" qui balayent tout sur leur passage.
En ce qui concerne les mariages homosexuels, il faut bien admettre que l'on manque de recul pour évaluer vraiment les obstacles rencontrés. Les difficultés qu'ils viennent à croiser sur leur chemin peuvent aussi bien s'avérer des éléments positifs incitant la réflexion, que des facteurs négatifs encourageant la marginalisation… Si l'on considère le caractère altruiste d'un véritable amour, le seul problème qui me paraît spécifique aux homosexuels est celui que j'ai développé plus haut, à savoir le risque accru d'une exaspération égocentrique. En dehors de cela, si l'on fait de l'amour la condition nécessaire et suffisante au mariage, il n'y a, objectivement, pas plus de raison d'opposer des réserves à l'union des homosexuels qu'à celle des hétérosexuels. Si ce point de vue était le seul à devoir être pris en considération, je ne vois pas pourquoi le fondamentaliste que je suis devrait s'acharner à trouver des objections, ni comment il pourrait le faire.
Par contre, les défenseurs d'une union – homosexuelle ou hétérosexuelle – fondée sur cette seule exigence d'un amour sincère et profond feraient bien de rester lucides et vigilants. Car sur cette seule base, le tabou de l'homosexualité ne sera pas le seul à tomber; tous les autres risquent bien de suivre : ceux, notamment, de l'inceste et de la pédophilie. La littérature profane ne manque pas, en effet, d'esthètes célébrant la beauté de toute relation sexuelle dès lors qu'elle répond à une aspiration profonde ou à un élan spontané des partenaires… sans se préoccuper des liens familiaux ou de l'âge de ceux-ci. Les arguments "bibliques", d'ailleurs, ne feraient pas défaut… pas plus qu'aux défenseurs des amours homosexuelles : à commencer par le mariage d'Abraham avec Sarah, sa demi-sœur, et en poursuivant avec toutes les vierges considérées comme "mariables" dès la puberté. À ce propos, n'oublions pas que la notion d'enfant "mineur" varie encore considérablement d'un pays à l'autre, et cessons de croire que nos conceptions occidentales présentent des valeurs universelles.
Notre conception du mariage, par exemple, a fait du "mariage d'amour" le seul modèle valable. Au niveau de la planète, il s'inscrit pourtant dans le contexte d'une minorité privilégiée de nantis qui peuvent se permettre le luxe du sentimentalisme et même du romantisme. Mais pour une bonne part de l'humanité ce modèle n'a guère de sens. La plupart des mariages y sont encore "arrangés" au nom d'impératifs beaucoup plus prosaïques : familiaux, sociaux, économiques, politiques ou religieux… Cela devrait nous encourager à poursuivre nos efforts en vue du respect des libertés et des droits individuels dans le monde entier. Mais en attendant, nous devons demeurer conscients du caractère quasi marginal de notre débat…
En ce qui nous concerne, donc, je peux comprendre que certains soient hostiles aux "valeurs judéo-chrétiennes". J'aimerais tout de même les voir réfléchir aux conséquences de l'ouverture d'une boîte de Pandore dont ils risquent de ne pas maîtriser les effets pervers. Aussi, même s'ils restent allergiques au concept de Révélation Biblique, il leur faudra bien admettre que l'amour, aussi profond, aussi sincère qu'il soit, doit nécessairement se soumettre à un minimum de règles morales… À charge pour eux d'en définir le contenu et les contours avec un minimum de rigueur. Ils devraient aussi pouvoir admettre que des chrétiens établissent leur éthique personnelle sur les textes fondateurs de leur foi… À charge pour ces derniers de ne pas imposer leurs choix de vie à ceux qui ne partagent pas la même foi : qu'ils se disent croyants ou non-croyants. C'est ce que nous allons essayer de faire maintenant.
Quels critères de vérité adopter ?…
Une exégèse signifiante… L'évidence du bon sens…
Restent les critères de "vérité"… Ici, évidemment, les néo-libéraux ne sont prêts à s'y soumettre que dans la mesure où cette "vérité" ne vient pas contredire le point précédent. Les textes bibliques qui soutiennent les critères d'un amour altruiste seront considérés comme venant de Dieu; les passages qui s'y opposent seront systématiquement attribués à l'obscurantisme des auteurs bibliques. Quant aux fondamentalistes qui s'alignent sur ces derniers, ils seront impitoyablement taxés de béotiens, et accusés de se livrer à une lecture littérale qui trahit l'esprit du Texte… Commençons par admettre que c'est parfois vrai !
Pour ma part, je voudrais aborder la question de cette vérité sous un angle plus large en me demandant, d'entrée de jeu, si les unions homosexuelles répondent au plan divin pour l'humanité… et, corollaire évident, si le couple homosexuel répond à la vocation que Dieu attribue au couple chrétien au sein de son Église ? Si je parle des chrétiens, c'est parce que "nous n'avons pas à juger ceux du dehors" (1 Corinthiens 5:12) puisqu'ils n'ont pas accès à la Révélation divine, ni à l'Esprit Saint qui rend les croyants capables de s'y conformer. Ils n'en reste pas moins vrai que nos options doivent paraître conséquentes avec notre foi, même aux "gens du dehors" ! (Colossiens 4:5; 1 Timothée 3:7)
Dans cette perspective, j'ai déjà montré le danger de se limiter à une lecture légaliste des passages du Lévitique. Si les fondamentalistes reprochent aux libéraux de se livrer à une lecture différentiée de la Bible, ils doivent veiller à ne pas tomber dans le même travers à propos des textes de la Torah. Il est franchement arbitraire de rejeter les lois alimentaires et le respect du sabbat – qui fait pourtant partie des "dix paroles" – pour continuer à se soumettre aux lois sur la pureté ou les pratiques sexuelles… et encore : de façon sélective !
Conformément à la leçon de Jésus – en Matthieu 5 et 6 – je préfère "accomplir la loi" – c'est-à-dire la porter à sa plénitude – et dégager, dans le cadre de la Nouvelle Alliance, les principes spirituels qui étaient contenus dans l'Ancienne Alliance. Pour ce faire, le passage le plus clair du Nouveau Testament est celui du premier chapitre de l'épître aux Romains, déjà cité plus haut. En bonne herméneutique, il nous faut procéder en allant du plus large au plus resserré ou, si l'on préfère, en explorant le contexte avant d'aller au passage incriminé. Le contexte du passage clef qui va suivre n'est d'ailleurs pas dépourvu d'intérêt, car plus que jamais, à propos d'un sujet aussi délicat, un texte pris hors de son contexte risque bien de n'être qu'un prétexte !
"En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l'œil nu, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, car ayant connu Dieu, ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d'être sages, ils sont devenus fous; et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l'homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, et des reptiles. C'est pourquoi Dieu les a livrés à l'impureté, selon les convoitises de leurs cœurs; ainsi ils déshonorent eux-mêmes leur propre corps; eux qui ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen!" (Rom. 1:19-24)
Quel est ici le raisonnement de Paul ?… En gros, il dénonce l'idolâtrie coupable d'une humanité qui, à force de vouloir faire l'ange, a fait la bête. La cause en est le refus de voir ce qui crève les yeux dans la création; et la conséquence en est une inversion des valeurs : la vérité devenant mensonge, et inversement… Dès lors, j'ai déjà signalé le parallélisme que Paul établit entre l'homosexualité et l'idolâtrie : la première devenant l'archétype symbolique de la seconde. Mais, chose intéressante pour notre débat : le désordre associé à cette inversion des pulsions sexuelles se manifeste aussi dans la déchéance physique qu'il entraîne.
Le mot "impureté", du grec "a-katharsia" définit "ce qui n'est pas nettoyé, la malpropreté" avec le sens moral de "dépravation, luxure"… Et le mot "convoitise" – "épithoumia" exprime la passion dans sa dimension active, dans son désir de ce qui est interdit… Le "cœur", enfin – "cardia" – est le centre de la vie : au sens propre et au sens figuré. Le verbe "déshonorer" traduit bien "a-timadzô" : "outrager, avilir, rendre sans honneur"… Alors que le grec "soma" est bien traduit par "corps" en tant qu'organisme, structure organisée.
Tout cela nous amène à constater que, non seulement l'être humain connaît la déchéance physique, mais en plus, il s'y complaît au point d'en faire le centre de ses préoccupations, s'appliquant en quelque sorte à avilir son corps : l'instrument que Dieu lui avait confié pour sa gloire… C'est dans ce contexte, aussi sombre que réaliste, qu'il nous faut maintenant aborder la suite du passage.
"C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes, car leurs femmes ont changé l'usage naturel en celui qui est contre nature; et de même les hommes, abandonnant l'usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement. Comme ils ne se sont pas souciés de connaître Dieu, Dieu les a livrés à leur sens réprouvé (= Dieu les a abandonnés à leurs facultés intellectuelles faussées), pour commettre des choses indignes…" (Rom. 1:26-28)
Ce texte, le plus fort et le plus clair du Nouveau Testament, est aussi l'un des plus intéressants. Non parce qu'il condamne les pratiques homosexuelles – à priori, il n'y aurait pas lieu de s'en réjouir – mais parce qu'il contient l'explication de cette sentence.
Le mot "passion" traduit ici le grec "pathos" qui implique une passion incontrôlable, quelque chose que l'on subit de façon passive, alors que son synonyme "épithoumia" exprimerait plutôt l'aspect actif de la passion, comme le désir, la convoitise… Le mot "infâme" traduit bien le grec "a-timia" : "sans honneur, déshonorant, honteux, méprisable…"
Ces deux mots impliquent une situation que l'être humain ne contrôle plus, bien qu'elle soit contraire à son honneur, à sa dignité. En cela, le sujet que Paul va aborder dans la suite de son propos correspond bien à ce que l'ensemble de la Bible dit des conséquences du péché. Comme toujours, la sanction de Dieu ne consiste pas à faire du mal à sa créature, mais à retirer sa main, à l'abandonner aux conséquences de ses actes, à lui en faire porter le poids pour l'amener à la repentance.
Le mot "usage" traduit le grec "chrèsis" qui concerne généralement "l'utilisation" sexuelle de la femme. Mais les féministes ne doivent pas s'irriter d'un vocable qui semble "chosifier" la femme, au contraire ! Car Paul l'applique aussi bien aux hommes qu'aux femmes : ce qui prouve, non seulement que le mot n'a rien de péjoratif dans le chef de l'apôtre, mais qu'en plus, celui-ci rétablit l'égalité sexuelle entre les hommes et les femmes… Ce qu'il confirmera notamment dans sa première épître aux Corinthiens : "Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. Ce n'est pas la femme qui dispose de son corps, c'est son mari. De même, ce n'est pas le mari qui dispose de son corps, c'est sa femme." (1 Cor. 1:3-4)
Mais revenons à l'expression "usage naturel" qui, dans le passage que nous étudions, revient deux fois sous la plume de Paul. Le mot "naturel" qualifie donc les relations sexuelles entre hommes et femmes. Il traduit le grec "phousikos" et définit ce qui est produit et gouverné par la nature… Risquant le pléonasme, j'allais dire "la nature physique" : en opposition avec ce qui serait le fruit de l'imagination ou de l'industrie humaine, car tel est le sens de ce vocable. C'est d'ailleurs ce que Paul confirme en opposant un usage "naturel" à un usage "contre nature"… L'expression "para-phousis" signifiant clairement "contre, à côté de la nature" : ce que, d'une façon plus argotique, nos jeunes appelleraient sans doute "être à côté de ses pompes".
Personnellement, ce qui me frappe dans tout ce passage, c'est le fait que Paul n'invoque pas la Révélation divine pour condamner l'homosexualité, mais il se réfère à une évidence de la nature, il fait appel au bon sens le plus commun… Dans la logique de son raisonnement, en effet, le crime des incroyants n'est pas d'ignorer la Parole de Dieu – puisqu'ils n'en disposent pas – mais bien de ne pas lire ce qui est écrit dans le grand livre de la Création pour en reconnaître les lois et s'y soumettre. Dans cette pensée, l'homosexualité apparaît d'abord comme la négation de lois universelles – et donc comme une aberration – avant de jouer le rôle d'indicateur spirituel de la "chute" d'une humanité qui, se prenant comme seule référence, est tombée dans l'autoadoration.
Car, bien évidemment, le but de son propos n'est pas d'écrire un traité sur l'homosexualité, mais d'exposer aux chrétiens de Rome sa conception du péché de l'humanité, de la grâce de Dieu et du salut en Jésus-Christ. Dans cette perspective, l'homosexualité qui se répand dans le monde antique lui apparaît comme l'exemple le plus probant de l'égarement, du dérèglement et de l'idolâtrie dans lesquels l'humanité est tombée… Car, bien sûr, il lui faut présenter un argument acceptable par toute personne de bon sens, croyante ou non !
Il faut d'ailleurs remarquer que Paul ne condamne pas l'homosexualité en tant que péché sexuel ou en tant que désobéissance à la loi de Dieu : il aurait pu le faire… Non, il se "contente" de le présenter comme le signe indiscutable, comme la preuve imparable de l'immixtion du péché au sein de l'humanité. – "Péché" étant ici compris comme l'état de séparation de l'homme d'avec Dieu, comme le fait de passer à côté de sa vocation. – Autrement dit, si le discours de Paul s'inscrit clairement dans le cadre de la révélation divine et du plan de salut de Dieu, sa référence aux pratiques homosexuelles procède du bon sens le plus prosaïque et donc de la sagesse la plus universelle.
Entre parenthèses : cela vient couper l'herbe sous le pied des accusations soupçonnant l'hostilité aux pratiques homosexuelles d'être de nature "judéo-chrétienne". Paul était trop bien rompu aux exigences de l'apologétique pour ne pas prendre un argument qui n'eût été recevable que par les seuls judaïsants.
Discrétion biblique sur les secrets d'alcôve…
Le péché, source d'anarchie et d'aberrations…
Que conclure de tout ce qui précède ?… À mes yeux, une évidence semble s'imposer qui ne fera sans doute pas l'unanimité, ni à droite, ni à gauche.
Les fondamentalistes purs et durs – qui aiment brandir les "péchés de la chair" comme les plus abominables de tous – risquent de rester sur leur faim. Ils s'attendaient sans doute à plus de fermeté et auraient peut-être souhaité une diatribe contre l'abomination des abominations : les relations homosexuelles. Si tel était le cas, pour se montrer vraiment conséquent, il aurait plutôt fallu s'orienter vers une étude beaucoup plus "technique" de la sodomie et prouver, Bible en main, qu'elle est aussi un péché lors des relations hétérosexuelles. Or, même si cette pratique n'est pas la tasse de thé de tous les couples, je ne vois aucun texte qui permette de l'interdire de façon transcendante !
Il y a, bien sûr, quelques passages du Lévitique qui condamnent "un homme qui couche avec un homme comme on couche avec une femme", mais il n'y a aucun passage qui condamne "un homme qui couche avec une femme comme on couche avec un homme". Pourtant, on sait que le texte hébraïque de l'Ancien Testament ne fait jamais preuve de fausse pudeur quand il s'agit d'appeler un chat un chat. Or – contrairement au Coran, par exemple – il se montre totalement silencieux sur les différentes pratiques amoureuses qui peuvent être admises, ou ne pas l'être, dans l'alcôve des croyants.
Non seulement il n'y a rien sur la sodomie – ou relation anale – mais il n'y a rien non plus sur la fellation, sur le cunnilingus, ni même sur la masturbation… Puisque, rappelons-le, l'onanisme n'a rien à voir avec le péché d'Onan, celui-ci ayant refusé de donner une postérité à son frère. (Genèse 38:8-10) En fait, les seuls interdits concernant les impuretés sexuelles se réfèrent aux menstruations et aux maladies vénériennes. Tout au plus pourrait-on retenir – comme je l'ai suggéré plus haut – l'une ou l'autre implication du vocabulaire grec du Nouveau Testament, associant la notion de "souillure" aux pratiques homosexuelles… Encore faudrait-il prouver que cette "souillure" concerne bien les relations anales et ne relève pas seulement de la symbolique spirituelle !
Quoi qu'il en soit, dans ce passage de l'épître aux Romains, ce n'est pas ce type de relations sexuelles que Paul qualifie de contre nature, mais bien le fait qu'elles aient lieu entre personnes de même sexe… et deviennent par-là même, le symbole de l'idolâtrie... Et, si les relations homosexuelles sont contre nature, ce n'est pas parce qu'elles seraient dégoûtantes – chacun percevant la chose de façon très subjective – mais parce qu'elles sont la négation de l'ordre établi par Dieu lors de la création. Cette violation des lois universelles devient alors l'aberration type, celle qui va démontrer le degré d'aveuglement et de folie de l'humanité sans Dieu, celle qui va démontrer son besoin de salut.
Ceci nous amène à considérer les points de vue libéraux, du moins ceux qui contestent la théologie paulinienne, la distinguant radicalement de la prédication de Jésus-Christ. Dans cette perspective, la doctrine traditionnelle du péché et de la rédemption prend une valeur très symbolique, pour ne pas dire allégorique; si bien que le Christianisme n'est plus qu'une facette de la Vérité parmi plusieurs autres, toutes aussi valables, d'ailleurs. Dès lors, parler de la corruption du genre humain n'a plus guère de sens, et encore moins de prétendre en distinguer l'un ou l'autre symptôme… surtout pas en stigmatisant l'un ou l'autre groupe humain. De ce point de vue, il est évident que toute mon analyse du chapitre premier de l'épître de Paul aux Romains est nulle et non avenue : elle ne peut qu'être la démonstration – une de plus – de l'intolérance à laquelle conduit immanquablement une lecture littérale de la Bible… Personnes intelligentes : s'abstenir !
Par contre, pour les fondamentalistes invétérés que nous nous plaisons à demeurer, l'homosexualité apparaît – définitivement – comme une conséquence aberrante du désordre introduit dans le monde par le péché… La plus aberrante – même si elle n'est pas la plus coupable – parce qu'elle contrevient à des lois naturelles évidentes pour toute personne de bon sens, indépendamment de la culture, de l'instruction ou de l'intelligence. Cependant, et comme toujours, il nous faut distinguer le péché du pécheur : autant la pratique peut nous paraître abominable, autant celui ou celle qui s'y livre est digne de notre attention et, oserais-je l'affirmer, de notre amour.
Il n'est pas de petits ou de grands péchés aux yeux de Dieu. Tout être humain a été contaminé par le péché "selon qu'il est écrit, Il n'y a point de juste, pas même un seul !" (Romains 3:10) De plus, tous les domaines de notre vie sont atteints, même si c'est à des degrés divers : certains aspects de notre existence, comme celui de la sexualité, pouvant l'être plus que d'autres. Si bien qu'il n'est pas un être humain sur terre dont la sexualité n'ait été contaminée par le péché… D'ailleurs, quel est celui ou celle qui accepterait de voir sa vie privée projetée sur un écran de cinéma ? À part, justement, l'un(e) ou l'autre exhibitionniste ! De ce point de vue, les homosexuels sont donc bien des personnes comme les autres… Et les homosexuels chrétiens font comme tout le monde, comme vous et moi : ils se battent constamment avec une libido corrompue par le péché, afin de soumettre leur vie sexuelle aux exigences de la Parole de Dieu.
"Etant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, à qui nous devons d'avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l'affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l'épreuve, et cette victoire l'espérance. Or, l'espérance ne trompe point, parce que l'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné."
(Romains 5:1-5)
Troisième partie : SOMMAIRE DÉTAILLÉ
1. Être ou ne pas être enfant de Dieu
La confession des péchés, source de libération… Mon pire ennemi, c'est moi-même !… Jésus-Christ comme Sauveur ET Seigneur… De l'adhésion à l'adoption…
2. Le paradoxe du déjà et du pas encore
Salut actuel et sainteté potentielle… De la maîtrise à la libération du péché… Encourager sans moraliser…
3. De la tentation à la convoitise
Le vocabulaire biblique… Entrer dans la tentation… Des pulsions coupables ?… Jacques et Jésus : pas d'accord ?
4. De l'abstinence à la libération
Une écharde dans la chair… Pas de triomphalisme déplacé…
5. La force dans la faiblesse
Ma grâce te suffit… La tortue sur le dos… Des vases
de miséricorde… Un idéal est toujours hors de portée…
6. Pour ne pas conclure
Pas de double vie… Une perspective d'amour ET de fidélité… À tout péché miséricorde… Aimer comme nous avons été aimés… La discipline vise à protéger l'Église et à consoler les "coupables"… Porter les fardeaux les uns des autres…
Être ou ne pas être enfant de Dieu
La confession des péchés, source de libération… Mon pire ennemi, c'est moi-même !…
Jésus-Christ comme Sauveur ET Seigneur… De l'adhésion à l'adoption…
Je ne voudrais pas terminer cette série de réflexions sans rappeler aux homosexuels et aux homophiles chrétiens le véritable chemin de vie et d'espérance que le Seigneur ouvre devant eux, aussi bien que devant tous les autres croyants. (Cf. Jean 14:6)
Comme je viens de le dire, un chrétien, quel que soit son souci de demeurer fidèle à la Parole de Dieu, n'a aucune raison de verser dans l'homophobie. Pour être différents, les croyants homosexuels sont bien comme tous les autres chrétiens : des pécheurs sauvés par grâce et, à ce titre, ils méritent les mêmes égards qu'eux. Mais cette conversion à Jésus-Christ implique la reconnaissance de l'homosexualité active comme un péché. Car c'est alors que l'homosexuel pourra s'associer pleinement à la mort et à la résurrection du Seigneur, et bénéficier ainsi du pardon et de la vie nouvelle qui lui sont offerts. L'homosexuel se trouve alors placé sous le signe de l'espérance, puisque s'ouvre devant lui la perspective d'une possible réversibilité…
Bien qu'il convienne d'être prudent sur ce dernier point – j'y reviendrai plus loin – la reconnaissance de l'homosexualité active comme un péché est donc beaucoup plus libératrice que la négation de ce péché dans le cadre d'une démarche de "déculpabilisation". De façon plus triviale, on pourrait dire que reconnaître la maladie à temps et consulter le médecin – quelle que soit l'angoisse liée à cette démarche – vaut mieux que de se rassurer à bon compte et laisser le mal nous détruire.
Pour tout chrétien, en effet, la conversion à Jésus-Christ ouvre la porte à un travail de restauration intérieure que la Bible appelle la "sanctification". Ce travail de l'Esprit vise à réparer tout ce qui a été détruit, détérioré ou faussé en nous par le péché. Car les effets néfastes du péché n'ont pas seulement atteint notre esprit – ou notre âme, sanctuaire de notre communion avec le Créateur – mais aussi notre psychisme – siège de nos rapports avec les autres créatures – et enfin notre corps : lieu de nos relations avec l'ensemble de la création. Aussi, quand on réalise l'abondance des interconnections existant entre la dimension spirituelle, psychique ou physique de notre nature humaine, on mesure mieux l'ampleur du travail qui attend le Saint-Esprit, et on comprend pourquoi cette tâche va durer toute notre vie.
Car cette restauration progressive est liée à l'action du Saint-Esprit qui nous place au bénéfice de l'œuvre de Jésus-Christ. Elle consiste essentiellement en l'acceptation de la mort à soi-même – de tout ce qui est esclave du péché en nous – pour ressusciter à une vie nouvelle, tout imprégnée de la nature de Jésus-Christ. "J'ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi." (Galates 2:20)
En principe, la conversion – ou "nouvelle naissance" – se caractérise par l'acceptation du principe de mort à soi-même et de vie nouvelle en Christ. Cette acceptation se concrétise d'ailleurs de façon symbolique et solennelle au moment de l'engagement du baptême : "enterrement" symbolique du vieil homme et résurrection tout aussi symbolique de l'homme nouveau. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres ! Bien vite, les réalités de la vie quotidienne nous obligent à admettre que le principe de vie que nous venons d'adopter ne se traduit que très progressivement dans les faits. Notre vieille nature a la vie dure !… Ou, comme disait un brave chrétien quelque temps après son baptême : "Mon vieil homme sait bien nager !"…
Paul lui-même s'est trouvé aux prises avec ce combat de chaque jour : "Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair, j'ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien. Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. […] Car je prends plaisir à la loi de Dieu, selon l'homme intérieur; mais je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de mon entendement, et qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres. Misérable que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ?"... (Romains 7:18-24)
Ce combat avec soi-même est sans doute ce qui trouble le plus de chrétiens… Et cela, d'autant plus que Satan s'en sert pour les faire douter de leur adoption : "Si tu étais vraiment chrétien, tu aurais changé de vie… Tu ne seras jamais digne d'aller au ciel tant que tu commets ce genre de péché… Avec ce que tu viens de faire, tu peux être sûr d'avoir perdu ton salut… Etc. " En fait, le diable cultive avec soin la confusion qui existe dans l'esprit de beaucoup de croyants entre leur statut de chrétien et leur niveau de sanctification.
En se plaçant au bénéfice de l'œuvre de Jésus-Christ, les croyants deviennent frère et sœur du Fils de Dieu, et donc enfants adoptifs de leur Père céleste. "Et vous n'avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte; mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu." (Romains 8:14-15)
Mais "se placer au bénéfice de l'œuvre de Jésus" ne signifie pas que l'on va se contenter de recevoir le pardon de ses péchés. Cela implique aussi que l'on accepte de lui abandonner la conduite de notre vie… En fait, cette démarche est le fruit d'un don d'amour réciproque qui se traduit en un double mouvement : hier, Jésus a donné sa vie pour moi sur la croix, et aujourd'hui, je lui donne ma vie en retour. Cette acceptation de Jésus comme Sauveur et Seigneur – comme dit la formule consacrée – va devenir le "moteur" d'une conversion qui implique l'acceptation du principe d'un changement radical de systèmes de valeurs.
Mais si la conversion fait de tous les croyants des enfants de Dieu, il faut bien admettre que parmi ceux-ci, certains progressent plus vite que d'autres dans la mise en œuvre de ce principe… Certains stagnent longtemps sans progresser, et d'autres font même deux pas en avant pour reculer de trois ! Ils n'en restent pas moins des enfants de Dieu, puisque tel est bien leur statut : en Jésus-Christ, ils sont désormais des filles et des fils adoptifs… quoi qu'il arrive ! Car, comme Paul le dit ci-dessus, c'est "la volonté, non le pouvoir de faire le bien" qui caractérise le chrétien… Cette "volonté" consistant à "prendre plaisir à la loi de Dieu, selon l'homme intérieur" En fait, ce qui distingue le vrai du faux chrétien, ce n'est pas qu'il ne pèche plus jamais, mais bien qu'il soit triste quand cela lui arrive.
L'hérésie serait donc de faire croire aux chrétiens qu'ils vont perdre leur salut s'il leur arrive de commettre certains péchés : des relations sexuelles illicites, par exemple. Mais à l'inverse – et c'est encore plus grave – le drame serait de faire croire à certaines personnes qu'elles ont été adoptées par Dieu, parce qu'elles lui ont demandé pardon pour leurs péchés, alors qu'elles ont sciemment refusé de lui donner leur vie… Elles ont probablement reçu le pardon des péchés confessés – Dieu le sait – mais certainement pas l'adoption !
Pour moi – mais je n'en ferais pas un dogme – il est clair que certains croyants se sont vraiment convertis, alors que d'autres se sont contentés de recevoir le pardon de leurs péchés. Cela expliquerait que certains versets bibliques laissent entendre que l'on peut perdre son salut, alors que d'autres versets laissent penser que l'on ne peut pas le perdre. Ces derniers passages concerneraient les chrétiens convertis et adoptés par Dieu, tandis que les premiers viseraient les croyants qui ont fait la moitié du chemin seulement : ayant reçu le pardon de leurs fautes, ils s'en contentent et refusent, consciemment ou non, l'idée d'abandonner la conduite de leur vie à Dieu. Dit autrement : les premiers ont accepté Jésus comme Sauveur et Seigneur, les seconds l'ont accepté comme Sauveur seulement.
Ce sont donc ces derniers, et eux seulement, qui sont en danger de perdre leur salut. Car, à tout moment, ils risquent de pécher contre l'Esprit qui leur a fait goûter à la grâce que le Père leur a témoignée à travers le sacrifice de Jésus son Fils. (Cf. Matthieu 12:31-32; Hébreux 6:4-8; 10:26-29; 2 Pierre 22-22…) En principe, il n'est jamais trop tard pour qu’ils fassent le dernier pas et abandonnent leur vie au Seigneur. Mais ces brebis qui traînent derrière le troupeau du Seigneur restent des proies faciles pour Satan, ce loup ravisseur. De plus, si ces croyants venaient à renier le Seigneur, ils se verraient à leur tour reniés par lui et perdraient un salut auquel ils avaient goûté sans vraiment s'y engager. Par contre, j'ai la conviction que l'adoption est définitive, même si certains enfants adoptifs de Dieu se comportent en "garnements" de la foi. Car, comme l'apôtre Paul le rappelle, le Seigneur demeure fidèle à ses engagements, même lorsque nous sommes infidèles aux nôtres ! (2 Timothée 2:12-13)
Et le fait d'adhérer – ou non – à une quelconque dénomination chrétienne ne change rien au problème… Car la preuve que l'on a donné sa vie au Seigneur se manifeste toujours par la volonté qui habite le "croyant" de se soumettre à sa sainte volonté… comme on vient de le dire, le fait d'y arriver, ou pas, est une autre affaire ! Par contre, celui qui s'obstine dans sa prétention à décider lui-même de ce qui est bien ou mal dans sa vie, reproduit le péché d'Adam pour sa propre part… Satan faisant croire aux hommes qu'ils sont capables de discerner sans Dieu ce qui est bien ou mal pour leur vie.
Cette remarque est importante, car elle explique la supercherie spirituelle dont sont victimes les homosexuels qui entrent dans certaines communautés "chrétiennes". Celles-ci leur proposent bien une délivrance, mais pas celle de leur péché ! En fait la libération qui leur est proposée est double : il s'agit du poids de la culpabilité et du fardeau de l'opinion publique. Le premier objectif – la déculpabilisation – est atteint en niant que l'homosexualité active soit un péché : cette idée serait le fruit conjugué d'une mauvaise interprétation des textes bibliques et d'une ignorance scientifique soigneusement entretenue par la tradition religieuse. Le deuxième but – l'indifférence au "Qu'en dira-t-on ?" – est généralement atteint en assimilant tous ceux qui désapprouvent les pratiques homosexuelles à des personnes intolérantes, souvent racistes et xénophobes, flirtant avec l'extrême droite, victimes de préjugés honteux dont les vrais humanistes ont prouvé l'inanité… Comme ce sont tous ces fanatiques qui ont un problème, il n'y a pas lieu de se soucier de leur opinion.
Comme on le voit, l'objectif de ces communautés "chrétiennes" – certaines l'étant sans doute pour les autres sujets – n'est pas de guérir le mal, mais d'anesthésier la souffrance qui s'y rapporte. Cette volonté procède de préoccupations humanitaires – et peut-être humanistes – incontestables, et certaines communautés "évangéliques" feraient bien de s'inspirer de ce louable souci de charité. Mais encore une fois : la vraie charité ne peut faire l'économie de la vérité, pas plus que la vérité évangélique ne peut se vivre en dehors de la charité… Il est donc temps de revenir aux dures réalités du terrain.
2
Le paradoxe du déjà et du pas encore
Salut actuel et sainteté potentielle… De la maîtrise à la libération du péché…
Encourager sans moraliser…
Au niveau de son expérience chrétienne, chaque croyant se trouve confronté à une évidence troublante : d'une part, la Bible affirme qu'en Christ, il est déjà libéré de son péché; et d'autre part, dans les faits, il se bat quotidiennement avec un péché qui lui colle à la peau. Cette réalité spirituelle, propre à la foi chrétienne, les théologiens l'appellent "le paradoxe du déjà et du pas encore". Si je présente cette réalité comme "perturbante", c'est parce que ce combat spirituel est tellement évident, qu'il peut mettre en doute la réalité de la libération qui est l'objet de notre foi. Ce paradoxe appelle donc une explication et, pourquoi pas, une illustration… même si "comparaison n'est pas raison !"
Personnellement, j'aime prendre une image tirée du cours de Physique de nos enfants : celle d'une centrale hydroélectrique alimentée par un barrage. Cette illustration fait appel à deux notions: l'énergie potentielle et l'énergie cinétique. La première se réfère à un état : le niveau de l'eau derrière le barrage; tandis que la seconde se réfère à une action : l'écoulement de l'eau qui fait tourner les turbines… J'y vois donc une image de notre statut en Christ et de notre comportement quotidien… Mais pour comprendre ce qui suit, il faut imaginer que chaque croyant est un barrage hydroélectrique à lui tout seul.
Comme on le sait, l'eau qui est retenue par le barrage dispose déjà d'une énergie, appelée "potentielle" parce qu'elle est réellement disponible, même si on ne l'utilise pas encore. Par contre, quand on considère l'eau qui s'engouffre dans les turbines et qui les fait tourner, on parle d'énergie cinétique parce que le mouvement de l'eau présente des effets bien visibles. Mais dans tous les cas, une chose est sûre : toute l'eau retenue derrière le barrage se retrouvera un jour ou l'autre de l'autre côté, après avoir actionné les turbines avec plus ou moins d'efficacité selon le niveau du lac… Ce qui importe donc, pour l'eau, c'est d'arriver dans ce lac de retenue.
D'une certaine façon, il en va de même pour les chrétiens. Ils se trouvent placés en Christ par la conversion et disposent déjà de Sa justice, de Sa sainteté, de Son obéissance, de Sa fidélité… Encore faut-il que ce potentiel devienne une réalité dans leur vie de chaque jour : ce qui, à l'évidence, n'est pas encore le cas… Pour personne, d'ailleurs, car il faut tout le cheminement d'une vie chrétienne pour transformer ce potentiel spirituel en une réalité de sanctification et de consécration… ou du moins, pour s'en approcher, toute illustration ayant ses limites !
Autrement dit, quand on affirme que le croyant est justifié et sauvé en Jésus-Christ, cela ne veut pas dire qu'il devient effectivement parfait au moment de sa conversion; mais signifie seulement que Dieu le voit déjà tel qu'il sera dans la gloire… Ou, si l'on préfère, Dieu le voit "en" Jésus-Christ, c'est-à-dire tel qu'il est potentiellement : associé à Son œuvre de salut et de justification.
D'autre part, quand on parle de la nécessité de la sanctification et de la consécration, on envisage la distance que tout croyant doit parcourir entre le moment de sa conversion et son entrée dans la gloire éternelle. Or, c'est cela, précisément, qui soulève un problème pour la plupart des chrétiens. Beaucoup se demandent, en effet, s'ils auront le temps et la force d'accomplir tout ce chemin de sanctification avant leur mort, et donc s'ils rempliront les conditions requises pour entrer dans la gloire… Car, comme "il est réservé aux hommes de mourir une seule fois", il n'est pas question de réincarnation pour espérer mener cette tâche à bonne fin dans une vie ultérieure ! (Hébreux 9:27)
En réalité, c'est ici qu'intervient la notion de "salut par grâce" propre à la foi chrétienne. Car le fait de se trouver uni au Christ par la conversion, associe "d'office" le croyant à Sa gloire éternelle. Notre entrée proprement dite dans la vie éternelle ne dépend donc pas de notre fidélité ou de nos faiblesses. Elle dépend seulement de notre réponse à la grâce offerte ou, si l'on préfère, de notre acceptation du salut que Jésus nous a acquis sur la croix de Golgotha... Voilà bien l'Évangile, la "Bonne Nouvelle" que les chrétiens doivent proclamer au monde !
Le Seigneur n'en attend pas moins que nous soyons fidèles, tant du point de vue de notre sanctification – ce que nous sommes – que de celui de notre consécration – ce que nous faisons. – Et, en fonction de cela, il nous promet pour l'éternité des récompenses dont la nature, il est vrai, demeure très mystérieuse… Mais il n'est point besoin de mourir pour goûter aux fruits bénéfiques d'une vie fidèle au Seigneur. Le fait de respecter certains principes spirituels nous évite déjà bien des souffrances inutiles; tandis que le fait d'entrer dans les plans de Dieu pour notre vie nous assure d'un plein épanouissement.
Pour reprendre notre illustration, on pourrait dire que chaque barrage est différent. Or, le rendement d'un barrage dépend, à la fois, de l'étendue du lac de retenue et de la hauteur du niveau d'eau. Plus le niveau est élevé, plus l'intensité est grande, plus la réserve est importante, plus de temps il faudra pour l'épuiser… En conjuguant ces deux facteurs, on peut se faire une idée des différents profils de vies chrétiennes : certains vivent peu et très intensément; d'autres vivent longtemps et sans beaucoup de résultats. Et, entre ces deux extrêmes, toutes les alternatives sont possibles avec, au cours d'une même vie, toutes les fluctuations imaginables !
C'est une raison, parmi beaucoup d'autres, pour laquelle un chrétien ne devrait jamais comparer sa vie avec celles des autres croyants : "Chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même." (Romains 14:12) D'autre part, ces notes s'adressant à des chrétiens, je n'ai pas jugé utile de faire la démonstration "Bible en main" de la théologie du salut que je viens de rappeler brièvement. Si je me suis livré à ce rappel doctrinal, c'est à la fois pour dédramatiser et mieux définir le contexte spirituel dans lequel vient s'inscrire le problème rencontré par les homosexuels chrétiens. Aussi, considérons tout cela comme acquis, fermons la parenthèse et revenons à notre sujet.
Comme pour tout autre péché, la libération promise aux homosexuels chrétiens relève d'un acte de foi, bien qu'elle puisse se situer à deux niveaux différents :
1° Pour les homosexuels, comme pour n'importe quels pécheurs actifs, la foi visera la maîtrise de telle ou telle pratique pécheresse; car si chaque croyant est l'objet de certaines tentations, il peut lui arriver d'y céder ou d'y résister avec l'aide du Seigneur.
2° Pour les homophiles ou les pécheurs abstinents, la foi visera la libération de toute inclination vers tel ou tel péché; car chaque croyant possède ses points faibles, où il cède plus facilement à la tentation.
Remarquons bien que la maîtrise de nos pulsions nous conduit à ne plus commettre le péché concerné par ces mauvais penchants. Mais c'est seulement quand cette inclination au mal a disparu que l'on peut parler d'une véritable "libération".
Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple de l'alcoolisme… J'aurais pu prendre celui de la boulimie, de l'anorexie, du tabac, de la drogue, etc. afin de montrer que le problème des homosexuels est le même que celui vécu par tous ceux qui se découvrent esclaves de pulsions qu'ils ne maîtrisent pas, ou très mal, ou très difficilement. Rappelons tout d'abord que l'alcoolisme est une maladie : toucher à la moindre goûte d'alcool déclenche chez l'alcoolique un besoin incontrôlable de continuer à en boire. Mais il ne faut pas confondre l'alcoolisme avec l'ivrognerie, qui est la mauvaise habitude de boire pour le plaisir ou pour l'oubli qu'offre l'ivresse. Si l'alcoolisme est une maladie, l'ivrognerie est un péché. Il est vrai qu'en dehors de certaines prédispositions, l'alcoolisme est souvent une conséquence de l'ivrognerie.
Si bien que quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, un ivrogne qui arrête de boire et devient totalement abstinent, demeurera tout de même un alcoolique. Cela signifie que jusqu'à la fin de ses jours, il ne pourra plus toucher à la moindre goutte d'alcool; sinon cela déclencherait à nouveau son infernal besoin de boire. Et, à moins d'un miracle, cette faiblesse subsistera toujours, même si avec le temps, il arrive à mieux maîtriser son inclination. Certains, cependant, posant un acte de foi très fort ou bénéficiant d'une grâce toute particulière, connaissent le miracle, se trouvent complètement libérés, et peuvent recommencer à boire avec modération, sans déclencher à nouveau le cycle infernal. Mais au demeurant, il ne faudra jamais confondre un alcoolique abstinent avec un alcoolique délivré : le premier est encore alcoolique, le second ne l'est plus.
Oserais-je suggérer que le cheminement d'un homosexuel est parallèle à celui que je viens de décrire pour un alcoolique ?… Même si chacun garde ses spécificités.
À un premier niveau, l'homosexuel actif peut atteindre la maîtrise de sa sexualité… par un effort de sa volonté ou par un appel à la grâce de Dieu : les deux sont possibles et non exclusifs ! De ce point de vue, les homosexuels et les hétérosexuels sont confrontés à la même problématique.
Au second niveau, l'homosexuel, qu'il soit actif ou non, est sensé expérimenter la libération de ses penchants homophiles, et donc ne plus éprouver la moindre inclination préférentielle pour les personnes de même sexe. Ici, on peut envisager le secours d'une relation d'aide ou… d'un miracle ! Une fois encore, l'une n'exclut pas l'autre. Mais dans les faits, cette dernière éventualité demeure beaucoup plus aléatoire : je vais dire pourquoi.
Tout d'abord, il faut bien admettre que la recherche d'une libération de tout péché sexuel peut présenter la même acuité chez les hétérosexuels que chez les homosexuels, même si les péchés des premiers ont longtemps "bénéficié" d'une hypocrisie sociale qui s'est récemment mutée en "tolérance" générale. Et, risquant un jeu de mots facile, je suis tenté de dire qu'il est des tolérances aussi louches que les maisons de même nom. Car les hétérosexuels ont aussi leurs esclavages ou leur "addictions", pour employer un mot à la mode… La pornographie, le sado-masochisme, le fétichisme, les fantasmes et les perversions diverses appellent une libération qui relève également du miracle ou du traitement psychologique.
Pour un chrétien scrupuleux, ce qui compte c'est de plaire à Dieu et donc de ne plus l'attrister par ses fautes. Pour les péchés sexuels, comme pour tout autre péché, ce qui importe donc, c'est de ne plus en commettre ou du moins, de faire tout son possible pour ne plus en commettre… à commencer, par fuir la tentation et par éviter les occasions de chute. "C'est pourquoi, mes bien-aimés, fuyez l'idolâtrie." (1 Corinthiens 10:14) "Fuyez la débauche. Quelque autre péché qu'un homme commette, ce péché est hors du corps; mais celui qui se livre à la débauche pèche contre son propre corps." (1 Corinthiens 6:18)
D'autre part, si nous devons tout faire pour aider un frère ou une sœur qui livre ce combat, nous devons aussi éviter de condamner, ou même de faire la morale à qui que ce soit. Un encouragement édifiant – "Tu sais, je suis passé par-là, mais le Seigneur m'a pardonné et m'a aidé à en sortir !" – vaut mieux qu'un cours de morale faussement spirituel : "Tu sais que ce que tu fais là est condamné par la Bible ? C'est même une abomination… Si tu continues, Dieu t’enverra griller en enfer pendant toute l’éternité !"
Avant d'intervenir, nous devrions toujours nous poser cette question toute simple : "Est-ce que je vais parler pour aider mon frère ou ma sœur à en sortir, ou bien pour avoir la conscience tranquille à son égard ?" De ce point de vue, je trouve la fin de l'épître de Jacques particulièrement édifiante, par ses aspects pratiques, et tout spécialement encourageante, par les perspectives qu'elle ouvre devant les croyants. Je la soumets à votre méditation :
"Quelqu'un parmi vous est-il dans la souffrance ? Qu'il prie… Quelqu'un est-il dans la joie ? Qu'il chante des cantiques… Quelqu'un parmi vous est-il malade ? Qu'il appelle les anciens de l'Eglise, et que les anciens prient pour lui, en l'oignant d'huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera; et s'il a commis des péchés, il lui sera pardonné. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. La prière agissante du juste a une grande efficacité. […] Mes frères, si quelqu'un parmi vous s'est égaré loin de la vérité, et qu'un autre l'y ramène, qu'il sache que celui qui ramènera un pécheur de la voie où il s'était égaré sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés." (Jacques 5:13-20)
Le vocabulaire biblique… Entrer dans la tentation… Des pulsions coupables ?…
Jacques et Jésus : pas d'accord ?…
La plupart des croyants sont d'accord pour admettre la nécessité de maîtriser leurs pulsions sexuelles, et cela, en soumettant leur sexualité en même temps que toute leur vie à la conduite du Saint-Esprit. Cependant, quand elles sont illicites, ces pulsions sexuelles peuvent, en elles-mêmes, s'avérer une source d'inquiétude, et même d'angoisse, chez les croyants sensibles et scrupuleux. Leur interrogation pourrait alors se formuler de la façon suivante : En réponse à ces pulsions, où finit la tentation et où commence une convoitise, que Jésus présente comme coupable ? "Moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur." (Matthieu 5:28) Car, il faut bien l'admettre : il n'est pas toujours facile de fixer une frontière entre la tentation – qui n'est pas une faute en soi – et la convoitise, que Jésus présente comme coupable.
En français, tout d'abord, il peut être intéressant de constater que la "convoitise" et la "cupidité" dérivent d'une racine latine commune : "cupiditas" qui signifie le "désir"… Cupidon en est d'ailleurs la personnification, engendrant le désir et même la convoitise charnelle chez tous les humains qu'il atteint de ses flèches !
Dans l'Ancien Testament, la convoitise fait très clairement l'objet d'une interdiction dans le dernier des "dix commandements" : "Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain." (Exode 20:17) Le verbe hébreu employé ici est "khamad" qui signifie "désirer, convoiter, prendre plaisir en…" Il implique donc une sorte de jouissance anticipative ou fantasmagorique d'une chose qui ne nous appartient pas, qui ne peut nous appartenir légitimement, et qui nécessiterait que l'on s'en empare par des moyens illégitimes… L'exemple le plus probant demeure sans doute la passion coupable et meurtrière de David pour Bath-Schéba ! (2 Samuel 11)
Dans la phrase de Jésus rapportée ci-dessus par Matthieu, le verbe grec est "épithuméô" qui signifie "convoiter", certes, mais plus littéralement "être porté avec ardeur, avec passion, avec rage sur quelqu'un ou quelque chose"… C'est, par exemple, l'état d'excitation passionnée ou colérique de quelqu'un qui est enflammé par l'abus du vin. Le sens en est donc très fort et réservé à l'avidité de gens rongés par la faim ou animés d'un désir sexuel particulièrement violent. C'est aussi le mot grec qui, dans le Nouveau Testament, sert à traduire le dixième commandement.
Sans en faire un dogme, voici donc la différence que je vois entre la tentation et la convoitise. À mes yeux, la tentation implique une attitude plutôt passive de notre part, tandis que la convoitise impliquerait une attitude plutôt active. Autrement dit, nous ne choisissons pas la tentation : c'est une idée qui nous tombe dessus sans crier gare, en quelque sorte… Tandis que la convoitise, c'est une pensée que l'on retient, que l'on cultive avec complaisance et qui en engendre d'autres sur la façon de conduire la tentation à "bonne" fin… En un mot : la convoitise, c'est quand on "entre" dans la tentation. D'où le modèle de prière que Jésus nous a laissé dans le "Notre Père" (en Matthieu 6:13) : "Ne nous laisse pas entrer en tentation…" du moins, selon les meilleures versions. Car, bien que correcte d'un point de vue philologique, "Ne nous fais pas entrer en tentation…" m'apparaît comme une très mauvaise traduction, puisque "Dieu ne tente lui-même personne et qu'il ne peut être tenté par le mal." (Jacques 1:13a)
Rappelons que la "tentation", n'est pas un péché en soi. Le grec "peïrasmos" représente :
- d'abord, une "expérience", une chose difficile que quelqu'un essaye de réussir,
- ensuite, une "épreuve", une expérience qui montre la valeur de quelqu'un,
- et enfin une "tentation", une épreuve utilisée pour faire tomber quelqu'un… Jusqu'ici, il n'y a donc pas de péché.
Le plus souvent, d'ailleurs, les circonstances, les événements et les épreuves de la vie quotidienne ne sont pas des tentations pour le chrétien : elles demeurent simplement des difficultés à surmonter… et peuvent éventuellement démontrer notre foi en Dieu. Mais le diable peut aussi s'en servir pour essayer d'introduire le doute ou la révolte dans notre cœur. C'est ainsi que l'épreuve devient tentation, mais pas forcément péché. C'est pourquoi, dans le "Notre Père", Jésus poursuit en disant littéralement : "Garde-nous du mauvais !"… Le "mauvais" pouvant être un personnage : le "malin", ou un principe: le "mal"… D'où l'existence de deux traductions qui se rejoignent puisque, le malin incarnant le principe du mal, le "mauvais" peut être les deux à la fois !
Ceci confirme bien qu'il n'y a pas lieu de s'imaginer avoir péché chaque fois que l'on est tenté. Je l'ai dit, les chrétiens quelque peu sensibles ou scrupuleux tombent facilement dans cette sorte de dramatisation. Ils se torturent alors l'esprit à propos de pensées qu'ils se sont pourtant empressés de rejeter, mais qui leur laissent une impression de souillure intérieure. Cette proximité du "mauvais" demeure évidemment une souffrance pour tous ceux qui ont donné leur vie au Christ et qui sont soucieux de vivre par l'Esprit. Cependant, il n'y a pas lieu de s'en culpabiliser : pas plus les croyants homophiles que les autres chrétiens !
Il nous revient seulement de prier comme Jésus nous l'a appris: "Garde-moi du mauvais… Garde-moi du mal… Garde-moi du malin…" Il nous appartient également de nous placer au bénéfice de la prière que Jésus a formulée pour nous : " Père… Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole… Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mauvais (du mal, du malin)." (Jean 17:20,15) N'oublions jamais que l'une des nombreuses ruses du diable consiste à déstabiliser les croyants en leur faisant croire qu'ils ont péché quand ils n'ont pas péché… ou alors qu'ils n'ont pas péché quand ils ont réellement péché !
D'ailleurs, la surprotection n'a jamais été une bonne pédagogie : ce n'est pas en écartant toutes les difficultés du chemin de l'enfant qu'on lui apprend à les surmonter et qu'on en fait un adulte responsable. De même, et contrairement à l'idée que beaucoup de chrétiens se font, rien dans la Bible ne laisse entendre que la volonté de Dieu soit de nous épargner les épreuves de la vie. À ce propos, l'expérience de Pierre n'est pas sans nous rappeler celle de Job… "Le Seigneur dit, Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères." (Luc 22:31-32)
Si les épreuves de la vie ne sont pas épargnées au chrétien, il ne les affronte pas seul pour autant. Nous pouvons toujours compter sur la présence du Seigneur: "Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde." (Matthieu 28:20) Et nous ne sommes pas seulement assurés de sa présence au sein de ces épreuves, mais aussi de son soutien : "Qui accusera les élus de Dieu ? C'est Dieu qui justifie ! Qui les condamnera ? Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous ! Qui nous séparera de l'amour de Christ ?" (Romains 8:33-35)
Et si cet amour du Seigneur ne suffisait pas à nous rassurer, la justice de Dieu viendrait encore le conforter par cette assurance : "Aucune tentation (ou épreuve) ne vous est survenue qui n'ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés (ou éprouvés) au-delà de vos forces; mais avec la tentation (ou l'épreuve) il préparera aussi le moyen d'en sortir, afin que vous puissiez la supporter." (1 Corinthiens 10:13)
Si Dieu ne tente lui-même personne, il est donc clair qu'il permet l'épreuve de notre foi à des fins pédagogiques… Autant le savoir ! "Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l'épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son oeuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien." (Jacques 1:2-4) Il ne fait aucun doute que le chemin de notre sanctification inclut la maîtrise de notre sexualité… Et cela est vrai des hétérosexuels comme des homosexuels !
Une autre approche de la tentation est liée à ce que j'ai appelé nos "pulsions". Jacques en explique le processus dans la suite du passage cité plus haut. "Que personne, lorsqu'il est tenté, ne dise: C'est Dieu qui me tente ! Car chacun est tenté quand il est attiré et amorcé par sa propre convoitise. Puis la convoitise, lorsqu'elle a conçu, enfante le péché; et le péché, étant consommé, produit la mort." (Jacques 1:13b-15) L'apôtre nous rappelle d'abord que Dieu ne cherche jamais à nous faire tomber par quelque épreuve que ce soit. Ensuite, il insiste sur le fait que c'est la convoitise qui engendre la tentation. Contrairement à ce qui vient d'être dit ci-dessus, la convoitise serait donc première par rapport à la tentation.
Il semble, en effet, que l'on doive assimiler ce que Jacques appelle "la convoitise" à ce que j'ai moi-même appelé "nos pulsions illégitimes". Mais alors, les pulsions homophiles seraient déjà coupables en elles-mêmes, et le chrétien homophile demeurerait dans son péché tant qu'il n'est pas totalement débarrassé de ses inclinations particulières. Cette thèse ne contredirait pas seulement tout ce qui précède, mais en plus, elle placerait les chrétiens – homophiles ou non – devant une exigence complètement irréaliste. Car s'il est possible de maîtriser nos pulsions illégitimes, comment faire pour les empêcher d'exister ?… La seule solution serait de faire de la délivrance miraculeuse un passage obligé pour tous les croyants !
Si je me livre ici à cette dialectique quelque peu spécieuse, c'est parce que cette vision des choses est prônée dans certains milieux chrétiens. Or, si le miracle n'a pas lieu, cette théologie réductrice risque bien de conduire les chrétiens homophiles sur la voie du désespoir, plutôt que sur le chemin d'une heureuse relation avec leur Sauveur. En pratique, j'admets volontiers que le décodage de tous ces textes n'est pas évident… Il nous faut cependant aller jusqu'au bout de notre raisonnement, si nous voulons apporter une réponse biblique satisfaisante aux chrétiennes et aux chrétiens que j'ai présentés comme sensibles et scrupuleux. Car pour eux, qu'ils soient homophiles ou non, une question subsiste dans toute son acuité : "À partir de quel stade doit-on parler de convoitise et donc de péché sexuel ?"
Comme nous allons le voir, la contradiction que je viens de mettre en évidence – entre la convoitise "selon Jésus" et la convoitise "selon Jacques" – n'est qu'apparente… On s'en douterait un peu ! Elle s'explique par le fait que Jacques n'aborde pas les circonstances extérieures qui sont l'occasion de la tentation, mais bien le mécanisme interne qui en est la cause profonde. Comme on l'a vu, la tentation ne vient jamais de Dieu, mais seulement du "mauvais" : soit du "malin" qui nous tente de l'extérieur, soit du "mal" qui est en nous et nous tente de l'intérieur. Ce "mal" qui nous habite, c'est "LE" péché. C'est lui qui garde une emprise sur notre "chair", sur notre "vieil homme", sur cette partie de nous-mêmes qui n'est pas encore entièrement régénérée par l'Esprit Saint… qui porte encore les séquelles de notre passé sans Dieu… qui doit faire l'objet de notre sanctification…
Mais tant que cette restauration intérieure n'est pas terminée, le "mal" qui est en nous continue à fausser tous nos mécanismes internes. De là viennent tous ces dérapages – en actes, en paroles, en pensées – que la Bible appelle "LES" péchés… C'est ainsi que nos pulsions sexuelles – puisque c'est d'elles que nous parlons ici – conservent encore les stigmates du péché et peuvent nous encourager à prendre la voie de l'illégitimité, au lieu de demeurer fidèles à l'intention de Dieu. Ces pulsions risquent donc bien de nous faire pécher en actions, en paroles ou même en pensées… – Ces dernières étant les "convoitises" coupables, condamnées par Jésus en Matthieu 5:28. – Mais les pulsions sexuelles sont-elles déjà, et pour autant, des péchés en elles-mêmes ? Étant bien entendu que les pulsions homophiles ne sont qu'un exemple parmi d'autres pulsions illégitimes, sexuelles ou non…
Ma conviction est la suivante : comme je viens de le rappeler, nous parlons "DU" péché quand nous envisageons le mal qui est lié à notre nature charnelle, et nous parlons "DES" péchés quand nous faisons allusion aux fautes que nous commettons dans notre vie quotidienne. De la même façon, il nous faut distinguer la convoitise dont Jacques parle dans son épître, et qui me semble être une convoitise "structurelle" liée au péché qui est en nous. Alors que Jésus parle de convoitises "casuelles" qui font partie des péchés auxquels un croyant peut s'abandonner de façon occasionnelle. Dès lors, la contradiction que j'avais soulevée n'est qu'apparente – effectivement – et elle se résout d'elle-même : la convoitise "structurelle" engendre la tentation et, à son tour, la tentation engendre la convoitise "casuelle".
Autrement dit, et formulé de façon plus pédagogique :
1° Étant de nature convoiteuse – et "l'occasion faisant le larron" –
2° Si les circonstances y contribuent, je serai peut-être l'objet d'une tentation
3° Qui m'encouragera à convoiter activement l'objet de ma concupiscence…
Le premier stade est celui que j'ai qualifié de "pulsions illégitimes" et que Jacques appelle "la convoitise". Le deuxième stade est celui de "la tentation", qui, d'après Jacques est "amorcée" par notre nature convoiteuse. Le troisième stade est celui d'une "convoitise" active que Jésus condamne "déjà" comme un péché, et que Jacques assimile à "l'enfantement du péché". La Thèse que j'ai défendue tout au long de cet exposé se trouve donc confirmée ici :
1° Il est certain que notre nature pécheresse doit faire l'objet de constants efforts de sanctification. Toutefois, nos pulsions illégitimes n'en sont que les effets : conséquences regrettables certes, mais sans être des fautes en elles-mêmes.
2° Jésus ayant été éprouvé (ou tenté) comme nous en toutes choses, mais sans commettre de péché, il est clair que la tentation, quelle qu'elle soit, n'est pas le péché en soi…
3° Le péché commence clairement avec la convoitise active, c'est-à-dire avec le premier pas dans la mise en œuvre de la tentation. Car c'est bien cette forme de convoitise qui nous fait passer de la possibilité à la réalité de la faute ou, si l'on préfère, de sa potentialité à son actualité.
Bien que "épreuve" et "tentation" correspondent au même mot grec, je voudrais ouvrir une rapide parenthèse à propos des "tentations" dont Jésus a pu être l'objet. Si l'on admet que l'épreuve ne devient tentation que sous l'effet DU péché – parfois appelé "péché originel" – inhérent à notre nature, et si l'on se souvient que Jésus fut exempt DU péché, il serait – à mon sens – plus juste de parler d'épreuve plutôt que de tentation quand on parle de Jésus en français…
Cela dit, pour être certain d'être bien compris, j'aimerais me permettre une comparaison avec les trois étapes d'un phénomène écologique bien connu…
1° Le développement anarchique de l'industrie humaine est fondé sur l'utilisation forcenée d'énergies fossiles.
2° L'utilisation de cette énergie fossile dégage du gaz carbonique et quelques éléments toxiques dans l'atmosphère terrestre.
3° La présence excessive de gaz carbonique dans l'atmosphère crée un effet de serre entraînant le réchauffement de la planète.
En premier lieu, on reconnaîtra immédiatement l'existence du problème structurel qui, en matière industrielle comme en tout autre domaine, se situe au niveau de l'irresponsabilité humaine. En second lieu, la transformation des carburants fossiles en gaz carbonique et en éléments toxiques est une réaction chimique qui s'inscrit tout bonnement dans les lois de l'univers. Par contre, en troisième lieu, on ne peut nier le drame planétaire qu'engendre la non-maîtrise de l'ensemble de ces phénomènes.
Personne, évidemment, ne songe à condamner les lois de la nature qui veulent que la combustion d'un carburant produise du gaz carbonique et quelques éléments toxiques. On peut, éventuellement, envisager de filtrer ces derniers pour éviter les dégâts collatéraux. Mais il est clair que la solution au problème de l'effet de serre est structurelle et qu'elle doit obligatoirement passer par une révision fondamentale de nos choix énergétiques… De la même façon, nous pouvons agir sur nos pulsions sexuelles illégitimes pour limiter et, si possible, maîtriser les "dégâts collatéraux" qu'elles engendrent dans nos vies. Par contre, prétendre supprimer toutes nos pulsions naturelles n'a pas de sens quand elles sont légitimes, c'est-à-dire conformes aux lois – naturelles et spirituelles – établies par Dieu. Comme pour l'écologie planétaire, la solution du problème est "structurelle" : elle passe par la conversion et l'éradication du péché de nos cœurs… Ce qui, encore une fois, sera le fruit de toute une vie de sanctification et ne sera atteint qu'avec notre entrée dans l'éternité bienheureuse.
Une écharde dans la chair… Pas de triomphalisme déplacé…
Je sais : comparaison n'est pas raison ! La parabole écologique que je viens de proposer n'est que le reflet partiel d'une réalité où tout est possible par la grâce et la puissance de Dieu : l'une et l'autre étant sans limites ! Mais dans les faits, il faut bien admettre que la délivrance de toute pulsion sexuelle illégitime prend chez l'homosexuel une proportion que le croyant hétérosexuel aura toujours du mal à appréhender. De bien des façons, cette libération des penchants homophiles s'apparente à la guérison des maladies dites "incurables", que celles-ci soient physiques ou psychiques… Autrement dit, elle relève du miracle et donc de la souveraineté de Dieu aussi bien que de l'acte de foi du "malade". Aussi, la libération de toute inclination au péché n'étant jamais une assurance absolue, il leur faudra considérer l'abstinence comme une nécessité… du moins, l'abstinence de toute sexualité illicite !
Il n'est pas un croyant qui ne connaisse la tension intérieure que cette abstinence peut engendrer au fond de son être : tension qui peut être plus ou moins consciente, plus ou moins intense… et qu'il vit plus ou moins bien, plus ou moins mal… Cette tension présente au moins l'avantage de tenir le chrétien en état de veille permanente, et de le rendre attentif à la proximité de l'ennemi qui rôde toujours autour du troupeau du Seigneur. (Cf. 1 Pierre 5:8) Elle a aussi le mérite d'entretenir notre lucidité et notre humilité ou, si l'on préfère, de nous garder pleinement conscients des limites de notre nature humaine : nous évitant de croire qu'un chrétien pourrait ne plus être concerné par le problème du péché.
Paul, en tout cas, était conscient du danger et il a finalement accepté de se mettre à l'école de son Dieu. Dans un premier temps, cependant, il avait regimbé contre la pédagogie adoptée par le Seigneur… Et on peut le comprendre ! "Pour que je ne sois pas enflé d'orgueil, à cause de l'excellence de ces révélations, il m'a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter et m'empêcher de m'enorgueillir. Trois fois j'ai prié le Seigneur de l'éloigner de moi, et il m'a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi." (2 Corinthiens 12:7-8 cf. Actes 9:5)
Comme on le voit, toute guérison spirituelle concernant la maladie – qu'elle soit physique ou psychique – demeure une grâce autant qu'un acte de foi… Et si nous ne pouvons pas l'obtenir autrement que par la foi, elle n'est pas, pour autant, le salaire de notre foi. Cela renvoie dos à dos ceux qui disent que ce genre de miracles n'est plus pour notre époque et ceux qui affirment que l'absence de guérison est toujours due à un manque de foi.
Personnellement, la seule exception que j'y verrais concerne les guérisons associées à des possessions démoniaques : dans ce domaine, j'ai la conviction que la volonté du Seigneur ne souffre aucune exception quant à une totale délivrance. Mais il convient d'être prudent et de faire preuve de discernement, avant de proclamer que tel problème ou telle maladie est imputable à une possession satanique ! Il arrive cependant que ce soit le cas pour certains comportements sexuels incoercibles : ce qui peut être le cas des pratiques homosexuelles, mais pas seulement…
Encore une fois, il ne faut pas confondre les pratiques sexuelles illicites – qui demeurent des péchés à maîtriser – et les pulsions sexuelles illicites, qui sont liées à notre nature charnelle. Chez la plupart des chrétiens, ces pulsions continueront à se manifester indépendamment de leur volonté, et demeureront la source de diverses tentations pendant toute leur vie. Encore qu'il faille bien s'entendre à propos de ce que j'appelle des "pulsions sexuelles illicites". À mes yeux, les pulsions qui poussent un hétérosexuel à coucher avec la femme de son voisin, sont aussi "illicites" que celles qui pousseraient un homosexuel à séduire le voisin en question… Sans parler du viol conjugal, perpétré en toute bonne conscience par beaucoup de croyants légalistes !
On l'aura compris : dans la plupart des cas, cet affranchissement de toutes pulsions illégitimes relève d'une évolution radicale, quoique progressive, de notre nature profonde… transformation qui est elle-même le fruit de toute une vie de sanctification. D'une certaine façon, cette délivrance s'inscrit dans le prolongement du miracle qui a commencé avec la conversion du croyant à Jésus-Christ. Or, cette oeuvre que le Seigneur a commencée en nous par son Esprit, nous savons qu'il veut aussi la mener à bonne fin. "Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne oeuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ." (Philippiens 1:6) Sauf, exception, comme pour le cas de "l'écharde" que Paul avait conservée dans la chair, nous savons donc que notre guérison intérieure est dans le plan que Dieu nourrit pour l'ensemble de ses enfants !
En ce qui concerne la réforme de notre sexualité, cependant, il faut demeurer conscient du fait que les homosexuels doivent parcourir un chemin beaucoup plus long que la plupart des hétérosexuels. Car, si ces derniers sont le plus souvent amenés à amender les impulsions de leur sexualité, les premiers doivent passer par une véritable mutation pour inverser ce qui demeure leurs pulsions "naturelles". Certes il est facile d'affirmer que "Rien n'est impossible à Dieu !" (Matthieu 16:26) Ou encore : "Tout est possible à celui qui croit !" (Marc 9:23) Tout cela est vrai, bien sûr ! Mais ce que nous prenons un peu vite pour des paroles d'encouragement peut se transformer en gourdins redoutables si nous ne manions pas la Parole de Dieu avec amour et discernement.
"Les conseilleurs – fussent-ils chrétiens – n'étant pas les payeurs", ils feraient bien de s'abstenir de tout triomphalisme, et donc de ne pas garantir une totale délivrance de leurs penchants particuliers aux homosexuels ou aux homophiles qui se convertissent… Bien que le miracle ne soit pas exclu – le témoignage apporté dans la première partie de cette étude est là pour le confirmer – une telle promesse risque bien de s'avérer aussi inopportune qu'inconsidérée ! Tout en se voulant une attitude de foi, cette position n'exprime en effet qu'une folle présomption quant à la volonté de Dieu. Elle présente même le danger de multiplier les effets pervers en cas de non-délivrance :
- Soit elle ferait douter le chrétien, demeuré homophile, de son salut;
- Soit elle le culpabiliserait à propos de son "manque de foi" !
Il me semble donc beaucoup plus honnête de leur dire la vérité. Comme les alcooliques convertis, ils resteront sans doute homophiles toute leur vie; et ils devront demander à Dieu la grâce de vivre leur abstinence avec fidélité et sérénité… Cela signifie aussi qu'il faudra les regarder comme des convalescents, et non pas les accabler en cas de rechute, mais plutôt les entourer davantage de notre compréhension et de notre affection fraternelle. Comme pour les alcooliques, le miracle d'une totale guérison demeure tout à fait possible, mais ce n'est pas un droit acquis par la conversion. Et, comme – tout n'étant que grâce – le Seigneur ne doit pas ce miracle à notre foi, il restera toujours une faveur imméritée.
Aussi, celui qui, malgré sa foi, ne reçoit pas en partage la délivrance des pulsions illégitimes qui le tourmentent, devrait aussi prier pour comprendre le sens de son épreuve, et s'en trouver fortifié plutôt qu'affaibli. "Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l'épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son oeuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien." (Jacques 1:2-4)
Ma grâce te suffit… La tortue sur le dos… Des vases de miséricorde…
Un idéal est toujours hors de portée…
Nous touchons sans doute ici à l'un des mystères de la foi qui fait toute la grandeur de la vie chrétienne. Car enfin, comment admettre – du moins, à vues humaines – que "l'épreuve de notre foi" puisse "avoir pour résultat la louange, la gloire et l'honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra" ? (1 Pierre 1:7) L'apôtre Paul nous l'explique à travers sa propre expérience : témoignage qui, pour être personnel n'en est que plus touchant. En fait, ce récit poursuit ce qu'il nous a déjà dit plus haut à propos de l'écharde que le Seigneur lui avait laissée dans la chair… Certains pensent qu'elle consistait en une maladie chronique de la vue. Mais là n'est pas l'essentiel, puisque le principe reste valable pour n'importe quelle épreuve qu'un croyant peut rencontrer…
"Trois fois j'ai prié le Seigneur de l'éloigner de moi, et il m'a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ. Car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort." (2 Corinthiens 12:8-10) Ou bien Paul était atteint d'une grave déficience mentale… Ou alors il souffrait d'une perversion masochiste… Ou enfin, il avait découvert un nouveau paradoxe de la vie avec Dieu !
La première éventualité est peu probable, car la phrase qui suit montre que c'est en toute lucidité qu'il a donné une tournure provocante à sa profession de foi. "J'ai été un insensé : vous m'y avez contraint !" La deuxième éventualité est encore plus improbable chez quelqu'un qui insiste tellement – trois fois de suite – pour être débarrassé de son épreuve. La troisième éventualité, par contre, ouvre la perspective d'un principe spirituel qui mérite toute notre attention. Ce principe, on pourrait le formuler ainsi : Tant qu'un croyant compte sur lui-même pour se sortir d'une difficulté, le Seigneur le laisse se débrouiller… Mais quand il se tourne vers Dieu en confessant sa faiblesse et son incapacité, il s'ouvre à la grâce, il se place au bénéfice de la puissance divine et libère ainsi la bénédiction que Dieu tenait en réserve pour lui.
Autrement dit, nos faiblesses peuvent aussi bien être une source d'humiliations et de frustrations personnelles, qu'une occasion pour Dieu de nous bénir en manifestant sa force et son amour dans notre vie… Tout est une question de regard : charnel ou spirituel ! (Cf. 2 Corinthiens 5:7) À ce propos, j'ai la conviction qu'un chrétien homophile doit – comme tout autre, et peut-être plus que tout autre croyant – apprendre à se voir comme Dieu le voit et non comme les autres peuvent le voir. Car j'imagine très bien l'impression de profonde injustice qui peut l'habiter et, de façon subtile, inconsciente même, alimenter un sentiment de révolte envers son Créateur… Expérience d'autant plus dérangeante, que l'impression d'être victime se mêle à un sentiment de culpabilité diffuse.
"Malheur à celui qui conteste avec son créateur ! Vase parmi des vases de terre, l'argile dit-elle à celui qui la façonne : Que fais-tu? Ton oeuvre ne vaut rien !" (Ésaïe 45:9) Certes, nous savons tous que ce n'est pas le Seigneur qui a voulu qu'il ait des pulsions homophiles. Mais celles-ci sont imputables à des circonstances que le Seigneur a malgré tout permises… Aussi, je peux comprendre que les réflexions d'un croyant mal affermi dans sa foi puissent se teinter de révolte et alimenter l'amertume de son cœur… et ce, d'autant plus qu'il sent reposer sur lui la malédiction annoncée dans le passage ci-dessus.
La sensation d'être ainsi piégé dans une situation inextricable – un peu comme une tortue retournée sur le dos – ne doit pas être prise à la légère. Elle est porteuse des ingrédients d'une dépression potentielle et pourrait conduire à une issue fatale. Aussi, l'image de l'argile rétive entre les mains du potier ne peut se limiter à la perspective d'une malédiction. Celle-ci se trouve largement dépassée par l'annonce de la Bonne Nouvelle de l'Évangile de Jésus-Christ. Il est donc temps de la prolonger par une parole prophétique offrant la perspective d'un renouvellement spirituel radical.
"Je descendis dans la maison du potier, et voici, il travaillait sur un tour. Le vase qu'il faisait ne réussit pas, comme il arrive à l'argile dans la main du potier. Il en refit un autre vase, tel qu'il trouva bon de le faire. Et la parole de l'Eternel me fut adressée, en ces mots : Ne puis-je pas agir envers vous comme ce potier, maison d'Israël ? Dit l'Eternel. Voici, comme l'argile est dans la main du potier, ainsi vous êtes dans ma main, maison d'Israël !" (Jérémie 18:3-6) Quelle merveilleuse image de l'œuvre que le Seigneur accomplit dans chacun de ses enfants : homophile ou non ! Car la nouvelle naissance a déjà fait de nous des enfants de Dieu, même si cela ne se voit pas encore dans toute notre vie, même si cela ne se traduit pas encore dans tous nos actes, dans tous nos comportements.
Reprenant l'histoire de Jérémie à son compte, l'apôtre Paul illustre cette idée de nouvelle naissance en affirmant que les "vases de colère" que nous étions sont devenus des "vases de miséricorde" par la conversion. "O homme, toi plutôt, qui es-tu pour contester avec Dieu ? Le vase d'argile dira-t-il à celui qui l'a formé, Pourquoi m'as-tu fait ainsi ? Le potier n'est-il pas maître de l'argile, pour faire avec la même masse un vase d'honneur et un vase d'un usage vil ? Et que dire, si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère formés pour la perdition, et s'il a voulu faire connaître la richesse de sa gloire envers des vases de miséricorde qu'il a d'avance préparés pour la gloire ?" (Romain 9:20-23)
Or, s'il a plu au Seigneur de faire de nous des "vases de miséricorde", cela signifie que nous demeurons toujours des pécheurs, sinon, sa miséricorde n'aurait pas lieu de s'exercer. Aussi, que nous soyons des "vases d'honneur" ou des "vases d'un usage vil", l'essentiel est de nous savoir l'objet de la miséricorde divine. Cela est particulièrement important pour les chrétiens homophiles. Car Satan est particulièrement actif à l'encontre des enfants de Dieu. Aussi, comme pour les alcooliques, une "rechute" est toujours possible… Pas forcément probable, mais possible ! Il faut pouvoir vivre avec cette éventualité sans la dramatiser si l'occurrence s'en présentait.
C'est toujours dommage quand cela arrive, mais il faut savoir que ce qui compte, c'est de ne pas se décourager et de compter sur la miséricorde du Seigneur, car "là où le péché a abondé, la grâce a surabondé !" (Romains 5:20) "Que dirons-nous donc ? Demeurerions-nous dans le péché, afin que la grâce abonde ?" (Romains 6:1) Certes non ! S'il nous appartient d'user avec foi de la miséricorde du Seigneur, il n'est pas question d'en abuser outrageusement. Quand Jésus dit : "Je ne te condamne pas non plus…" il ajoute aussitôt : "Va, et ne pèche plus !" (Jean 8:11)
Hélas ! Malgré notre bonne volonté, nous connaissons tous ces rechutes à répétitions qui font notre désespoir… homosexuels ou non! Nous avons tous ces points faibles dont Satan s'amuse pour mieux nous paralyser : aussi bien dans notre sanctification que dans notre consécration pour Dieu. Et il s'en sert particulièrement pour nous faire douter du pardon de notre Sauveur, ou encore, de la patience, de l'indulgence et de la longanimité de notre Seigneur. Pourtant, cela ne fait aucun doute : Celui qui a recommandé à ses disciples de pardonner "non pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois", est à coup sûr capable d'user de la même miséricorde à notre égard… (Matthieu 18:22)
D'ailleurs, Jésus n'a-t-il pas ajouté : "Si ton frère a péché contre toi sept fois dans un jour, et que sept fois il revienne à toi en disant : Je me repens ! Tu lui pardonneras." (Luc 17:4) Étant les frères et les sœurs du Seigneur, voilà donc bien un point sur lequel nous n'avons pas d'inquiétudes à avoir… "Ce qu'on y ajoute vient du malin…" serais-je tenté d'ajouter ! (Matthieu 5:37)
Malgré tout, je sais que certains croyants particulièrement sensibles et scrupuleux – pour garder mon expression – s'inquiètent encore chaque fois qu'ils pèchent, car ils s'imaginent avoir "péché contre le Saint-Esprit" et donc avoir perdu leur salut. J'ai déjà abordé ce sujet controversé, pour résumer une conviction dont je suis prêt à rendre compte "Bible en main"… Cette assurance, la voici : Quelqu'un qui a perdu son salut n'est pas attristé par le mal qu'il fait, car l'Esprit Saint ne parle plus à sa conscience. Par contre le croyant qui n'a pas perdu son salut est profondément attristé chaque fois qu'il pèche, et donc, chaque fois qu'il attriste le Saint-Esprit : ce qui prouve bien que son esprit est toujours en communion avec l'Esprit du Seigneur… (Cf. Ephésiens 4:30)
Homophiles ou non, nous avons tous des temps de faiblesses, des passages à vide, des moments d'aberration, des périodes "où l'on pète les plombs" comme disent nos jeunes… Tout cela n'atténue en rien les exigences de notre sanctification, mais nous rappelle qu'à cet égard, nous sommes encore et toujours dans cette situation paradoxale du déjà et du pas encore. Ne l'oublions pas : notre sanctification appartient à un idéal de vie qui, comme tout idéal, restera toujours hors de portée si nous l'appréhendons dans sa valeur absolue. Si bien que le Seigneur ne nous reprochera jamais de ne l'avoir point encore atteint en cette vie. Par contre, il serait en droit de nous reprendre sévèrement si nous venions à y renoncer, à ne plus rien faire pour nous en approcher chaque jour un peu plus… Et s'il nous arrive de trébucher, de tomber, ou même de reculer, son Esprit Saint est là pour nous relever, nous consoler, nous encourager à reprendre la route.
Lorsqu'ils traversent ainsi une période d'épreuve ou de tentation, il n'est donc pas étonnant d'entendre certains croyants parler de l'inconfort de leur situation comme des souffrances d'un pénible accouchement. L'apôtre Paul a connu des moments semblables… Aussi, il préférait regarder en avant plutôt qu'en arrière, et fixer les yeux sur le Seigneur plutôt que sur lui-même.
"J'estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise, avec l'espérance qu'elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu'à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement. Et ce n'est pas elle seulement mais nous aussi, qui avons les prémices de l'Esprit, nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l'adoption, la rédemption de notre corps. Car c'est en espérance que nous sommes sauvés. Or, l'espérance qu'on voit n'est plus espérance, ce qu'on voit, peut-on l'espérer encore ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance.
De même aussi l'Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu'il convient de demander dans nos prières. Mais l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables; et celui qui sonde les cœurs connaît la pensée de l'Esprit, parce que c'est selon Dieu qu'il intercède en faveur des saints. Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. Car ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l'image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né de plusieurs frères. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.
Que dirons-nous donc à l'égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ? Qui accusera les élus de Dieu ? C'est Dieu qui justifie ! Qui les condamnera ? Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous ! Qui nous séparera de l'amour de Christ ? […] Mais dans toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur." (Romains 8:18-39, extraits)
La plus grande preuve de cet amour du Seigneur pour nous c'est que – bien qu'il sache parfaitement de quelle argile nous sommes pétris – il a pris le parti, un peu fou, il faut bien le dire, de nous faire confiance… Si bien que même "si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même." (2 Timothée 2:13) Or, si lui nous fait confiance, nous n'avons plus le droit de douter de nous-mêmes : non pas à cause de notre valeur propre, bien sûr, mais à cause de sa présence et de son œuvre en nous. "Le Seigneur est fidèle, il vous affermira et vous préservera du malin. Nous avons à votre égard cette confiance dans le Seigneur que vous faites et que vous ferez les choses que nous recommandons. Que le Seigneur dirige vos cœurs vers l'amour de Dieu et vers la patience de Christ !" (2 Thessaloniciens 3:3-5) Vers celui qui nous a dit : "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble point, et ne s'alarme point." (Jean 14:27)
6
Pas de double vie… Une perspective d'amour ET de fidélité… À tout péché miséricorde… Aimer comme nous avons été aimés… La discipline vise à protéger l'Église et à consoler les "coupables"… Porter les fardeaux les uns des autres…
Mon vœu le plus cher, c'est que toutes celles, tous ceux qui me liront – homosexuels ou non – découvrent cette paix que Jésus seul peut apporter dans leur vie … Je ne dis pas "dans leur vie spirituelle", car je déteste cette expression. Elle laisse sous-entendre qu'il existe une autre vie… sexuelle peut-être ! Et cela encourage les croyants à mener une double vie : l'une pour Dieu, l'autre pour eux-mêmes; l'une où il faut jouer au bon chrétien, l'autre où l'on fait ce que l'on a envie… Non ! J'ai la conviction, au contraire, que nous n'avons qu'une seule vie à mener et, qu'au fur et à mesure de nos progrès spirituels, nous la soumettons chaque jour un peu plus au regard de Dieu. Autrement dit, notre vie chrétienne est appelée à devenir de plus en plus spirituelle… quel que soit le domaine concerné ! On peut donc prier ou lire sa Bible de façon charnelle ou spirituelle, comme on peut faire l'amour de façon charnelle ou spirituelle ! Tout est dans l'authenticité de notre amour pour Dieu – ou pour notre conjoint – et dans notre souci de conformité à la pensée du Seigneur, telle qu'elle nous est révélée dans sa Parole.
Notre sexualité est donc appelée à s'inscrire dans cette double perspective d'amour et de fidélité… Fidélité à la Parole du Seigneur, qui est l'expression concrète de notre amour pour lui : "Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui qui m'aime; et celui qui m'aime sera aimé de mon Père, je l'aimerai, et je me ferai connaître à lui." (Jean 14:21) Cette fidélité implique l'acceptation d'un prix parfois très lourd à payer. Je connais plusieurs jeunes filles – aussi bien catholiques que protestantes – qui ont renoncé à épouser le garçon qu'elles aimaient, parce qu'elles ne pouvaient envisager de s'engager avec quelqu'un qui ne partageait pas leur foi. Certains jeunes gens prennent la même décision… Mais avec les années qui passent, les jeunes femmes voient aussi s'estomper l'espoir d'une maternité et, pour beaucoup, ce second renoncement est encore plus difficile à accepter que le premier.
En rappelant cela, on aura compris mon intention d'établir un parallèle avec le renoncement auquel les chrétiens homosexuels sont confrontés. Car si je ne veux pas minimiser le sacrifice auquel beaucoup consentent par fidélité au Seigneur, je ne voudrais pas non plus qu'ils se croient des martyrs de la foi. "Paul et Barnabas fortifiaient l'esprit des disciples, les exhortant à persévérer dans la foi, et disant que c'est par beaucoup de tribulations qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu." (Actes 14:22) Que ce soit dans le domaine sexuel ou dans un autre, nous sommes tous confrontés à des renoncements qui nous paraissent autant de "petites morts". Ces renoncements volontaires sont le prix à payer pour assumer notre vocation céleste en Jésus-Christ. "Ce n'est pas que j'aie déjà remporté le prix, ou que j'aie déjà atteint la perfection; mais je cours, pour tâcher de le saisir, puisque moi aussi j'ai été saisi par Jésus-Christ. Frères, je ne pense pas l'avoir saisi; mais je fais une chose, oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ." (Philippiens 3:12-14)
Cette acceptation volontaire, Jésus en a aussi connu le prix à Gethsémani. Tout comme nous, il a dû affronter la résistance de sa chair avant d'abdiquer en disant : "Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne." (Luc 22:42) Cette acceptation volontaire du prix de notre vocation n'a donc rien à voir avec l'acceptation de circonstances qui nous échappent et que l'on subit avec fatalisme. Cette entrée soumise, mais consciente et volontaire, dans le dessein de Dieu pour notre vie, Jésus l'appelle "se charger de sa croix" : "Jésus dit à ses disciples : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera." (Matthieu 16:24-25)
Toutes les chrétiennes, tous les chrétiens – homosexuels ou non – ne tiennent pas toujours le coup. Certains craquent sexuellement : ils doivent savoir que le Seigneur est là pour les relever, pas pour les enfoncer. "Si quelqu'un entend mes paroles et ne les garde point, ce n'est pas moi qui le juge; car je suis venu non pour juger le monde, mais pour sauver le monde." (Jean 12:47) L'essentiel est de poursuivre sa route avec courage, malgré les chutes, malgré les faux pas… "Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, j'ai vaincu le monde." (Jean 16:33)
D'autres se marient avec un conjoint non-croyant; et peut-être est-ce un moindre mal : "S'ils manquent de maîtrise d'eux-mêmes qu'ils se marient; car il vaut mieux se marier que de brûler." (1 Corinthiens 7:9) Mais cette possibilité, propre aux hétérosexuels, n'est pas pour autant un privilège que les homosexuels doivent envier, car: "Si tu t'es marié, tu n'as point péché; et si la vierge s'est mariée, elle n'a point péché; mais ces personnes auront des tribulations dans la chair, et je voudrais vous les épargner." (1 Corinthiens 7:28) Tant et si bien que les difficultés rencontrées par les homosexuels chrétiens peuvent être relativisées quand on les replace dans l'ensemble de la Révélation biblique.
C'est, en toute humilité, ce que je me suis efforcé de faire tout au long de ces pages. Mais pour en juger, chacun imitera avec profit les Juifs de la synagogue de Bérée "qui examinaient chaque jour les Ecritures, pour voir si ce qu'on leur disait était exact." (Actes 17:11) Aussi, j'aimerais faire miennes les paroles de l'apôtre Paul aux chrétiens de Thessalonique, et les adresser à tous les homophiles chrétiens en guise de conclusion…
"C'est pourquoi je rends continuellement grâces à Dieu de ce qu'en recevant la parole de Dieu que je vous ai fait entendre, vous l'avez reçue, non comme la parole d'un homme, mais comme ce qu'elle est véritablement : la parole de Dieu, qui agit en vous qui croyez." (1 Thessaloniciens 2:13)
"Quant à moi, frères bien-aimés du Seigneur, je dois continuellement rendre grâces à Dieu à votre sujet, car Dieu vous a choisis dès le commencement pour le salut, par la sanctification de l'Esprit et par la foi en la vérité. C'est à cela aussi qu'il vous a appelés par l'Evangile, pour que vous possédiez la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi donc, frères, demeurez fermes, et retenez les instructions que vous avez reçues, soit par mes paroles, soit par ma lettre. Que notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et Dieu notre Père, qui nous a aimés, et qui nous a donné par sa grâce une consolation éternelle et une bonne espérance, consolent vos cœurs, et vous affermissent en toute bonne oeuvre et en toute bonne parole ! Au reste, frères, priez pour moi, afin que la parole du Seigneur se répande et soit glorifiée comme elle l'est chez vous, afin d'être délivré des hommes méchants et pervers; car tous n'ont pas la foi. Mais le Seigneur est fidèle, il vous affermira et vous préservera du malin. J'ai à votre égard cette confiance dans le Seigneur que vous faites et que vous ferez les choses que je recommande. Que le Seigneur dirige vos cœurs vers l'amour de Dieu et vers la patience du Christ !" (2 Thessaloniciens 2:13-3:5)
M'adressant maintenant à tous les membres de nos communautés, j'aimerais faire remarquer que dans cette longue citation de l'apôtre Paul, je crois discerner le reflet du "pari d'amour" consenti par le Seigneur à l'égard de chacun d'entre nous. Amour fou, amour irréaliste, amour irraisonnable, amour qui consiste à faire confiance aux pécheurs invétérés que nous étions et que nous sommes encore… Et, s'il lui a plu de faire confiance à nos frères et à nos sœurs comme à nous-mêmes, nous n'avons pas le droit de nous montrer plus méfiants que lui à l'égard de ceux et celles qui nous paraîtraient suspects du seul fait de leur homosexualité. Je l'ai dit, l'homosexualité est un péché comme un autre et doit être traité comme tel, quelle que soit la répulsion viscérale qu'elle peut susciter chez certains d'entre nous.
L'homophilie, pour sa part, n'est pas plus condamnable que toutes les autres tentations sexuelles : tant que celles-ci ne se concrétisent pas, nous n'avons pas à faire de différence entre un frère ou une sœur homophile et les autres chrétiens de l'assemblée. Tous les ministères leurs sont donc ouverts, au même titre qu'aux autres croyants, en tenant simplement compte de leur particularité, afin d'éviter de les placer dans des situations susceptibles de se transformer en chausse-trapes sous leurs pieds.
En clair, et pour prendre un exemple concret : quand une femme seule et en manque d'affection exprime son désir ou son besoin d'un suivi spirituel, j'ai toujours préféré confier cette "relation d'aide" – ce qu'on appelait jadis la "cure d'âme" – à mon épouse ou à une sœur compétente, afin d'éviter toute ambiguïté relationnelle entre elle et moi… Mais j'éviterais toutefois de l'abandonner aux soins d'une sœur que je saurais avoir des pulsions lesbiennes, afin de ne pas "induire" cette dernière "en tentation".
Quant aux personnes homosexuelles actives qui viennent dans nos communautés, elles me paraissent devoir être l'objet du même traitement que toutes celles qui nous arrivent dans une situation "conjugale" irrégulière. En général, dans nos assemblées, il existe un consensus pour accueillir ces personnes de façon amicale et conviviale; mais tant que leur situation n'est pas "régularisée", la prudence veut que l'on garde une certaine réserve vis-à-vis de leur engagement dans l'une ou l'autre activité d'église… Non par méfiance à leur égard – ils ne sont pas pires que les autres – mais pour ne pas prêter le flanc à la critique du monde extérieur.
Le plus souvent, il s'agit de personnes en instance de divorce ou qui vivent en concubinage… Mais il faudra sans doute nous habituer à y ajouter les homosexuels actifs et, comme pour les autres, leur demander de s'abstenir du baptême, de la cène et de toute responsabilité spirituelle dans l'église, tant qu'ils n'auront pas aligné leurs choix de vie sur les principes de la Parole de Dieu.
Pour rester justes, il nous faut cependant admettre que les exigences d'une "régularisation" seront toujours plus douloureuses pour un couple d'homosexuels que pour un couple d'hétérosexuels. Pour les premiers, il n'y a pas d'autre alternative que la séparation et le renoncement définitif; alors que pour les seconds, quelle que soit leur situation, il y a toujours l'espoir de pouvoir se marier un jour… sauf, peut-être, pour les chrétiens séparés. – Cela dépend de l’interprétation que chacun donnera à 1 Corinthiens 7:11. –
En ce qui concerne l’éventualité – qui se présentera un jour ou l’autre – d’un couple homosexuel avec enfants, je ne puis qu’appréhender les implications d'une "régularisation" qui se traduirait par une séparation définitive. Le "remède" risquant de s’avérer pire que le "mal", sera-t-elle vraiment souhaitable pour les enfants ? J'avoue ne pas avoir de réponse… Faire "chambre à part" est un choix auquel consentent spontanément certains concubins qui se convertissent, en attendant de se marier en bonnes et dues formes. Mais peut-on raisonnablement envisager – et encore moins exiger – de faire de cette option une solution définitive ?
De toute manière, dans un cas comme dans l'autre, il me paraît important de ne pas faire de cette exigence de "régularisation" une priorité immédiate et absolue. Le plus important sera toujours de les conduire à la croix, afin qu'ils y reçoivent le Saint-Esprit en même temps que le pardon de leur fautes. Si leur conversion est sincère, il n'y aura généralement pas besoin de leur montrer la nécessité de régulariser leur situation : le Saint-Esprit s'en chargera… "Quand le Consolateur – l'Esprit de vérité – sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement." (Jean 16:8) Mais les responsables devront être prêts à répondre à leurs interrogations avec autant de tact et d'amour que de fidélité à la Parole. Il leur faudra peut-être stimuler ce questionnement s'il ne venait pas de lui-même. Mais ici encore, "il ne faut jamais confondre vitesse et précipitation" : à vouloir aller plus vite que le Seigneur, on risque d'entraver l'œuvre du Saint-Esprit plutôt que d'y contribuer.
Que ce soit chez les homophiles ou les homosexuels actifs, un risque de chute ou de rechute existe… exactement comme pour les hétérosexuels ! Il n'y a pas plus de raison d'ignorer que de dramatiser ces accidents de parcours : ils appellent simplement les réactions d'amour et de fermeté qui sont d'usage dans nos communautés en pareilles circonstances. L'attitude habituelle consiste à demander à ces personnes – si elle ne le font pas d'elles-mêmes – de s'abstenir de la cène tant que la faute perdure, et de se soumettre à un temps de probation avant de reprendre leurs activités éventuelles au sein de l'église. Cela est valable pour les pasteurs et les anciens, comme pour les "simples" membres de la communauté; mais cette période probatoire devrait être d'autant plus longue que la responsabilité est importante, car le potentiel de confiance à reconquérir est souvent proportionnel à cette dernière.
Rappelons que l'exercice de la discipline n'a pas pour but de "punir le coupable" : nous n'avons, en aucun cas, le droit de nous substituer à Dieu. L'objectif de la discipline devrait être de nous désolidariser de la faute, pas de la personne qui l'a commise et qu'il faut plutôt encourager à s'amender. "Si quelqu'un a été une cause de tristesse […] vous devez bien plutôt lui pardonner et le consoler, de peur qu'il ne soit accablé par une tristesse excessive. Je vous exhorte donc à faire acte de charité envers lui." (2 Corinthiens 2:5-8, extraits)
Par contre, si cette personne persiste dans une conduite particulièrement scandaleuse, il arrive que l'on doive lui demander de quitter l'assemblée où elle jette le trouble. Mais cette mesure est réservée à des situations vraiment exceptionnelles. "On entend dire généralement qu'il y a parmi vous de la débauche, et une débauche telle qu'elle ne se rencontre même pas chez les païens; c'est au point que l'un de vous a la femme de son père. Et vous êtes enflés d'orgueil ! Et vous n'avez pas été plutôt dans l'affliction, afin que celui qui a commis cet acte soit ôté du milieu de vous!" (1 Corinthiens 5:1-2)
En fait, quand ils demandent à un frère ou une sœur de s'abstenir de la cène et de suspendre leurs activités "officielles" – s'ils ne l'ont pas déjà fait spontanément – les responsables de l'église prennent publiquement position contre un péché que la Bible condamne… S'ils ne le faisaient pas, l'église aurait l'air de souscrire à la faute commise, ou du moins, d'y apporter son approbation tacite. Ce contre-témoignage la mettrait alors en situation d'être jugée par le monde extérieur.
Quand on parle avec ceux de nos contemporains qui ne veulent plus entendre parler de religion, on découvre d'ailleurs que cette absence de discipline interne demeure l'une des principales causes de scandale. Qui, en effet, n'a jamais entendu ce genre de discours : "Je crois en Dieu et je le prie à ma façon; mais après ce que j'ai vu dans mon église, il ne faut plus me parler de religion !" Cette discipline interne, hélas ! est difficile à exercer si l'église ne dispose pas d'un collège d'anciens compétents et dignes de confiance. "Si donc vous avez des différends pour les choses de cette vie, ce sont des gens dont l'Eglise ne fait aucun cas que vous prenez pour juges ? Je le dis à votre honte. Ainsi il n'y a parmi vous pas un seul homme sage qui puisse prononcer un jugement entre ses frères." (1 Corinthiens 6:4-5)
Un bon principe est de justifier la décision de mise en discipline au niveau où la faute a été commise. Si elle s'est faite avec discrétion, il suffit que les responsables en parlent en privé avec la personne qui l'a commise. Si elle est déjà sur la place publique, les responsables devront en rendre compte devant l'assemblée. Mais rien ne me paraît plus détestable que la pratique de certaines communautés où l'on traîne les "coupables" devant l'assemblée réunie en tribunal populaire pour les contraindre à s'humilier publiquement.
La décision d'une mise en discipline est du seul ressort des anciens de l'église, et ceux-ci sont tenus à un devoir de réserve quand la faute n'est connue que d'eux seuls. S'il s'avère nécessaire que les anciens fassent part de leur décision à la communauté, ils n'ont pas pour autant l'obligation d'en publier les raisons… L'assemblée qui manifesterait une telle exigence ferait preuve de curiosité malsaine, ou d'un manque de confiance évident envers ses anciens et la responsabilité spirituelle dont le Seigneur les a investis. N'oublions jamais que c'est Jésus-Christ qui est le chef de l'Église : celle-ci n'est pas une démocratie où la majorité a raison.
Or une mise en discipline implique l'examen d'éléments confidentiels qui n'ont pas à être jetés en pâture à la curiosité publique : c'est une question de déontologie pastorale ! Si nous étions à la place de la personne tombée dans le péché, nous serions les premiers à nous montrer heureux d'une telle discrétion. "Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c'est la loi et les prophètes." (Matthieu 7:12) "Avant tout, ayez les uns pour les autres un ardent amour, car L'amour couvre une multitude de péchés." (1 Pierre 4:8)
Quoi qu'il en soit, nous devrions toujours nous souvenir qu'aux yeux du Seigneur, il n'y a pas de petits ou de grands pécheurs. Nous sommes tous également indignes de la gloire céleste, car notre robe est souillée dès lors qu'elle n'est pas "lavée et blanchie dans le sang de l'agneau"… que les taches soient grandes ou petites, rares ou nombreuses. (Apocalypse 7:14) Aussi, la nécessité d'exercer une discipline dans nos assemblées est uniquement motivée par le côté "public" de certains péchés, surtout quand ils risquent de compromettre le témoignage de l'église tout entière. De ce nombre sont les différents écarts sexuels que les croyants peuvent commettre – dont les pratiques homosexuelles, bien sûr – mais ils ne sont pas les seuls. L'ivrognerie, les drogues et les violences conjugales sont aussi très fréquentes – même si l'on en parle moins – et tout aussi déplorables au niveau du témoignage… surtout quand elles sont le fait de l'un ou l'autre responsable d'église !
Je ne voudrais donc pas terminer sans rappeler, une fois encore, le devoir d'amour qui est le nôtre envers tous ceux et toutes celles qui nous entourent, en particulier envers nos frères et sœurs dans l'église. "Si quelqu'un n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ?" (1 Jean 4:20)
Puissions-nous toujours nous rappeler le récit de la femme surprise en flagrant délit d'adultère et qui, selon la loi de Moïse, aurait dû être lapidée. (Jean 8:3-11) Mais Jésus avait, par avance, dénoncé toute tentative de propre-justice, toute tentation d'hypocrisie en matière de sexualité : "Moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur." (Matthieu 5:28) Si bien que pas un seul pharisien n'a osé jeter la première pierre à la femme qu'ils accusaient… Serions-nous plus "justes" qu'eux, qui se sont tous retirés les uns après les autres ? Serions-nous plus "saints" que Jésus qui ne l'a pas condamnée non plus ?
Nous sommes appelés à "porter les fardeaux les uns des autres" : nous le savons bien ! Mais il nous arrive d'oublier le contexte de cette belle exhortation : "Frères, si un homme vient à être surpris en faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté. Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Christ. Si quelqu'un pense être quelque chose, quoiqu'il ne soit rien, il s'abuse lui-même. Que chacun examine ses propres oeuvres, et alors il aura sujet de se glorifier pour lui seul, et non par rapport à autrui." (Galates 6:1-4)
Nos sœurs et nos frères homophiles me paraissent devoir être d'autant plus l'objet de notre affection que leur fardeau est lourd à porter. En affirmant que "le Seigneur aime aussi les homosexuels", je partage la conviction que c'est à travers nous que son amour doit leur parvenir.
À Lui seul soit la gloire !